La Libye des Mirage aux Rafale
Créé par sr07 le 27 juil 2007 à 4:29 | Dans : Monde arabe, Proche et Moyen-Orient
Grâce à la libération des infirmières bulgares, la Libye redevient un partenaire économique fréquentable.
Par François Burgat, Politologue sur le monde arabe contemporain
QUOTIDIEN LIBERATION: jeudi 26 juillet 2007
Les enjeux de la libération des infirmières bulgares et de leur collègue palestinien étaient de deux ordres. Le plus visible relevait bien sûr du «coup politique» ; le second, à plus long terme, était d’ordre économique. Au soir de son élection Nicolas Sarkozy avait dit sa préoccupation humaniste pour toutes ces femmes «martyrisées» de par le monde. musulman.
Dans cette catégorie, il avait englobé ces infirmières que, par erreur, il avait qualifiées de libyennes et proposé de recueillir à Paris. Elles étaient bulgares et sont donc rentrées plus logiquement chez elles, à Sofia. Mais elles l’ont fait dans un avion français et en compagnie de Cécilia Sarkozy. Ceux que cela agace rangeront l’épisode au rayon du «coup d’éclat permanent». En France, il ne fait pas de doute pourtant qu’un tel mirage en a séduit plus d’un. En Europe, la récolte sera sans doute plus contrastée : certains de nos partenaires saluent le coup de pouce, d’autres dénoncent plus ou moins ouvertement le coup de force, ou l’OPA, sur les bénéfices d’un effort prolongé et collectif.
Qu’en est-il de la perception de ce haut fait humanitaire français dans le monde arabe ? La portée de l’exploit diplomatique attribué à la famille Sarkozy y est sans doute bien moindre. Pourquoi ? Parce que dans cette région, y compris (pour ne rien dire de la Libye elle-même) dans la Tunisie ou l’Algérie voisines visitées récemment par le président français, des milliers d’autres personnes sont en prison sans raison valable. Il en va de même dans bien d’autres prisons, israéliennes (ou croupissent plusieurs centaines d’enfants) ou même américaines, à Guantanamo et ailleurs. Le vernis humaniste du coup d’éclat cette diplomatie française atypique ne brillera donc vraiment que si de telles «libérations» se reproduisent, ailleurs, au bénéfice cette fois de victimes qui n’auront pas le privilège de la nationalité européenne et seront détenues non point seulement par nos «adversaires» du moment mais également par nos alliés, y compris israéliens et américains. A défaut, la geste sarkozienne peinera à prendre plus de poids que celui d’un mirage.
Du côté de l’économie, la libération des infirmières va surtout achever de rendre sa respectabilité à un partenaire économique que ses réserves en hydrocarbures, que l’on découvre chaque jour plus importantes, placent au rang d’un petit Koweït maghrébin. Pour l’heure, la Libye n’est certes que le 76e client (loin derrière l’ancienne puissance coloniale italienne) et le 45e fournisseur (d’hydrocarbures) de la France. Mais la libéralisation en cours depuis un moment est en train, après tant d’années gaspillées par une diplomatie brouillonne, de mettre l’économie sur l’orbite d’une croissance qui pourrait atteindre 8 % en 2007.
La Libye achète des Airbus, développe ses réseaux de distribution d’eau et attise logiquement bien des convoitises. Il était dès lors urgent de rendre à Kadhafi un niveau de respectabilité qui pourrait permettre de lui vendre tout ce que l’on ne peut décemment vendre qu’à des gens. respectables.
Le pays auquel Jacques Chirac avait contribué en son temps à vendre des Mirage pourrait devenir ainsi celui à qui l’humanisme de Cécilia Sarkozy permettrait de vendre un jour des Rafale. A défaut d’être humaniste, tout cela est bien humain, non ?
Une réponse to “La Libye des Mirage aux Rafale”
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.
Bien sur, le principal est que l’équipe évidemment innocente soit enfin hors des griffes du macabre clown. Mais qui va leur rendre leurs huit années de vie perdue? Ceci étant dit, voici une petite recette pour réussir aujourd’hui:
• Tuez qui vous voulez. Attendez les protestations des familles, et faites-les mariner dix ans devant les tribunaux avant de les indemniser. Si vous êtes un chef d’état, vous verrez alors les autres vous pardonner et se bousculer pour venir chez vous. Voila qui fixe implicitement le nombre de personnes que vous pouvez tuer en toute impunité: il vous suffit en effet de diviser la valeur de vos réserves pétrolières par l’indemnité individuelle payée aux victimes des vols d’UTA et de la PanAm.
• Enhardi, arrêtez une poignée d’étrangers venus imprudemment séjourner chez vous. Accusez-les d’avoir volontairement empoisonné 400 de vos petits concitoyens, pourtant contaminés du seul fait de votre propre négligence. Faites condamner les étrangers à mort puis, face aux protestations unanimes (bien tardives) des nations molles, extradez-les vers leur pays d’origine, par humanité; mais bien sur pas avant de vous faire payer des indemnités pour les familles de vos petites victimes, ni d’avoir pu acheter des armes ainsi que, tant qu’à faire – puisque cela marche – un réacteur nucleaire « civil », vous qui êtes pourtant assis sur des milliards de barils de brut.
Nous tous: France, U.E., G.B., U.S.A., droite, gauche, avons toute honte bue. On reprochait au vieux Maréchal la poignée de main de Montoire, lui qui avait pourtant une épée Allemande dans les reins. Qui peut oser aujourd’hui serrer celle de l’innommable? N’importe; la Libye, titrent les Echos, peut rejoindre le concert des nations (je cherchais « la tête haute », mais ils n’ont tout de même pas osé). Nous vivons une époque formidable. J’ai envie de vomir.
J’ai déjà rédigé mon épitaphe:
OUF!