mai 2010

Archive mensuelle

Evocation de la disparition tragique de Lionel Delecray

Créé par le 27 mai 2010 | Dans : Non classé

Lettre de N.Guyard à ses amis à l’occasion de la mort tragique de Lionel il y a un an :

Chers amis,

C’est avec une immense tristesse qu’il me faut vous annoncer le décès de Lionel Delecray. Ami, compagnon, partenaire, militant, travailleur impénitent contre les casses et injustices sociales, Lionel était pour tous un homme d’action, de réflexion, d’écoute et d’efficacité. Avec sa mort accidentelle dans la nuit de mardi à mercredi, ce n’est pas seulement un grand ami que nous perdons, mais aussi un parangon de fidélité, de vigilance à l’endroit des injustices, et de lutte joyeuse contre les chacals qui dépècent les solidarités qui lui tenaient tellement à coeur.

On dit que nul n’est irremplaçable. Il faut réviser cette antienne. Lionel, par la multiplicité des travaux insatiables qu’il a menés pour rendre la vie moins dure aux victimes du « système », dessine par sa disparition les contours d’une absence que chacun de nous ressentira comme un vide immense. Membre du bureau d’Attac depuis la naissance du groupe à Mont de Marsan, Lionel apportait la voix du « terrain social », la bonne humeur, la pertinence, la combativité et son indéfectible amitié. Nos pensées se portent vers sa femme, ses enfants, que nous accompagnerons demain à la cérémonie des obsèques.
Pour ce dernier hommage, soyons présents à *l’église de Saint Médard*, demain *vendredi 28 mai à 16 h 30*.

Pour le bureau d’Attac Marsan

Nicolas GUYARD

Le joueur de flûte et les rats, par Jean-Pierre Chevènement

Créé par le 22 mai 2010 | Dans : Blog du Che, Fédérations MRC d'Aquitaine

La proposition du Président de la République d’inscrire, à l’image de l’Allemagne, la réduction des déficits budgétaires dans la Constitution, va à rebours de ce qu’il faudrait faire :

non pas s’aligner sur l’orthodoxie libérale allemande, legs d’une histoire traumatique, mais convaincre nos amis allemands de prendre la tête d’une initiative de croissance européenne, fondée sur la relance de la consommation intérieure et sur l’investissement public, et cela, dans leur intérêt même : l’Allemagne réalise en effet 60% de ses excédents commerciaux sur la zone Euro. Quand tous les autres pays de la zone Euro se seront mis à l’heure allemande pour conjuguer leurs plans de rigueur respectifs, une crise économique et sociale majeure en résultera inévitablement en Europe, dont l’Allemagne, du fait de la structure de son commerce extérieur, sera la première à faire les frais.

Les Français sont fondés à attendre de leur Président qu’il parle non pas le langage de l’alignement, mais celui d’une France inventive, volontaire et entreprenante.

Dans un conte germanique célèbre, le joueur de flûte de la ville de Hameln, entraîne les rats vers le précipice. Monsieur le Président, ne nous mettez pas dans la situation des rats ! Faîtes entendre une musique française et européenne ! Car l’euro n’est pas seulement la monnaie de l’Allemagne. C’est la monnaie de l’Europe. Or, l’Europe, bien que moins endettée que les Etats-Unis et le Japon est aujourd’hui la lanterne rouge de la croissance mondiale.

Renversez la vapeur, Monsieur le Président ! Ne vous laissez pas glisser sur la pente fatale d’une rigueur imposée de l’extérieur. Celle-ci ne répond à rien sinon à l’exigence de cupidité sans limite des marchés financiers Ce sont ceux-ci qu’il faut mettre sous contrôle et pas la consommation des Européens ! Il faut vous dégager de la logique maastrichtienne qui a conduit à la crise actuelle, changer les règles du jeu de l’euro. C’est le moment ! C’est difficile ? Mais tous les pays européens vous soutiendront, ainsi que les Etats-Unis d’Amérique qui pour combler leur propre déficit on besoin d’une locomotive européenne puissante : Il n’est que d’oser, Monsieur le Président !

