décembre 2008
Archive mensuelle
Archive mensuelle
Créé par sr07 le 31 déc 2008 | Dans : Monde arabe, Proche et Moyen-Orient
Tom Ségev historien israélien. Texte publié par le quotidien Haaretz. Traduit de l’anglais par Edith Ochs.
La chaîne israélienne Channel 1 a diffusé un montage intéressant samedi matin. Ses correspondants se trouvaient à Sderot et à Ashkelon, tandis que les images sur l’écran provenaient de la bande de Gaza. Ainsi, involontairement, l’émission envoyait le bon message : un enfant à Sderot est le même qu’un enfant à Gaza, et quiconque fait du mal à l’un ou à l’autre est un individu malfaisant.
Mais l’attaque contre Gaza n’appelle pas, d’abord et avant tout, une condamnation morale. Elle exige quelques mises au point historiques. La justification qu’on en donne et les cibles choisies sont un remake des mêmes a priori fondamentaux qui se sont révélés erronés tour à tour. Cependant, Israël continue de les sortir de son chapeau encore et encore, une guerre après l’autre. Israël frappe les Palestiniens pour «leur donner une leçon». C’est un leitmotiv qui a accompagné l’entreprise sioniste depuis ses débuts : nous sommes les représentants du progrès et des lumières, d’une rationalité distinguée et de la morale, tandis que les Arabes sont une foule primitive et violente, des enfants ignorants qu’il faut éduquer, auxquels il faut enseigner la sagesse par la méthode, bien sûr, de la carotte et du bâton. Tout comme le paysan avec son âne. Le bombardement de Gaza est également censé «liquider le régime du Hamas», conformément à un autre lieu commun qui a accompagné le mouvement sioniste dès le départ. Il est possible d’imposer une direction «modérée» aux Palestiniens, une direction qui renoncera à promouvoir leurs aspirations nationales. Par ailleurs, Israël a aussi toujours cru que la souffrance des civils palestiniens amènerait nécessairement ceux-ci à se dresser contre leurs leaders nationaux. Cette supposition s’est révélée fausse à chaque fois. Toutes les guerres d’Israël reposent sur un autre a priori qui nous a accompagné, là encore, depuis le début : nous ne faisions que nous défendre. «Un demi-million d’Israéliens sont sous le feu de l’ennemi», hurle un bandeau à la une du quotidien Yedioth Ahronoth, comme si la bande de Gaza n’avait pas été soumise à un siège prolongé qui a détruit les chances de toute une génération de mener une vie qui vaut la peine d’être vécue.
Il faut reconnaître qu’il est impossible de vivre sous le feu de missiles quotidiens, même s’il n’y a pratiquement aucun endroit au monde aujourd’hui où la terreur soit réduite à zéro. Mais le Hamas n’est pas une organisation terroriste qui tient les habitants de Gaza en otage : c’est un mouvement religieux nationaliste. Une majorité de Gazaouis croit à cette voie. Certes, on peut l’attaquer et avec les élections à la Knesset en perspective, cette attaque pourrait même amener une sorte de cessez-le-feu. Mais il y a une autre vérité qui vaut la peine d’être rappelée dans ce contexte : depuis l’aube de la présence sioniste sur la terre d’Israël, aucune opération militaire n’a jamais fait progresser le dialogue avec les Palestiniens.
Le plus dangereux de tout, c’est le cliché selon lequel il n’y a personne avec qui discuter. Cela n’a jamais été le cas. Il y a même des moyens pour parler avec le Hamas, et Israël a quelque chose à offrir à cette organisation. Mettre fin au siège de Gaza et permettre la liberté de mouvement entre Gaza et la rive ouest pourraient réhabiliter la vie dans la bande de Gaza.
En même temps, cela vaut la peine de dépoussiérer d’anciens projets élaborés au lendemain de la guerre des Six Jours, d’après lesquels des milliers de familles devaient être réimplantées de Gaza sur la rive ouest. Ces projets n’ont jamais été mis en œuvre parce que la rive ouest a été programmée pour recevoir des implantations juives. Et ce fut l’hypothèse de travail la plus préjudiciable de toutes.
Créé par sr07 le 31 déc 2008 | Dans : Monde arabe, Proche et Moyen-Orient
Retour sur les origines de la crise, et hypothèses sur l’évolution possible du conflit.
