avril 2010

Archive mensuelle

Actes du colloque de la Fondation Res Publica : L’Amérique latine en mouvement

Créé par le 25 avr 2010 | Dans : Amérique Latine, Blog du Che

Les actes du colloque du 14 décembre 2009 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.

L'Amérique latine   en mouvement

  • Le Mexique, entre Nord et Sud, par Marie-France Prévôt-Schapira, Professeur à l’université de Paris VIII, au colloque du 14 décembre 2009

Voir le dossier en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.

André Tosel : « L’inhumaine humanité de la guerre » dans l’Huma en ligne

Créé par le 21 avr 2010 | Dans : Articles de fond

A la Maison de la poésie avec les Amis de l’Humanité, André Tosel a offert à une assistance emportée par le rythme haletant de l’exposé une cérémonie de haut vol. En débat, Jaurès, le capitalisme transnational et la guerre mondialisée. Retrouvez ici l’intégralité de ses propos.

Il ne lit pas, il ne dit pas, il ne raconte pas, il professe. Et l’on comprend mieux ce que ce mot peut avoir d’admirable quand on a eu la chance, trop rare, d’entendre une leçon d’André Tosel. Le philosophe, ancien professeur à la Sorbonne et à Nice, a choisi, encouragé par Charles Silvestre et Claude Guerre, les maîtres de céans, d’interroger de plein fouet l’énigmatique phrase de Jaurès qui sert de prétexte à ces rencontres. Il l’affronte pendant une heure trente de combat sans pause, dans ce qu’elle a de plus désarmant, de plus terrifiant peut-être  : ce qu’il appelle «  l’inhumaine humanité de la guerre  ». Le scandale d’une humanité qui n’a pas renoncé à la guerre. Une humanité qui, plus exactement, est retournée en barbarie, dans l’affrontement inexpiable des empires coloniaux à la fin du XIXe siècle, au moment où les nations européennes libérées de leurs conflits d’unité nationale semblaient aborder les rivages civilisés. C’est ce scandale qui a bouleversé Jaurès au beau milieu de sa vie d’intellectuel et de militant, c’est aussi ce scandale pressenti, analysé et dénoncé, qui l’a tué, en entraînant le monde dans l’abîme de la Première Guerre mondiale – et bientôt de la Seconde. Mais c’est encore ce scandale qui nous ronge, nous autres «  prolétaires de tous les pays  », qui, aujourd’hui comme hier, voulions changer de monde et n’y sommes pas parvenus. Dans ce parcours lucide qui côtoie sans cesse le désespoir sans y verser, Tosel convoque un florilège de figures tutélaires. Avec les mots les moins arides qu’on puisse aligner, il montre comment et pourquoi Jaurès emprunte à Marx, aux métaphysiciens allemands et au mouvement révolutionnaire et ouvrier français, comment il s’écarte à la fois de Bergson, d’Auguste Comte ou de Kant, comment il anticipe Lénine, Rosa Luxemburg ou Gramsci. Comment, en fin de compte, sa vision d’une «  évolution révolutionnaire  », d’une «  interpénétration des contraires  » qui contraigne le capital à entendre la classe ouvrière sur les conditions d’une transformation inédite des rapports sociaux, fut noyée à contre-courant d’une histoire vomissant une violence aussi radicale qu’imprévue. Jaurès a échoué, mais nous restons les héritiers de sa persévérance  : celle qui relève le défi de ce combat infini contre la violence. Tosel distingue et clarifie quatre versants du «  carré  » où agir face à la guerre mondialisée de notre époque. Dans les rôles principaux, la politique impériale du supergrand militaire, une multiplicité de conflits nationalitaires à tonalité raciste et potentiellement génocidaires, une culture de la vie quotidienne hantée par la concurrence et tentée par la violence contre «  l’autre  », et un capitalisme transnational obsédé par l’exploitation sans fin du travail et des hommes. Le pire est-il certain, se demande Tosel  L’optimisme, en tout cas, est affaire de volonté.

