janvier 2010

Archive mensuelle

La culture en danger

Créé par le 30 jan 2010 | Dans : Non classé

Depuis l’appel national lancé de la Seine-Saint-Denis le 19 décembre par Claude Bartolone, Président du Conseil général et Député de la Seine-Saint-Denis, en présence de Jack Ralite, Sénateur de la Seine-Saint-Denis, vous êtes déjà 20450 à avoir rejoint ce mouvement de mobilisation nationale que nous sommes toutes et tous désireux de voir s’amplifier et s’étendre dans les semaines à venir.

Un grand merci pour votre soutien et votre engagement !

Parce que l’Art et la Culture sont au coeur de la vie sociale de notre pays, de son équilibre démocratique, de son identité et de son rayonnement.

Parce que nous refusons la mise en faillite d’un système public et la remise en cause de 50 années de décentralisation culturelle.

Nous vous invitons à relayer cette mobilisation le plus largement possible.

Afin de mieux échanger avec vous et de vous informer de la suite des actions que nous envisageons de mettre en oeuvre, nous créons ce jour un site internet entièrement dédié à la menace qui pèse aujourd’hui sur la vie artistique et culturelle française.

Ce nouveau site dédié est disponible dès maintenant à l’adresse suivante:

http://www.lacultureendanger.fr

Merci de relayer le plus largement cet appel.

Les 8 décisions du sommet de l’ALBA pour Haïti

Créé par le 27 jan 2010 | Dans : Amérique Latine

http://www.larevolucionvive.org.ve/spip.php?article1338


Les 8 décisions du sommet de l’ALBA pour Haïti  dans Amérique Latine 217232
25.01.10. Caracas. La réunion des chanceliers des pays membres de l’ALBA a abouti à huit décisions de coopération concrète avec le peuple haïtien, avec pour axe central la santé.

L’efficacité de cette coopération reposera sur une action à court, moyen et long terme, supervisée par une commission nommée à cette fin.

Le plan a pour premier point le secteur de la santé, divisé en trois phases fondamentales.

a) l’urgence, pour soigner les traumatismes et les pathologies directement produites par le tremblement de terre ;

b) l’épidémiologie, pour traiter les conséquences dérivées de l’insalubrité, avec des services de base ;

c) la réhabilitation.

20 millions de dollars ont été engagés pour commencer ce travail.

Second point : un appui financier à travers le Fond Humanitaire de l’ALBA pour Haïti, doté par les États membres dans le but de rassembler des Fonds des organisations politiques apportés de manière volontaire. Cela se développera via les collectes d’entreprises comme Pétroles du Venezuela (Pdvsa) et de l’entreprise CITGO. Pour cela le président Chávez a suggéré une première dotation de 100 millions de dollars.

Troisième point, la continuation de l’appui énergétique à travers Petrocaribe. Le président vénézuélien a souligné l’annulation de la dette d’Haïti envers Petrocaribe. Il a également annoncé la création d’un plan spécial pour l’approvisionnement direct en combustible à travers les stations-service dans les endroits stratégiques.

Elles seront orientées sous la forme d’aides gratuites pour les véhicules utilisés par les centres d’assistance humanitaire, hôpitaux et personnel de soutien, ainsi que l’aide directe à la population pour la génération d’électricité.

Quatrième point : des initiatives agricoles seront développées pour la fourniture d’aliments et des plans de production seront réactivés tels qu’ils s’effectuaient auparavant dans le cadre de l’initiative ALBA-Aliments. Débutera une campagne de reforestation, pour laquelle seront construits de petites réserves d’eau, des citernes de captation, des puits artésiens avec des camions-perforeurs, des dons de semence et d’outils agricoles tels que des machettes seront effectués, ainsi que des microtracteurs, des pelles pour la construction, dans le but de construire une école de formation en agro écologie, initiative de la Brigade de la Vía Campesina du Brésil, présente en Haïti.

L’éducation constitue le cinquième point : il s’agit de former les jeunes haïtiens à des carrières techniques de cycle court. Un plan prioritaire sera développé pour la réhabilitation et les fournitures scolaires, la formation de maîtres et la réception prioritaire d’enfants dont les parents migreraient vers des pays de l’ALBA dans des écoles de systèmes publics nationaux.