Jean-Luc Mélenchon : « Je me réjouis de la dévaluation de l’euro »

Créé par le 20 mai 2010 | Dans : Front de gauche

Le projet de loi d’interdiction générale de la burqa a été adopté en conseil des ministres. L’approuvez-vous ?

Si j’étais membre du Parlement français, je voterais la loi. Les droits de la personne humaine interdisent que des traitements dégradants lui soient appliqués quand bien même elle en serait d’accord.

Le Conseil d’Etat a émis des réserves…

Antérieur au Conseil d’Etat, il y a le peuple souverain. Les femmes qui sont accoutrées de cette manière s’agressent elles-mêmes et nous agressent. Elles sous-entendent qu’elles sont des proies pour les hommes qui ne pourraient jeter sur elles que des regards concupiscents. C’est une vision de l’homme qui n’est pas acceptable. Quant à ceux qui veulent avoir une activité de type insurrectionnel sur le plan religieux, ils affronteront la République et le dernier mot restera à la République. Il faut être vigilant sur ces sujets. La France est un pays qui a vécu trois siècles de guerre civile et religieuse.

Sur la réforme des retraites que proposez-vous ?

Que l’on s’en tienne aux 60 ans, que la pension représente 75 % du revenu antérieur et qu’on revienne aux 10 meilleures années d’activité pour la calculer.

Vous parlez de dépenses nouvelles alors que tous cherchent des économies ?

Faire des économies, c’est un point de vue libéral, Moi je suis socialiste, de gauche, et je considère que la retraite est une grande conquête de la vie humaine.

Mais qui finance ?

Il faut se calmer sur les chiffres. Nous avons réussi à convaincre que ce n’était pas la catastrophe et que toute la question serait de partager les richesses. Après, ce n’est qu’une question de tuyauterie. Si l’on taxe les revenus du capital comme on taxe ceux du travail, ça peut rapporter 100 milliards d’euros.

Les attaques contre l’euro vous inquiètent-elles ?

Vous plaisantez ! Chaque fois que l’euro perd 10 % de sa valeur, ça produit 5 points d’exportation supplémentaires, 1 point de production de richesses en plus. Mais je suis heureux de cette dévaluation. Et pendant ce temps, les moulins à prière libéraux continuent leurs petits récits de griot, l’équilibre, les dépenses excessives des Etats…

Il ne faut pas réduire les déficits ?

Il y a une évolution autoritaire des libéraux qui devrait vous crever les yeux. Quand on annonce que les budgets des nations qui, jusqu’à présent sont élaborés par les représentants du peuple, vont être examinés en préalable par la Commission, qu’on va demander à M. Barroso de nous dire combien nous devons dépenser pour notre éducation en France, cela ressemble à une très mauvaise plaisanterie.

Qu’allez-vous faire en 2012 ? Discuter avec le Parti socialiste que vous avez quitté, ou lui tourner le dos ?

Je suis candidat à ce qu’il y ait dans notre pays un gouvernement du Front de gauche, autour du Front de gauche. Pour autant, vais-je me transformer en un sectaire, qui ne voudrait entendre parler que de lui ? Non, je propose d’appliquer la vieille règle qui est qu’au deuxième tour, on se désiste pour celui de gauche qui est le mieux placé. Mais je mets solennellement en garde les socialistes. Il ne faut pas qu’ils croient qu’il leur suffira de sauter autour de la table en disant : « Le vote utile, le vote utile », et de faire peur avec Marine Le Pen, pour qu’aussitôt tout le monde y aille les yeux fermés…

Faites-vous une différence entre Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn ?

Un peu, que j’en fais ! Si j’étais un sectaire, je dirais : « Bravo, envoyez-nous Dominique Strauss-Kahn, ça va nous faire au moins 4 points de plus pour nous. » Mais au deuxième tour, quand il va falloir expliquer à l’autre gauche, qui représente quand même 10 % du corps électoral de ce pays, vous allez voter pour le gars du FMI, qui veut annuler les retraites… Je mets en garde les socialistes : ne faites pas cette erreur parce que vous nous ferez perdre.