Lire le texte intégral de l’intervention :

http://www.humanite.fr/Andre-Tosel-L-inhumaine-humanite-de-la-guerre

Non à la spéculation sur l’électricité, par Gérard Pierre, Secrétaire national du MRC chargé de l’environnement et de l’énergie.

Créé par le 06 avr 2010 | Dans : Fédérations MRC d'Aquitaine

Le gouvernement présentera après les régionales un projet de loi sur la Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité (NOME).

Ce projet de loi vise à répondre favorablement aux injonctions de la Commission Européenne pour établir en France un marché de l’électricité plus concurrentiel qu’il ne l’est actuellement.

Pour satisfaire l’Union Européenne, le gouvernement veut contraindre légalement l’opérateur historique à rétrocéder à des entreprises concurrentes une partie très importante de sa production à prix coûtant. Ainsi « Electricité De France est tenu de conclure des contrats de vente d’électricité, à des conditions représentatives des conditions économiques de production de l’électricité par ses centrales nucléaires situées sur le territoire national avec les fournisseurs d’électricité qui en font la demande. » Le volume global maximum pourra être de 120 térawattheures soit environ le quart de la production totale d’EDF.

Les prévisions faites par les services de l’Etat dans les études sur les coûts de référence montrent que la production de base dont le MWh est le moins cher est celle du nucléaire, dont la valeur varie de 30 à 55 € le MWh, suivant que l’on prend comme référence les centrales existantes ou le nouvel EPR. Cette proposition si elle était votée, donnerait aux bénéficiaires des contrats une manne financière considérable. Le MWh étant vendu au consommateur d’électricité en France de l’ordre de 78 €, c’est un cadeau de plus de 2 milliard d’€ par an que l’Etat s’apprête à faire aux compagnies privées concurrentes alors qu’elles n’auront fait aucun investissement. C’est également un marché concurrentiel purement artificiel qui attirera des traders français mais également étrangers qui seront séduits par des bénéfices qu’ils n’auront nullement l’intention d’investir dans des unités de production, et qui feront leur profit en revendant l’électricité achetée à bas coût en France pour la revendre principalement à l’étranger avec un bénéfice maximum. C’est surtout, pour EDF, une diminution de sa capacité financière à un moment où il doit faire de nombreux investissements pour assurer la transition énergétique imposée par la raréfaction des ressources pétrolières et gazières, l’augmentation de la consommation d’électrique, ainsi qu’à terme le renouvellement de ses centrales.

Ce projet, s’il était adopté dans sa forme actuelle (« Avant projet de loi de réforme du marché de l’électricité »), est très dangereux, car il remet en cause la capacité à satisfaire dans l’avenir les besoins énergétiques de notre pays et les conséquences sur les prix ne se feront pas attendre.

Une sale Laffer, par Vincent Marot

Créé par le 05 avr 2010 | Dans : Articles de fond

Sévèrement abîmé par la crise, l’arsenal idéologique de la droite maigrit aussi vite que grossit la dette. Louer les vertus du capital et de la dérégulation devient compliqué par les temps qui courent. Du coup, les dernières élections régionales l’ont montré, la droite recycle une fois de plus ses vieux rebuts : identité-immigration-sécurité, le tout dans le même paquet pour bien effrayer, et bien sûr, l’autre fléau, les impôts.

Trop d’impôt tue l’impôt ? 

Ce dicton populaire a pour origine la courbe de Laffer, sempiternelle référence servie par les idéologues libéraux et les possédants pour justifier leur allergie à l’impôt progressif. Cette courbe en forme du U inversé mesure la variation des recettes fiscales de l’Etat en fonction du taux d’imposition. Au-delà d’un certain taux, l’incitation au travail et donc les recettes fiscales diminueraient. Le problème est que la courbe de Laffer telle que présentée n’a jamais été démontrée. A fortiori le taux retenu par la les théoriciens libéraux, évidemment bas, entre 10 et 40% selon leur degré d’intégrisme.

