janvier 2008

Archive mensuelle

Pour une véritable égalité d’accès aux soins, par Bruno Spire

Créé par le 31 jan 2008 | Dans : Santé-social-logement

Il aura fallu attendre que des personnes mettent en danger leur santé et leur vie pour que l’opinion publique prenne conscience de l’impact terrible des franchises médicales sur le quotidien des malades. Plusieurs personnes touchées par des maladies chroniques, notamment le VIH/sida, sont aujourd’hui en grève de soins. Ces actes extrêmes nous choquent mais ne nous étonnent pas car, depuis avril 2007, nous avons dénoncé cet impôt sur la maladie, qui culpabilise sous couvert de responsabiliser.

Une manifestation de 20 000 personnes, le 13 octobre 2007, des pétitions avec près de 300 000 signataires, rien n’y a fait, les franchises médicales sont inscrites dans la loi de financement de la Sécurité sociale et appliquées depuis le 1er janvier. Alors que 70 % des Français étaient contre les franchises, on doit se désoler que le militantisme classique, le contre-pouvoir associatif et citoyen nourri du témoignage des malades n’aient pas suffi à stopper le processus en cours. Nous craignions que les franchises, s’ajoutant aux forfaits déjà existants (forfait hospitalier et ticket modérateur, forfait à 1 euro par consultation, forfait de 18 euros sur les actes hospitaliers lourds), accentuent les retards dans l’accès aux soins qui, au final, pèseront plus lourd encore sur les comptes de l’assurance-maladie, sans parler des conséquences dramatiques en termes de santé publique ! A l’heure où la gratuité des soins contre le VIH dans les pays en développement est reconnue par le Conseil national du sida et les experts internationaux comme indispensable à un accès effectif pour tous aux traitements, la France remet en question le principe de l’égalité d’accès aux soins, voire du droit à la santé, en éloignant les plus démunis des soins.

Actuellement, Aides reçoit de nombreux témoignages de séropositifs qui, non par choix militant mais par impossibilité financière, nous disent qu’ils ne pourront plus accéder à certains soins. Les personnes atteintes d’une maladie chronique devront se soigner durant toute leur existence. Les personnes séropositives doivent déjà payer au moins 500 euros par an pour pouvoir se soigner (déremboursements de médicaments essentiels pour leur qualité de vie ou leur santé, dépassements d’honoraires et actes non reconnus à la nomenclature de l’assurance-maladie, auxquels il faut ajouter les forfaits précités). Or, près de la moitié des séropositifs en France vivent avec moins de 760 euros par mois et un quart vivent avec 628 euros par mois (principalement l’allocation aux adultes handicapés). Ce revenu de subsistance ne donne pas droit à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), prévue pour prendre en charge toutes les dépenses de santé des plus pauvres comme le forfait hospitalier ou les franchises.

Aides a été reçue le 21 janvier par Roselyne Bachelot pour un entretien où il a été question des franchises médicales. La ministre de la santé a affirmé que le dispositif n’était pas figé et que des aménagements étaient possibles. Parce que les malades ne sont pas coupables de l’être, parce que les principes fondamentaux de l’assurance-maladie (égalité d’accès aux soins, qualité des soins et solidarité) nous sont plus que chers, nous demandons un accès à la CMU-C permettant l’exonération des franchises pour les personnes touchant des minima sociaux du fait de leur maladie ou de leur handicap. Nous demandons simplement à la ministre de tenir ses engagements en permettant un accès réel et gratuit aux soins pour les plus démunis.



 

Bruno Spire, président de l’association de lutte contre le sida Aides

Les fonctionnaires, citoyens de plein droit, par Anicet Le Pors

Créé par le 31 jan 2008 | Dans : Articles de fond

Deux hauts fonctionnaires viennent d’être sanctionnés de manière hypocrite en étant démis de leurs fonctions pour s’être exprimés en tant que citoyens sur certains aspects du fonctionnement du service public. Le premier, Yannick Blanc, directeur de la police générale à Paris, pour une déclaration jugée inopportune sur l’opération de juillet 2006 de régularisation des parents étrangers d’enfants scolarisés. Le second, Jean-François Percept, pour des appréciations générales sur sa condition de fonctionnaire.