Jean-Luc Mélenchon est député européen, président du Parti de gauche.

Propos recueillis par Françoise Fressoz et Thomas Legrand

Crise de la Grèce, crise de l’euro

Créé par le 20 mai 2010 | Dans : Economie, Pour une autre Europe

La crise grecque était inscrite dans les traités de Maastricht et de Lisbonne dont les lacunes étaient connues : en l’absence de coordination des politiques économiques, l’eurozone laissée aux seules mains de la Banque Centrale Européenne, ne pouvait qu’être traversée de tendances centrifuges entre ses différentes économies et était totalement démunie pour réagir aux chocs externes dont les effets asymétriques ne pouvaient qu’accentuer les risques de divergence.



 

La politique mercantiliste et non coopérative allemande a accentué les pressions déflationnistes, déjà encouragées par le soutien à l’euro fort de la BCE. Déjà entre 2000 et 2008, les prix à la production grecs avaient crû de 18 % au-delà des prix allemands. Les prix espagnols étaient à 13 %, les francais encore à 5 %, au-dessus de la référence allemande.

Ces pressions ont accru les déséquilibres entre les pays européens et se sont finalement traduits par les déséquilibres de balance des paiements, ignorés d’une façon coupable dans les Traités européens au profit d’une focalisation purement idéologique sur les comptes publics. Le choc de la crise financière a fini par être fatal à cette construction artificielle.

1 / Une dévaluation financière

La priorité est naturellement maintenant au redressement des économies attaquées. La réponse de l’eurozone à la crise grecque n’est pas crédible. La cure d’austérité infligée au peuple grec est encore beaucoup plus brutale que les plans du FMI qui avaient fini par faire l’unanimité contre eux. Cette cure est incompatible avec un redressement de la croissance dont dépendent les rentrées fiscales et le redressement des comptes publics. La longue histoire des crises financières nous apprend qu’il n’y a pas de salut sans participation des créanciers à l’effort partagé par le débiteur. La dette grecque sera fatalement restructurée, comme le pronostiquait Paul Krugman (Prix Nobel d’économie) dès la mi avril. Plus vite elle le sera, moindre sera le coût global de l’opération. Les prix des marchés intègrent déjà une décote de 30 % de la dette grecque. Les créanciers de la Grèce doivent effacer au moins 30 % de la dette.

Les créanciers sont essentiellement les banques et assurances européennes, notamment françaises et allemandes. En aidant officiellement la Grèce, les Gouvernements vont en réalité une nouvelle fois au secours de leurs banques et assurances qui la finance (75 Md€ pour la France, 45 Md€ pour l’Allemagne) et qui seraient exposées à de nouveaux risques de pertes. Celles-ci ont bénéficié des taux déjà élevés payés par la Grèce. Elles doivent maintenant assumer le risque qu’elles ont pris et celles qui n’en seront financièrement pas capables devraient être nationalisées. L’eurozone devrait une zone de solidarité, c’est un groupement de créanciers qui protège avant tout chose leur système financier.

Le plan de soutien à l’euro décidé les 7 et 9 mai 2010, pour massif qu’il soit, reste dans la même lignée : au-delà des 60 Md€ de prêts laissés à l’appréciation de la Commission, quels seront les mécanismes d’engagement des 440 Md€ de garantie par les Etats-membres ? Les conditions imposées aux Etats demandeurs seront elles aussi brutales que pour la Grèce ? Que se passera-t-il lorsque l’incapacité des pays ainsi aidés à remplir leurs engagements sera patente ? Quel sera leur châtiment ? En l’absence de réponses crédibles et soutenables à ces questions, la spéculation resurgira tôt ou tard. Les 750 Md€ mobilisables sont à comparer aux 850 Md€ des dettes extérieures de la seule péninsule ibérique… dont 550 Md€ pour les institutions financières allemandes et française !