CHRISTOPHE AYAD DELPHINE MATTHIEUSSENT et JEAN-PIERRE PERRIN
En quittant unilatéralement la bande de Gaza et en démantelant les colonies à l’été 2005, Ariel Sharon avait voulu se débarrasser d’un territoire sans intérêt stratégique ni religieux pour Israël, pauvre et exigu, où s’entassent 1,5 million de Palestiniens sur 362 km2 - la plus forte densité au monde - est devenu la place forte du Hamas, radicalement hostile à Israël.
Qui a commencé?
Le Hamas a pris la décision, le 18 décembre, de ne pas renouveler la tahdiyeh (la période de calme) de six mois conclue avec Israël. Cette rupture a rapidement été suivie par le tir de dizaine de roquettes et d’obus de mortiers, provoquant l’attaque israélienne de samedi. En fait, cette trêve, plutôt bien suivie pendant quatre mois et demi, n’était plus vraiment respectée depuis le raid israélien du 4 novembre qui avait tué six membres du Hamas. Cet acte de violence avait entraîné une réaction en chaîne : riposte à coups de roquettes du mouvement islamiste et renforcement du blocus israélien de la bande de Gaza, qui a encore aggravé la situation humanitaire déjà très critique dans l’enclave palestinienne. Selon Khaled Mechaal, le chef du mouvement islamiste en exil, ce sont ces assassinats et ce blocus – qui touche 1,5 million de personnes – qui ont conduit le Hamas à ne pas reconduire la tahdiyeh. Si le Hamas a effectivement engagé les hostilités, l’Etat hébreu porte néanmoins une très large responsabilité dans la rupture de la trêve. Celle-ci lui a d’ailleurs servi à préparer son opération militaire. Selon le quotidien israélien Haaretz, les préparatifs ont même commencé six mois plus tôt, alors que le Hamas et Israël négociaient une trêve avec l’aide de l’Egypte. Ehud Barak avait alors demandé à ses services de renseignements de recenser les sites des forces de sécurité du Hamas et d’autres groupes armés dans la bande de Gaza.
Pourquoi maintenant ?
Israël a voulu profiter de la longue transition entre une administration Bush discréditée, et une équipe Obama pas encore en poste et peu désireuse de débuter son mandat par l’épineux dossier israélo-palestinien, pour frapper un grand coup et affaiblir durablement le Hamas, voire établir de nouvelles règles du jeu. Or les Etats-Unis, bien plus qu’une Europe impuissante et alignée sur Washington au Proche-Orient, sont la seule puissance au monde capable, tout à la fois, d’influer sur la politique d’Israël et d’inspirer suffisamment de crainte à ses adversaires. Deuxième facteur décisif, la campagne électorale israélienne en cours. Tzipi Livni, la candidate du parti aujourd’hui au pouvoir, Kadima, était ces dernières semaines à la traîne dans les sondages de Benyamin Nétanyahou, le chef du Likoud, partisan de la manière forte dans la bande de Gaza. Elle a donc poussé le Premier ministre Ehud Olmert et son collègue de la Défense, le travailliste Ehud Barak, a accélérer la mise en œuvre d’une opération prévue de longue date. On ne peut écarter aussi un timing médiatique opportuniste en pleine période des fêtes. Côté palestinien, le Hamas aussi est en campagne électorale depuis que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a annoncé des élections anticipées pour le début de l’année 2009, afin de trancher par les urnes la lutte de pouvoir qui oppose les deux principales composantes du mouvement national palestinien depuis deux ans.
Quels sont les objectifs d’Israël ?
L’objectif immédiat d’Israël en lançant une offensive militaire dans la bande de Gaza est de faire cesser les tirs de roquettes sur son territoire et, pour cela, de détruire les tunnels permettant l’acheminement des armes et munitions. Ce but, maintes fois mentionné par les responsables israéliens, est devenu d’autant plus pressant que le Hamas et les groupes armés palestiniens semblent avoir la capacité d’étendre la portée et la puissance de frappes de leurs roquettes. Depuis le retrait israélien de la bande de Gaza à l’été 2005, des milliers de roquettes ont été tirées vers Israël, en grande majorité des Qassam, à la portée inférieure à 20 kilomètres, qui ont fait essentiellement des dégâts matériels. Ces derniers mois cependant, des roquettes de type Grad et Katioucha ont touché des villes israéliennes toujours plus distantes de la bande de Gaza, plaçant davantage de civils israéliens sous leur menace. Hier matin, le quotidien israélien Yedioth Aharonot titrait : «Un demi-million d’Israéliens sous le feu».
