Couacs, fébrilité et nullité dans la gestion du dossier de la carte famille nombreuse
Créé par sr07 le 12 avr 2008 à 10:47 | Dans : a1-Abc d'une critique de gauche. Le billet de XD, a4-Le blog citoyen croque la droite
La carte famille nombreuse constitue un élément de référence des tarifs sociaux pratiqués par la SNCF. Cette carte fut créée en 1921. Elle bénéficie aux membres de familles d’au moins trois enfants et donne droit à des réductions de tarifs SNCF de 30 à 75%, sans réservation préalable.
La SNCF recense aujourd’hui 2,2 millions de cartes familles nombreuses en cours de validité, correspondant à 650 000 familles quand, selon les calculs de l’UNAF, 1,4 million y ont droit. La carte famille nombreuse vaut 18 euros pour une période de validité de trois années. Dans le cadre du programme d’économies drastiques annoncé par Nicolas Sarkozy le 4 avril – la fameuse RGPP – la secrétaire d’Etat à la famille taille dans le vif et décide publiquement, jeudi dernier, de ne plus financer le coût annuel de la carte compensé par l’Etat soit 70 millions. Remous immédiat dans certains secteurs de la majorité attachés à la politique familiale. L’UNAF réagit vivement : «Pas question que l’on fasse des économies sur le dos des familles». Elle est suivie par les syndicats, les politiques et les usagers des transports. Le gouvernement tente d’éteindre l’incendie, mais dans la plus grande cacophonie et fébrilité.
Jean-Louis Borloo, le ministre de l’écologie se veut rassurant et annonce le principe du maintien de la carte tandis que son secrétaire d’Etat, Dominique Bussereau estime peu après que la carte allait «certainement disparaître» pour être remplacée par un «instrument comparable». Avant de préciser que «les réductions pour les familles nombreuses ne disparaîtront pas» et que la carte elle-même allait «évoluer». Difficile de faire moins clair commente Catherine Maussion dans Libé.
Après les turbulences provoquées par cette décision, le gouvernement infléchit sa politique. François Fillon déclarait depuis Tokyo vendredi matin que la SNCF devait financer sa propre «politique familiale» et présenterait dans «les prochains jours» son «dispositif» en la matière. Car «c’est à la SNCF, désormais une entreprise comme les autres, de mettre en oeuvre cette politique familiale et c’est elle qui le fera». «C’est la relation financière entre la SNCF et l’Etat qui va changer, c’est une des décisions qu’on a prises dans le cadre de la RGPP», devait-il préciser, évoquant la Révision générale des politiques publiques, plan dont le gouvernement espère plusieurs milliards d’économies. Dans le même temps, le porte-parole de l’UMP Frédéric Lefebvre a demandé vendredi à la SNCF de «confirmer publiquement» qu’elle «prendra à sa charge les droits liés à la carte Famille nombreuse». Il rappelle que pour l’UMP, «il est normal que la SNCF, dorénavant bénéficiaire, ne perçoive plus de compensation financière par l’Etat» pour financer les avantages de la carte Famille nombreuse. Ce dispositif ne rassure cependant pas les représentants des associations familiales qui se font à nouveau entendre. Ainsi, Jean-Marie Bonnemayre, président du Conseil national des associations familiales laïques, craint qu’une prise en charge du coût de la carte famille nombreuse par la SNCF puisse être «remise en cause selon les résultats de l’entreprise» et dénonce la casse de l’Etat-providence.
Sous la pression, Nadine Moreno et le gouvernement doivent vite faire marche arrière et proposent de pérenniser le dispositif avec le principe d’un financement par l’Etat. Cette nouvelle annonce de la secrétaire d’Etat à la famille intervient à l’issue d’une réunion à l’Elysée entre Nicolas Sarkozy, le président de la SNCF Guillaume Pepy et des représentants d’associations familiales et de transport. On apprend alors que les tarifs sociaux seront étendus aux familles monoparentales et aux familles modestes de moins de trois enfants et que la SNCF versera davantage de dividendes à l’Etat. JF Coppé, opposant de la première heure et droit dans ses bottes commente ainsi la dernière version officielle : « la carte famille nombreuse est un pilier de notre politique familiale, pas un élément de notre politique sociale. S’il faut des économies, la sagesse est d’en trouver ailleurs avec la SNCF ».