L’engagement de la BCE de racheter les obligations « au pair » empêchera les décotes sur les marchés financiers mais ne résoudra pas les problèmes de solvabilité des pays en crise. Les seuls plans de sauvetage soutenables et généralisables passent par des restructurations de dettes imposées aux créanciers. Pendant que se déroule la crise grecque, l’Argentine procède à une restructuration de sa dette en dollars avec une décote de 66,7 %, à comparer aux 30 % sur la Grèce. C’est là un exemple que les responsables européens devraient méditer. En cas de crise, l’impossibilité des dévaluations monétaires rend nécessaire des dévaluations financières des dettes nationales.

2 / De nouvelles règles pour un Gouvernement économique de l’Euro

A la réponse à cette crise aiguë, devra succéder une révision des Traités pour transformer l’eurozone en un espace économique plus équilibré. La France et l’Allemagne ont proposé une révision du Pacte de stabilité sur des bases qui laissent craindre le pire : la surveillance budgétaire accrue et la compétitivité sont des objectifs qui, ainsi énoncés, préparent des politiques déflationnistes généralisées !

La soutenabilité de l’euro passe surtout par la restauration d’une croissance dynamique et équilibrée de l’eurozone. Cet objectif nécessite une coordination des politiques économiques qui ne parait toujours pas envisagée. Pour sauver l’euro, il faut que l’Allemagne, qui dégage plus de la moitié de ses excédents commerciaux sur la zone euro, accepte de renoncer à sa politique de déflation compétitive et soutienne sa demande intérieure.

L’Allemagne a raison sur un principe : la cohésion de la zone euro ne doit pas reposer sur des transferts financiers. Chaque Etat doit être responsable de l’équilibre financier de son pays. Mais pour y parvenir, il faut changer les règles du jeu de la zone euro en surveillant aussi le niveau des dettes privées. In fine, ce sont les échanges au sein de la zone euro qui doivent être équilibrés : la coordination des politiques économique pour assurer l’équilibre des balances des paiements, solde des endettements de tous les agents économiques (Etat, Ménages, Entreprises), devrait remplacer les critères relatifs aux finances publiques. La coordination économique devrait reposer sur des mesures naturellement restrictives dans les pays déficitaires mais aussi sur des mesures expansionnistes dans les pays excédentaires pour soutenir la croissance européenne. Ce serait la tâche d’un Gouvernement économique de l’eurozone d’assurer une telle coordination coopérative.

La révision de Traité devrait aussi prévoir la révision des objectifs assignés à la BCE en adjoignant la croissance et l’emploi à l’objectif de stabilité des prix et devrait permettre l’émission de grands emprunts européens pour le financement de grands travaux ou d’investissements en recherche développement. Pour asseoir la compétitivité de l’Europe au-delà des déflations compétitives, cette révision devrait aussi prévoir la définition de politiques industrielles européennes auxquelles les règles de concurrence seraient subordonnées.

3 / Une alternative : la monnaie commune

A défaut d’un accord pour une telle révision des Traités européens, l’euro dans sa définition actuelle ne serait pas soutenable. L’euro devrait alors être transformé en monnaie commune réservée aux marchés financiers et aux échanges extérieurs. L’introduction de monnaies nationales non convertibles en devises permettrait de retrouver la flexibilité d’ajustement absolument nécessaire aux Etats européens tout en sauvegardant un acquis communautaire essentiel : l’affirmation d’une monnaie européenne sur la scène mondiale.

Les salaires, les dettes domestiques, les prix des biens et services serait exprimés en monnaie nationale. L’Europe a connu cette situation entre 1999 et 2002. A la différence de cette période, les taux de change entre les monnaies nationales et l’euro seraient ajustables en fonction des déséquilibres de compétitivité et de balance de paiements constatés entre pays européens dans un système analogue au SME mais protégé des mouvements spéculatifs par l’inconvertibilité des monnaies nationales.

Cette monnaie commune, soutenue en son temps par les britanniques, offrirait donc une flexibilité interne dont l’intérêt serait, outre une stabilité retrouvée, d’ouvrir la voie à un élargissement de la zone euro à toute l’Union européenne, du Royaume-Uni à la Bulgarie. Les pays en difficulté pourraient ajuster le taux de change de leur monnaie nationale contre l’euro en fonction de la situation économique interne.

