août 2010
Archive mensuelle
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Créé par sr07 le 26 août 2010 | Dans : Articles de fond, Gouvernement
Le 8 mars 1872, juste après la victoire de la Prusse face à la France dans la guerre de 1870-1871, Francis Lieber, professeur à l’université Columbia (New York) d’origine prussienne, écrit à son ami Charles Sumner, sénateur antiesclavagiste depuis longtemps francophile :« J’ai reçu de Berlin un appel à collecter des fonds parmi les Allemands d’Amérique afin de participer à l’édification d’une fondation Bismarck à l’université de Strasbourg… Le gouvernement allemand est à l’évidence très attaché à faire de Strasbourg une université de premier rang, ce qui n’est pas sans signifier quelque chose. Les Français l’ont négligé. Mais ils ont négligé et négligent toujours tout, sauf Paris. J’en reviens à ma vieille question : qu’est-ce qui fait que les Français sont le seul peuple capable de convertir des peuples conquis ? Ceux-ci ne reçoivent aucun bénéfice de la France. Et pourtant, ils parlent pour la France. Ni les Allemands, ni les Anglais, ni les Américains n’y arrivent. Qu’est-ce que c’est ? »A cette question, Sumner a déjà répondu : il considère que l’égalité devant la loi, principe contenu dans la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789, est le plus important des droits de l’homme et il a voulu l’introduire dans la Constitution américaine. Ce qui explique l’attachement du Strasbourgeois à la France, c’est donc que, français, il était l’égal du Parisien bien qu’éloigné de lui sur le plan culturel – par la langue germanique et la religion souvent protestante -, tandis que, allemand depuis 1871, il est devenu inférieur au Prussien de Berlin, l’Alsace-Moselle ayant un statut de colonie dans le nouvel Empire allemand.
Chaque Etat-nation se réfère à une géographie, à une histoire et au sentiment de partager avec d’autres citoyens – par le lien de nationalité – un destin commun. Mais ces traits communs glorifiés conduisent souvent au nationalisme le plus absurde. Quelques mois après avoir entendu, le 25 juin 1940, le maréchal Pétain invoquer la terre définie comme « la patrie elle-même » qui « ne ment pas », des Français envoyés au service du travail obligatoire (STO) découvrent avec surprise en passant les frontières de la Belgique, puis de l’Allemagne, que « c’est toujours la même terre, des arbres, des vaches, des labours, des rivières – aucun signe, aucune rupture -, on glisse », ou que des paysages de l’Allemagne sont « semblables à ceux de la Dordogne » (Patrice Arnaud).
Les traits communs à tous les Etats-nations ne disent pas les valeurs et les croyances qui, traduites dans des institutions et des conduites, symbolisent la spécificité de chacun. Quatre « piliers » me semblent constituer un code sociopolitique de la France pour les Français et aux yeux du monde. Produits de notre histoire, ils ont résisté à de nombreuses contestations, aux changements de gouvernements, de Constitutions, de régimes politiques. Ils sont autant une référence qu’un programme d’action toujours à réaliser.
D’abord, ce principe d’égalité qui permettait l’identification à la France des habitants des provinces conquises. Transformé et renforcé durant la Révolution, il s’inscrit dans des dispositions importantes du code civil, devenu par sa pérennité la Constitution matérielle de la France. La succession des citoyens est, par exemple, fondée sur l’égalité des enfants – mâles et femelles. Tocqueville y voyait la base de la démocratie. Puis la langue française, langue de l’Etat depuis 1539, a été un instrument d’unification culturelle du royaume de France puis de la République. Outil d’émancipation et de débats, de l’école pour tous, son statut au coeur de la République des lettres donne à la culture et à l’intellectuel en France une place sans pareille.