En sortant de l’Elysée, hier après-midi, François Fondard, le président de l’Union nationale des associations familiales, exprimait sa satisfaction que les tarifs privilégiés accordés aux familles «ne soient pas tributaires de la politique commerciale forcément aléatoire de la SNCF», comme le voulait le gouvernement avec les garanties obtenues de la bouche même du Président : le maintien de la carte dans le champ de la politique familiale, la garantie du financement sur le budget de l’Etat et son universalité.
Si le patron de l’ UNAF peur être soulagé, il n’en demeure pas moins que cet épisode doit être situé dans une dégradation d’ensemble des tarifs sociaux de la SNCF dénoncée par la fédération des usagers du transport et des services publics : entrée en vigueur de la nouvelle grille tarifaire à l’automne supprimant la réduction automatique de 25% au profit des plus de 60 ans qui doivent à présent acheter une carte au coût de 55 euros. C’est la promotion d’une politique commerciale qui multiplie les tarifs pour rentabiliser le trafic en maximisant les recettes. Malgré certains avantages dans les situations de bradages des prix de tickets pour assurer le remplissage, ces dispositifs sont tout le contraire des tarifs sociaux.
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Cacophonie . Le revirement gouvernemental est révélateur des contradictions dans lesquelles est empêtré Sarkozy.
PAUL QUINIO du journal Libé du lundi 14 avril 2008
Quel symbole ! «L’affaire» de la suppression supprimée de la carte famille nombreuse de la SNCF, qui la semaine dernière a mis sens dessus dessous la majorité, ne vaut pas seulement pour l’incroyable récit d’un revirement gouvernemental. L’épisode est à lui seul un formidable résumé du casse-tête politique, économique et budgétaire dans lequel se trouvent Nicolas Sarkozy et sa majorité.
Dégâts. Le chef de l’Etat d’abord. Alors que l’Elysée réfléchit à l’opportunité d’une intervention télévisée pour recadrer son action, son revirement sur la carte SNCF a pour conséquence d’enterrer un peu plus l’illusion de la toute-puissance du «volontarisme» qui l’a, en grande partie, porté à l’Elysée. Voilà un président qui le vendredi 4 avril, lors de son discours sur la réforme de l’Etat, déclarait ne pas avoir «été élu pour commander des rapports, mais pour prendre des décisions qui vont conduire à des changements réels». Et qui le vendredi suivant fait marche arrière toute sur une des 166 mesures censées incarner cette réforme de l’Etat. L’Elysée argumentera qu’il n’y a que les imbéciles qui ne reconnaissent pas leurs erreurs. Soit. Mais dégâts collatéraux il y a bien : la montée au front, couronnée de succès, des associations familiales contre la refonte de la carte SNCF pourraient faire des bébés. Un message est passé : «Protestez, le gouvernement sait reculer.»
L’impréparation gouvernementale ensuite. Claude Goasguen, député UMP de Paris l’a dit ce week-end (lire ci-dessous) : le couac aurait pu être évité avec un peu plus de discussions en amont. Au-delà des gémissements postmunicipales de la majorité parlementaire qui se cachent derrière une telle déclaration, l’improvisation qui a présidé au lancement de la deuxième phase de la réforme de l’Etat laisse effectivement pantois. Question : laquelle des 165 mesures restantes va se révéler être une carte SNCF bis ? Inquiétant pour un gouvernement qui brandit la réforme de l’Etat comme un axe majeur de son action. Tout ça manque de rigueur.
La rigueur justement. L’autre. La vraie. Celle que François Fillon nie mettre en œuvre. L’épisode de la carte famille nombreuse en dit long sur les angoisses budgétaires qui paralysent le gouvernement. Car de quoi s’agissait-il au départ ? D’économiser 70 millions d’euros sur le budget de l’Etat. Autrement dit une broutille. Certes, une broutille plus une broutille plus une broutille finissent par produire de vraies économies. Mais la «faillite» des comptes de l’Etat serait-elle si dramatique qu’elle rend Bercy aveugle politiquement ? L’épisode aura en tout cas scénarisé à merveille la tenaille entre économie budgétaire et crise du pouvoir d’achat dans lequel est enfermé le gouvernement.
Tollé. Ultime enseignement qui doit désespérer Sarkozy : une entreprise comme la SNCF, bien qu’elle traite depuis longtemps ses voyageurs comme des clients plutôt que comme des usagers d’un service public, continue de charrier la symbolique d’un Etat socialement protecteur. Le tollé de la semaine dernière démontre que les Français y restent attachés.