Sixième point, le chef de l’État vénézuélien a souligné l’importance d’intensifier les plans de l’ALBA en décrétant l’amnistie migratoire aux fins de faciliter le mouvement dans les deux sens :

a) Réception des familles dans les pays de l’ALBA.

b) Création d’une brigade solidaire de coopération qui apportera une aide à travers les réseaux de haïtiens qui résident au Venezuela, environ 15000 personnes.

Point sept, une étude détaillée sera faite avec des recommandations pour concentrer l’effort et refonder le développement humanitaire en Haití. A cette fin seront créés trois campements avec une capacité de loger jusqu’à 8 mille victimes à Port-au-Prince, Jacmel et Leogane, avec la logistique de l’entreprise pétrolière CITGO aux États-Unis (filiale de Pdvsa) pour acquérir les outils, les matériels spécialisés nécessaires à remettre en état les ports haïtiens. En ce sens CITGO a acheminé sur les lieux de la catastrophe 2 mille 500 transmetteurs de radio et des milliers de tentes de campagne.

Le huitième point concerne la coopération en matière de sécurité, de transport et de logistique pour réunir les efforts et appuyer le peuple de manière efficace sur le plan humanitaire.

Les représentants de l’ALBA ont souligné l’importance de ce que « les efforts pour reconstruire Haití devront veiller à ce que le peuple et le gouvernement de ce pays en soient les principaux protagonistes. Ils ont insisté sur le principe de souveraineté et d’intégrité territoriale« .

Ils ont manifesté leur préoccupation au sujet de “la présence excessive de forces militaires étrangères en Haití, sans motifs qui le justifient et sans  que soient précisés leur autorité, leurs objectifs, leurs compétences  et la durée de leur séjour”.

Les pays de l’ALBA rappellent que “l’instance la plus indiquée est le G-192, constitué par l’Organisation des Nations Unies (ONU), afin de garantir que nul ne profite de la terrible situation que vit Haïti pour entamer une nouvelle occupation qui viole la souveraineté de ce pays et pour que nulle entrave ou restriction d’aucune sorte ne soient mises aux pays qui souhaitent coopérer”.

(FIN/ Rodicely Cárdenas Barillas)

Traduction : Thierry Deronne, pour www.larevolucionvive.org.ve/

Le chômage, banni des cours d’économie de seconde ?

Créé par le 27 jan 2010 | Dans : Education

Les nouveaux programmes, selon l’association des profs de SES, évacuent les questions de société, comme le pouvoir d’achat ou le chômage.

Par MARIE PIQUEMAL dans Libé du 26/01/10

Déjà, les professeurs de Sciences économiques et sociales (SES) sortaient perdants de la réforme du lycée, qui commence à se mettre en place à la rentrée 2010. Le volume horaire n’y est pas. L’option de trois heures hebdomadaires en classe de seconde disparaît. A la place, les élèves auront, au choix, une heure trente de SES ou de «Principes généraux de l’économie et de la gestion», une nouvelle matière.

Deuxième nouvelle : les nouveaux programmes de l’option SES évacueraient purement et simplement la plupart des questions de société. Et en premier lieu, le chapitre consacré au chômage et aux problèmes liés à l’emploi. L’information, révélée par Rue89, n’a pas été confirmée par le ministère de l’Education qui insiste ce mardi soir : «Il est prématuré de parler des nouveaux programmes. Rien n’a été arrêté, nous en sommes encore à l’étape de la préparation.»

«J’aimerais bien que ce soit vrai… Mais les nouveaux programmes ont déjà été transmis aux éditeurs», assure Sylvain David, président de l’association des professeurs de SES (Apses). Il fait partie du groupe d’experts qui a travaillé sur les nouveaux programmes, aux côtés notamment des économistes Philippe Martin et Christian de Boissieu. «On s’est réuni trois fois. Les discussions ont chaque fois été constructives… Mais, au final, les choix que nous avons fait n’ont pas été repris par le cabinet du ministère», explique-t-il. Exemple type : la notion d’élasticité des prix. «On était tous d’accord pour considérer que ce concept, abstrait et technique, n’était pas nécessaire pour une première approche de l’économie en seconde.» Il a finalement été retenu dans le chapitre 1, intitulé «ménages et consommation».

