Par DAVID REVAULT D’ALLONNES dans Libé du 3/09/09

Rentrée moins solaire que prévu pour Ségolène Royal. Restée dans l’ombre ces derniers mois, tant sur le plan des affaires socialistes que de la politique nationale, l’ex-candidate PS à la présidentielle entendait profiter de la dynamique lancée par l’université d’été de La Rochelle pour s’installer à nouveau aux premières loges du jeu politique. Avec, en théâtre d’opération principal, sa région Poitou-Charentes. En ligne de mire, le scrutin régional de mars prochain (lire page 4). Et, comme angle d’attaque les questions écologiques, au premier rang desquelles la taxe carbone, qualifiée par elle d’impôt «injuste» et «insupportable». «Ségolène pensait détenir la clé de la rentrée en prenant la tête du combat contre une nouvelle poll tax [un impôt individuel, ndlr], analyse un membre de la direction du PS. Sa rentrée était calibrée pour lui permettre de prendre le leadership dans la campagne des régionales, alors que Martine était engluée dans le débat sur les primaires et se dépatouillait de Peillon, Valls, Montebourg et autres ambitieux quadras.»

Acide. Les opérations, pourtant, ont pris un tour quelque peu inattendu. D’abord parce qu’à La Rochelle, Aubry, dans son discours d’ouverture en forme d’OPA sur la rénovation, a pris tous ses camarades de court. A commencer par Royal qui, assise au premier rang, a découvert les nouveaux projets de la première secrétaire : consultation militante dès le 1er octobre, primaires ouvertes et fin du cumul des mandats. Autant de thématiques qu’elle avait jusqu’ici préemptées. «Martine a fait du Ségolène à Ségolène», s’amusait un cadre du PS. Officiellement, les amis de Royal s’en félicitent : «On se réjouit des annonces de Martine», assure Guillaume Garaud, député-maire de Laval. Certains signes, néanmoins, ne trompent pas.

Très amène ces derniers mois à l’égard de son ex-rivale du congrès de Reims, la présidente de la région Poitou-Charentes, peu désireuse de se laisser déposséder de l’étendard de la rénovation, se montre, depuis, nettement plus acide. «J’entends dire qu’on va mettre fin au cumul des mandats. Vous avez devant vous quelqu’un qui passe des paroles aux actes», lançait-elle dès vendredi soir, devant ses fidèles de Désirs d’avenir. Avant de tacler : «Loin de moi l’idée de critiquer ceux qui ne l’ont pas fait, ils sont nombreux parmi mes amis…» Et d’en remettre une couche, mardi, en regrettant que Martine Aubry n’applique pas le non-cumul dès 2010 : «C’est embêtant, toujours, ce grand écart entre les discours et les actes.»

Cure. Mais en cette rentrée politique teintée de vert, c’est aussi et surtout sur le dossier de l’écologie que Royal, qui ces jours-ci marche décidément au biocarburant – hier encore, elle inaugurait à Poitiers le lycée Kyoto, «premier lycée d’Europe de l’après-pétrole» -, entendait donner de la voix. D’où son offensive sur la taxe carbone. «Elle voulait être présente sur un sujet de la vie quotidienne car elle pensait que cette affaire allait s’installer, explique sa porte-parole, Delphine Batho. C’est parce qu’elle est crédible sur l’environnement en Poitou-Charentes qu’elle pouvait alerter sur l’aspect social.» Les écologistes, pourtant, n’ont pas trouvé la position «crédible». De Cécile Duflot, présente à La Rochelle plaidant pour une «fiscalité écologique», à Daniel Cohn-Bendit, raillant : «Elle fait un truc à la Besancenot. C’est ridicule…» L’intéressée, pourtant, persiste et signe, qui fustigeait encore mardi «le consensus mou de toute la classe politique» sur ce dossier, les socialistes inclus, accusés de vouloir «se repeindre en vert». Le même jour, à l’issue de deux heures de débat, le bureau national du PS, donnait à «la quasi-unanimité» – à l’exception de Delphine Batho – son soutien à une «contribution climat énergie»

Ses amis affectent de n’en avoir cure, pour qui Ségolène Royal a apporté «une contribution extrêmement stimulante au débat public». Là était sans doute l’essentiel : effectuer une rentrée fracassante. «Il fallait que quelqu’un ait le courage de mettre les pieds dans le plat», confirme Ségolène Royal. Diagnostic d’un membre de la direction : «Elle a besoin d’être de nouveau dans une démarche de rupture pour être repérée dans l’opinion.» D’autant que la donne solférinienne a, du moins pour le moment, changé. «La vraie nouveauté, c’est qu’il y a eu une rentrée réussie du PS, analyse Benoît Hamon, porte-parole du parti. Le PS jusqu’ici réagissait aux initiatives malheureuses ou heureuses de Ségolène, dont la parole précédait celle du parti. Là, le parti est à l’initiative sur des thèmes choisis par lui.»

Que les ségolâtres se rassurent : leur championne devrait la reprendre très rapidement. Avec notamment, sa «fête de la fraternité», deuxième édition, le 19 septembre à Montpellier. Avec, toujours, cette singularité cultivée : «Je suis une des rares responsables politiques à être traitée de tous les noms, dit-elle. C’est quand même étonnant…»