La question n’est pas ici de porter un jugement sur le fond de ces déclarations, mais de savoir si ces deux fonctionnaires, et plus généralement le fonctionnaire, ont le droit d’émettre publiquement une opinion et jusqu’à quel point. De savoir si le fonctionnaire est un citoyen comme un autre. Pour avoir conduit l’élaboration du statut général des fonctionnaires entre 1981 et 1984, je crois pouvoir témoigner utilement sur le sens des dispositions en vigueur. C’est à tort que l’on évoque à ce propos l’article 26 du statut général des fonctionnaires qui traite du secret professionnel et de la discrétion professionnelle. Les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel, soit que les faits qu’ils apprennent dans l’exercice de leurs fonctions leur aient été confiés par des particuliers, soit que leur connaissance provienne de l’exercice d’activités auxquelles la loi, dans un intérêt général et d’ordre public, a imprimé le caractère confidentiel et secret. Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tout ce dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Dans les deux cas considérés, ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit.

Même si ce n’est pas sans rapport, on ne saurait non plus se référer principalement à l’article 28 qui pose le principe hiérarchique d’obéissance du fonctionnaire dans les termes suivants : « Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. » Le fonctionnaire garde donc une marge d’appréciation des ordres qu’il reçoit. On ne saurait sans méconnaître la loi contester au fonctionnaire cette liberté qui, avec la bonne exécution des tâches qui lui sont confiées, participe de sa responsabilité propre. Mais les deux cas évoqués relèvent d’autant moins de cette règle que le premier a fait ses déclarations alors que son supérieur hiérarchique, le préfet de police, était parfaitement informé, et que le second n’évoquait aucunement ses propres activités.

Reste donc le principe posé dès l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983, qui s’exprime de manière on ne peut plus simple : « La liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires. » La première conséquence est d’entraîner un autre principe : celui de non-discrimination des fonctionnaires ; toute discrimination entre les fonctionnaires fondée sur leurs opinions politiques, religieuses ou philosophiques, sur leur état de santé, leur handicap, leur orientation sexuelle, leur origine ou leur appartenance ethnique est interdite.

La deuxième conséquence est de permettre au fonctionnaire de penser librement, principe posé dès l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui vaut pour les fonctionnaires comme pour tout citoyen : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »

Ce principe a été repris dans la loi de 1983 et un large débat s’est ouvert aussi bien avec les organisations syndicales qu’au Parlement sur la portée et les limites de la liberté d’opinion qu’il convenait éventuellement de faire figurer dans le statut lui-même, sous la forme, d’une part, de la liberté d’expression et, d’autre part, de l’obligation de réserve. J’ai rejeté à l’Assemblée nationale le 3 mai 1983 un amendement tendant à l’inscription de l’obligation de réserve dans la loi en observant que cette dernière « est une construction jurisprudentielle extrêmement complexe qui fait dépendre la nature et l’étendue de l’obligation de réserve de divers critères dont le plus important est la place du fonctionnaire dans la hiérarchie » et qu’il revenait au juge administratif d’apprécier au cas par cas. Ainsi, l’obligation de réserve ne figure pas dans le statut général et, à ma connaissance, dans aucun statut particulier de fonctionnaire, sinon celui des membres du Conseil d’Etat qui invite chaque membre à « la réserve que lui imposent ses fonctions ».

En définitive, la question est plus politique que juridique et dépend de la réponse à la question simple : le fonctionnaire est-il un citoyen comme un autre ? Dans notre construction sociale, est-il un sujet ou un citoyen ? Dans les années 1950, Michel Debré donnait sa définition : « Le fonctionnaire est un homme de silence, il sert, il travaille et il se tait », c’était la conception du fonctionnaire-sujet. Nous avons choisi en 1983 la conception du fonctionnaire-citoyen en lui reconnaissant, en raison même de sa vocation à servir l’intérêt général et de la responsabilité qui lui incombe à ce titre, la plénitude des droits du citoyen.

C’est cette conception qui est en cause dans les mesures d’intimidation précédemment évoquées prises au plus haut niveau de l’Etat, préliminaires d’une vaste entreprise de démolition du statut général des fonctionnaires programmée pour 2008. Il est grand temps que s’élève la voix des esprits vigiles.