Dans le cadre d’un remodelage du système monétaire international, un tel euro pourrait même être élargi à des monnaies associées dans le cadre d’accords commerciaux régionaux, notamment aux pays de bassins méditerranéens, voire aux pays du Golfe.

MRC

Il est illusoire et dangereux de croire que l’on peut mettre un terme à la prolifération nucléaire en supprimant les arsenaux existants

Créé par le 20 mai 2010 | Dans : Articles de fond, Contre la guerre

Tribune de Jean-Pierre Chevènement parue dans Le Monde, édition du 21 mai 2010.


Il est illusoire et dangereux de croire que l'on peut mettre un   terme à la prolifération nucléaire en supprimant les arsenaux existants

Michel Rocard et Georges Le Guelte sont des hommes réputés compétents, chacun dans son domaine. Je suis d’autant plus surpris de les voir tracer ensemble (Le Monde du 4 mai ) des perspectives illusoires pour un mot d’ordre simpliste : « Mettre un terme à la prolifération nucléaire, en éliminant les arsenaux », et négliger les voies praticables du seul objectif aujourd’hui accessible : la minimisation de ces arsenaux en vue de créer une « zone de basse pression nucléaire », selon la formule du rapport adopté en mars par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat (« Désarmement, prolifération nucléaire et sécurité de la France »).

Perspective illusoire d’abord que de laisser croire qu’on puisse éliminer les arsenaux nucléaires en moins de quelques décennies. La revue de posture nucléaire américaine NPR publiée le 8 avril, que MM. Rocard et Le Guelte n’ont visiblement pas lue, établit clairement que les capacités industrielles de démantèlement n’y parviendraient pas avant le début de la prochaine décennie, en fait 2024. Cela est encore plus vrai pour les capacités de transformation du plutonium en combustible civil (pas avant la décennie 2030). Tout cela sans compter avec les difficultés politiques aisément prévisibles : les Etats-Unis considèrent notamment l’arsenal russe comme « dimensionnant » pour le leur.

Illusoire de laisser croire qu’un effort de désarmement massif des deux superpuissances nucléaires (ainsi dans les années 1990) entraîne ipso facto un arrêt de la prolifération : l’Inde et le Pakistan sont devenus puissances nucléaires en 1998.

Michel Rocard et Georges Le Guelte méconnaissent plusieurs faits :

- Si un accident ne peut jamais être exclu, la dissuasion nucléaire a procuré au monde une paix relative depuis soixante-cinq ans avec notamment la disparition pacifique de l’URSS.

- Le Traité de non-prolifération (TNP) est plutôt une réussite. Le président Kennedy anticipait de vingt à vingt-cinq le nombre d’Etats nucléarisés en l’an 2000, en plus des cinq existant. Il n’y en a que trois : Israël, Inde, Pakistan, la Corée du Nord ne disposant que d’engins. Le TNP est le môle d’un ordre nucléaire mondial qui intéresse tous les pays, aucun n’ayant intérêt à voir ses voisins devenir des puissances nucléaires.

- Depuis le pic de la guerre froide (65 000 têtes nucléaires), le stock mondial a diminué de plus de deux tiers.

MM. Rocard et Le Guelte ne mentionnent pas les facteurs géopolitiques en dehors desquels on ne peut concevoir la sécurité de la France et de l’Europe.

- La Russie et les Etats-Unis disposent encore à eux deux de 95 % des têtes nucléaires existantes (13 000 et 9 400). Le nouveau traité Start du 6 avril ne prévoit qu’une diminution modeste des armes « déployées » : de 1 700 (plancher du traité SORT) à 1 550 dans les sept ans qui suivront son entrée en vigueur, soit au mieux en 2018.

- L’Asie est clairement aujourd’hui la zone des tempêtes : Chine, Inde, Pakistan développent leurs arsenaux. Le Moyen-Orient est d’ores et déjà nucléarisé.