A moyen et long terme, les responsables israéliens font cependant preuve d’une certaine confusion sur les objectifs d’une opération militaire à Gaza. La tentation de provoquer la chute du Hamas, qui a pris le contrôle du territoire palestinien par la force en juin 2007 est omniprésente. La ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, et le chef de l’opposition de droite, Benyamin Nétanyahou, tous deux candidats à la succession d’Olmert, y ont encore fait allusion la semaine dernière. Aucun d’entre eux n’a cependant précisé quelle solution politique serait adoptée dans le territoire palestinien après une chute des islamistes, qui refusent de reconnaître formellement Israël. Hier, un des porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères a qualifié d’«idioties» les rumeurs selon lesquelles Israël essayerait d’évincer le Hamas et d’étendre l’autorité du Fatah du président palestinien, Mahmoud Abbas, à la bande de Gaza. Les analystes soulignent qu’en l’absence d’alternative politique mûrement réfléchie la réoccupation du territoire palestinien par l’armée israélienne pourrait se traduire par un dangereux vide, propice à un chaos à l’irakienne.
Elle ne serait pas de tout repos pour les soldats israéliens. Selon une source palestinienne, l’attaque israélienne, en dépit de son intensité et de sa violence, n’avait tué hier soir qu’une cinquantaine de miliciens islamistes.
Que veut le Hamas ?
La trêve a permis au mouvement islamiste de se renforcer militairement, notamment grâce à la contrebande qui passe par les tunnels entre Gaza et l’Egypte. Et de mieux préparer à la guerre les brigades Qassam, ses milices armées, qui seraient fortes d’environ 25 000 hommes. Mais elle lui a aussi permis de régner en maître sur la bande de Gaza en éliminant quasiment toute opposition. Ce faisant, le Hamas a continué à s’isoler davantage : aujourd’hui, il n’est plus seulement l’ennemi d’Israël mais aussi celui de l’Autorité palestinienne et de l’Egypte. Et, à cause du blocus israélien qui a commencé dès sa victoire aux élections de 2006, il n’a pu empêcher la paupérisation du territoire palestinien de s’aggraver. Et il n’est pas parvenu non plus à ce que l’Egypte ouvre sa frontière. D’où l’impasse dans laquelle il se trouvait à la veille de l’opération israélienne. Avec, de surcroît, l’émergence de groupes jihadistes beaucoup plus radicaux qu’il se doit de prendre en compte. Les tirs de roquettes sur Israël apparaissent dès lors davantage comme une fuite en avant face à un statu quo difficilement tenable.
Que peut-il arriver ?
Le pire scénario pour Israël, ce serait que le Hezbollah, qui disposerait de quelque 40 000 missiles et roquettes, ouvre un second front dans le nord du pays. Et que, parallèlement, l’Intifada reprenne en Cisjordanie où la situation des Palestiniens, là encore, ne cesse de se dégrader et où le président, Mahmoud Abbas, apparaît plus faible que jamais. Les observateurs occidentaux estiment que, depuis le sommet d’Annapolis, en novembre 2007, le nombre de colonies et de postes de contrôle israéliens a encore augmenté. C’est ce qu’indique également un récent rapport des Nations unies. Les incursions militaires israéliennes n’ont pas non plus diminué.
Pour le moment, rien ne perce sur les intentions du Hezbollah. En revanche, le secrétaire général du parti chiite libanais, Sayyed Hassan Nasrallah, semble avoir bien compris que le maillon faible dans le conflit actuel est la frontière entre la bande de Gaza et l’Egypte. Aussi, a-t-il appelé hier le peuple égyptien à descendre «par millions» dans la rue pour forcer l’ouverture du terminal de Rafah, frontalier de la bande de Gaza. «La police égyptienne peut-elle tuer des millions d’Egyptiens ? Peuple d’Egypte, vous devez ouvrir le terminal de Rafah avec la force de vos corps», a-t-il poursuivi. Il n’est pas sûr, cependant, qu’il soit entendu.
Un scénario moins dramatique serait la négociation d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, qui pourrait être suivi d’une nouvelle trêve. C’est ce à quoi s’emploie actuellement l’Egypte.