La mise en pratique religieuse de cette théorie aux Etats-Unis, depuis Reagan et jusqu’à Bush, avec des baisses d’impôt drastiques ciblées sur les plus riches, est l’une des causes de l’intensité de la crise : déficits publics abyssaux, redistribution hyper inégalitaire des richesses avec une minorité de la population en captant l’essentiel et les deux-tiers vivant à crédit, protection sociale limitée et chère, taux de pauvreté élevé…

Les fameux « amortisseurs » opportunément loués en France après la crise par ceux-là même qui se sont évertués à les détruire ne sont rien d’autres que des transferts sociaux issus de la redistribution des impôts, bénéfiques à la majorité des Français, au pays et à l’économie. Car moins d’impôt ne profite qu’à ceux dont les moyens financiers les mettent à l’abri des risques de la vie. Pour tous les autres, c’est-à-dire la grande masse, moins d’impôt signifie services publics dégradés, couverture sociale amoindrie, précarité.

Bref la réalité serait plutôt « moins d’impôt tue une société ».

Aucun consensus des économistes sur la courbe de Laffer : lire, entre autres, le hors-série d’Alternatives Economiques « Comprendre les économistes » de novembre 2007, ou les analyses de Thomas Piketty, notamment dans « L’Economie des Inégalités » ou « Les hauts revenus en France au XXème siècle ».

Extrait d’Alternatives Economiques :

« Le seul problème est de déterminer à partir de quel niveau de prélèvements cette allergie fiscale joue. 10% pour les libéraux façon Hayek. Les marxistes vont sans doute jusqu’à 90 %. Laffer avançait 30 % et il a convaincu Reagan. En baissant fortement l’impôt sur le revenu en 1981, l’administration Reagan s’attendait à avoir davantage de recettes fiscales : elle eut le plus gros déficit public depuis 1945. En France, Bruno Théret et Didier Uri ont essayé de mesurer le taux maximal à partir duquel « trop d’impôts tuent l’impôt ». Ils ont trouvé… 85 %. Thomas Piketty a montré, à partir des baisses des taux supérieurs de l’impôt sur le revenu consenties par plusieurs gouvernements successifs entre 1986 et 1996, qu’elles n’avaient eu aucun effet sur la croissance, seulement sur l’ampleur du déficit. Face à autant de démentis, Laffer s’est fait très discret. » 

Thomas Piketty :

« En 1932, quand Roosevelt arrive au pouvoir, le taux de l’impôt fédéral sur le revenu applicable aux plus riches était de 25 % aux Etats-Unis. Le nouveau président décide de le porter immédiatement à 63 %, puis 79 % en 1936, 91 % en 1941, niveau qui s’appliqua jusqu’en 1964, avant d’être réduit à 77 %, puis 70 % en 1970. Pendant près de cinquante ans, des années 30 jusqu’en 1980, jamais le taux supérieur ne descendit au-dessous de 70 %, et il fut en moyenne de plus de 80 %. Cela n’a pas tué le capitalisme et n’a pas empêché l’économie américaine de fonctionner. » 

Emmanuel Saez, économiste français spécialiste de la théorie de la taxation optimale et de l’étude des inégalités économiques, qui travaille à l’Université de Berkeley et qui a reçu en avril 2009 la médaille John Bates Clark (première marche pour certains avant un prix Nobel d’économie), établit qu’il est possible, surtout dans une société très inégalitaire comme les Etats-Unis, de fixer un taux nettement supérieur à 50%.

Extraits du Monde, décembre 2009 [1]

- Qu’est-ce qu’une politique fiscale juste ? 

Emmanuel Saez : Une politique fiscale juste est une politique qui redistribue des hauts revenus vers les bas revenus sans compromettre l’activité économique et d’une façon qui soit la plus transparente et la plus simple possible. En particulier, dans le cas des très hauts revenus, la politique fiscale juste doit tenter de maximiser les recettes fiscales que l’on peut obtenir des très hauts revenus, ce qui veut dire des taux d’imposition dans le haut de la distribution pouvant dépasser nettement 50 %.    

