février 2009

Archive mensuelle

Le glas a sonné pour le libéralisme sauvage, par Robert Castel

Créé par le 28 fév 2009 | Dans : Articles de fond

Ce que nous sommes en mesure de comprendre à travers la crise qui nous affecte actuellement ne devrait pas constituer un scoop. Elle rend manifeste le fait que, laissé à lui-même, le marché conduit à la catastrophe. Déjà dans son analyse de l’implantation du capitalisme industriel, La Grande Transformation (Gallimard, 1983), paru en 1944, Karl Polanyi a montré que ce qu’il appelle le « marché autorégulé », c’est-à-dire laissé à sa propre dynamique, détruit les anciennes formes de régulation qui structuraient les sociétés préindustrielles et empêche d’en constituer de nouvelles. 

Cependant, le marché « autorégulé » n’était pas parvenu à imposer son hégémonie, du moins dans les démocraties d’Europe occidentale, parce que s’y sont construits des systèmes de protection sociale assez forts pour lui faire contrepoids. C’est la substance du « compromis social » du capitalisme industriel. Sous l’égide de l’Etat, il limitait la juridiction du marché en l’équilibrant par des droits, droit du travail et protection sociale, afin d’assurer une sécurité minimale pour les travailleurs et les citoyens au nom de la solidarité et de la paix sociale.

Mais depuis une trentaine d’années, nous sommes entrés dans un nouveau régime du capitalisme qui entend faire fi de tous ces obstacles au libre déploiement du marché. On nous répète inlassablement que les régulations sociales plombent la compétitivité des entreprises et que, pour jouer pleinement le jeu de la concurrence dans une économie mondialisée, il faut reconquérir la liberté du travail contre les servitudes du droit.

Ce ne sont pas là de purs discours portés par les chantres du libéralisme. On assiste à une remarchandisation rampante de larges secteurs de la société et, au premier chef, du monde du travail. Elle entraîne le chômage de masse (car ce capitalisme est incapable d’assurer le plein-emploi), la précarisation des relations de travail, le retour sur le devant de la scène de la vieille figure du travailleur pauvre, la multiplication de situations bâtardes comme celle des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ou des « contrats aidés », qui sont à moitié des travailleurs, mais, parce qu’ils travaillent sous des formes dégradées et mal rémunérées, doivent être en même temps à moitié des assistés dépendant des secours.

Un nouveau précariat prend ainsi place dans notre société. Il rassemble tous ceux, et ils sont de plus en plus nombreux, qui occupent en permanence des activités intermittentes, à temps partiel, bien en deçà de l’emploi classique, et qui sont incapables d’assumer par eux-mêmes un minimum d’indépendance économique et sociale. En même temps, l’insécurité sociale est de retour avec le souci lancinant de devoir à nouveau « vivre au jour la journée » dans l’incertitude des lendemains.

Dans ce contexte, la crise que nous vivons a suscité un retournement d’attitude qui pourrait paraître comique si la situation n’était pas si grave. Les mêmes qui, hier (y compris parmi ceux qui nous gouvernent), déploraient que l’on n’allait pas assez loin ni assez vite dans le sens des réformes ou des contre-réformes libérales, qui affirmaient que notre société est trop protégée, notre Etat social trop pesant, nos régulations sociales trop fortes – ceux-là aujourd’hui, président de la République en tête, en appellent à l’Etat, au volontarisme politique et à l’argent public pour faire face au cataclysme. Ils prétendent même vouloir refonder le capitalisme en le moralisant.

Mais moraliser le capitalisme est un non-sens. Le capitalisme est amoral par nature. Il ne se soucie pas d’éthique ni de solidarité, mais de compétitivité, d’efficience et de profits, et ce faisant il est parfaitement dans son rôle. On ne peut pas changer la logique interne du capitalisme. Mais on ne peut pas davantage éluder sa présence et sa puissance. Il faut avoir la lucidité de reconnaître que nous sommes, et pour longtemps, dans une société capitaliste, et que le marché est une composante essentielle de la modernité. Dès lors, sauf à faire la révolution (mais qui la fera ?), le problème est de vivre avec le marché sans être dévoré par lui.