Par Emmanuel Jarry Reuters – il y a 2 heures 6 minutesPARIS (Reuters) – Nicolas Sarkozy souhaite donner une nouvelle « feuille de route » à ses troupes, après le coup de semonce des élections municipales et les soubresauts qui ont suivi au gouvernement et dans la majorité, dit-on à l’Elysée.
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« Nous avons réorganisé l’Elysée, le gouvernement et l’UMP. Les scories des municipales sont évacuées », assure l’entourage du chef de l’Etat. « Nous arrivons dans une phase nouvelle qui nécessite que le président donne une nouvelle feuille de route. »
« Les Français ressentent l’utilité pour le président de la République de s’exprimer pour donner une cohérence aux réformes et une perspective », estime-t-on de même source.
Nul doute qu’il s’efforcera également de mettre un point final à la cacophonie de ces dernières semaines.
Selon Le Figaro et Le Monde, ce pourrait être à la télévision dans la semaine du 21 avril. Jean-François Copé faisait pour sa part état samedi dans Libération de l’intention du chef de l’Etat de réunir les députés UMP début mai.
La date et la forme de son intervention n’étaient pas arrêtées dimanche, soulignait-on à l’Elysée tout en précisant que ce serait avant le premier anniversaire de son élection, le 6 mai.
Sa dernière grande intervention publique – hors discours – remonte à sa conférence de presse du 8 janvier. Mais il était alors encore dans la période « bling-bling » qui lui a valu une chute vertigineuse dans les sondages.
La libération vendredi des 30 otages du voilier Le Ponant au large des côtes somaliennes, grâce à une intervention musclée des armées françaises, est tombée à pic pour le président.
Les circonstances ont offert à Nicolas Sarkozy l’occasion de renouer avec la politique du coup d’éclat, qui avait contribué à sa popularité au début de son quinquennat.
Conformément à ce qui paraît être sa nouvelle politique de communication, il s’est cependant abstenu d’en faire lui-même le service après-vente, laissant ce soin à deux de ses principaux conseillers et au chef d’état-major des armées.
Depuis la perte de plusieurs dizaines de grandes villes et de huit départements par la droite, lors des municipales et des cantonales de la mi-mars, Nicolas Sarkozy s’efforce de remettre de l’ordre à droite. Mais la semaine passée a été l’une des plus chaotiques de ces derniers mois pour lui, le gouvernement et la majorité.
La poussée de fièvre la plus spectaculaire a été provoquée par les accusations de « lâcheté » lancées via Le Monde par la secrétaire d’Etat à l’Ecologie à l’encontre de son ministre de tutelle, Jean-Louis Borloo, et de Jean-François Copé. En question, un débat parlementaire houleux sur les OGM.
« PROFOND MALAISE »
Pour éviter d’être « virée », Nathalie Kosciusko-Morizet, qui était aussi en désaccord avec d’autres ministres sur ce dossier, a dû s’excuser publiquement à la demande du Premier ministre François Fillon, qui l’a en outre exclue de son voyage au Japon.
Chacun doit « retrouver sa juste place » dans la « cordée de la majorité » mais à l’avenir les députés UMP doivent être mieux associés aux réformes, a plaidé dimanche Jean-François Copé sur Radio J.
La crise du Tibet avait déjà été l’occasion de couacs, la secrétaire d’Etat aux droits de l’Homme, Rama Yade, posant trois « conditions » à la participation de Nicolas Sarkozy à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin avant de démentir ses propos dans les heures suivantes.
Les manifestations qui ont perturbé en début de semaine le passage de la flamme olympique à Paris, en protestation contre la répression chinoise au Tibet, ont mis un peu plus Nicolas Sarkozy en porte-à-faux vis-à-vis de Pékin et de l’opinion publique.
L’annonce la semaine précédente de sept milliards d’euros d’économies a aussi suscité des interrogations.
« Les politiques sociales ne peuvent continuer à alimenter le déficit et la dette », a déclaré mardi le président, selon qui le revenu de solidarité active (RSA) devra être « calibré » en fonction des finances du pays. Il n’en a pas fallu plus pour susciter des inquiétudes sur l’avenir de cette mesure anti-pauvreté.