 

Anicet Le Pors, ancien ministre de la fonction publique

Conseils aux socialistes, par Günter Grass

Créé par le 31 jan 2008 | Dans : Articles de fond

Trois ans après mon premier discours devant le groupe parlementaire du SPD (le Parti social-démocrate allemand), j’avais eu une nouvelle fois l’occasion, en mars 1974, de faire un bilan dans une optique de citoyen engagé. Une fois de plus, tout ce qui avait été fait était passé à la moulinette du discours et sombrait dans des querelles entre les différentes ailes du parti. Entre-temps, le système coercitif de type stalino-léniniste a fait long feu, n’existant tout au plus que sous une forme décantée, qui a pris le nom de PDS et se fait désormais passer pour la « gauche » après s’être approprié, sous un prétexte fallacieux, le qualificatif de « socialisme démocratique ». Jamais on ne s’est livré à une telle déformation de l’histoire avec si peu de vergogne. Et longtemps les sociaux-démocrates ont accepté ce vol, jusqu’à ce que, enfin, dernièrement, au congrès du parti à Hambourg, la tradition retrouve ses droits. Je cite : « Le socialisme démocratique reste pour nous la vision d’une société libre, juste et solidaire, dont la réalisation constitue pour nous une tâche permanente. Le principe de notre action, c’est la démocratie sociale. »

Dans un monde où le capitalisme règne désormais en maître – idéologie ne manquant jamais de s’autoglorifier comme infaillible, qui fait croire qu’il y a une économie de marché alors qu’il détruit les marchés et brûle le capital, dans un monde donc où la recherche effrénée des profits ne cesse ne supprimer des emplois, où les salaires minimums sont revus à la baisse, où l’écart entre les riches et les pauvres prend des proportions incommensurables -, face à cette puissance hégémonique, l’alternative au pouvoir absolu du capital n’est plus désormais que dans le socialisme démocratique.

Héritier du mouvement ouvrier européen, celui-ci a été contraint de se régénérer sans cesse. Il n’est marqué par aucun dogme. Pour lui, le chemin c’est le but. Il a constamment besoin d’être revu. Oui : les socialistes démocratiques sont des révisionnistes éclairés. C’est uniquement grâce à cette capacité que le socialisme démocratique a pu survivre aux interdictions, aux persécutions, à telle ou telle dictature.

Mais, au début de ce nouveau siècle, certains changements globaux ont pris une ampleur sans précédent ; cela fait longtemps qu’on les a pointés du doigt mais hélas en pure perte ; parmi eux on relève l’évolution démographique, qui montre des tendances contradictoires avec d’un côté une population mondiale augmentant de façon menaçante et de l’autre un déficit des nouvelles générations dans les pays industrialisés européens, surtout en Allemagne. Parallèlement, le changement climatique induit par certaines matières nocives a des conséquences au niveau mondial qui ne peuvent être niées, même par les ignorants chroniques.

La situation actuelle laisse penser que le dernier diagnostic pourrait devenir un état permanent. Le nombre croissant des crises et des foyers de guerre au Proche-Orient et en Afrique a pour corrélat une faiblesse des démocraties occidentales, qui considèrent certes que la menace terroriste est le pire ennemi mais qui doivent pourtant leur perte de crédibilité à des phénomènes de déclin internes qui leur sont propres.

Qu’y a-t-il d’étonnant, face à ces abus étalés au grand jour et même soutenus par des médias dépendants, si de moins en moins de citoyens sont prêts à faire usage de leur droit de vote, parce que ce qui est murmuré tout bas - « Ce qui se fait ou ne se fait pas en politique, ce n’est de toute façon pas décidé au Parlement mais dans les bureaux des grands groupes » – trouve chaque jour sa confirmation ? Difficile de faire plus de tort à une démocratie. Aucun extrémisme de droite ou de gauche n’a pu ou ne peut lui faire autant de tort. Pourtant, nos services visant au respect de la Constitution préfèrent courir après des fantômes, réclamant des lois qui limitent toujours davantage la liberté des citoyens mais ne s’occupant pas des pressions anticonstitutionnelles auxquelles sont soumis les Parlements. C’est ainsi que la démocratie devient une farce. C’est ainsi que l’Etat fait étalage de son impuissance. C’est ainsi que l’édifice démocratique s’effondre de l’intérieur, sans que personne n’y trouve à redire.

