En renonçant par avance à faire ratifier par référendum le traité européen de Lisbonne, Nicolas Sarkozy tendait un piège au Parti socialiste. Sans doute ne s’imaginait-il pas que ses dirigeants manifesteraient autant d’acharnement pour y tomber. Pendant la campagne présidentielle, Ségolène Royal avait réussi, en promettant un nouveau traité et un nouveau référendum, à sauver les apparences en semblant réunir ceux qui avaient voté oui comme ceux qui avaient choisi le non lors du référendum du 29 mai 2005. La fiction n’a duré que le temps d’une parenthèse électorale.

Alors que ce clivage a failli le faire exploser en 2005, le PS trébuche de nouveau sur l’Europe. Le 6 novembre 2007, François Hollande, qui voulait une fois pour toutes mettre fin à ces divisions, avait fait adopter par le bureau national – 36 voix pour le oui et 20 pour le non – un texte soutenant la ratification du traité de Lisbonne. Fallait-il pour autant laisser pendante la question du référendum ? Les « nonistes » de 2005 le réclamaient à cor et à cri, au nom du principe que « ce qui a été tranché par le peuple ne peut être remis en cause que par le peuple ». M. Hollande, qu’on a connu plus fin stratège, avait choisi de ne pas trancher.

Pendant les deux mois qui ont suivi, la confusion socialiste n’a fait que croître et empirer. Le PS devait arrêter sa position sur la révision de la Constitution, préalable nécessaire à la ratification du traité, prévue lors d’un congrès à Versailles le 4 février. Le 8 janvier, Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, suivi par le premier secrétaire, annonçait ex abrupto que les parlementaires socialistes boycotteraient le congrès. En d’autres termes, ils se tiendraient à l’écart de cette procédure pour ne pas cautionner l’abandon d’un référendum qu’en leur for intérieur les dirigeants socialistes ne souhaitaient plus.

Devant le tollé provoqué par cette attitude à la Ponce Pilate, le vaudeville a rebondi. Le 15 janvier, les députés puis les sénateurs – et le bureau national, au lieu de donner le la, a « acté » cette position – ont fait volte-face : le 4 février, ils iront à Versailles mais… ils s’abstiendront. Moyennant quoi, et au nom de la « liberté de conscience » accordée par M. Hollande, comme s’il s’agissait de la peine de mort ou du clonage, ils feront ce qu’ils voudront. Jean-Luc Mélenchon et Henri Emmanuelli iront voter non. Manuel Valls et Jack Lang voteront oui. La crise d’autorité et d’identité a pris de telles proportions au PS qu’il n’y a plus de capitaine pour tenir le gouvernail et pour rappeler qu’un parti est aussi fondé sur un minimum de discipline collective. Ce qui est inquiétant, alors que se profilent des élections municipales qui devraient lui être bénéfiques, c’est que cette panne se manifeste, au-delà de l’Europe, dans tous les domaines. Elle risque de durer.

Article paru dans l’édition du 17.01.08.