La crise actuelle nous montre comment et pourquoi on est dévoré par le marché : en le laissant s’emballer lui-même. En ce sens, le rôle joué par le capital financier dans le déclenchement de la tempête est hautement significatif, mais il faut se garder de l’autonomiser. Le capital financier est la pointe avancée du nouveau régime du capitalisme, et les graves dysfonctionnements produits à ce niveau entraînent la dégradation de l’ »économie réelle ».

Mais il faut aussi lire la logique qui a mené à cette crise en sens inverse. Elle trouve son origine dans les dérégulations qui affectent depuis les années 1970 l’économie réelle, l’organisation du travail et les protections sociales. L’effritement des remparts qui avaient été dressés contre l’hégémonie du marché s’est produit d’abord à ce niveau.

Dès lors, pour affronter cette crise, il ne suffit pas de dénoncer les banquiers et les traders ripoux, de supprimer les paradis fiscaux ou de recapitaliser les banques avec l’argent public, avant de repartir du même pied. Il faudrait, pour reprendre l’expression de Karl Polanyi, domestiquer le marché, ce qui ne se réduit nullement à le moraliser : lui imposer des limites, l’encadrer par des droits, et rééquilibrer les profits du capital par les exigences de la justice sociale et de la solidarité.

Ce n’est sans doute pas une solution héroïque et ça ne promet pas des lendemains qui chantent. Mais la crise actuelle a au moins le mérite de montrer que l’ubris du capital conduit à la catastrophe et elle a dessillé les yeux de beaucoup. Elle sonne le glas d’un libéralisme sauvage qui vient de révéler toute sa nocivité.

Que faire de cette prise de conscience ? A minima et entre autres, reprendre et poursuivre avec détermination le chantier de la lutte contre la précarisation du travail et la dégradation de l’emploi, qui représentent aujourd’hui un terrain stratégique pour domestiquer le marché.



Robert Castel est sociologue, auteur de « L’Insécurité sociale » (Seuil, 2003) et de « La Discrimination négative, citoyens ou indigènes ? » (Seuil, 2007).

Robert Castel

Amorcer le rassemblement de la gauche, par Michel Sorin

Créé par le 28 fév 2009 | Dans : Fédérations MRC d'Aquitaine, Pour une autre Europe

Les élections européennes auront lieu le 7 juin 2009. Le moment est venu, au niveau du Mouvement Républicain et Citoyen, de se déterminer sur les conditions de sa présence à ce scrutin.

Ce 25 février, lors de la réunion du secrétariat national, à laquelle je ne participais pas, Jean-Pierre Chevènement et Georges Sarre ont rendu compte des discussions qui ont eu lieu le 23 février avec Marie-George Buffet (PCF) et Jean-Luc Mélenchon (Parti de Gauche).

Voici le texte que j’ai adressé, cet après-midi, à Jean-Pierre Chevènement et à mes collègues de la direction du MRC.

Contribution de Michel Sorin aux réflexions du secrétariat national MRC -  25 02 2009

Dans ma lettre à Jean-Pierre Chevènement, le 2 février, je souhaitais que soient respectées trois conditions dans le mode de décision de notre Mouvement concernant les élections européennes. La première ayant été satisfaite lors de notre bureau national le 4 février, il en reste deux, que je rappelle :

-          Nous avions adopté, le 7 janvier, en secrétariat national, un très bon texte qui a servi de base de discussion lors des rencontres avec les partis de gauche. Un projet d’accord avec l’un ou plusieurs de ces partis sera jugé selon sa proximité avec les principaux points de notre texte.

-          La question éventuelle des candidatures MRC sur des listes de gauche devrait concerner toutes les circonscriptions électorales et ne pas se limiter à une ou deux places éligibles dans une ou deux circonscriptions (le but étant d’associer l’ensemble du MRC à la décision et à la future campagne électorale).