Adieu l’ethnologie, bonjour l’épargne

Egalement sur le point de tomber dans les oubliettes, les inégalités sur le revenu, l’investissement… Pas question non plus d’aborder le thème de l’entreprise, en parlant d’innovation ou de la distinction entre chiffre d’affaires et profit. Les élèves découvriront à la place «les joies des constructions des courbes de coûts», de l’épargne ou de «la construction du prix d’équilibre», détaille l’association dans son communiqué.

Quant à la sociologie et l’ethnologie (avec entre autres la notion de la famille, dans le programme actuel), elles sont reléguées à la toute fin du programme – étant précisé dans la maquette que l’enseignant devra traiter «au moins les 10 premières questions». «Le ministère a pris soin de nous laisser aucune marge de manœuvre, se désole Sylvain David. J’ai demandé à ce que, dans chaque thème du programme, on ait le choix entre plusieurs entrées… Refus net.»

En lutte depuis des années pour défendre leur discipline dans sa globalité (sciences économiques ET sociales), les profs sont appelés à se mobiliser une nouvelle fois. Dans la rue, samedi prochain, avec l’ensemble des enseignants. L’association entend ensuite présenter un «programme alternatif». Et si, le ministère s’entête, ils lanceront un appel à «la désobéissance citoyenne», appelant les profs à ne pas respecter les programmes.

Le mot «communisme», ses blessures, sa charge explosive

Créé par le 25 jan 2010 | Dans : Articles de fond, Gauche anti-libérale

Dans Libé Politiques 21/01/2010 à 00h00

Par DANIEL BENSAÏD Philosophe

Publié il y a trois semaines dans la revue «Contretemps», ce texte est le dernier de Daniel Bensaïd, mort le 12 janvier.

1. Les mots de l’émancipation ne sont pas sortis indemnes des tourments du siècle passé. […] Socialisme, révolution, anarchie même, ne se portent guère mieux que communisme. Le socialisme a trempé dans l’assassinat de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, dans les guerres coloniales et les collaborations gouvernementales au point de perdre tout contenu à mesure qu’il gagnait en extension. Une campagne idéologique méthodique est parvenue à identifier aux yeux de beaucoup la révolution à la violence et à la terreur. Mais, de tous les mots hier porteurs de grandes promesses et de rêves vers l’avant, celui de communisme a subi le plus de dommages du fait de sa capture par la raison bureaucratique d’Etat et de son asservissement à une entreprise totalitaire. La question reste cependant de savoir si, de tous ces mots blessés, il en est qui valent la peine d’être réparés et remis en mouvement.

2. [...] La tentation de se soustraire à un inventaire historique critique conduirait à réduire l’idée communiste à des «invariants» atemporels, à en faire un synonyme des idées indéterminées de justice ou d’émancipation, et non la forme spécifique de l’émancipation à l’époque de la domination capitaliste. Le mot perd alors en précision politique ce qu’il gagne en extension éthique ou philosophique. Une des questions cruciales est de savoir si le despotisme bureaucratique est la continuation légitime de la révolution d’Octobre ou le fruit d’une contre-révolution bureaucratique, attestée non seulement par les procès, les purges, les déportations massives, mais par les bouleversements des années 30 dans la société et dans l’appareil d’Etat soviétique.

3. On n’invente pas un nouveau lexique par décret. Le vocabulaire se forme dans la durée, à travers usages et expériences. Céder à l’identification du communisme avec la dictature totalitaire stalinienne, ce serait capituler devant les vainqueurs provisoires, confondre la révolution et la contre-révolution bureaucratique, et forclore ainsi le chapitre des bifurcations seul ouvert à l’espérance. Et ce serait commettre une irréparable injustice envers les vaincus, tous ceux et celles, anonymes ou non, qui ont vécu passionnément l’idée communiste et qui l’ont fait vivre contre ses caricatures et ses contrefaçons. Honte à ceux qui cessèrent d’être communistes en cessant d’être staliniens et qui ne furent communistes qu’aussi longtemps qu’ils furent staliniens !