Créé par sr07 le 30 déc 2008 | Dans : Contre la guerre, Monde arabe, Proche et Moyen-Orient
PROCHE-ORIENT – Au quatrième jour de bombardement, Israël doit examiner une proposition de cessez-le-feu soumise par Bernard Kouchner…
Israël examine ce mardi soir une proposition française de cesser pendant 48 heures son offensive, lancée samedi contre le mouvement islamiste Hamas, dans la bande de Gaza qui a fait près de 370 morts.
>> La quatrième journée de bombardements à Gaza, minute par minute, ici!
Le Hamas menace de durcir les frappes Le Premier ministre Ehud Olmert, la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni et le ministre de la Défense Ehud Barak doivent se rencontrer ce mardi soir pour une évaluation de la proposition française de cessez-le-feu. Le Hamas a pour sa part menacé de frapper le territoire israélien plus en profondeur avec ses roquettes si l’Etat hébreu poursuivait son offensive.
>> Gaza: à quoi faut-il s’attendre maintenant?
«Nous disons aux dirigeants de l’ennemi: si vous continuez votre assaut, nos roquettes frapperont plus en profondeur que les villes que nous avons déjà touchées», a déclaré lors d’une conférence de presse à Gaza un porte-parole au visage masqué de la branche armée du Hamas, les brigades Ezzedine al-Qassam.
La diplomatie française entre en jeu
Les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont appelé mardi à Paris à un «cessez-le-feu permanent» à Gaza, permettant un «accès humanitaire», a déclaré le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner. «Nous souhaitons un cessez le feu, qu’il soit permanent, qu’il soit respecté, avec un accès humanitaire bien sûr parce que les victimes sont nombreuses et il faut s’assurer des secours et puis aussi un retour au processus de paix», a précisé le ministre, lors d’une interruption de la réunion des 27.
>> Reportage: «Personne n’est à l’abri du danger à Gaza»Par ailleurs, les ministres des Affaires étrangères du Quartette (Etats-Unis, UE, ONU, Russie) et le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon ont demandé mardi un cessez-le-feu immédiat à Gaza qui soit «pleinement respecté», selon un compte-rendu publié par l’ONU à l’issue d’une conférence téléphonique des membres. En Egypte, le président Hosni Moubarak a lui aussi appelé à l’arrêt immédiat des raids israéliens.
>> Et l’offensive israélienne en images, c’est là
Israël ne veut pas de cessez-le-feu mais la fin du terrorisme
Sur le terrain, les forces terrestres israéliennes se tiennent prêtes à intervenir dans la bande de Gaza. «Les forces terrestres sont prêtes à agir. Tout le monde est en place sur le terrain», a déclaré la porte-parole de l’armée, Avital Leibovitz. Au total, 368 Palestiniens, en majorité des membres du Hamas, ont été tués et plus de 1.700 blessés dans les attaques israéliennes depuis samedi, selon un nouveau bilan fourni par le chef des services d’urgence à Gaza, Mouawiya Hassanein.
Les dirigeants israéliens affirment que l’opération «plomb durci», d’une violence inédite depuis l’occupation des territoires palestiniens par Israël en 1967, vise à mettre fin aux tirs de roquettes sur le sud du pays. «Ce que nous voulons ce n’est pas un cessez-le-feu mais un arrêt du terrorisme», a déclaré le président Shimon Peres lors d’une intervention au ministère de la Défense à Tel-Aviv. Le Premier ministre israélien Ehud Olmert a pour sa part affirmé que les opérations en cours étaient «la première phase parmi plusieurs autres déjà approuvées par le cabinet de sécurité».
Des milliers de manifestants en France
Plusieurs milliers de personnes – 3.500 selon la police, 5.000 selon les organisateurs – ont manifesté mardi dans le centre de Paris pour protester contre l’opération militaire israélienne en cours à Gaza. En fin d’après-midi, derrière une banderole géante qui proclamait «Paris-Gaza-Beyrouth-Kaboul-Bagdad-Jénine, Résistance!», les manifestants se sont rassemblés devant la tour Montparnasse et ont pris dans le calme la direction du quai d’Orsay, où la manifestation doit se disperser dans la soirée.
Lundi déjà, plusieurs milliers de personnes avaient manifesté dans plusieurs villes de France, dont Lyon, Montpellier, Toulouse ou Rennes, pour exiger l’arrêt des attaques israéliennes sur Gaza.