Ensuite, la mémoire positive de la Révolution que nous partageons avec les Américains mais qu’aucun autre peuple d’Europe ne possède. Ni l’Italie, ni l’Espagne, ni l’Angleterre, ni l’Allemagne. Malgré la Terreur et d’autres excès, elle reste une référence qui se traduit par une approche positive des mobilisations de masse. La laïcité enfin, repose depuis 1905 sur trois principes : la liberté de conscience, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et le libre exercice de tous les cultes. Elle s’est imposée depuis 1945 comme la référence commune de croyants de plus en plus divers et d’athées ou d’agnostiques de plus en plus nombreux.
Forces et facteurs d’unification et de transformation, ces piliers représentent l’indifférenciation – l’assimilation – à laquelle chacun aspire dans certaines situations autant que le respect de sa particularité dans d’autres. Et ces piliers ont suscité d’autant plus l’adhésion qu’ils ont souvent été mis en oeuvre dans la reconnaissance de cette diversité des Français, dans un équilibre qui leur offre la possibilité de circuler entre des identités composées.
L’égalité des droits a été sous l’Ancien Régime attribuée dans le respect de la diversité culturelle des provinces rattachées au Royaume de France. Les habitants d’Alsace, de Flandre ou du Roussillon usèrent de ces droits pour défendre leurs intérêts dans des conflits entre particuliers. Mais ils finirent par leur « coller à la peau » et devenir un élément central de leur identification à la France (Peter Sahlins).
Plus tard, sous la IIIe République, l’école « s’ingénie à nous rendre tous pareils » (Mona Ozouf), mais l’enseignement du français s’accommode de la magnification des petites patries et de l’usage de la langue régionale, parfois même qualifiée de maternelle (Jean-François Chanet). La loi de 1905 permet au judaïsme et au protestantisme de développer une nouvelle diversité, indépendante des anciennes structures officielles. Après 1918, l’Alsace-Moselle conserve son ancien statut et un compromis est trouvé avec le Vatican. Après 1945, la question de l’école privée est résolue.
Cette même approche d’assimilation juridique et d’acceptation de la diversité est adoptée lorsque la France devient à la fin du XIXe siècle un pays d’immigration. Par souci d’égalité, les enfants d’immigrés acquièrent la nationalité française, automatiquement. Mais la double nationalité est aussi acceptée. Pourtant, le débat a lieu en 1922. Des Allemands installés en Alsace avant 1914 peuvent ainsi devenir français et rester allemands. Le Parlement considère que l’on doit « admettre, jusqu’à preuve du contraire, qu’une personne ayant acquis la nationalité française n’est point suspecte et dangereuse par le seul fait qu’elle conserve des intérêts moraux et pécuniaires dans le pays qu’elle a quitté ». Les dirigeants de la France connaissaient ses principes unificateurs et avaient appris à les appliquer avec souplesse et pragmatisme. C’est cet esprit qui fait défaut aujourd’hui.Un prétexte souvent invoqué est la nouveauté du temps présent qui serait celui de « l’ébranlement de notre identité historique » d’Etat-nation, de la confusion entre mémoire et histoire, de l’émergence des identités de groupe (Pierre Nora) ou de la présence de populations immigrées qui refuseraient de s’intégrer. Nous vivons, il est vrai, une mondialisation sans précédent des échanges, tandis que la France est devenue le pays d’Europe au plus grand nombre de bouddhistes, de juifs mais surtout de musulmans, d’athées ou d’agnostiques.
Cette globalisation du monde aurait pu sonner la fin des valeurs nationales, lesquelles ne sont, après tout, des constructions sociales durables que parce qu’on les pratique et parce qu’on y croit. Or, dans cette France de plus en plus diverse, l’adhésion au principe de la laïcité est par exemple très élevée et le sentiment d’appartenance à une même nation plus fort que partout ailleurs en Europe.