4. De toutes les façons de nommer «l’autre», nécessaire et possible, de l’immonde capitalisme, le mot communisme est celui qui conserve le plus de sens historique et de charge programmatique explosive. C’est celui qui évoque le mieux le commun du partage et de l’égalité, la mise en commun du pouvoir, la solidarité opposable au calcul égoïste et à la concurrence généralisée, la défense des biens communs de l’humanité, naturels et culturels, l’extension d’un domaine de gratuité (démarchandisation) des services aux biens de première nécessité, contre la prédation généralisée et la privatisation du monde.

5. C’est aussi le nom d’une autre mesure de la richesse sociale que celle de la loi de la valeur et de l’évaluation marchande. La concurrence «libre et non faussée» repose sur «le vol du temps de travail d’autrui». Elle prétend quantifier l’inquantifiable et réduire à sa misérable commune mesure par le temps de travail abstrait l’incommensurable rapport de l’espèce humaine aux conditions naturelles de sa reproduction. Le communisme est le nom d’un autre critère de richesse, d’un développement écologique qualitativement différent de la course quantitative à la croissance. La logique de l’accumulation du capital exige non seulement la production pour le profit, et non pour les besoins sociaux, mais aussi «la production de nouvelle consommation», l’élargissement constant du cercle de la consommation «par la création de nouveaux besoins et par la création de nouvelles valeurs d’usage» : «D’où l’exploitation de la nature entière» et «l’exploitation de la terre en tous sens». Cette démesure dévastatrice du capital fonde l’actualité d’un éco-communisme radical.

6. La question du communisme, c’est d’abord, dans le Manifeste communiste, celle de la propriété :«Les communistes peuvent résumer leur théorie dans cette formule unique : suppression de la propriété privée» des moyens de production et d’échange, à ne pas confondre avec la propriété individuelle des biens d’usage. Dans «tous les mouvements», ils «mettent en avant la question de la propriété, à quelque degré d’évolution qu’elle ait pu arriver, comme la question fondamentale du mouvement». Sur les dix points qui concluent le premier chapitre, sept concernent en effet les formes de propriété. […] Ces mesures tendent toutes à établir le contrôle de la démocratie politique sur l’économie, le primat du bien commun sur l’intérêt égoïste, de l’espace public sur l’espace privé. Il ne s’agit pas d’abolir toute forme de propriété, mais «la propriété privée d’aujourd’hui, la propriété bourgeoise», «le mode d’appropriation» fondé sur l’exploitation des uns par les autres.

7. Entre deux droits, celui des propriétaires à s’approprier les biens communs, et celui des dépossédés à l’existence, «c’est la force qui tranche», dit Marx. Toute l’histoire moderne de la lutte des classes, de la guerre des paysans en Allemagne aux révolutions sociales du siècle dernier, en passant par les révolutions anglaise et française, est l’histoire de ce conflit. Il se résout par l’émergence d’une légitimité opposable à la légalité des dominants. Comme «forme politique enfin trouvée de l’émancipation», comme «abolition» du pouvoir d’Etat, comme accomplissement de la République sociale, la Commune illustre l’émergence de cette légitimité nouvelle. Son expérience a inspiré les formes d’auto-organisation et d’autogestion populaires apparues dans les crises révolutionnaires : conseils ouvriers, soviets, comités de milices, cordons industriels, associations de voisins, communes agraires, qui tendent à déprofessionnaliser la politique, à modifier la division sociale du travail, à créer les conditions du dépérissement de l’Etat en tant que corps bureaucratique séparé.

8. Sous le règne du capital, tout progrès apparent a sa contrepartie de régression et de destruction. Il ne consiste in fine «qu’à changer la forme de l’asservissement». Le communisme exige une autre idée et d’autres critères que ceux du rendement et de la rentabilité monétaire. […] Il ne saurait y avoir d’épanouissement individuel dans le loisir ou le «temps libre» aussi longtemps que le travailleur reste aliéné et mutilé au travail. La perspective communiste exige aussi un changement radical du rapport entre l’homme et la femme : l’expérience du rapport entre les genres est la première expérience de l’altérité et aussi longtemps que subsistera ce rapport d’oppression, tout être différent, par sa culture, sa couleur, ou son orientation sexuelle, sera victime de formes de discrimination et de domination. […]