J’ajoutais :

Ayant participé, le 24 janvier, à la rencontre organisée par le MRC Bretagne, à Guingamp, je puis témoigner de l’intérêt des militants pour débattre de la stratégie d’alliance aux élections européennes. Il me semble important qu’ils soient associés à la décision qui sera prise par nos instances nationales.

La tendance, à Guingamp, était en faveur d’une alliance avec le PCF et le PG, dans le cadre d’un front de gauche respectant notre opposition au traité de Lisbonne.

Les informations en provenance de l’AFP, concernant la rencontre MRC-PCF-PG le 23 février (voir l’article paru sur le blog du MRC 53 Elections européennes : rencontre MRC-PCF-PG pour un Front de gauche - 23 février 2009), sont à compléter par le rapport qu’en feront Jean-Pierre Chevènement et Georges Sarre au secrétariat national, ce soir.

Une éventuelle liste commune avec le PCF et le PG (auxquels s’ajoutent les groupes qui les ont rejoints, notamment le M’PEP) nous permettrait de respecter au mieux les deux conditions que j’ai rappelées, ci-dessus (notamment le non au TCE et au traité de Lisbonne).

De plus, ce serait conforme à notre stratégie de rassemblement de l’ensemble de la gauche en vue des prochaines élections nationales. On pourrait admettre qu’il s’agit d’un premier pas, sachant qu’il n’est pas possible, sur la question européenne, d’amener le PS à faire des listes communes avec le PCF et le PG (et réciproquement).

D’ailleurs, notre Mouvement, dans ses profondeurs, n’accepterait pas une alliance avec le PS, dans la mesure où ce parti reste fondamentalement sur des positions favorables au traité de Lisbonne.

A cet égard, l’initiative de Gauche Avenir est intéressante, mais elle traduit l’impuissance de ses promoteurs face à l’inertie du PS, plus préoccupé par ses problèmes internes que par la discussion d’un texte de fond sur la question européenne.

Je me permets d’insister sur l’importance de notre présence, partout où nous le pouvons, à l’occasion de ces élections européennes, afin de faire connaître la gauche républicaine sur le terrain.

C’est la première condition pour recruter de nouveaux adhérents. La seconde est d’améliorer notre rapport au peuple (voir, à ce sujet, l’article que j’ai mis en ligne, hier soir, sur le blog du MRC 53 Michel Sorin : Jean-Pierre Chevènement est l’homme de la situation - 24 février 2009).

Je reste sur la conviction que « le NON républicain du 29 mai 2005 était un vote fondateur d’une large alliance, allant des gaullistes républicains et sociaux aux républicains d’extrême gauche, en passant par toutes les sensibilités politiques de gauche, à l’image de ce qu’était le Conseil de la Résistance en 1945 » (voir Européennes : Michel Sorin pour l’alliance républicaine anti-libérale - 24 septembre 2008).

Protectionnisme, ouvrons le débat!

Créé par le 28 fév 2009 | Dans : Economie, Parti socialiste

Par Guillaume Bachelay, Secrétaire national du PS à la politique industrielle, aux entreprises et aux nouvelles technologies. Il est temps que les responsables européens acceptent de renoncer à une naïveté risible.

Peu de mots suscitent, parmi les dirigeants et les leaders d’opinion en Europe, autant de démagogie politique, de raccourcis historiques, d’approximations économiques et de haut-le-cœur moraux que « protectionnisme ». Pourtant, la crise mondiale du capitalisme, sa dureté, sa durée, devraient inciter à traiter ce sujet avec réflexion plutôt que par réflexe.