Et pourtant la perte grandissante de crédibilité de la démocratie parlementaire est acceptée comme une fatalité inéluctable par tous les groupes parlementaires quels qu’ils soient, et donc aussi par les sociaux-démocrates, qui devraient savoir que la justice sociale ne peut être réalisée que dans une démocratie fidèle à sa Constitution. Le bâtiment du Bundestag est la demeure de la démocratie. Dès demain, interdisez-en l’accès aux lobbys et aux lobbyistes de tout poil qui cherchent à s’immiscer partout. Prenez le balai et faites le ménage. C’est le seul moyen de faire face aux «  enjeux du XXIe siècle », souvent affirmés mais devenus entre-temps des formules creuses.

Les gens de ma génération, qui ont vécu la fin de la guerre comme des enfants vieillis prématurément – j’avais pour ma part 17 ans -, ont grandi avec la démocratie. Les leçons que nous avons reçues ont été dures. La démocratie imposée par les vainqueurs devait peu à peu avoir sa vie propre. Au milieu des ruines, supportant le poids de la faute mais aussi de la honte, nous nous sommes mis au travail. Il fallait que quelque chose de nouveau surgisse. Avancées, haltes, retours en arrière, autant de jalons sur un long chemin.

Mon intérêt pour la politique, mon intérêt d’écrivain, s’est développé durant un séjour assez long que j’ai fait en France durant la seconde moitié des années 1950. Mais ce n’est qu’au début des années 1960, une fois revenu à Berlin, alors que le Mur était construit et que le maire de la ville, Willy Brandt, faisait pour la première fois acte de candidature au poste de chancelier, que j’ai pris parti ; j’ai abandonné pendant un temps mon bureau et mes manuscrits ; l’écrivain se percevait en même temps comme un citoyen voulant exercer ses droits démocratiques comme des devoirs. C’est ainsi qu’à partir du milieu des années 1960, sans être membre du SPD, j’ai pris part à de nombreuses campagnes électorales.

Mais il ne suffit pas de regarder une situation qui nous marque tous du signe de l’opprobre. C’est à l’Etat que revient le devoir d’empêcher, avec des taxes et des impôts, le glissement vers une société de classes, même s’il faut pour cela remédier à la disparité dans la répartition des richesses en ponctionnant, pour le bien des enfants, les grosses fortunes qui se sont enrichies de façon totalement irrationnelle, mettant du même coup un terme à cette honte que représente la faible natalité en Allemagne.

Veuillez m’excuser si j’ajoute un mot sur les artistes dans tous les domaines de la culture. Nous autres peintres, sculpteurs, musiciens, écrivains et traducteurs, nous avons besoin, parce que nous sommes des créateurs à la base, d’une protection légale élargie. Nous sommes de plus en plus désarmés face aux grands groupes de presse, aux géants de l’informatique, aux chaînes de radio et de télévision, face à tous ceux qui utilisent ce que nous avons réalisé dans un premier temps. L’évolution des nouveaux médias conduit à un dévoiement de nos droits. Nous sommes spoliés. Partout on fait des copies de tout. Et la langue invente toujours de nouveaux termes, aussi laids les uns que les autres, pour rendre compte de cette pratique de pillage.

L’année 2008 qui vient juste de commencer va nous donner l’occasion de revenir sur le mouvement de révolte étudiant qui a eu lieu il y a quarante ans. Le règlement de comptes a déjà commencé dans quelques médias. Certains, qui se croyaient très à gauche auparavant, sont entre-temps devenus les porte-voix de la droite. La protestation de la jeunesse des années 1967 et 1968 était en souffrance depuis longtemps, elle était nécessaire et elle a libéré la République fédérale de sa léthargie restauratrice. A l’époque j’ai regardé avec sympathie ce mouvement de protestation, mais j’ai aussi critiqué la rhétorique pseudo-révolutionnaire de certains de ses leaders. Cette révolte qui a touché tout le pays, qui a éclaté à cause de la misère toute proche du système d’éducation dans les écoles et les universités et aussi à cause de la lointaine guerre du Vietnam, aucune violence policière n’a pu en venir à bout à coups de matraque. C’était une exigence qui demandait des réponses politiques. Le SPD aussi s’est senti soumis à cette exigence. Face à la situation actuelle et vu l’avenir qui est porteur de tant de crises, on ne peut que souhaiter une protestation de la jeunesse qu’aucune matraque ne pourra réprimer, parce que cette révolte est nécessaire depuis longtemps. Une telle exigence pourrait aussi faire avancer le SPD.



