De Saint Jean Bouche d’Or à Gros-Jean
Créé par sr07 le 01 mar 2008 à 0:02 | Dans : a4-Le blog citoyen croque la droite, a6-Les colères du dogue patriote
On est toujours puni par où l’on a péché : le Chanoine honoraire de Saint Jean du Latran ne fait pas exception à la règle. Voici notre éloquent du menton, il y a peu encore adoré des médias et vénéré tel un Saint Jean Bouche d’Or, confondu à présent en pénitent, cloué au pilori et exposé en proie aux regards et à l’écoute de millions d’internautes. Ces acharnés voyeuristes, repus d’une vidéo en boucle trahissant une nature agressive, s’offrent, de surcroît, les confessions du Pèlerin au Parisien. Lequel, ironie du sort, a jeté en pâture le neuillyen au langage peu châtié et bien inconvenant à tous ces pauvres gueux, solidaires du provoquant quidam, ce tartarin matamore venu malencontreusement de la France profonde jauger les taureaux du salon de l’Agriculture. Lorsqu’il croisa, par le plus grand des hasards, le président, notre quidam lança sa tristement célèbre tirade « touche-moi-pas-tu m’salis ! » qui fit l’effet d’une muleta à notre intempestive tête cornée se prenant, en la circonstance, pour une bête de combat.
Pathétique, n’est-ce pas, cette chute aux enfers d’un enfant de choeur immature, cette contre-performance verbale d’un président victime de ses nerfs, allant – il y a de cela tout juste sept jours – à la rencontre des paysans. Avec pour tout objectif, tenez-vous bien, de la part de cet avocat, de promouvoir les métiers de bouche. Diable ! Inscrire la gastronomie française au patrimoine de l’Humanité ça ne mangeait pourtant pas de pain ! Il eut suffi d’un peu de self-control de la part du neuillyen, au lieu de ce langage emprunté aux cités, face à la minable provocation de ce vilain rustre et le tour était joué. Triple coup si ce triste spectacle n’eut pas tourné en eau de boudin : une avalanche d’éloges médiatiques pour notre urbain, rattrapant son handicap vis à vis de son prédécesseur, ce corrézien, amateur de pommes et gros mangeur de têtes de veaux, lui qui n’avait pas son égal pour tâter le cul des vaches ; une reprise à bon compte de la devise royale faisant des paturages et labourages les deux mamelles de la France éternelle ; une promotion certaine pour ce mal aimé de la ruralité, déjà mis au ban des cités de banlieues. C’eut été aussi l’occasion pour notre jeune dévergondé, de faire ripailles et de boire à satiété, comme le veulent les usages récents depuis l’aparté franco-russe.
Mais ne nous y trompons pas. Cette légèreté blâmable – qui rendit inaudible ce message - frappe d’abord nos ruraux. Pour un peu, sans cette erreur de com’, ce salon 2008 prenait un autre tour : défense des terroirs et réforme de la PAC redevenaient au coeur de l’actualité du jour dédiée à une paysannerie retrouvant ainsi espoir en l’avenir. Que nenni ! L’impulsif aura donc tout gâché comme à son habitude. Adieu veau, vache, cochon, couvée… Sondages obligent, le béotien en aura pris pour son grade : de quoi se rappeller qu’on passe vite du Capitole à la roche Tarpéienne dans cette charge régalienne !
Nous voudrions tant aider Sa majesté, coprince de la principauté d’Andorre aux sept paroisses, à égaler sa Sainteté le Pape qui le fit récemment Chanoine de Saint Jean du Latran, en lui conseillant plus de retenue et de charité envers ce petit peuple trop ingrat de la cour du roi Pétaud. Auprès de sa lignée, du prince Jean, de toutes ces dames et conseillers intrigants et autres gentils damoiseaux du Palais de l’Elysée et de sa basse-cour neuillyenne, puisse-t-il méditer, telle Perrette, cette morale d’une fable de La Fontaine narrant cette laitière plutôt sexy, allant légère, court-vêtue, en petite jupe bien troussée, un peu volage pour sauter ainsi transportée par ses pensées avant cette chute fatale qui lui fit craindre le pire de son mari d’homme brutal quand de son oeil marri, elle vit sa fortune ainsi répandue :
Quel esprit ne bat la campagne ?