- Est-ce que la seule fiscalité juste ne consiste pas à supprimer tous les impôts indirects (TVA…) et en rester aux impôts directs réellement progressifs par rapport aux revenus quels qu’ils soient (travail, spéculation…) ? 

Emmanuel Saez : Pour moi, les impôts directs, c’est-à-dire fondés sur le revenu total des personnes, et progressifs constituent la forme d’imposition la plus juste et transparente. En pratique, la progressivité des impôts directs est compromise par le développement de nombreuses niches fiscales, ce qui oblige les Etats à utiliser des impôts indirects, comme la TVA, qui sont moins justes puisque non progressifs, mais qui sont efficaces pour obtenir des recettes fiscales conséquentes.    

- Que pensez-vous du bouclier fiscal ? N’accroît-il pas les inégalités ? 

Emmanuel Saez : Selon moi, il n’y a pas de justification économique solide à limiter l’impôt à 50 % des revenus. En pratique, le bouclier fiscal n’inclut que certains types d’impôt et pas d’autres. Et par ailleurs, l’application pratique du bouclier fiscal est fort compliquée. Bref, je serais en faveur de la suppression du bouclier fiscal.    

- Comment se positionne la science économique d’aujourd’hui par rapport au fameux adage « trop d’impôt tue l’impôt », exprimé par la fameuse courbe de Laffer ? 

Emmanuel Saez : La courbe de Laffer nous montre comment les recettes fiscales varient en fonction du taux d’imposition. Puisque personne ne voudrait travailler si le taux d’imposition était de 100 %, c’est une courbe en forme de « U » inversé, et le sommet de ce « U » inversé détermine le taux d’imposition qui maximise les recettes fiscales. Ce taux d’imposition dépend évidemment de la façon dont les agents ajustent leur activité économique en fonction de l’impôt. En pratique, l’activité économique ne réagit qu’assez faiblement aux changements de taux d’imposition. Néanmoins, si le système d’impôt offre d’abondantes possibilités d’évasion fiscale (niches fiscales), le taux d’imposition qui maximise les recettes fiscales sera faible. La leçon est donc qu’il faut mettre en place un système d’impôt qui minimise les possibilités de niches fiscales. A partir de là, il devient possible d’augmenter les taux d’imposition très fortement sans compromettre les recettes. 

Sans parler des nombreux facteurs interdisant des comparaisons simplistes entre pays (nature des impôts, assiette, part des impôts progressifs, nombre et qualité des prestations financées….), rien n’indique que le niveau atteint en France est trop élevé et nuit au dynamisme économique.

Si le niveau des prélèvements en France avait dépassé le plafond de la courbe de Laffer, les baisses d’impôts accordées aux plus aisés depuis 2002 (environ 30 milliards par an de pertes de ressources pour la collectivité, source Alternatives Economiques[2]) auraient augmenté les recettes fiscales. Or, chaque baisse d’impôt se traduit par une baisse des recettes correspondantes, preuve que le seuil théorique maximal, si tant est qu’il existe, n’a pas été atteint.

Certes, augmenter les impôts ne doit pas être une fin en soi. Mais les réduire non plus.  Or, réduire les impôts, des riches principalement, pour favoriser la croissance a été le dogme consciencieusement appliqué depuis dix ans par la droite. Résultats : non seulement cela n’a eu aucun bénéfice économique, mais la politique fiscale n’assure plus des recettes suffisantes pour financer les dépenses publiques, et elle ne joue plus non plus son rôle de correction des inégalités, avec une fiscalité progressive devenue famélique à force d’être la cible de ce gouvernement (IR, ISF, droits de succession).

La France a encore de la marge de manœuvre par rapport à d’autres pays « libéraux » : sur le total des prélèvements d’une part (43% de prélèvements obligatoires en France contre 49% au Danemark et en Suède), et sur la part des impôts progressifs d’autre part, relativement faible en France par rapport aux autres pays européens.