Le procès du protectionnisme
Le monde ne risque pas de devenir protectionniste pour la bonne raison… qu’il l’est déjà ! L’Europe est protectionniste quand elle ferme une part de ses marchés aux productions agricoles des pays tiers, singulièrement d’Afrique. Les États-Unis sont protectionnistes quand ils usent de l’arme tarifaire ou financent le secteur de l’armement par le biais des commandes publiques. La Chine, surtout, est protectionniste. Passons sur les restrictions massives faites aux importations et aux investissements sur son territoire, sans que personne s’émeuve de cette absence flagrante de réciprocité. En sous-évaluant sciemment sa monnaie, la République populaire subventionne massivement ses exportations. Dans le même temps, ayant favorisé l’exode rural de 200 millions de personnes en quinze ans sans instaurer de protection sociale, les cadres du Parti communiste s’assurent une main-d’œuvre bon marché quasi inépuisable et garantissent de faibles coûts de production aux entreprises nationales comme aux multinationales occidentales. Comble de l’ironie, les rares voix qui ont dénoncé cette forme agressive de mercantilisme ont subi un procès en… protectionnisme !

Autant que l’immoralité des traders ou que l’absence de régulation financière, la stratégie commerciale de la Chine est une donnée fondamentale de la crise. En permettant à son industrie d’inonder les marchés occidentaux de produits à bas prix, elle a accéléré la désindustrialisation de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Et amplifié la pression à la baisse sur les salaires à l’origine de l’explosion de l’endettement privé (aux Etats-Unis et au Royaume-Uni) ou public (en France).

Et l’Europe dans tout cela ? Si l’on excepte la politique agricole commune, elle est le continent libre-échangiste dans un monde protectionniste. Pas étonnant, dès lors, que son industrie se réduise comme peau de chagrin ou que ses classes moyennes sombrent dans la pauvreté ! Quant aux prétendues vertus créatrices du libre-échange, la situation de l’automobile les réduit à néant. Ces dernières années, la principale innovation des constructeurs européens a consisté à faire produire des véhicules polluants dans les pays à bas coût, dans l’Est ou dans le Sud, et à différer l’arrivée de la voiture propre.
La question ne devrait plus être : « L’Europe va-t-elle céder au protectionnisme  ? » mais « Comment compte-t-elle répondre au protectionnisme ambiant ? » Il est temps que les responsables européens acceptent, sur les questions commerciales, de renoncer à une naïveté qui serait risible si elle ne laissait pas des millions de salariés sur le carreau.

Trois réflexions éclairent ce débat :

1) Une forme dangereuse de protectionnisme doit être rejetée, celle qui aboutit à des réactions de fermeture commerciale en cascade. C’est le cas, par exemple, du projet « Buy American » qui obligerait à utiliser de l’acier ou de la fonte made in USA pour les projets d’infrastructures nécessaires à la relance. Une telle décision obligerait les partenaires commerciaux des Etats-Unis à une mesure similaire et, au total, personne n’en sortirait gagnant. Pour dissuader toute velléité de ce type, l’Union européenne doit être ferme et dire que, si elle devait y être confrontée, elle prendrait immédiatement des mesures de rétorsion.

2) En période de récession, les aides directes aux entreprises menacées sont nécessaires. S’interdire d’y recourir au prétexte qu’elles seraient protectionnistes est absurde : comment développer une activité industrielle quand celle-ci a disparu ? Les aides directes aux secteurs dans la tourmente doivent cependant présenter deux caractéristiques : être ponctuelles et favoriser l’innovation. C’est ainsi qu’il faut examiner les plans nationaux à l’automobile – « protectionnistes », selon certains bons esprits. L’idéal serait, bien sûr, que la mobilisation en faveur de la filière fût impulsée au niveau communautaire. Mais, en l’absence d’une politique industrielle et de recherche européenne, d’harmonisation fiscale et sociale parmi les Vingt-Sept, il est légitime que les Etats prennent leur responsabilité et imposent le maintien de l’activité sur leur territoire en contrepartie de leur soutien. Il faudrait même aller plus loin, par exemple en indiquant, sur les fiches de vente, le taux d’émission de CO2 que la fabrication ou le transport ont généré, le lieu de production du véhicule, le montant et les conditions des subventions perçues par le constructeur. Les lobbies et les grands groupes combattent ce principe de traçabilité, mais les consommateurs et les salariés européens ont tout à y gagner.