Au printemps 2006, quelques mois après les émeutes de l’automne 2005, deux ans après l’interdiction des signes religieux ostensibles dans les écoles publiques, l’enquête d’un think tank américain, le Pew Research Center, fait ainsi apparaître qu’au Royaume-Uni, seuls 7 % des musulmans britanniques se sentent d’abord britanniques (alors que 82 % se sentent d’abord musulmans). En France, 42 % des musulmans se sentent d’abord français contre 46 % d’abord musulmans, dans un pays où la moitié des musulmans ne sont pas de nationalité française. C’est en France que le degré d’opinion favorable desvis les uns des autres est le plus élevé. Et c’est le seul pays d’Europe où les musulmans ont en majorité – 74 % – une opinion favorable des juifs. Ces résultats sont confirmés un an plus tard par une enquête Financial Times-Louis Harris, menée aux Etats-Unis et dans les cinq plus grands pays européens : la France est le seul pays dans lequel une majorité (69 %) dit avoir un ou plusieurs amis musulmans (contre 38 % des Britanniques et 28 % des Américains).
Il ne s’agit pas de nier ici les tensions. Elles proviennent d’abord du refus – très minoritaire – de l’intégration que l’on peut appeler « communautarisme » lorsque la primeur est donnée aux lois d’un groupe sur celles de la République. Mais les frictions sont plus nombreuses et « normales » dès lors que de nouveaux arrivants dans un pays sont confrontés à une culture ou une histoire qui ne sont pas tout à fait les leurs. Ils doivent s’y adapter, parfois ils réclament une reconnaissance culturelle. Mais les valeurs de notre République sont universelles et par là même attractives. Elles provoquent une quête légitime d’égalité de traitement qui oblige parfois à des ajustements qui doivent combiner tradition, égalité et diversité.
C’est ce type de démarche qu’a eu en 2003 la commission Stasi en matière de laïcité : d’un côté l’interdiction des signes religieux ostensibles dans l’espace particulier de l’école, là où leur instrumentalisation troublait la liberté de conscience d’autrui ; de l’autre, l’attribution à l’islam des mêmes droits qu’aux autres religions (création d’aumôneries dans l’armée, les prisons ou les hôpitaux, projet d’un jour férié au choix pour toutes les religions).
Le même type de travail d’inclusion dans notre mémoire nationale a été réclamé par nos compatriotes d’outre-mer. Arrivés en métropole à la fin des années 1950, ils furent surpris de constater que la citoyenneté française n’était pas une garantie contre le racisme et les discriminations et que l’histoire dont ils étaient issus n’y était ni connue ni enseignée. La loi Taubira est venue en 2001 rappeler que l’esclavage était un crime contre l’humanité.
Or, depuis 2007, les choix effectués au plus haut niveau de l’Etat brouillent tout et accentuent les tensions : ce fut la remise en cause directe de certains piliers de notre République puis, devant l’échec, le choix d’y semer, par une application rétrécie, la confusion. En matière de laïcité par exemple, Nicolas Sarkozy s’est d’abord excusé auprès du pape de la loi de 1905, puis a loué le prêtre ou le croyant au détriment de l’instituteur ou de l’athée, à rebours de la neutralité imposée dans l’Etat et du respect égal de toutes les options spirituelles. L’ampleur des réactions lui fit faire machine arrière. Depuis, au lieu d’appliquer avec intelligence les principes de la laïcité, il conduit un combat public contre la burqa. C’est une prison mobile qui choque. Mais son interdiction dans la rue sera au mieux inapplicable, au pire elle favorisera les intégristes qu’elle est censée combattre s’ils l’emportent devant la Cour européenne des droits de l’homme. Le gouvernement le sait. Qu’importe si de nombreux citoyens de culture musulmane, en permanence dans l’obligation de se justifier et d’exprimer leur distance à l’égard de pratiques extrêmes, ressentent un malaise. Il a choisi de maintenir ce sujet au centre de l’attention publique parce qu’il lui vaut le soutien de la majorité de l’opinion.