Le gouvernement a ainsi « ramé », après l’annonce que l’Etat ne financerait plus les réductions de tarifs de la SNCF au titre de la carte « famille nombreuse », pour expliquer qu’il n’était pas question de supprimer celle-ci.
Nicolas Sarkozy a lui-même désamorcé la polémique vendredi en acceptant le maintien de la compensation de l’Etat en échange de dividendes accrus de la SNCF.
Pour le député UMP Claude Goasguen, un « profond malaise » perdure. « Il y aura de nouveaux couacs car on va aborder des sujets sensibles » tels l’ouverture des magasins le dimanche, le RSA ou la carte hospitalière « dans un contexte budgétaire difficile », a-t-il déclaré au Journal du Dimanche.
« Les députés ne veulent plus être traités comme de simples bulletins de vote. De plus, beaucoup ont le sentiment que le volontarisme de Sarkozy s’étiole », a-t-il affirmé.
Le porte-parole de l’UMP Frédéric Lefebvre prédit également de nouvelles dissensions mais y voit un signe de bonne santé démocratique. « Le débat ne se fait plus avec la gauche parce que la gauche n’a aucune idée mais il se déroule chez nous », fait-il valoir.
A l’orée d’une période rendue délicate par le ralentissement de la croissance économique, Elysée et Matignon veulent en tous cas voir gouvernement et majorité revenir à un fonctionnement « plus harmonieux », comme l’a confié François Fillon à Tokyo.
Propos recueillis par Marie QUENET
Le Journal du Dimanche
Claude Goasguen pense qu’il existe un « profond malaise à l’Assemblée nationale » après les différents incidents qui ont émaillé la vie politique française ces derniers jours. Le député UMP s’inquiète du clivage entre les pouvoirs exécutif et législatif qui provoque des désordres importants au sein de la majorité. Extraits de son interview au JDD.
Le député-maire du 16e arrondissement de Paris n’est pas tendre avec les ministres. (Maxpp)
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La folle journée de NKM
Cacophonie sur le RSA
Nicolas Sarkozy a finalement reculé: la carte Famille nombreuse continuera à être financée par l’Etat, et devrait même être étendue…
Si l’Assemblée avait été consultée sur les mesures d’économie, les députés auraient pu signaler que celle sur la carte Famille nombreuse allait déclencher des controverses. Le mieux aurait été d’en discuter avant. Il faut conserver cette carte. On peut aussi l’étendre sous réserve de l’équilibre budgétaire et de la participation de la SNCF. Il n’y a pas de fatalité à ce que l’Etat prenne en charge les avantages distribués par une entreprise, même publique.
Après l’incident Nathalie Kosciusko-Morizet, tout est oublié?
Il reste un profond malaise. Les Parlementaires s’étaient déjà sentis écartés du Grenelle de l’Environnement et du rapport Attali. Depuis l’élection présidentielle, la vie politique se résume à un face-à-face entre l’Elysée et l’opinion. Or si cela a bien fonctionné quand le Président caracolait dans les sondages, on voit aujourd’hui que ce n’est pas la bonne méthode.
« Beaucoup ont le sentiment que le volontarisme de Sarkozy s’étiole »
Le cafouillage va-t-il continuer?
Il y aura de nouveaux couacs. Car on va aborder des sujets sensibles comme l’ouverture des magasins le dimanche, le Revenu de Solidarité Active, la loi sur le Grenelle de l’environnement, le redéploiement de l’armée, la carte hospitalière… dans un contexte budgétaire difficile. Il faut donc faire de la pédagogie, et non balancer les mesures les unes après les autres comme un bombardement. Les députés ne veulent plus être traités comme de simples bulletins de vote. De plus, beaucoup ont le sentiment que le volontarisme de Sarkozy s’étiole.
Qui est responsable de la cacophonie gouvernementale?
Les ministres ont acté que le Parlement n’avait plus de pouvoir. Ils assistent de moins en moins aux séances, ne répondent plus à nos questions, et vont chercher le satisfecit auprès du Président. On ne les voit que lorsqu’ils arrivent avec des projets, en général assez mal ficelés, dont on a appris l’existence dans la presse, c’est insupportable. Puis il y a le choix de l’ouverture. Nicolas Sarkozy vante la diversité d’opinions parmi les ministres. Moi, je crois que le gouvernement ne doit pas être un microparlement.