3) Reste la racine du problème : le protectionnisme chinois, et d’abord son versant monétaire. Les pressions doivent s’intensifier pour que la Chine, dans le cadre d’un nouveau « Bretton Woods », accepte que le yuan s’apprécie conformément à la situation économique. Au plan commercial, le pragmatisme commande. Face au protectionnisme, de nouvelles règles d’équité et de réciprocité doivent prévaloir. A quoi bon laisser s’installer une concurrence sauvage entre des pays qui refusent toute avancée sociale ou environnementale et ceux qui s’orientent vers une économie sociale et écologique de marché ? Il n’y a que dans des modèles théoriques hors sol qu’une telle rivalité peut être bénéfique. Si l’on veut maintenir des activités économiques vitales en Europe, continent de la social-écologie, et contraindre les autres grands ensembles à respecter graduellement les normes internationales en matière de droit du travail ou d’émission de CO2, des règles de compensation – des écluses sociales et écologiques – sont indispensables pour rétablir les conditions d’un juste échange. Ainsi les règles commerciales n’aboutiront pas à avantager les dumpings en tout genre ! Au contraire, en faisant payer la « différence » par les pays les moins protecteurs de leurs travailleurs et les plus destructeurs de leur environnement, elles soutiendront leur développement.

P.-S. : précisément, le PS, mon parti. Jusqu’ici, il a occulté ce débat, laissant aux libre-échangistes globaux et aux protectionnistes nationaux le soin de le dénaturer. Alors qu’il revient aux socialistes et aux sociaux-démocrates de réconcilier réalisme et internationalisme. Les élections européennes de juin prochain leur en donneront l’occasion. A quoi servirait, en effet, une majorité de gauche au Parlement de Strasbourg si celle-ci refusait, par un dogmatisme teinté d’irénisme, de protéger les salariés, les entreprises, les territoires européens ? Tirons, en France et en Europe, la grande leçon de la crise : pour protéger les multinationales, leurs dirigeants, leurs actionnaires, il existe des partis conservateurs et libéraux ; pour protéger les travailleurs, les producteurs, les créateurs, il y a la gauche.

Cet article sera publié dans Marianne n°619, dans la rubrique Forum.


Vendredi 27 Février 2009

Guillaume Bachelay dans Marianne en ligne

Parti socialiste : une « union sacrée » sans réconciliation, par Michel Noblecourt

Créé par le 27 fév 2009 | Dans : Parti socialiste

Quand Jules Guesde, socialiste révolutionnaire, entra, en 1914, comme ministre d’Etat, dans le gouvernement de la République, l’ »union sacrée » se mit en place. La guerre avec l’Allemagne avait rebattu les cartes au point que le chantre de l’opposition à toute participation socialiste à un « ministère bourgeois » cohabitait avec ses ennemis de la veille. Mais le patriotisme de Guesde n’était pas motivé par une volonté de réconciliation avec l’adversaire. Juste par la conviction que « la guerre est mère des révolutions »

A un autre degré, une crise économique mondiale, surtout quand elle a l’ampleur de l’actuelle, peut bousculer des schémas bien établis. Ainsi au Parti socialiste, la crise change la donne, trois mois après l’élection de Martine Aubry comme première secrétaire. Samedi 28 février, le conseil national du PS devrait valider l’entrée de 31 nouveaux membres au secrétariat national – qui va se transformer en un mammouth de 80 membres, un record sans précédent ! -, dont onze partisans de Ségolène Royal. « Face à la crise, personne ne comprendrait que les socialistes restent divisés », a expliqué Manuel Valls, électron libre proche de l’ancienne candidate.

En apparence, Mme Aubry, d’abord très réticente, et Mme Royal, qui contestait la victoire de sa rivale, ont signé la paix des braves. Les deux « soeurs ennemies », qui doivent de nouveau se rencontrer, ont voulu, après des mois d’anathèmes et de procès mutuels en sectarisme, faire mentir Diderot, pour lequel « lorsque les haines ont éclaté, toutes les réconciliations sont fausses ». Sauf que l’union sacrée, opportunément affichée à un peu plus de trois mois des élections européennes du 7 juin, n’équivaut pas à une réconciliation. La ligne politique reste inchangée, et les deux camps conservent tous leurs désaccords sur le parti, la rénovation et surtout les alliances.