MD de 20 Minutes avec agence
Créé par sr07 le 30 déc 2008 | Dans : Santé-social-logement
La disparition brutale, absurde, d’un jeune homme, le deuil d’une famille, ont, évidemment, marqué les esprits et engendré une forme particulièrement torpide de la peur : et si, où que l’on soit, on restait, malgré tout, à portée d’une agression que rien ne peut justifier. Le fou tue, le fou peut tuer, le fou va tuer, si on ne…
Mais, sans alourdir un débat public bien engagé, il se trouve que toutes les statistiques, policières, judiciaires, attestent que le malade mental est plus souvent victime qu’auteur d’actes d’agression, et que le meurtre impromptu représente une occurrence rarissime, le plus souvent cantonnée à la scène intrafamiliale.
Alors, quelle finalité à l’oeuvre dans cette offensive de la stigmatisation du malade mental, sinon que d’alimenter à l’excès le catalogue morbide des peurs sociales, que d’instiller chez le voisin de l’hôpital le réflexe de défiance qui, précisément, l’amènera à présumer cette radicale altérité de la folie dangereuse ?
Le fou rejoint, pour de bon, dans l’imagier de la terreur, le prédateur sexuel, l’étranger, le sauvageon, le terroriste, mais dans quel but ?
A la suite du terrible drame de Pau, les pouvoirs publics avaient initié un « plan Santé Mentale« , devant le constat d’une psychiatrie publique sans moyens, sans soutien institué, en perte de reconnaissance. Les résultats de cet engagement restent modestes, comme les financements engagés.
Mais aujourd’hui, après un autre drame, la réponse s’impose, sans équivoque, dans le registre sécuritaire : plus de surveillance, des unités hospitalières fermées, des contrôles par caméras vidéo, plus de chambres d’isolement, plus d’unités pour malades difficiles, des sorties très encadrées pour les patients, un fichier, etc. En réalité, un alourdissement des mesures envisagées dans les articles 18 à 24 de la loi de prévention de la délinquance, et retirées en 2007 devant l’hostilité traduite par les professionnels.
Et cette annonce d’une révision, forcément urgente et déjà dictée, de la loi du 27 juin 1990, attendue depuis 1995 !
Ne voit-on pas réapparaître les préoccupations les plus autoritaires, celles qui ont prévalu lors de l’élaboration de la loi du 30 juin 1838 ? Portalis, Pair de France, déclarait le 8 février 1838, lors du débat parlementaire : « nous ne faisons pas une loi pour la guérison des personnes menacées ou atteintes d’aliénation mentale ; nous faisons une loi d’administration de police et de sûreté. »
Cette loi, faut-il le rappeler, plaçait l’asile, les professionnels et les malades, sous l’autorité du ministre de l’intérieur.
S’agit-il là, de l’orientation de la réforme, que l’on ne saurait éviter ? place pour la santé mentale, lorsque l’on pense sécurité publique ? Quelle place pour le malade dans une société peu tolérante, sinon implacable ?
S’agit-il d’angélisme que d’envisager un patient comme sujet de droit (s), comme une personne digne, non seulement d’estime pour ce qu’elle est, mais aussi de soins appropriés dans les meilleures conditions, jusqu’à la garantie de sa sécurité et de celle d’autrui ?
GEÔLE OU CITADELLE ?
Comment entendre le terrible contresens sur le chiffre des hospitalisations sans consentement ? Le « placement d’office » (nous revoilà bien en 1838) ne concerne pas 13 % des hospitalisations en psychiatrie, mais 1,80 %, en 2003 comme en 2005 (et, pour mémoire, 2,13 % en 1988), selon les données collectées par la DGS. Un peu plus de 11 400 personnes ont été hospitalisées d’office en 2005, et 3 300 restaient hospitalisées au-delà de quatre mois. Et 8 000 de ces personnes faisaient l’objet de mesures provisoires, initiées par les maires ou commissaires de police.
Faudra-t-il donc bouleverser l’organisation de tous les hôpitaux, et déséquilibrer leurs projets d’investissements, pour assurer la mise hors d’état de nuire de cette cohorte de malades présumés dangereux ?
Faudra-t-il rendre à l’hôpital psychiatrique son statut de citadelle ou de geôle ?
