Isolée au PS, Ségolène Royal se concentre sur la région Poitou-Charentes pour préparer son rebond
Créé par sr07 le 30 mar 2009 à 20:25 | Dans : Parti socialiste, Ségolène Royal
Lorsque la présidente de la région Poitou-Charentes croise sur ses terres un membre du gouvernement, cela fait des étincelles. Mardi 24 mars, Ségolène Royal a suivi comme son ombre Luc Chatel, secrétaire d’Etat à l’industrie, venu à Cerizay (Deux-Sèvres) où Heuliez, constructeur automobile au bord de la cessation de paiements, sollicite l’aide de l’Etat. Devant les caméras, on l’a vue faire le forcing, mais en vain, pour installer le ministre au volant de la voiture électrique qu’Heuliez projette d’industrialiser avec le soutien de la région.
Le 20 mars, inaugurant à La Rochelle l’Institut du littoral, celle que l’on appelle « la présidente » avait ostensiblement évité de serrer la main de Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat aux transports et président du conseil général de Charente-Maritime. « L’autre jour, il m’a traitée de « vautour ». Et un vautour, ça n’a pas de main, que je sache… », s’amusait-elle peu après.
L’intense activité déployée par Mme Royal en Poitou-Charentes met en évidence une opération de recentrage. L’ancienne candidate à la présidence de la République, isolée au sein du Parti socialiste et malmenée dans les sondages, sait que son retour au premier plan passe par sa réélection, en mars 2010, à la tête de la région.
Ségolène Royal compte sur sa « base opérationnelle » picto-charentaise pour donner de la lisibilité à une démarche politique qu’elle articule autour de deux credos. Les aides « donnant-donnant » aux PME et surtout « la croissance verte », une priorité qui, en Poitou-Charentes, s’est notamment traduite par le lancement d’un plan d’équipement de panneaux solaires, d’un dispositif anti-OGM et d’une filière de production de voitures électriques. « Le gouvernement devrait massivement investir sur la croissance verte, un domaine où l’action publique peut engendrer de réels effets de levier pour l’industrie mais aussi l’agriculture », assure Mme Royal qui s’enorgueillit par ailleurs d’avoir mis en oeuvre deux « jurys citoyens » et des dispositifs de démocratie participative dans les lycées.
Mme Royal, pourtant, n’a nullement l’intention de se retirer sur ses terres. Samedi 28 mars, elle a réuni à Paris son réseau Désirs d’avenir et, le 6 avril, elle prononcera à Dakar « un grand discours sur l’Afrique » en attendant d’autres déplacements à l’étranger. Avec Régis Debray, l’ancienne candidate veut approfondir le concept de fraternité et « redonner du contenu à la notion d’ordre juste ». Ses groupes d’experts travaillent, entre autres, sur la question sociale, les interactions entre santé et environnement, la sécurité ou les rapports Nord-Sud. Pour ce qui est du PS, elle tente de s’imposer une sorte d’obligation de réserve. « On ne me fera rien dire de négatif contre la direction », affirme-elle. En privé, elle se dit victime « de mesquineries », considère que le bilan des cent premiers jours de la nouvelle équipe dirigeante est maigre et avoue son peu d’appétence pour la fréquentation de dirigeants « exclusivement préoccupés de tenir l’appareil ».
« Ségolène » peut compter sur quelques fidèles, tels le député Jean-Louis Bianco ou l’avocat Jean-Pierre Mignard. En revanche, les liens se sont distendus avec ses alliés du congrès de Reims. Les réunions de coordination du mardi n’ont plus lieu que très irrégulièrement et le courant L’Espoir à gauche, désormais solidaire de la direction et dirigé par Vincent Peillon, mène sa propre existence. « Cette femme peut déplacer des montagnes, mais elle n’en fait qu’à sa tête et certains d’entre nous en avons eu assez d’être régulièrement mis devant le fait accompli et de devoir assumer ses déclarations fracassantes », soupire un parlementaire.
« Je suis comme Mitterrand ; je regarde les gens trahir, mais ne dis rien. Je sais sur qui je pourrai compter », rétorque Ségolène Royal. Convaincue de posséder « un impact et un charisme dont aucun socialiste ne dispose », elle s’estime « la seule capable d’oser, de fédérer au-delà de son camp et d’affoler la droite ». Conquérir le parti de l’extérieur, en puisant sa légitimité auprès de l’opinion. La méthode Royal n’a pas changé.
Article paru dans l’édition du Monde du 31.03.09.
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