Le soupçon de présence illégitime est instillé à l’encontre de nos compatriotes d’origine africaine ou méditerranéenne par des mesures qui se succèdent : au fondement de la création du ministère de l’immigration et de l’identité nationale ou de la volonté présidentielle heureusement censurée de sélectionner les immigrés selon l’origine géographique, il s’est illustré par les restrictions annoncées en matière de nationalité aux « Français d’origine étrangère ».
Ce soupçon d’usurpation pèse aussi sur la loi Taubira, qui ne cesse de devoir se justifier d’exister. Pourtant, l’abolition de l’esclavage fait partie d’une histoire partagée : elle a été conquise par les esclaves mais aussi par la mobilisation des philanthropes et des abolitionnistes. Elle nous unit autour de la République qui, dès 1848, a reconnu l’esclavage comme crime de « lèse-humanité » et l’a puni comme tel. Pour la colonisation, le travail de mémoire et d’histoire partagées, plus complexe, reste à faire. Mais on n’est plus au temps de Renan, quand l’oubli des divisions passées était considéré comme nécessaire à la construction de la nation. Des citoyens adultes peuvent être confrontés à des interprétations différentes de l’histoire nationale sans perdre le sentiment d’appartenir au même projet, bien au contraire.
La France n’a pas à craindre des identifications à une région, au pays d’origine ou à une religion : elles se composent le plus souvent avec l’appartenance à la nation et l’adhésion à ses valeurs historiques. Le risque est plutôt dans l’exacerbation et la dramatisation des différences, ou dans l’interprétation des demandes de reconnaissance comme des refus d’appartenance.
Rappelons-nous qu’interrogé en 1968 dans la revue Esprit, sur le risque de double allégeance que ferait courir à la nation la solidarité manifestée par les juifs de France à l’égard d’Israël en 1967, Emmanuel Levinas répondait : « Vérité et destin… ne tiennent pas dans les catégories politiques et nationales. Ils ne menacent pas plus l’allégeance à la France que ne la menacent d’autres aventures spirituelles… Etre juif pleinement conscient, chrétien pleinement conscient, c’est toujours se trouver en porte-à-faux dans l’Etre. Vous aussi, ami musulman, mon ennemi sans haine de la guerre des Six-Jours ! Mais c’est à de telles aventures courues par ses citoyens qu’un grand Etat moderne, c’est-à-dire serviteur de l’humanité, doit sa grandeur, son attention au présent et sa présence au monde. » Ces valeurs universelles, la tâche des dirigeants du pays est d’abord de les incarner et de les faire vivre.
Patrick Weil est docteur en sciences politiques et directeur de recherche au CNRS, et travaille sur l’histoire de l’immigration en France. Il a participé en 2003à la commission Stasi sur la laïcité et a été membre du Haut Conseil à l’intégration. Il a publié « La France et ses étrangers » (Calmann-Lévy, 1991) et « Qu’est-ce qu’être français ? » (Grasset, 2002).
Créé par sr07 le 25 août 2010 | Dans : Blog du Che, Fédérations MRC d'Aquitaine, Gouvernement
Entretien de Jean-Pierre Chevènement à l’hebdomadaire Les Inrockuptibles, mercredi 25 août 2010.
Comment expliquez-vous ce retour brutal du discours sécuritaire chez Nicolas Sarkozy ? Est-ce uniquement pour masquer les dégâts de l’affaire Woerth ou les conséquences de la politique de rigueur ?
