C’est vraiment une nouveauté. Depuis qu’elle existe, la France n’avait jamais ressenti le besoin d’une institution spéciale pour l’assurer de son identité. On mesure la portée de la révolution opérée par Monsieur Sarkozy avec la proposition d’un « Ministère de l’immigration et de l’identité nationale ».

Si l’on comprend bien, immigration et identité nationale seraient certes liées, et pourtant différentes. Le contrôle de conformité des individus à l’identité ne s’adresserait pas seulement aux immigrés ou aux candidats à l’immigration qui auraient à affronter un parcours de plus en plus périlleux, au point de devoir acquérir des connaissances que notre éducation nationale, malgré ses efforts courageux, ne parvient pas toujours – hélas – à obtenir des jeunes Français.

Mais il faut bien voir que le simple fait de distinguer « immigration » et « identité nationale » donne à entendre que les deux champs ne coïncident pas et que le premier n’est peut-être qu’une partie du second. Autrement dit, l’épreuve de l’identité nationale, c’est aussi à chacun d’entre nous que le projet sarkozyste pourrait bien vouloir l’imposer. Après tout, nous dira-t-on, est-on certain que tous nos concitoyens sont aussi attachés à notre pays qu’ils devraient l’être ? C’est ainsi qu’il faudra peut-être en venir à introduire l’idée de degrés d’appartenance à « l’identité nationale ». Bonne chance aux Français d’outre-mer, aux citoyens récemment naturalisés, aux étrangers résidents !

Entre la vision activiste de la nation comme « plébiscite de tous les jours » et la vision conservatrice de la nation comme héritage à préserver, il n’y a pas à choisir. L’identité nationale ne cesse de se construire et de se reconstruire en s’enrichissant de tous les apports. Comme le mouvement se prouve en marchant, elle se prouve au fil du temps, par la volonté de reconnaître les antagonismes, d’intégrer les différences, de promouvoir et d’élargir les droits. Vouloir l’administrer, c’est vouloir la limiter et l’instrumentaliser, la mettre au service d’un intérêt qui n’est pas, qui ne peut pas être l’intérêt de la nation.

BG.