Si par ailleurs d’éminents économistes affirment, preuves à l’appui, que s’approcher voire dépasser le seuil de 50% ne nuit pas à l’efficacité économique, pourquoi s’en priver ? A fortiori en temps de crise et avec un tel niveau d’endettement. Cette solution aurait par ailleurs l’avantage de « faire payer aux générations actuelles la dette accumulée », pour reprendre un argument régulièrement mis en avant.

Faire le choix dogmatique du moins d’impôt ou d’un plafond théorique à 50% est un à priori idéologique insoucieux de l’efficacité économique et sociale.

Vincent MAROT 

Membre de l’AGAUREPS-Prométhée

Association pour la Gauche Républicaine et Sociale – Prométhée

Avril 2010

www.agaureps.org



[1] http://www.lemonde.fr/economie/chat/2009/12/10/quelle-politique-fiscale-contre-les-inegalites_1278979_3234.html

[2] http://www.alternatives-economiques.fr/il-n-y-a-pas-que-le-bouclier-fiscal-_fr_art_633_42332.html

Le respect de la souveraineté populaire et la réhabilitation de l’engagement militant comme antidotes à l’abstention, par Francis Daspe

Créé par le 03 avr 2010 | Dans : Articles de fond

Le taux record d’abstention a été considéré par une majorité d’experts et d’acteurs politiques comme l’enseignement majeur de ces élections  régionales des 14 et 21 mars 2010. Un Français sur deux qui n’effectue pas son devoir de citoyen, cela doit bien évidemment interroger chacun d’entre nous et placer la lutte contre l’abstentionnisme au rang d’ardente priorité démocratique.

Mais le consensus ne résiste pas dès lors qu’il s’agit de se livrer au jeu des interprétations : des lectures concurrentes, quand elles ne sont pas délibérément intéressées et donc peu objectives, s’entrechoquent dans un tohu-bohu porteur de confusions. La modestie doit donc être de mise en la matière : il est difficile d’accéder à la vérité. Hasardeuse est l’entreprise qui s’attache à interpréter les préoccupations de ceux qui ne se sont pas présentés dans l’isoloir pour glisser un bulletin dans l’enveloppe…

 Il y a ceux qui ne voient aucun message politique dans l’abstention et ceux qui en décryptent un dont le contenu peut varier en fonction des angles d’approche. Il y a ceux qui privilégient les facteurs politiques au détriment des  déterminants sociaux pour expliquer la démobilisation électorale constatée. Démobilisation électorale qu’il convient d’ailleurs de ne pas confondre avec un éventuel processus de dépolitisation, les deux ne se superposant pas forcément. L’abstention se nourrirait-elle d’une profonde indifférence ou exprimerait-elle une sourde colère politique ? Serait-elle le signe d’une expression de classe, structurée ou pas peu importe, ou au contraire d’une désespérance tenace ? Résulterait-elle d’une offre politique notoirement insuffisante que l’autisme des formations politiques aggraverait ? Il y a sans aucun doute un peu de tout cela dans des proportions impossibles à évaluer avec justesse : ne tombons pas pour autant dans le travers d’une surinterprétation exclusive du supposé message délivré par des citoyens qui se sont refusés à exprimer un positionnement politique.

S’il est particulièrement difficile de faire parler ceux qui n’ont pas souhaité s’exprimer, la tâche apparaît encore plus ardue à proposer des solutions visant à remédier à cette situation inquiétante pour l’état de la démocratie.

Il est évident que le fort taux d’abstention doit être directement mis en relation avec la question de la souveraineté populaire, du moins de sa perception par une fraction significative de l’électorat. Le sentiment de plus en plus affirmé que les décisions sorties des urnes ne sont pas appliquées constitue un élément d’explication. Le référendum européen du 29 mai 2005 illustre à merveille les dénis de démocratie douloureusement ressentis. Alors que les Français s’étaient fortement mobilisés à l’occasion du débat sur le traité constitutionnel européen, que ce soit pour le défendre ou s’y opposer, le président de la République Nicolas Sarkozy avait bafoué le verdict du peuple français en faisant adopter en catimini par la voie parlementaire une version à peine modifiée baptisée traité de Lisbonne.