9. Le Manifeste conçoit le communisme comme «une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous». Il apparaît ainsi comme la maxime d’un libre épanouissement individuel qu’on ne saurait confondre ni avec les mirages d’un individualisme sans individualité soumis au conformisme publicitaire ni avec l’égalitarisme grossier d’un socialisme de caserne. Le développement des besoins et des capacités singuliers de chacun et de chacune contribue au développement universel de l’espèce humaine. Réciproquement, le libre développement de chacun et de chacune implique le libre développement de tous, car l’émancipation n’est pas un plaisir solitaire.

10. Le communisme n’est pas une idée pure, ni un modèle doctrinaire de société. Il n’est pas le nom d’un régime étatique, ni celui d’un nouveau mode de production. Il est celui du mouvement qui, en permanence, dépasse/supprime l’ordre établi. Mais il est aussi le but qui, surgi de ce mouvement, l’oriente et permet, à l’encontre des politiques sans principe, des actions sans suites, des improvisations au jour le jour, de déterminer ce qui rapproche du but et ce qui en éloigne. A ce titre, il est, non pas une connaissance scientifique du but et du chemin, mais une hypothèse stratégique régulatrice. Il nomme, indissociablement le rêve irréductible d’un autre monde de justice, d’égalité et de solidarité ; le mouvement permanent qui vise à renverser l’ordre existant à l’époque du capitalisme ; et l’hypothèse qui oriente ce mouvement vers un changement radical des rapports de propriété et de pouvoir, à distance des accommodements avec un moindre mal qui serait le plus court chemin vers le pire.

11. La crise, sociale, économique, écologique, et morale d’un capitalisme qui ne repousse plus ses propres limites qu’au prix d’une démesure et d’une déraison croissantes, menaçant à la fois l’espèce et la planète, remet à l’ordre du jour «l’actualité d’un communisme radical» qu’invoqua Benjamin face la montée des périls de l’entre-deux-guerres.

Du nouveau leadership aux embarras de la puissance, par Bertrand Badie

Créé par le 24 jan 2010 | Dans : Une autre mondialisation

Jamais une catastrophe naturelle n’avait été portée à ce niveau de politisation, mobilisant les chefs d’Etat, les ressources diplomatiques et militaires, engageant débats et même polémiques. Nulle trace de ce type lors des gigantesques inondations qui firent 300 000 morts au Bengale en novembre 1970, tandis que, plus récemment, les tremblements de terre qui frappèrent l’Indonésie ou l’Iran n’eurent guère le même impact. Même le tsunami qui déferla sur l’Asie du Sud-Est n’atteignit pas les mêmes niveaux de réactions politiques.

L’ampleur de la catastrophe y est pour beaucoup, mais la médiatisation pour plus encore. Après tout, le monde accueillit dans l’indifférence l’annonce faite par la FAO, en novembre 2009, que le seuil du milliard d’affamés était effectivement franchi. Lorsque les images choquent, la diplomatie publique est en marche, devenant même diplomatie d’opinion. Mais si l’émotion devient une ressource de la politique mondiale, elle n’explique pas tout.

Bien des raisons poussaient Barack Obama à réagir de manière si active et manifeste. Au-delà de la sincérité de l’homme d’Etat qui assiste à une tragédie à moins de 1 000 kilomètres de ses côtes, le souvenir de la passivité de son prédécesseur face au désastre causé par Katrina ne pouvait que peser. On retiendra surtout une autre face du message : la reconstruction du leadership américain sous l’angle de la bienveillance et de l’assistance, rompant avec l’image de l’intervention musclée qui alimentait, avec l’échec qu’on sait, les mirages du « regime change », de l’affrontement militaire avec l’ »axe du Mal », ou de la démocratisation forcée. Le nouveau président veut mettre un terme à ce que Pierre Hassner appelle « le wilsonisme botté » pour revenir vers ce que la science politique libérale nommait autrefois le « benign leader » (« leader bienveillant »).