Par Michel SAILHAN AFP
Couac de Rama Yade sur les JO, violente charge de Nathalie Kosciusko-Morizet, revirement sur la carte famille nombreuse: des dysfonctionnements en série suggèrent que, 11 mois après son élection, Nicolas Sarkozy cherche encore les bons équilibres.
« Il y a des contradictions, j’en conviens volontiers… mais qui sont finalement le reflet de la société », s’est défendu samedi le secrétaire général de l’UMP Patrick Devedjian, interrogé par France Info sur cette cacophonie.
« C’est le problème des délimitations de compétences dans un gouvernement (…) Parfois, les choses ne sont pas claires de ce point de vue-là », a-t-il ajouté au sujet de la carte pour familles nombreuses.
Une affaire marquée par un revirement présidentiel doublé de déclarations ministérielles contradictoires.
M. Sarkozy avait en effet prévu le désengagement de l’Etat sur cette carte, avant de faire marche arrière vendredi, mettant un terme aux propos à géométrie variable des ministres concernés.
Quant à Nathalie Kosciusko-Morizet, M. Devedjian a convenu qu’ »elle a eu un mot de trop, clairement ».
La secrétaire d’Etat à l’Ecologie avait accusé mercredi son ministre de tutelle Jean-Louis Borloo d’être entré dans « un concours de lâcheté » avec Jean-François Copé, le chef des députés UMP, à propos du projet de loi sur les OGM.
Un texte qui divise une majorité déjà bruyante, qui regrette de plus en plus de n’être pas associée aux projets de l’exécutif.
Le président viendra remettre de l’ordre le 21 avril à la télévision, affirme la presse. L’Elysée assure qu’ »aucune décision » n’est prise.
C’est dès le week-end dernier qu’a commencé la série noire des couacs gouvernementaux.
La secrétaire d’Etat aux droits de l’homme, Rama Yade, affirme au Monde que « trois conditions » sont posées pour que M. Sarkozy se rende à la cérémonie d’ouverture des JO de Pékin: « la fin des violences contre la population et la libération des prisonniers politiques, la lumière sur les événements tibétains et l’ouverture du dialogue avec le dalaï lama. »
Embarras du chef de la diplomatie Bernard Kouchner, après ces propos non conformes, qui finit par expliquer que Mme Yade a bien dit « conditions », mais qu’elle a ensuite « retiré » le mot.
Il y a dans ces cafouillages « de l’inexpérience et de l’indiscipline hautement dommageables », trois semaines après un remaniement ministériel et 15 jours après une réorganisation de l’UMP, censés rectifier le tir après la défaite de la droite aux municipales, commente Philippe Braud, professeur à Sciences Po.
Mais « certains de ces couacs peuvent aussi se rattacher à une politique de pression sur les ministres », avance le politologue. « Quand Nathalie Kosciusko-Morizet conserve son poste, en dépit de ses propos peu amènes en direction de MM. Copé et Borloo, n’est-ce pas un message présidentiel indirect qui leur est adressé ? »
Onze mois après son élection, M. Sarkozy userait-il de cette méthode pour trouver l’équilibre, entre ministres et conseillers?
Deux exemples montrent en tout cas qu’il n’a pas renoncé à mettre en avant ses conseillers.
Vendredi, des trois responsables qui expliquaient à la presse l’équipée des soldats français pour sauver les otages du Ponant, deux venaient de l’Elysée: Jean-David Levitte, conseiller diplomatique, et l’amiral Edouard Guillaud, chef de son état-major particulier. Le ministre de la Défense Hervé Morin était absent.
Et lors de la visite au Gabon jeudi du secrétaire d’Etat à la Coopération, Alain Joyandet, et du secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant, le premier a dû attendre une heure que M. Guéant s’entretienne en privé avec Omar Bongo, avant d’accéder à l’audience présidentielle.
Carte famille nombreuse: «Il y a une casse de l’Etat providence»
La carte SNCF famille nombreuse bénéficie à trois millions de personnes (Reuters).
Jean-Marie Bonnemayre, président du Conseil national des associations familiales laïques, craint qu’une prise en charge du coût de la carte famille nombreuse par la SNCF puisse être «remise en cause selon les résultats de l’entreprise».
Propos recueillis par François Vignal
LIBERATION.FR : vendredi 11 avril 2008
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Le président du Conseil national des associations familiales laïques, membre de l’Union nationale des associations familiales (Unaf), pense que les mesures du gouvernement vont «paupériser les couches moyennes de la société». Selon lui, «On assiste à un effeuillage progressif» de l’Etat providence, qui pourrait entraîner «un mouvement d’envergure de type mai 68».