Il serait également judicieux de mettre en exergue un autre décalage fortement préjudiciable. La souveraineté populaire collectivement exprimée doit bien évidemment être totale. Mais il est parfois difficile de comprendre que la part de souveraineté inaliénable que chaque citoyen possède relève en fin de compte de l’infinitésimal. Seule l’addition de ces fractions infinitésimales de souveraineté résultant d’une dynamique portée par l’intérêt général est en capacité de définir l’expression populaire majoritaire. Cette conception va à rebours de l’évolution actuelle d’un individualisme effrénée et d’une atomisation grandissante du corps social conformément aux injonctions de l’idéologie libérale triomphante.

Le paradoxe n’est en réalité qu’apparent avec la tendance symétrique de la recherche d’une plus grande proximité qui non sans démagogie vise à faire croire à chacun que son avis sera entendu pour être au final déterminant. Tous ceux qui récusent toutes les formes de candeur ou de duplicité savent très bien sur quoi débouchent les ersatz de démocratie participative instrumentalisés à des fins personnelles : tandis que la base très largement idéalisée cause en pure perte, d’autres personnes plus autorisées en raison de leur médiatisation ont déjà tiré les conclusions et effectué les synthèses qui s’imposeront à tous.

Des problématiques similaires traversent la question de l’affaiblissement de l’engagement militant régulièrement déploré aussi bien au sein des formations politiques que du monde syndical ou de la mouvance associative. Là aussi des hypothèses contradictoires sont fournies dans le but de rendre compte de la situation. Il est de bon ton de stigmatiser un excès d’idéologie qui se serait insinué dans le fonctionnement quotidien de ces différentes organisations. Cette version est en fait portée par l’idéologie dominante du moment : le libéralisme, idéologie de la fin des idéologies, s’échine à faire croire que toute décision politique serait avant tout une simple affaire de pragmatisme. Il faut répéter inlassablement combien le refus de toute possibilité d’alternative au système capitaliste a généré désenchantement et désespérance, et ce malgré les efforts à la fois méritoires et maladroits des altermondialistes.

Nous nous inscrivons résolument en faux contre cette présentation asymétrique d’une réalité déformée à souhait. Il nous semble urgent au contraire de ré-instiller dans le débat public une dimension idéologique renforcée. Cela doit se faire bien entendu en liaison étroite avec des objectifs d’éducation populaire et de formation militante. Les deux sont en effet intimement liés : les militants sont bien davantage ancrés dans le peuple que les représentants d’une insaisissable société civile parée de toutes les vertus, et dont l’intégration sur les listes relève bien plus de la cooptation opaque de quelques « happy few ».

Un des freins à l’engagement militant réside sans aucun doute dans la crainte d’être entraîné dans une dérive de nature quasi sacerdotale. Dans ce tourbillon incontrôlé, le risque que la vie privée puisse avoir tendance à s’effacer inexorablement ne doit être nullement sous-estimé. Cette appréhension est en effet partiellement fondée : les formations politiques doivent se défier de pratiques pouvant être jugées trop intrusives. Les tentatives de constituer des « contre églises » militantes se révèlent en règle générale improductives et se soldent par des échecs.

L’état de délabrement de l’implication citoyenne et civique que nous constatons élections après élections indique l’urgence qu’il y a à réhabiliter pleinement les concepts de souveraineté populaire trop souvent battue en brèche et d’engagement militant injustement dénigré. Par leur force propulsive, eux seuls sont en capacité de lutter contre « l’aquoibonisme » dont les progrès constants remettent en cause le fonctionnement normal de nos institutions démocratiques. 

Francis DASPE  le 25 / 03 / 2010, dans la lettre de l’AGAUREPS-Prométhée d’avril   2010,    contact@agaureps.org

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