Après s’être attaqué à la fiscalité  avec le bouclier fiscal qui épargne les revenus des riches, à la protection sociale par l’institution des franchises médicales qui renverse le principe de solidarité des bien-portants envers les malades en imposant à ces derniers un déremboursement des soins, au pouvoir d’achat des retraites avec l’introduction de décôtes dans une réforme des régimes spéciaux, aux 35 heures avec le principe d’un retour à l’allongement de la durée du travail par la voie conventionnelle, le gouvernement oeuvre à présent au détricotage du code du travail.

Il s’agit du  projet de loi de ratification de l’ordonnance du 12 mars 2007 sur la recodification de la partie législative du code du travail à l’ordre du jour de la séance du 4 décembre de l’Assemblée nationale après son adoption par le  Sénat le 26 septembre.

Sous prétexte de recodifier le code du travail, ce texte complexifie son contenu en doublant le nombre d’articles (3600 à présent contre 1891) et en établissant une nouvelle organisation qui augmente les subdivisions (1890 contre 271).

Plus grave, le projet de loi déclasse près de 500 lois en décrets – modifiables par le gouvernement par des décrets ultérieurs – et restructure l’architecture du code (1). Ces modifications ne sont pas neutres car elles changent en profondeur la hiérarchie des normes et par là même, la sanction de leur violation. 

 D’autre part, le projet exclut du nouveau code plusieurs catégories de salariés : salariés agricoles, assistants maternels, salariés du transport, des mines, de l’éducation, marins, dockers.

Dans un communiqué publié sur ce blog, le député des Landes Alain Vidalies, secrétaire national aux entreprises (PS),  dénonçait ainsi récemment ce projet  qui  » aboutit en réalité à une remise en cause des droits des salariés et des institutions chargées de contrôler leur respect, notamment l’inspection du travail. » Alain Vidalies constatait ainsi au nom de son parti  » que dans ces conditions, la recodification proposée n’a pas été réalisée à droits constants ». Hier, il présentait la motion d’irrecevabilité au nom du groupe socialiste, radical et citoyen. Son argumentation, très riche, incite à la lecture de son intervention disponible sur ce blog.

Pour Gérard Filoche il s’agit ni plus ni moins d’un massacre du code du travail! Dans un article au journal Libé (2), l’inspecteur du travail précise l’ampleur des modifications et rappelle que « le code du travail, c’est le droit le plus intime, le plus quotidien, pour seize millions de salariés du privé, mais aussi le droit le moins connu, le plus contesté, le plus fraudé. C’est la base de l’Etat de droit dans l’entreprise. C’est le seul droit qui protège – trop fragilement – et contribue à fixer le coût de la force de travail de 91 % de la population active.C’est un droit évolutif, élaboré en cent trente ans, avec des hauts et des bas, minutieusement, sous l’impact des luttes sociales et politiques. Chaque ligne, chaque article, chaque alinéa représente de la sueur et des larmes, des souffrances et des grèves, des victoires et des échecs, produits de toute l’histoire des mouvements sociaux de notre pays.  » Gérard Filoche dénonce « le silence général, déterminé, étouffant sur une telle affaire. Pas de une. Pas de débat. Pas d’explication. Motus et bouche cousue de tous. Il paraît que c’est «trop compliqué» pour «intéresser les gens» alors que la vie de seize millions de salariés en dépend et qu’ils savent, souvent instinctivement, ce qui va en résulter pour eux : des conditions de travail dégradées, une souffrance accrue, une protection moindre, des salaires bloqués et des droits syndicaux diminués ».

Les propos de Christophe Radé, un des experts ayant participé à ce travail de réécriture, fait, d’une certaine façon, écho à cette critique en admettant que “plusieurs mois, voire plusieurs années, seront nécessaires pour que ce nouveau code révèle tous ses secrets” .

Pour toutes ces raisons, les députés PS, PCF et Verts, des représentants des syndicats de l’inspection du travail et du Syndicat de la magistrature ont exprimé leurs grandes inquiétudes lors d’une conférence de presse commune.

X D

(1)  Les dispositions sur l’action en justice des syndicats ou celles sur le licenciement économiqe relèvent dorénavant de la partie “relations individuelles”, celles sur la durée du travail de la partie « salaires », celles sur l’apprentissage ne figurent plus dans la partie  »contrat de travail » mais dans  »la formation professionnelle ». Le droit de grève est introduit dans la partie « négociation collective ». L’inspection du travail, indépendante des gouvernements en place du fait de la convention 81 de l’Organisation internationale du travail, a été placée dans la partie « administration du travail ».

(2)  Massacre du code du travail dans le silence général par Gérard Filoche inspecteur du travail, QUOTIDIEN LIBERATION du vendredi 23 novembre 2007