No smoking
Créé par sr07 le 03 jan 2008 à 8:22 | Dans : a-le quartier libre de XD
Grâce à la veillée d’armes de Madame la Ministre en charge du dossier qui l’occupe à temps plein, le tohu-bohu médiatique et les annonces intempestives des tenanciers de bars et restaurants, après celles des buralistes, font place à l’espoir. Par la magie de la réglementation nous voici préservés dans notre intégrité physique aux heures de fréquentation de tous ces lieux de perdition.
Jamais plus ces nuages de fumée que le courant d’air chasse toujours du mauvais côté et qui imprègnent nos vêtements jusqu’à faire douter de notre récente détermination affichée haut et fort dans une déclaration tonitruante, ce » j’arrête » récurrent et ostentatoire prenant à témoin l’humanité de notre bravoure en chaque début d’année. Fini, ce lâche acquiescement, par clins d’oeil et sous-entendus rituels, à cette autorisation arrachée et forcée, dans ce lieu confiné, par notre personne de rencontre obligée qui oriente furtivement vers nous, comme pour s’exonérer par avance de tous reproches, le côté de son paquet d’où elle vient d’extraire, dans une goujaterie inqualifiable, une cigarette. Dans la quasi-certitude d’arracher notre accord inaudible, elle grille promptement cette dernière que nous lui avons toujours refusée et d’où sortent ces magiques volutes, inhalées malgré nous, bien qu’elle nous toise de haut en bas, le regard de biais et le menton spartiate relevé, dans une attention feinte, après avoir veillé à une efficace aération qui nous gèle les os jusqu’à la moelle…
Quel challenge pour qui sait l’importance cumulé du facteur psychologique, de la dépendance à la nicotine et de l’usage symbolique de la cigarette. Une fois franchi ce stade de l’interdit, on peut à présent faire refluer les valeurs socio-culturelles qui sructurent l’usage du tabac. L’enjeu est de taille en matière de santé publique. Mais il soulève beaucoup de problèmes dans les registres de l’économie, de la culture et de l’éthique.
L’impact de la nouvelle réglementation sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics n’est plus à démontrer. Sachons cependant ne pas nous égarer dans une moralisation excessive du problème. Le modèle de société sans tabac ne risquerait-il pas alors d’accompagner la marche vers un ordre moral attentatoire aux libertés comme l’annonçait le sociologue Alain Touraine dans un vieil article intitulé santé publique et libertés individuelles ? » A nouveau est renforcée la frontière entre le bien et le mal, les bons citoyens et les éléments dangereux, les fumeurs et les non fumeurs, les buveurs d’alcool et les abstinents. A nouveau, ceux qui parlent de démocratie et des valeurs morales font de ces mots des barrières électrifiées qui protègent le paradis de l’enfer où pourrissent les minorités inférieures entraînées vers le bas par leur vice et leur hérédité culturelle « .
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2 réponses to “No smoking”
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Vicente Molina Foix Traduit par Claude Bleton
Une amie italienne qui vit à Paris depuis trente ans m’a rapporté une conversation qu’elle a eue, il y a quelques semaines, sur un vol Orly-Barajas avec sa voisine de siège, une Française de son âge qui se rendait à Madrid, au moins une fois par mois, en profitant des tarifs des lignes low-cost. «Le musée du Prado, les tapas et la sangria, les horaires décalés pour prendre ses repas et pour aller dormir… Des choses que j’apprécie beaucoup en Espagne, bien entendu. Mais ce qui me ravit, c’est que l’Espagne est devenu le seul pays européen où on peut fumer sans restriction.»A la descente d’avion, les nouvelles amies, fumeuses toutes les deux, ont savouré deux ou trois cigarettes en allant récupérer leurs bagages, dans les nombreux espaces de l’aéroport de Barajas où la nicotine est «autorisée». Avant de se quitter, elles ont échangé leur numéro de téléphone et ont décidé de se retrouver à dîner un soir dans un restaurant du vieux quartier de Madrid de los Austrias, où on pouvait fumer. On peut fumer dans presque tous les restaurants et bars de Madrid. «Et la loi ?» m’a demandé mon amie italienne en arrivant chez moi, un lieu où on peut aussi pratiquer ce vice sans restriction. Le gouvernement espagnol n’a-t-il pas promulgué une loi antitabac très sévère ?