Après la cacophonie gouvernementale sur la carte famille nombreuse de la SNCF, avez-vous le sentiment que l’annonce s’est faite dans la précipitation ?
C’est le moins qu’on puisse dire. J’ai l’impression qu’ils n’ont pas mesuré l’impact que ça pouvait avoir, le nombre de familles touchées. Et cela vient à la suite d’une accumulation de mesures qui touchent le pouvoir d’achat et les prestations familiales.
La secrétaire d’Etat à la famille Nadine Morano explique que la carte devrait être remplacée par des «produits commerciaux». Ce n’est pas possible pour vous ?
Nous préférons que ce soit fléché «politique familiale». Nous sommes en phase avec l’Unaf, dont nous faisons partie, sur ce sujet. Si c’est un simple contrat avec la SNCF, il peut être remis en cause en fonction des résultats de l’entreprise. Je sais qu’elle a été bénéficiaire en 2007, mais ce n’est pas une solution durable. La carte doit faire partie des éléments de la politique familiale. L’Etat veut se désengager. Mais dans son immense cafouillage actuel, il y a une porte qu’il n’a pas ouverte: la Caisse nationale d’allocation familiale pourrait reprendre en charge la prestation de la carte. Mais le gouvernement a annoncé l’instauration d’un droit opposable à la garde d’enfant. Ça va coûter cher. Ils ne pourront pas tout faire. Mais les 70 millions d’euros (le coût pour l’Etat de la carte Ndlr), il faut les relativiser à l’aune des budgets mis sur la politique familiale. Ce qui est grave, c’est quand on regarde les enquêtes sur une période de 3-4 ans, celles de l’Odas, tout montre que dans les familles, ce sont les familles nombreuses qui sont les plus paupérisées. Elles ont de plus en plus de mal à boucler leur budget mensuel. C’est une sacré contradiction avec la volonté de lutter contre la baisse du pouvoir d’achat. On peut s’étonner que Martin Hirsch n’ait pas réagi au sujet de la carte.
Ne faudrait-il pas une carte famille nombreuse qui tienne compte des revenus des familles ?
Il pourrait y avoir une modulation en fonction des ressources. Ça existe pour les allocations de rentrée scolaire. En même temps, ça va à l’encontre d’une idée chère au mouvement familial: le caractère universelle des prestations familiale. L’Unaf, comme nous, considérons qu’il faut garder ce caractère universelle de cette prestation. Si la France s’en sort mieux que d’autre sur son taux de natalité, c’est grâce à la politique familiale universelle. On la cassant, on mettrait le doigt dans un engrenage qui ferait sauter à terme l’universalité. On le voit sur l’aide au logement. Il y a une tentation grande de ne réserver un certain de nombre de prestations qu’aux tranches des gens les plus mal lotis. C’est l’objectif de Bercy. On sait où ça nous conduira. Le reste de la population devra se démerder avec les assurances privées ! On va paupériser les couches moyennes de la société.
L’UMP renvoie la balle sur la SNCF, qui devrait, selon le parti, prendre en charge le coût de la carte à la place de l’Etat. Comment expliquez-vous ce désengagement ?
Ce que je vois, c’est qu’ils n’ont pas du tout réfléchi aux conséquences de la mesure. Des députés UMP la critiquent d’ailleurs. Pour eux, ça fait partie des fondements de l’Etat social et de la République. Je crois qu’il y a une casse de l’Etat providence. On assiste à un effeuillage progressif. Tout cela a une logique. On se dirige vers un système à l’anglo-saxonne. On va réserver tous les systèmes solidaristes et de solidarité collective aux tranches les plus mal-en-point, comme en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, où 45 millions de personnes ne sont pas soignées. Hillary Clinton veut d’ailleurs restaurer un système de sécurité sociale plus large pour les Américains ! On est soumis à des rafales de mesures. On n’a pas le temps d’encaisser une mesure qu’une autre pointe le nez. Lors de mes réunions en province, on sent monter un ras le bol, avec toute les conséquences que ça peut avoir. On pourrait avoir un mouvement d’envergure de type mai 68. Mais il n’est pas sûr qu’on arriverait à canaliser cette grogne.