De quels renoncements éthiques parlera-t-on, si ces mots ont encore un sens ?
Les professionnels de la santé mentale ne peuvent adhérer à de telles propositions, d’autant qu’elles ne traitent qu’une parcelle de leurs champs d’activité clinique et institutionnel. Si nul ne peut récuser le besoin d’une meilleure sécurité, pour tous, bien entendu, une réponse cantonnée au domaine sécuritaire porte en elle-même ses limites. Aucune approche de la psychiatrie ne peut tenir d’une conception manichéenne ou déterministe : la réponse thérapeutique se trouve dans l’approche individuelle de chaque patient et dans l’élaboration de projets de soins qui ne peuvent reposer sur un postulat d’exclusion.
Il est bien temps d’instaurer le temps de la réflexion, et de traiter au fond de ces problématiques, sans arrière pensée, mais sans précipitation : psychiatrie et précarité, psychiatrie en prison, psychiatrie et défense sociale, organisation des soins sans consentement, avec un regard du côté de l’Europe, et des procédures de judiciarisation, place et rôle de l’expertise, etc. Tous ces sujets méritent une approche globale et réfléchie, en concertation avec les représentants des usagers, les élus, l’encadrement administratif et gestionnaire et les professionnels
Certes, la psychiatrie continuera de souffrir d’un déficit de reconnaissance, mais il est aussi à son honneur que de promouvoir la modestie de sa démarche, fondée sur la patience et la continuité des prises en charge.
Dans son Eloge de la folie, Erasme proposait ses propres conceptions : « La sagesse rend les gens timides ; aussi trouvez-vous partout des sages dans la pauvreté, la faim, la vaine fumée ; ils vivent oubliés, sans gloire et sans sympathie. Les fous, au contraire, regorgent d’argent, prennent le gouvernail de l’Etat et, en peu de temps, sur tous les points, sont florissants. »
Pierre Faraggi est président du syndicat des psychiatres des hôpitaux
Article paru dans l’édition du Monde du 30.12.08.
Créé par sr07 le 30 déc 2008 | Dans : Santé-social-logement
Deux décès, à quelques jours d’intervalle, dans des services d’urgences ou de réanimation d’Ile-de-France, soulèvent de graves questions au sujet de l’hôpital public. Celui-ci a-t-il cessé d’être aussi fiable qu’on le pense généralement ? Si c’est le cas, la cause doit-elle en être cherchée dans les politiques d’économie menées depuis plusieurs années sous l’impulsion des gouvernements successifs ?
Un enfant est mort à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, à Paris, le 24 décembre, des suites d’une erreur de perfusion. Selon le Syndicat national des pédiatres des établissements hospitaliers, cet accident est à mettre en relation avec la situation d’un hôpital en voie de fermeture, mais il impose aussi de reconsidérer les « réductions de personnel infirmier ou médical inscrites dans les « plans d’équilibre » de nombreux hôpitaux ».
Après la mort, à l’hôpital parisien Lariboisière, le 28 décembre, d’un homme de 57 ans victime d’un malaise cardiaque, l’Association des médecins urgentistes de France, présidée par le docteur Patrick Pelloux, a déclaré que « la sécurité des patients n’est plus assurée dans les hôpitaux, en Ile-de-France, pendant cette période de fêtes », faute d’effectifs suffisants.
Alors que des enquêtes judiciaires sont en cours sur ces deux décès, Roselyne Bachelot, ministre de la santé, a ordonné en outre une enquête administrative sur la seconde affaire. Selon elle, il est « incompréhensible » que le service d’urgences de Longjumeau, dans l’Essonne, où avait été transporté le patient, et le SAMU de ce département n’aient pas réussi à trouver plus vite une place en réanimation dans les hôpitaux de la région, où il y en avait onze de libres.
Que ces accidents doivent être mis au compte de défauts d’organisation ou du manque de personnel, un débat doit être ouvert sur la situation des hôpitaux publics, au moins à Paris et en Ile-de-France. Nul ne peut imputer à la fatalité que des patients meurent faute de soins adéquats dans les services hospitaliers de la région la plus riche d’un des pays les plus riches du monde.
Le gouvernement ne peut exiger de l’hôpital une gestion rigoureuse de l’argent public que s’il garantit d’abord la fiabilité des soins qu’on vient y chercher.
Article paru dans l’édition du Monde du 31.12.08.