- Les Etats-Unis entendent bien maintenir leur dissuasion. Ils consacrent plus de 7 milliards de dollars par an à leur infrastructure nucléaire et viennent d’annoncer un effort supplémentaire de 5 milliards de dollars sur cinq ans.

S’ils déclarent vouloir réduire la place du nucléaire dans leur doctrine de défense, c’est parce qu’ils peuvent effectuer des « frappes conventionnelles dévastatrices » par missiles intercontinentaux dotés de têtes « classiques » notamment, dont les autres puissances n’ont pas les moyens. Le désarmement nucléaire ne peut progresser qu’avec la solution politique des conflits régionaux et « sans diminution de la sécurité internationale ». Aux dires mêmes de la NPR, « ces conditions, clairement, ne sont pas réunies ».

- Enfin et surtout, MM. Rocard et Le Guelte commettent une erreur politique majeure en se situant dans la perspective du « démantèlement des structures de l’Etat-nation ». Tout cela procède d’un eurocentrisme myope. Alors que le centre de gravité du monde bascule vers l’Asie-Pacifique, je ne vois nulle part rien de tel : Chine, Inde, Pakistan, Iran, Russie, Etats-Unis, Brésil, Egypte, Israël, etc.

MM. Rocard et Le Guelte négligent ainsi, au profit d’une posture médiatique plutôt démagogique, la seule perspective aujourd’hui accessible et qui pourrait être consensuelle : celle d’un objectif de minimisation des arsenaux nucléaires à l’horizon d’une vingtaine d’années, retenu même par la commission Evans-Kawaguchi, référence de l’école abolitionniste. Celle-ci propose que la Russie et les Etats-Unis s’en tiennent à un arsenal de 500 têtes chacun en 2025.

Je doute pour ma part que la Russie, compte tenu de la faiblesse de ses forces conventionnelles, et les Etats-Unis, compte tenu de la « dissuasion élargie » qu’ils promettent à leurs alliés, en Europe, en Asie de l’Est et dans le Golfe, acceptent de tomber à ce niveau. Faisons cependant le pari.

Il y a trois moyens de réduire pratiquement les arsenaux nucléaires :

- La poursuite des négociations américano-russes, au-delà du « New Start ».

- La ratification du Traité d’interdiction des essais nucléaires (TICE) par les Etats-Unis qui entraînerait celle de la Chine et de l’Inde. Cette ratification, qui exigerait une majorité de soixante-sept sénateurs au Sénat américain, est aujourd’hui loin d’être acquise. Elle n’interviendra pas – au mieux – avant 2011. La France a ratifié, elle, depuis 1992.

- L’ouverture d’une négociation sur un traité interdisant la production de matières fissiles à usage militaire. Proposée par la conférence du désarmement en mai 2009, à l’unanimité, elle est aujourd’hui bloquée par le Pakistan.

Ainsi pourrait-on efficacement plafonner, qualitativement et quantitativement, le développement des arsenaux nucléaires. La conférence d’examen du TNP est l’occasion de faire avancer ces objectifs.

Le vieillissement naturel et le démantèlement des armes permettraient de se diriger vers des niveaux de « stricte suffisance », à l’exemple de la France, qui dispose de moins de 300 têtes (quatre sous-marins nucléaires pour assurer une permanence à la mer et deux escadrons de Mirage 2000 et Rafale : il est difficile de faire moins !).

On ne peut demander sérieusement à la France, étant donné l’asymétrie des arsenaux, de « prendre la tête d’une coalition, où elle rejoindrait ses partenaires européens » pour prôner leur disparition : ce serait vouer la France et l’Europe à n’être plus sur la carte qu’un espace vide entre la Russie, qui dispose d’au moins 2 000 armes « tactiques », et les Etats-Unis, à proximité d’un Moyen-Orient nucléarisé, où la prolifération balistique progresse constamment.

Ce serait le choix de l’inexistence stratégique, et par conséquent politique. Pour l’Europe, ce ne serait pas le choix de la paix mais celui de la dépendance.

Source : Le Monde.

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