On est toujours puni par où l’on a péché : le Chanoine honoraire de Saint Jean du Latran ne fait pas exception à la règle. Voici notre éloquent du menton, il y a peu encore adoré des médias et vénéré tel un Saint Jean Bouche d’Or, confondu à présent en pénitent, cloué au pilori et exposé en proie aux regards et à l’écoute de millions d’internautes. Ces acharnés voyeuristes, repus d’une vidéo en boucle trahissant une nature agressive, s’offrent, de surcroît, les confessions du Pèlerin au Parisien. Lequel, ironie du sort, a jeté en pâture le neuillyen au langage peu châtié et bien inconvenant à tous ces pauvres gueux, solidaires du provoquant quidam, ce tartarin matamore venu malencontreusement de la France profonde jauger les taureaux du salon de l’Agriculture. Lorsqu’il croisa, par le plus grand des hasards, le président, notre quidam lança sa tristement célèbre tirade « touche-moi-pas-tu m’salis ! » qui fit l’effet d’une muleta à notre intempestive tête cornée se prenant, en la circonstance, pour une bête de combat.

Pathétique, n’est-ce pas,  cette chute aux enfers d’un enfant de choeur immature, cette contre-performance verbale d’un président victime de ses nerfs, allant – il y a de cela tout juste sept jours – à la rencontre des paysans. Avec pour tout objectif, tenez-vous bien, de la part de cet avocat, de promouvoir les métiers de bouche. Diable ! Inscrire la gastronomie française au patrimoine de l’Humanité ça ne mangeait pourtant pas de pain ! Il eut suffi d’un peu de self-control de la part du neuillyen, au lieu de ce langage emprunté aux cités, face à la minable provocation de ce vilain rustre et le tour était joué. Triple coup si ce triste spectacle n’eut pas tourné en eau de boudin : une avalanche d’éloges médiatiques pour notre urbain, rattrapant son handicap vis à vis de son prédécesseur, ce corrézien, amateur de pommes et gros mangeur de têtes de veaux, lui qui n’avait pas son égal pour tâter le cul des vaches ; une reprise à bon compte de la devise royale faisant des paturages et labourages les deux mamelles de la France éternelle ; une promotion certaine pour ce mal aimé de la ruralité, déjà mis au ban des cités de banlieues. C’eut été aussi l’occasion pour notre jeune dévergondé,  de faire ripailles et de boire à satiété, comme le veulent les usages récents depuis l’aparté franco-russe.

Mais ne nous y trompons pas. Cette légèreté blâmable – qui rendit inaudible ce message - frappe d’abord nos ruraux. Pour un peu, sans cette erreur de com’, ce salon 2008 prenait un autre tour : défense des terroirs et réforme de la PAC redevenaient au coeur de l’actualité du jour dédiée à une paysannerie retrouvant ainsi espoir en l’avenir. Que nenni ! L’impulsif aura donc tout gâché comme à son habitude. Adieu veau, vache, cochon, couvée…  Sondages obligent, le béotien en aura pris pour son grade : de quoi se rappeller qu’on passe vite du Capitole à la roche Tarpéienne dans cette charge régalienne !

Nous voudrions tant aider Sa majesté, coprince de la principauté d’Andorre aux sept paroisses, à égaler sa Sainteté le Pape qui le fit récemment Chanoine de Saint Jean du  Latran, en lui conseillant plus de retenue et de charité envers ce petit peuple trop ingrat de la cour du roi Pétaud.  Auprès de sa lignée, du prince Jean, de toutes ces dames et conseillers intrigants et autres gentils damoiseaux du Palais de l’Elysée et de sa basse-cour neuillyenne, puisse-t-il méditer, telle Perrette, cette morale d’une fable de La Fontaine narrant cette laitière plutôt sexy, allant légère, court-vêtue, en petite jupe bien troussée, un peu volage pour sauter ainsi transportée par ses pensées avant cette chute fatale qui lui fit craindre le pire de son mari d’homme brutal quand de son oeil marri, elle vit sa fortune ainsi répandue : 

Quel esprit ne bat la campagne ?
Qui ne fait châteaux en Espagne ?
Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous,
Autant les sages que les fous ?
Chacun songe en veillant, il n’est rien de plus doux :
Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes :
Tout le bien du monde est à nous,
Tous les honneurs, toutes les femmes.
Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ;
Je m’écarte, je vais détrôner le Sophi ;
On m’élit roi, mon peuple m’aime ;
Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ;
Je suis gros Jean comme devant.

N’en déplaise à Jean Jacques Rousseau – qui fustigeait, je crois, dans son Emile, l’apprentissage trop précoce des fables de monsieur de La Fontaine – serait-il  vraiment saugrenu de renouer avec ces bonnes vieilles traditions éducatives, récemment abandonnées ? Puisque le temps est à la réflexion pédagogique… A toute chose malheur est bon !

Le D P

N.B : Sur le site du franc-parler http://www.francparler.com  vous trouverez ces explications truculentes.

Le prénom Jean fut en son temps ce que d’autres sont aujourd’hui pour désigner populairement un idiot ou un malchanceux. Je ne me risquerai pas à lui trouver quelque équivalent pour ne vexer personne…

On trouve la première trace de être Gros-Jean comme devant chez Jean de La Fontaine («la Laitière et le pot au lait», Fables, VII, 9). Le personnage de Gros Jan (et non pas Jean) apparaît un peu plus tôt, au XVIème siècle, sous la plume truculente de Rabelais où il est présenté comme un personnage rustre… On pourrait dire une brute ou encore… un abruti.
Plusieurs expressions familières en découlerons comme « Gros-Jean en remontre à son curé » (c’est-à-dire que celui qui est ignare voudrait en apprendre ou corriger celui qui a réellement le savoir). La culture populaire a ainsi donné à Gros-Jean le rôle du personnage stupide, du nigaud toujours abusé.

Dans notre expression, encore vivante aujourd’hui, le terme devant doit être compris avec le sens vieilli d’avant. Reste à reconstruire le puzzle : être Gros-Jean comme devant, c’est se rendre compte que l’on a été berné et par conséquent que l’on est devenu ou que l’on était déjà avant …un Gros-Jean. L’avantage espéré ou attendu n’est plus qu’un joli souvenir et l’on se retrouve ‘comme un idiot’ dans la même situation qu’auparavant avec toutefois, en plus, le sentiment de désillusion et de ridicule de celui qui a raté son coup…

Pour la vie de Jean Chrysostome, dit Saint Jean Bouche d’Or, il faut s’en référer au bel ouvrage en onze volumes de l’Histoire des Saints et de la sainteté chrétienne sous la direction scientifique de F.  Chiovaro, J.  Delumeau, A. Mandouze, B. Plongeron, P.  Richet, C.  Savart et  A.  Vauchez (volume 3,pp 192 à 199, éditions Hachette).