Main basse des « néolibéraux » sur l’Etat de droit
Créé par sr07 le 28 fév 2008 à 8:26 | Dans : a1-Abc d'une critique de gauche. Le billet de XD, a2-Blog-notes politique de XD, a4-Le blog citoyen croque la droite, Bilan de la campagne présidentielle
Comme elles paraissent archaïques ces discussions académiques du siècle passé entre libéraux, défendant l’Etat de droit, et marxistes, appuyant la dénonciation du libéralisme sur la critique des libertés formelles.
Le léninisme nourrissait encore une approche monolithique de l’Etat – entendu comme appareil répressif entièrement au service de la domination de classe – dans de larges fractions d’une intelligentsia européenne sous influence marxiste. Il est vrai qu’en Europe, la crise des dictatures, annoncée par Poulantzas, n’avait pas encore atteint son apogée. L’Espagne franquiste, le Portugal de Salazar et la Grèce des généraux illustraient tristement la répression brutale des masses par une violence des Etats fascistes au service des intérêts des classes dominantes, quelque trente ans après la chute des régimes fascistes italien et allemand et la Libération de la France. Ces modèles ne résistèrent pas, fort heureusement, à la pression des revendications démocratiques et populaires.
Tandis que Lénine exprimait sa conception univoque de l’Etat et frontiste de la Révolution, Jaurès avait pourtant très vite vu juste en théorisant sur l’Etat, expression des rapports de classes, sans pour autant gommer son rôle dans le maintien de l’hégémonie bourgeoise. D’où l’insistance du militant de l’unité des socialistes à promouvoir l’épanouissement de la République laïque et sociale, incarnation du socialisme. Et c’est Gramsci, tout en se revendiquant paradoxalement de Lénine, qui mit à nu – dans ses cahiers de prison sous la dictature fasciste de Mussolini – les mécanismes de la domination idéologique et culturelle véhiculée par les grands intellectuels (universitaires) et les couches de petits intellectuels (prêtres, instituteurs…) agrégées dans le bloc au pouvoir de la bourgeoisie. Cette hégémonie, assurant la cohésion idéologique et créant un consentement au pouvoir en place, pouvait donc modérer l’usage de la violence d’Etat, dans les pays connaissant une société civile développée, à la différence de la société civile gélatineuse de la Russie de Lénine. Cette analyse ouvrait la voie au combat pour l’hégémonie culturelle du prolétariat qui devait précéder une prise de pouvoir hors des schémas léninistes. Ces analyses n’enlèvent rien à la réalité du « monopole de la violence légitime » qui caractérise l’Etat pour reprendre les termes des constitutionnalistes libéraux. Le philosophe communiste Althusser, dans sa critique des appareils idéologiques d’Etat, nourrissait la réflexion sur l’Etat quand son parti, dénonçant le capitalisme monopoliste d’Etat, ralliait, à l’instar des Italiens, toujours précurseurs, une voie nouvelle et pacifique vers le socialisme, respectueuse de la légalité, du pluralisme et des libertés publiques. Mais à l’époque, la droite avait beau jeu de renvoyer l’opinion aux réalités du socialisme soviétique, pourtant lui-même largement critiqué de longue date au sein même de la gauche et de l’extrême gauche. L’histoire a tranché ce débat et la gauche française sut accompagner les mutations de la société par une éclosion de nouveaux droits trop souvent récupérés par la sphère marchande ( radios libres, chaînes privées, etc. ).
En France, le néolibéralisme constitue aujourd’hui, à bien des égards, une menace pour la tradition démocratique républicaine. Les débats qui traversent l’actualité en sont une illustration symptomatique. La remise en cause ouverte de la laïcité participe d’une entreprise idéologique néo-conservatrice, soucieuse de subvertir les valeurs de progrès et de modernité. L’atteinte aux principes de base de l’Etat de droit – non rétroactivité de la loi pénale, respect de la Constitution, indépendance du pouvoir judiciaire – prépare un retournement complet des rapports entre le pouvoir et le droit. Ce dernier subit les assauts répétés d’un président qui confond la modernité avec la liquidation d’un héritage précieux : celui de la République. On relève plus que jamais la pertinence de ce modèle, cher à la gauche, dans la résistance au néolibéralisme qui remet en cause le modèle social et les libertés au nom du marché et d’un retour à je ne sais quel ordre moral. Le combat politique passe par la capacité de la gauche à souder un vaste front social et culturel républicain pour mettrre à mal cette entreprise néolibérale et néo-conservatrice qui s’attaque purement et simplement à notre Etat de droit.
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