Qui ne fait châteaux en Espagne ?
Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous,
Autant les sages que les fous ?
Chacun songe en veillant, il n’est rien de plus doux :
Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes :
Tout le bien du monde est à nous,
Tous les honneurs, toutes les femmes.
Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ;
Je m’écarte, je vais détrôner le Sophi ;
On m’élit roi, mon peuple m’aime ;
Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ;
Je suis gros Jean comme devant.
N’en déplaise à Jean Jacques Rousseau – qui fustigeait, je crois, dans son Emile, l’apprentissage trop précoce des fables de monsieur de La Fontaine – serait-il vraiment saugrenu de renouer avec ces bonnes vieilles traditions éducatives, récemment abandonnées ? Puisque le temps est à la réflexion pédagogique… A toute chose malheur est bon !
Le D P
N.B : Sur le site du franc-parler http://www.francparler.com vous trouverez ces explications truculentes.
Le prénom Jean fut en son temps ce que d’autres sont aujourd’hui pour désigner populairement un idiot ou un malchanceux. Je ne me risquerai pas à lui trouver quelque équivalent pour ne vexer personne…
On trouve la première trace de être Gros-Jean comme devant chez Jean de La Fontaine («la Laitière et le pot au lait», Fables, VII, 9). Le personnage de Gros Jan (et non pas Jean) apparaît un peu plus tôt, au XVIème siècle, sous la plume truculente de Rabelais où il est présenté comme un personnage rustre… On pourrait dire une brute ou encore… un abruti.
Plusieurs expressions familières en découlerons comme « Gros-Jean en remontre à son curé » (c’est-à-dire que celui qui est ignare voudrait en apprendre ou corriger celui qui a réellement le savoir). La culture populaire a ainsi donné à Gros-Jean le rôle du personnage stupide, du nigaud toujours abusé.
Dans notre expression, encore vivante aujourd’hui, le terme devant doit être compris avec le sens vieilli d’avant. Reste à reconstruire le puzzle : être Gros-Jean comme devant, c’est se rendre compte que l’on a été berné et par conséquent que l’on est devenu ou que l’on était déjà avant …un Gros-Jean. L’avantage espéré ou attendu n’est plus qu’un joli souvenir et l’on se retrouve ‘comme un idiot’ dans la même situation qu’auparavant avec toutefois, en plus, le sentiment de désillusion et de ridicule de celui qui a raté son coup…
Pour la vie de Jean Chrysostome, dit Saint Jean Bouche d’Or, il faut s’en référer au bel ouvrage en onze volumes de l’Histoire des Saints et de la sainteté chrétienne sous la direction scientifique de F. Chiovaro, J. Delumeau, A. Mandouze, B. Plongeron, P. Richet, C. Savart et A. Vauchez (volume 3,pp 192 à 199, éditions Hachette).
3 réponses to “De Saint Jean Bouche d’Or à Gros-Jean”
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TRIBUNE – Libération publie ce matin une tribune d’Etienne Tête, conseiller régional Vert en Rhône-Alpes, et (dernier) adjoint au maire de Lyon. L’élu y analyse la différence de traitement judiciaire entre une insulte prononcée par le Président de la République, et la même injure, proférée à son encontre…
« «Casse-toi pauvre con» et «Casse-toi pauvre con». Aucune différence ? Erreur ! Le premier a été prononcé par le président de la République, au Salon de l’agriculture en février, à l’adresse d’un visiteur qui déclinait de lui serrer la main. Aucune poursuite, aucune condamnation. Le deuxième orne une pancarte, exhibée par un citoyen au cours d’une visite présidentielle, en mémoire du premier propos de Nicolas Sarkozy.