 

Günter Grass, écrivain. Traduit de l’allemand par Pierre Deshusses. Ce texte est une version abrégée du discours de l’écrivain devant le groupe parlementaire du SPD du 11 janvier 2008.

Article paru dans l’édition du Monde du 01.02.08.

Une laïcité de chanoine, par Caroline Fourest

Créé par le 31 jan 2008 | Dans : Projet politique

La laïcité à la française vit-elle ses dernières heures ? « La société a changé », nous dit Michèle Alliot-Marie. La loi de 1905 est censée suivre. Elle nous annonce une modification, non pas de sa lettre, mais de son esprit, par circulaire ou par décret. Encouragé par de tels propos, le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, demande carrément un « moratoire ».

Personne ne peut prétendre être surpris. Nicolas Sarkozy l’avait promis, et même écrit en 2004 dans La République, les religions et l’espérance : un livre de combat contre une conception stricte et ambitieuse de la laïcité à la française, qualifiée de « sectaire ». Il envisageait même de modifier l’article 2 – selon lequel « l’Etat ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » – pour financer des lieux de culte sur fonds publics. Sentant que cela ne passerait pas, il s’est vite rabattu sur une solution plus discrète : décloisonner les associations de type 1905 et de type 1901 pour pouvoir financer le religieux via le culturel. Une suggestion du président de la Fédération protestante, retenue par la commission Machelon mise en place par Nicolas Sarkozy, et que Michèle Alliot-Marie promet d’appliquer en pleine remontée des intégrismes.

Officiellement, il s’agit d’aider l’islam à rattraper son retard. L’argument séduit même à gauche. Les mêmes n’accepteraient jamais que l’on touche à la laïcité pour financer le culte chrétien ou juif, mais si c’est pour l’islam… Mais de quel retard nous parle-t-on ? Si les fidèles sont nombreux et manquent d’un lieu de culte, ne peuvent-ils pas se cotiser ? Bien sûr que si, et c’est ce qu’ils font. D’après les chiffres du bureau des cultes du ministère de l’intérieur, le retard est pratiquement rattrapé. L’islam des caves n’est plus qu’un fantasme. Sur les 30 caves recensées par les services de renseignements, la plupart ont été remplacées par des salles de prières officielles, passées de 1 555 à 2 000 entre 2001 et 2006. Soit presque autant que le nombre de lieux de culte évangéliques, en pleine explosion avec 1 800 lieux recensés. Alors que 3 % des Français sont musulmans et 2 % protestants, il s’ouvre chaque année en moyenne 34 lieux évangéliques et 16 mosquées.

Jamais, depuis un siècle, la France n’avait connu une telle frénésie dans la construction de lieux de culte. Il en pousse un par semaine, souvent avec l’aide des élus locaux, de gauche ou de droite, désireux d’entretenir les clientèles religieuses. C’est dire si le dynamisme actuel devrait bien vite combler les besoins des musulmans français, dont un tiers seulement se déclarent « croyants et pratiquants », et dont seule une petite minorité va à la mosquée.

L’Etat a-t-il tellement d’argent à dépenser qu’il faille le consacrer à encourager cet islam collectif, souvent politique, au détriment de l’islam individuel ? Cet argent, nous dit-on, permettrait de mieux contrôler l’islam radical. Rien n’est plus illusoire. Les mosquées radicales, comme celles de l’UOIF – une organisation inspirée par les Frères musulmans légitimée par Nicolas Sarkozy au sein du Conseil français du culte musulman -, ont déjà leurs mécènes et déclinent l’offre d’une aide de l’Etat assortie d’un contrôle. D’ailleurs, à moins de revenir à un système concordataire, comment l’Etat pourrait-il contrôler le contenu d’un prêche ? Et de quel droit ?

Le seul moyen de protéger l’islam contre les influences étrangères et intégristes serait d’obliger tous les fonds destinés au cultuel à passer par la Fondation pour les oeuvres de l’islam, imaginée sous Dominique de Villepin. Et de l’étendre à tous les cultes par souci d’équité. Un comité de sages, républicains et laïques, se chargerait de redistribuer l’argent ainsi collecté. Autrement dit, il ne faut pas assouplir l’esprit de 1905, mais le durcir.