Jean-Pierre Chevènement : La sécurité, pour M. Sarkozy, est un dérivatif. La question principale est la question économique. Nicolas Sarkozy a été pris à contre-pied depuis son élection par la crise du capitalisme financier mondialisé. Il est aujourd’hui face à une situation difficile du fait de la crise de l’euro et des plans de rigueur que l’Allemagne a réussi à imposer à tous les pays de la zone euro. Le rapport de forces entre la France et l’Allemagne et la pression des marchés financiers ne lui permettent guère que de raser les murs. L’irruption massive de ce discours sécuritaire a essentiellement pour but de masquer l’extrême difficulté d’une politique de rigueur qui doit, conformément aux exigences de Bruxelles et du pacte de stabilité, ramener le déficit de l’Etat de 8 à 3% du PIB, soit presque 100 milliards d’euros à économiser en trois ans. C’est impossible, même avec une croissance forte – qu’on ne voit pas à l’horizon. Et le concours de politiques de rigueur auxquels se livrent actuellement les gouvernements de la zone euro ne peut mener qu’à une récession catastrophique.
Et pour masquer cette réalité objective, le gouvernement décide donc de mettre le projecteur sur les roms et de multiplier les expulsions…
C’est le discours classique du bouc-émissaire. Il y a bien sûr des noyaux durs de délinquance, je connais le dossier, mais on ne peut pas assimiler l’ensemble des roms à ces délinquants. On ne peut pas non plus assimiler les roms et les gens du voyage, ça n’a rien à voir. Le risque est grand de générer des amalgames. Personne n’est vraiment dupe dans le fond ; le gouvernement n’utilise pas de simples ficelles, il déroule un câble. Il y a un pas qu’aucun gouvernement ayant un peu de déontologie ne devrait franchir. A force de généralisations abusives, il a été franchi. C’est la raison pour laquelle la gauche , selon moi, ne doit pas tomber à pieds joints dans le piège qui lui est tendu. L’inégalité devant la sécurité est une réalité, il y a des gens qui souffrent plus que d’autres de la délinquance au quotidien. C’est un terrain très glissant pour la gauche. Elle devrait le savoir par expérience, et elle va devoir confier sa riposte à des gens qui savent de quoi ils parlent.
Dans quelle mesure la gauche est-elle prête ? Qui au-delà d’un Manuel Valls, spécialistes des sorties sécuritaires, peut tenir un discours crédible sur le sujet ?
La plupart des maires de gauche ont une bonne culture de ce qu’est la guerre contre la délinquance, puisqu’ils président les comités de prévention. La gauche doit comprendre que la prévention ne suffit pas. Je ne vais pas rentrer dans des considérations de personnes, j’observe simplement que le Parti Socialiste a très peu travaillé sur ces questions depuis 2002. Alors que les couches populaires, qui constituent en principe le cœur de l’électorat que doit viser la gauche, sont particulièrement victimes de la délinquance. Une politique de reconquête des couches populaires passe bien sûr d’abord par une autre politique économique, mais aussi par une politique à la fois ferme et républicaine dans le domaine de la sécurité. L’idéologie victimaire compassionnelle n’est pas la solution. Peut-être certains dirigeants du PS ne souhaitent-ils pas faire trop référence à une police de proximité dont j’ai été le concepteur.
Est-ce qu’il existe des solutions de gauche concrètes dans le domaine de la sécurité ?
La gauche doit surtout se méfier de certains réflexes conditionnés, laisser de côté sa « culture de l’excuse ». On ne peut pas se soucier que du délinquant, et laisser tomber les victimes. De 1999 à 2002, la gauche a mené sur le sujet un politique sérieuse et réfléchie : nous avions créé la politique de proximité. Peut-être l’extension, en 2002, de cette police aux petites circonscriptions n’était-elle pas opportune : la police de proximité est en effet très consommatrice d’effectifs.
Sur le plan des effectifs justement, la gauche s’est peu exprimée sur le hiatus entre le retour du discours sécuritaire et l’annonce de la baisse des effectifs de la police… Comment un gouvernement peut-il être crédible en faisant simultanément annonce de ces deux décisions en parallèle ?
C’est une très bonne question, la gauche n’a pas utilisé cet argument alors qu’il est pourtant très convaincant. On peut aussi parler du malaise de la police, qui est une réalité. J’ai gardé suffisamment de contact pour vous dire que la politique actuelle – celle du chiffre – n’est pas populaire chez les policiers.