La maire de Lille est la principale bénéficiaire de cette ouverture qui va lui donner un supplément de légitimité, très utile après une élection étriquée, et donc un surcroît d’autorité. La main tendue aux ségolénistes – avec sans doute en prime une mission auprès des partis sociaux-démocrates européens pour Mme Royal – va aussi permettre à Mme Aubry de se replacer idéologiquement au centre du PS. Une posture idéale pour ne pas se laisser enfermer dans un face-à-face avec une aile gauche qui, depuis la nomination de son leader, Benoît Hamon, comme porte-parole et la stratégie d’accompagnement du mouvement social, occupe le devant de la scène.

En se recentrant, Mme Aubry lance aussi un autre signal : même si elle s’en défend officiellement, elle se coule peu à peu dans les habits d’une candidate à l’élection présidentielle de 2012. Si elle passe sans trop de mal sa première épreuve – les élections européennes – et si elle rend durable, et non conjoncturelle, cette union sacrée, elle peut espérer être… « en situation ».

Mais l’union sacrée avec les ségolénistes a son revers, d’abord du côté de ceux qui ont fait Mme Aubry reine – les fabiusiens et une partie des strauss-kahniens. Ils avaient misé sur la maire de Lille parce qu’elle professait que le premier secrétaire ne devait pas être un présidentiable. Si elle change d’avis, ils vont vite se sentir floués. Laurent Fabius, qui ne s’interdit rien pour 2012, s’agace d’être insuffisamment représenté à la direction. Et Jean-Christophe Cambadélis rêve toujours d’un retour et donc d’une candidature de Dominique Strauss-Kahn.

La pilule s’avère dure à avaler pour des fabiusiens qui, malgré des strapontins supplémentaires, risquent d’être dépassés en nombre au secrétariat national par les ségolénistes… et d’avoir peu d’élus aux européennes. L’ouverture ébranle une majorité dont le principal ciment était à l’origine le « tout sauf Ségolène ». Et aux européennes, où les lieutenants de Ségolène Royal – Vincent Peillon – et de Bertrand DelanoëHarlem Désir – devraient se partager le porte-parolat, le PS va défendre le traité de Lisbonne honni par les « nonistes » de 2005.

Pour Mme Royal – qui subit une rude chute dans les sondages, mais se décrit « derrière » Mme Aubry -, cette union sacrée, sans réconciliation et sans renoncement, est une aubaine qui lui offre bien des avantages. Dotée d’un courant, « L’espoir à gauche », et ayant réactivé Désirs d’avenir, elle garde son entière liberté. Elle conserve surtout son aspiration à être de nouveau candidate en 2012. Une détermination que l’on retrouve à chaque page de son livre d’entretiens avec Françoise Degois, Femme debout (Denoël, 276 p., 19€). « Je n’ai aucun problème de gestion du temps, c’est ma force absolue, confie notamment Mme Royal. Je cours dans mon couloir avec mes objectifs. (…) L’écume des vagues, je m’adapte. »

L’union sacrée va ressembler plus à une cohabitation, avec deux lignes et deux présidentiables potentielles, qu’à un rassemblement harmonieux derrière une seule « patronne ». Imposée par la crise et les européennes, la trêve sera-t-elle durable ? En 2010, les élections régionales reposeront avec acuité la question de l’alliance avec le MoDem de François Bayrou, auquel Mme Aubry a décerné un brevet d’opposant à Nicolas Sarkozy. Mais elle s’est engagée à refuser tout accord. Puis se profileront, au printemps 2011, les primaires pour le choix du candidat en 2012. Mme Aubry et Mme Royal sont favorables à des primaires ouvertes au-delà du cercle des adhérents du PS. Jusqu’où ? En théorie, un accord est imaginable. Mais les alliés rechignent.



Courriel : noblecourt@lemonde.fr.