Au lieu de financer le retour du religieux, on pourrait surtout consacrer cet argent au social et au culturel. Par exemple en vue de réduire le nombre d’élèves par classe dans les quartiers populaires. Mais ce n’est pas la priorité de notre président, pour qui un instituteur ne remplacera jamais un prêtre ou un pasteur. A l’entendre, le plus grand mal dont souffrent les banlieues serait d’être devenues des « déserts spirituels ». Sachant que l‘ »espérance » passe à ses yeux par le religieux, le nouveau nom du plan banlieue – baptisé « Espoir banlieue » – a de quoi inquiéter.

Mais que l’on ne s’y trompe pas : la volonté de décloisonner le cultuel et le culturel servira surtout le christianisme. En particulier le renouveau évangélique à tendance sectaire, que Nicolas Sarkozy juge « évidemment positif » et sur lequel il mise ouvertement pour reconquérir les banlieues. Toujours dans ce fameux livre, il consacre un chapitre entier à la reconnaissance des « nouveaux mouvements spirituels », du nom donné aux Etats-Unis à ce que nous appelons en France des sectes. On pense à des mouvements comme les Témoins de Jéhovah ou la Scientologie, incroyablement chouchoutés lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l’intérieur. Michèle Alliot-Marie annonce vouloir revoir « les qualifications pénales » envers les « dérives sectaires ». Pour les assouplir, bien sûr. La « laïcité positive », c’est-à-dire à l’anglo-saxonne, n’a pas fini de nous surprendre.



Caroline Fourest est essayiste et enseigne à Sciences Po.

Un jeune blogueur, figure de la résistance birmane, a été arrêté par la junte militaire

Créé par le 31 jan 2008 | Dans : Vive le blog citoyen

Le blogueur Nay Phone Latt, l’une des jeunes figures de la « rébellion safran », qui a opposé, fin septembre 2007, la junte birmane à un mouvement populaire mené par des moines bouddhistes, a été arrêté, mardi 29 janvier, à Rangoun.

Selon le porte-parole de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), la formation politique de l’opposition, Nyan Win, l’un des jeunes cracks birmans de l’informatique qui ont contribué à informer le monde, via Internet, lors des affrontements, a été interpellé par les forces de l’ordre en compagnie d’un autre homme dont l’identité n’a pas encore été révélée. Nay Phone Latt est membre d’une émanation de la LND.

Le blog du jeune opposant, largement consulté en Birmanie et à l’étranger, avait commencé sous une forme littéraire décrivant les difficultés de la vie quotidienne soumise aux restrictions et brimades à l’encontre de la population.

Cette arrestation semble confirmer qu’un nouveau tour de vis est en cours en Birmanie après l’inculpation, ces derniers jours, selon un avocat de l’opposition, d’une dizaine d’activistes accusés d’avoir joué un rôle moteur dans les manifestations de mécontentement populaire contre la junte.

Chef de la file de la LND, Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix en 1991, assignée à résidence, a été exceptionnellement autorisée mardi à rencontrer huit cadres de son parti dans un bâtiment mis à disposition par la junte. Elle s’est déclarée « insatisfaite » des discussions qu’elle a eues ces derniers mois, à cinq reprises, avec des représentants des généraux, faute d’un calendrier d’action.

« Nous n’avons reçu aucun message clair du gouvernement sur la reprise d’un dialogue entre les militaires et l’opposition démocratique », a-t-elle indiqué dans une déclaration à la presse lue par son porte-parole.

Dans un rapport publié mercredi, le Groupe de réflexion sur les crises (International Crisis Group), présidé par l’ancien ministre australien des affaires étrangères Gareth Evans, a suggéré l’instauration d’un forum international. Il souhaite qu’il soit placé sous la coordination des Nations unies sur le modèle de celui qui avait lancé le processus de paix au Cambodge, dans les années 1980 en Indonésie.

Ce forum rassemblerait les voisins de la Birmanie, dont la Chine et les pays d’Asie du Sud-Est, pour appuyer les démarches de l’ONU en vue de sortir la crise birmane de l’impasse. Tous ces pays d’Asie ont néanmoins refusé de s’impliquer dans la recherche d’une solution politique qu’ils jugent du seul ressort des Birmans.

Francis Deron

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