Le changement n’est pas radical. La pratique avait été amorcée après la chute du Mur : l’opération montée en Somalie, décidée par Bush père en décembre 1992 et exécutée par Bill Clinton, était un peu la promesse de l’aube. Ne s’intitulait-elle pas « Restore Hope » (« rétablir l’espoir ») et ne cherchait-elle pas à porter secours à un pays affamé ? Elle échoua bien vite, d’autant plus promptement qu’elle rencontrait une guerre civile et qu’il fallut donc livrer bataille. Quatre ans auparavant, des éléments de l’OTAN intervenaient en Arménie, encore soviétique, victime d’un séisme puissant, le jour même où les Nations unies votaient la résolution sur le devoir d’ingérence humanitaire…

La parenthèse est oubliée, ou presque, car tout conduisait à la refermer : la nature exceptionnelle du contexte, le succès mitigé des opérations, leur dérive politique dans la Corne de l’Afrique, tout comme la périlleuse assistance portée aux convois humanitaires au Kurdistan irakien au printemps 1991. Allons au-delà : la malédiction de la puissance ne se limite pas aux risques de sa dérive guerrière : en cela, le pari de M. Obama est quelque peu aventureux. La forme de son engagement en Haïti est généreuse, mais incertaine. Le président entend affirmer qu’il adhère toujours à l’idée du leadership américain. Ce choix conduit pourtant à une triple incertitude.

Dans le monde post-bipolaire, l’usage de la puissance conduit aux vertiges de la concurrence contrariée, et donc au ressentiment. On le voit lorsque le président français demande, avec toutes les précautions d’usage, une place privilégiée dans une opération montée de Washington et revendiquant pour principaux partenaires le Brésil et le Canada, dans la parfaite ligne de la doctrine Monroe (qui en 1923 réserve aux Américains le droit d’intervenir sur leur continent). On le perçoit à travers les récriminations infinies et discrètement politisées nourries par ceux, officiels ou ONG, qui n’ont pas les faveurs de l’autorité aéroportuaire de Port-au-Prince sous administration américaine. On le conçoit lorsque l’Union européenne montre sa faible réactivité, laissant les Etats qui la composent agir en ordre dispersé. On le pressent lorsqu’on observe les initiatives de la Chine, jusque-là peu présente au sein d’un pays qui préférait regarder du côté de Taïwan.

Diplomatie contestataire

Dans un monde globalisé, dominé par de fabuleuses inégalités, la puissance alimente machinalement la protestation. Elle vient aujourd’hui du Venezuela et des souverainismes les plus rigides : elle peut provenir demain de tous ceux qui gagnent à nourrir une diplomatie contestataire et qui peuvent légitimement demander si la coopération, voire la solidarité, vaut une suspension aussi ostentatoire des attributs de souveraineté d’un petit pays. Le débat n’est pas nouveau : le concept d’Etat effondré avait été inventé exprès lors de la crise somalienne pour justifier l’intervention étrangère.

Depuis, on a appris que le concept était relatif, peu solide, et sujet à tous les abus. On se persuade surtout qu’il appelle logiquement au multilatéralisme, dont la mission est justement de prendre le relais d’une autorité publique défaillante. Cette subsidiarité est infiniment plus légitime et moins risquée sur le plan des dérives.

Dans un monde où « l’intersocial » remplace de plus en plus l’international, la restauration des acteurs locaux dans leurs droits et leurs devoirs est à la base même d’une action efficace. La militarisation des crises et des modes d’intervention fait peser un risque fort, d’autant plus occulté qu’une sorte de loi tendancielle repousse toujours au lendemain la remise aux sociétés de ce que la puissance a appris à faire au quotidien.

Cette crise que la nature a rendue paroxystique et dramatique existait déjà dans l’indifférence politique presque générale. Sa politisation brutale peut la faire évoluer, vers le meilleur ou vers le pire. Le meilleur tiendrait à une prise de conscience globale des souffrances d’un peuple oublié qui réapparaîtrait ainsi sur la carte du monde. Le pire serait d’en faire un laboratoire d’essais d’un leadership repensé, demain l’objet d’une compétition diplomatique revigorée, et après-demain un symbole de résistance aux apories de la puissance.



Bertrand Badie est professeur de relations internationales à Sciences Po.

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