Sur poursuite du procureur de la République, le sujet ordinaire est condamné à 30 euros avec sursis. La punition est symbolique. Il s’agit d’une illustration ô combien coutumière du propos de Jean de La Fontaine, «que vous soyez puissant ou misérable…». Sur le plan de la théorie pénale, l’attitude du juge de première instance paraît conciliante. La Cour de cassation qui se penche sur la nature des propos qui sont ou ne sont pas injurieux, a déjà validé une répression pour la même expression. Cependant, d’aucuns estimeront que l’excuse de provocation aurait dû bénéficier au prévenu. Malgré cela, l’anecdote mérite mieux que raillerie et galéjade.
Ce «petit mot» met en lumière la portée de la réforme constitutionnelle voulue par Jacques Chirac à son profit, au bénéfice de ses successeurs, et sa contradiction avec la convention européenne des droits de l’homme.
L’article 67 de la Constitution indique que «Le président … ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite.» Très concrètement, aucun individu ne peut saisir la justice, tant civile que pénale, à l’encontre du citoyen Sarkozy dans ses actes qui ne relèvent pas de sa fonction. C’est loin d’être une hypothèse d’école. Le Président a voulu divorcer, c’est lui qui a saisi le juge. Si Cécilia Sarkozy avait voulu demander un divorce pour faute, impossible. Sur le plan théorique, elle devait accepter le devoir conjugal jusqu’à la fin du mandat, «heureusement réduit à cinq ans».
De son côté, la Cour européenne a encore une fois condamné, le 16 novembre 2006, un Etat (la Grèce) pour son refus de lever l’immunité parlementaire. La gardienne des droits de l’homme juge de manière constante que l’immunité entrave l’exercice du droit d’accès à la justice lorsque les actes incriminés ne sont pas liés à l’exercice de la fonction stricto sensu. La France, en protégeant le président de la République de toute action en justice, même pour des faits antérieurs à sa fonction ou sans lien direct avec sa mission, ne respecte plus les droits de l’homme.
Avec la conception singulière de Nicolas Sarkozy de son rôle de président de la République, la situation s’est aggravée. Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing utilisaient la justice avec parcimonie. François Mitterrand et Jacques Chirac ne semblent pas avoir pratiqué les prétoires, notamment à l’encontre des journalistes. En un peu plus d’un an, l’actuel locataire de l’Elysée en serait à sa sixième procédure. L’iniquité est grande. «Le prince» a le droit d’être procédurier, mais personne n’a le droit de l’être à son encontre. Pour ultime paradoxe, la partie gagnante ne pourra faire exécuter les dommages-intérêts à l’encontre du Président.
Les conditions du fonctionnement de la justice se sont encore détériorées. La Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner la France, le 10 juillet, en raison du rôle du procureur de la République. Celui-ci n’est pas une «autorité judiciaire» au sens de la Cour car il lui manque, en particulier, l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié.
Si l’on ne veut pas que la France, qui s’est construite dans l’image de la déclaration des droits de l’homme de 1789, sorte de l’ensemble des nations démocratiques, il devient impérieux de repenser non seulement notre Constitution, mais encore le rôle du parquet dans le procès pénal. L’égalité des citoyens sera mieux assurée lorsque chacun connaîtra la vérité tant sur les «affaires Chirac», qui ont occupé les médias sous le précédent quinquennat, que sur les transactions immobilières, révélées par un hebdomadaire satirique et passées entre l’ancien maire de Neuilly, la SEM 92 et un promoteur dans une période comprise entre juin 1997 et juin 2004.
Monarque et manants devraient écouter Georges Brassens : «C’est injuste, madame, et c’est désobligeant que ce morceau de roi de votre anatomie porte le même nom qu’une foule de gens.» Ils éviteraient le ridicule de la France… et les tribunaux. »
Etienne TETE
Hey ! toujours agreablement supris se lire des bilets interessants
qu’est-ce que tu sous entendais dans cett parenthese : « volume 3,pp 192 a 199, editions hachette » ? je te souhaite une bone continuatoin !
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