Bière brune. Il est vrai que cette loi, la «loi Salgado» (du nom d’Elena Salgado, alors ministre de la Santé et aujourd’hui deuxième vice-présidente du gouvernement Zapatero), date de janvier 2006, et elle reprend les positions similaires des gouvernements de l’Italie, du Royaume-Uni et de l’Irlande, pays où d’ailleurs ces mesures avaient été accueillies avec le plus profond scepticisme par les habitants ; comment interdire le tabac dans les pubs, alors qu’il constitue, avec une bonne pinte de bière brune et un air folk en musique de fond, l’essence-même de la culture irlandaise appliquée aux loisirs ? Or je peux témoigner qu’au moins à Dublin la fumée a disparu de tous les lieux où, il y a maintenant un an, je suis allé boire un verre ou prendre un repas. En janvier 2008, tandis que la loi Salgado se révélait comme le grand échec de la politique de la santé en Espagne, la lutte antitabac entrait dans la législation de trois autres pays de l’Union européenne, la France, l’Allemagne et le Portugal. Je me rappelle avoir été doublement surpris en lisant cette information ; j’étais étonné que la France et l’Allemagne aient tant tardé à la promulguer, et encore plus étonné que le Portugal le fasse, car d’après Néstor Almendros, ce grand directeur de la photographie, c’était le pays de tout l’Occident où on fumait le plus.
Ironie mordante. Néstor (décédé en 1992) fut une des personnes les plus cultivées et les plus intelligentes que j’ai connues, et, en marge de son extraordinaire travail pour des réalisateurs comme Truffaut, Rohmer, Barbet Schroeder ou Terrence Malick, un homme d’une ironie mordante ; chaque fois qu’à Paris, où il résidait, quelqu’un allumait une cigarette en sa présence, il disait dans un français irréprochable : «Ça fait portugais !» J’ai vu un fier Espagnol éteindre sa cigarette : tout plutôt que d’être comparé à un de ses rivaux portugais ! A Madrid, on peut fumer partout, mais le touriste fumeur (une espèce moins nocive, il faut bien le dire, que le touriste sexuel) a intérêt à prendre ses précautions : la loi antitabac espagnole n’est pas la même pour tous, ni pour tous les territoires. Si certains de mes lecteurs envisagent – comme la Française qui voyageait à côté de mon amie – de multiplier leurs déplacements en Espagne pour allumer la flamme de leur passion fumeuse sans être arrêtés ni mis à l’amende, ils doivent d’abord mener une enquête précise, car côté nicotine Madrid ou Valence (des régions autonomiques gouvernées par le parti conservateur Partido popular) n’ont rien à voir avec la Catalogne ou l’Estrémadure, dirigées par les socialistes.
Lotus bleu. Pour contrarier le gouvernement central de Zapatero, plusieurs gouvernements régionaux le défient par cet acte de désobéissance civile : laisser une entière liberté à la fumée de cigarette. Comme je ne suis pas fumeur (même si je laisse fumer chez moi les amies récalcitrantes), je dois bien calculer mes sorties à Madrid. Il y a des restaurants où le plat le plus exquis peut être gâché par la fumée qui émane de l’énorme havane d’un convive voisin (car les cigares ne sont pas davantage interdits). Et j’ai renoncé aux bars nocturnes et aux discothèques, et pas seulement parce que ce n’est plus de mon âge de veiller tard. Je n’y vais plus, car la fumée qui y flotte les propulse au rang des fumeries d’opium de l’Extrême-Orient des films de la grande époque de Hollywood. L’exotisme à Madrid n’est même pas à la hauteur du Lotus bleu de M. Mitsuhirato : Tintin peut en toute impunité s’adonner enfin à toute la nicotine de l’Occident.
Le jusqu’au boutisme de ce décret est hystérique.
Et il ne faut pas s’y tromper, le refrain « ailleurs tout se passe bien » est tout simplement FAUX : en Angleterre et en Irlande les pubs ferment à la pelle
forum pour une modification du décret : http://barfumeur.ning.com