La visite éclair de Kadhafi au Louvre exprime, à l’évidence, le rapport ambigu de cet homme de pouvoir à la culture et à l’art. Trop pressé, Kadhafi l’Africain  a sans doute manqué tous ses rendez-vous culturels  dans la capitale. Un vrai gâchis et presqu’une offense, ce détour par Versailles, pour y admirer les fastes de la Cour du Roi Soleil aux dépens de l’Afrique. Celle-ci était pourtant à l’honneur lors du très controversé séjour du chef d’Etat Libyen. Que n’a -t- il pris le temps de regarder le Pariscope? Au lieu d’errer le long de la Seine en bloquant, ce faisant, tous les ponts de Paris,  Kadhafi aurait pu avantageusement occuper son temps libre tout autrement. Et d’abord à l’Institut du monde arabe  avec cette exposition sur les Phéniciens, ces proche-orientaux qui répandirent leur culture sur le monde méditérranéen. L’exposition nous apprend au passage la passion d’un Ernest Renan dans ses recherches pour décrypter ce tout premier alphabet phénicien. Le musée du quai Branly – dont on ne sait pas encore s’il est celui des arts premiers ou primitifs – attendait aussi notre hôte. Une riche exposition sur le Bénin réunit un mobilier d’art impressionnant : habitat, instruments de musique, armes, masques, orfèvrerie et autres productions artisanales de vocation variée. Une visite inoubliable dans ce temple des cultures indigènes d’Afrique, d’Amérique, d’Océanie et d’Asie! Le bédouin eut pu tout aussi bien changer de continent et rendre hommage au peuple Guarani en franchissant les portes de la Maison de l’Amérique latine pour y retrouver des oeuvres modernes faisant resurgir les mémoires indigènes face au regard du colonisateur. Cette exposition aussi troublante qu’enchanteresse évoque des périodes cruelles balisant l’histoire d’un Paraguay  récemment encore sous la dictature. On peut pardonner à Kadhafi d’avoir boudé le musée d’Orsay qui recèle pourtant de nombreux trésors d’inspiration orientaliste. Le symbolisme d’un Hodler, ces jours à l’affiche, restera donc étranger à celui qui fut quelque peu conspué dans un bâtiment voisin : celui de l’Assemblée nationale. Pour revenir à la réalité ne doit-on pas regretter un autre rendez-vous dans le Paris des illuminations élyséennes? La grande exposition de notre peintre réaliste : le grand Courbet. On y retrouve toutes les oeuvres majeures à commencer par l’auto-portrait de l’artiste communard enfermé à la prison de Sainte Pélagie. Et bien sûr  » la naissance du monde « , ou bien  » un enterrement à Ornans « qui fait face dans la même salle à l’impressionnante toile de  » l’atelier du peintre « . En entrant ou en sortant du Grand Palais, l’hôte du président n’aurait pas manqué de se faire traduire l’épigramme sur le socle de la statue du Général  » Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé mais Paris libéré »… Des paroles inoubliables d’un officier rebelle devenu chef d’Etat et qui conduisit en toute indépendance et dans la plus grande dignité une diplomatie active vis à vis de l’Afrique et du monde arabe. Un modèle à suivre pour le président … et des idées de visites pour nos internautes amateurs d’art, cette fin de semaine, dans un Paris festif et foisonnant mais ô combien moins encombré!

X D