Dans Le Monde http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-823448,36-884372@51-884429,0.html

Anne Muxel, vous êtes directrice de recherches au Centre d’étude de la vie politique française (Cevipof). Les jeunes de 18 à 25 ans sont-ils des électeurs comme les autres ?

Ils présentent deux particularités. Ils votent un peu plus à gauche, notamment pour le PS : dans nos enquêtes, Ségolène Royal garde toujours une avance importante sur Nicolas Sarkozy et, plus encore, sur François Bayrou. Ensuite, ils restent un peu plus abstentionnistes. Comme pour les autres générations, on sent chez eux un intérêt très fort pour cette campagne. Cette politisation accrue s’explique par une compétition électorale serrée, des traces du choc de 2002 avec le résultat de Jean-Marie Le Pen, le prolongement, aussi, de leurs mobilisations contre le CPE ou de la crise des banlieues de 2005. Mais, comme pour le reste de la population, il faut souligner le paradoxe de citoyens qui se disent très intéressés et qui expriment, dans le même temps, une profonde défiance vis-à-vis du système politique.

Entre les jeunes électeurs, une coupure importante demeure, essentiellement en fonction du diplôme. La jeunesse scolarisée se situe plutôt à gauche, sans voter pour les extrêmes, et apparaît assez participationniste, qu’il s’agisse de se rendre aux urnes ou de participer à une manifestation.

Les jeunes non scolarisés ont pris de plein fouet les difficultés d’insertion professionnelle. Ils votent moins et de manière différente : en 2002, une partie significative s’est reconnue dans les thèses de Jean-Marie Le Pen. Pour le premier tour de 2002, MM. Jospin, Chirac et Le Pen avaient obtenu le même score chez les 18-30 ans (13 %) mais le candidat du FN avait recueilli 39 % dans la partie des jeunes non scolarisés. Pour 2007, c’est Nicolas Sarkozy qui fédère un nombre important de leurs intentions de vote.

Les trois millions de nouveaux électeurs, les 18-21 ans, apparaissent mobilisés de la même façon. Mme Royal y obtient des scores nettement supérieurs à ses concurrents : dans la quatrième vague d’enquête du Cevipof, en février, elle recueille 12 points de plus que M. Sarkozy et 28 de plus que M. Bayrou. Les jeunes filles plébiscitent Mme Royal avec 44 % d’intentions de vote.

Propos recueillis par Luc Bronner