Michel Noblecourt (Editorialiste)

Les royalistes reviennent au bercail

Créé par le 22 fév 2009 | Dans : Parti socialiste

Par Antoine MALO
Le Journal du Dimanche

Dimanche 22 Février 2009

 Une dizaine de partisans de Ségolène Royal vont intégrer mardi la direction du PS. Un geste de réconciliation entre Martine Aubry et son ancienne rivale. Mais une nouvelle guerre couve, entre Ségolène Royal et Vincent Peillon, que les proches de la présidente de la région Poitou-Charentes soupçonnent de vouloir créer son propre courant. La situation reste donc confuse rue de Solferino.

C’est une réconciliation, négociée de haute lutte. Le genre d’amitié retrouvée qui ne trompe personne. Après s’être déchirées pour la conquête du Parti socialiste, Ségolène Royal et Martine Aubry enterrent la hache de guerre. Dans deux jours, les royalistes vont revenir au bercail. Une demi-douzaine d’entre eux vont intégrer la direction du PS. « En ces temps de crise, il faut savoir se serrer les coudes, lutter pour l’intérêt général et oublier les querelles intestines« , explique-t-on dans le camp de l’ancienne candidate à la présidentielle. Ségolène Royal l’a elle-même reconnu la semaine dernière: « Martine Aubry est la chef du Parti socialiste, et moi, je suis derrière.« 

La liste des personnalités qui rejoindront la rue de Solferino sera dévoilée mardi soir, lors du bureau national du parti. « Jusque-là, les négociations vont se poursuivre« , affirme David Assouline, qui a été chargé de mener les discussions pour le camp Royal. Dans une liste, soumise à des ajustements de dernière minute, figurent Jean-Louis Bianco, Najat Belkacem, Aurélie Filippetti, David Assouline, Guillaume Garot, Patrick Mennucci, et Gaëtan Gorce. Delphine Batho, autre fidèle de Ségolène Royal, aurait finalement décliné.

Pour Peillon, Royal est « demi-dingue » et « irrationnelle« 

Autre question de cette paix des braves: quelles fonctions occuperont les nouveaux arrivants? « Des secrétaires nationaux de plein titre« , assure David Assouline. Certes, mais pas forcément dans les secteurs stratégiques. La direction du PS devrait comprendre de nouveaux portefeuilles comme les questions familiales ou de société. Certains nouveaux entrants deviendront adjoints aux secrétariats stratégiques (fédération, élections, communication ou adhésion). « On prend ce qui reste et ce qu’on nous propose« , soupire un « heureux » élu. « On n’allait pas faire de remaniement au secrétariat national. Ils n’ont pas voulu participer au démarrage« , se défend un proche de Martine Aubry.

Faut-il voir l’explication de l’absence de certains poids lourds du camp Royal, comme Manuel Valls ou François Rebsamen, dans ce casting? « Ils ont sans doute choisi de garder une certaine autonomie« , préfère expliquer un aubryste. Un nom fait l’objet de toutes les attentions: celui de Vincent Peillon. Le député européen, qui a organisé la campagne de Ségolène Royal, prendra le poste de deuxième porte-parole pour la campagne des élections européennes. Reste à négocier la région de son investiture pour le scrutin. Le Sud-Est ou le Grand Est sont évoqués. Mais comme rien n’est jamais simple au PS, ces discussions sont entravées par les tensions qui opposent depuis plusieurs semaines Vincent Peillon et Ségolène Royal.

Les proches de la présidente de la région Poitou-Charentes soupçonnent le député européen de vouloir créer son propre courant. Un article paru dans L’Express cette semaine n’a d’ailleurs rien arrangé. Vincent Peillon y explique ne rien « exclure » pour l’élection présidentielle de 2012. Surtout, le journaliste rapporte qu’en privé, Peillon qualifie sa patronne de « demi-dingue » ou d’ »irrationnelle« . L’ancienne candidate à l’élection présidentielle s’est envolée pour la Guadeloupe, où elle assistera aujourd’hui aux funérailles du syndicaliste tué en début de semaine. Un geste de solidarité avec les grévistes. Mais une façon aussi de montrer qu’elle seule peut avoir un contact direct avec les Français.

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