Propos recueillis par Pierre Siankowski
Créé par sr07 le 23 août 2010 | Dans : Blog du Che, Fédérations MRC d'Aquitaine, Gouvernement
Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre, sera dimanche à Frangy (Saône-et-Loire) pour la Fête de la rose organisée par Arnaud Montebourg. Le président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC) commente l’actualité.
Quel jugement portez-vous sur le discours sécuritaire du gouvernement?
Jean-Pierre Chevènement : C’est un choix essentiellement électoraliste et une stratégie dangereuse car elle peut nourrir l’extrême droite.
Je ne crois pas que ce sera une stratégie payante si l’opposition prend garde à ne pas tomber les deux pieds joints dans le panneau.
Quel est le piège?
Ce serait que la future campagne présidentielle tourne essentiellement sur la sécurité, sur laquelle beaucoup de gens n’ont pas les idées très claires, alors que les véritables questions portent sur la crise économique et une éventuelle sortie de crise.
Cet été, les responsables de la majorité ont souvent vanté votre bilan comme ministre de l’Intérieur pour l’opposer à celui de Lionel Jospin et du PS. Comment avez-vous reçu cet « hommage »?
Je trouve choquante cette tentative d’instrumentation. C’est M. Sarkozy qui a mis fin à la police de proximité que j’avais créée et expérimentée en 1999. En 2003, M. Sarkozy a révoqué à Toulouse, pratiquement devant les caméras de télévision, mon ancien conseiller, le commissaire Jean-Pierre Havrin (que j’avais nommé directeur de la sécurité publique en Haute-Garonne), en déclarant : « Les policiers ne sont pas là pour organiser des parties de foot avec les jeunes des quartiers. »
C’était une critique très directe…
C’est une vision très réductrice de la police de proximité qui est une police à la fois préventive et répressive et qui commençait à produire de bons résultats. Chacun sait que depuis son démantèlement les violences aux personnes ont augmenté. Et les agressions contre les policiers, qui étaient assez rares il y a une dizaine d’années, sont aujourd’hui beaucoup plus répandues. La politique du chiffre de Nicolas Sarkozy a été malheureusement un échec, je dis « malheureusement » car l’insécurité frappe tous les Français, et d’abord les plus démunis.
Le chef de l’Etat voudrait déchoir de la nationalité française certains délinquants. Qu’en pensez-vous?
Je suis assez surpris car M. Sarkozy avait supprimé en 2002 les peines complémentaires — la double peine —, c’est-à-dire la reconduite à la frontière d’un certain nombre de délinquants étrangers à leur sortie de prison. Il prévoit maintenant la déchéance de la nationalité française pour les délinquants graves : M. Sarkozy est dans la communication. Cette politique est une politique de l’esbroufe.
L’état de la réflexion à gauche est-il suffisamment avancé pour lui permettre non seulement de gagner les élections mais ensuite de bien gouverner?
Le vrai problème pour la gauche, ce n’est pas de revenir au pouvoir — c’est à sa portée —, mais de réussir vraiment. Le risque que la gauche déçoive, parce que sur l’Europe notamment elle n’a pas les idées claires, n’est pas écarté.
Vous serez dimanche aux côtés d’Arnaud Montebourg. Est-ce un signe de soutien à son éventuelle candidature pour 2012?
Nous n’en sommes pas là. J’y vais sans aucune arrière-pensée. Arnaud Montebourg est un ami. J’ai apprécié les positions courageuses qu’il a prises sur le projet de Constitution européenne en 2005. Mais le PS est le PS et le Mouvement républicain et citoyen (MRC), ce n’est pas le PS! Notre mouvement veut faire bouger les lignes pour que la gauche soit à la hauteur des défis que le pays a devant lui.
Quel constat faites-vous pour l’instant du bilan de Martine Aubry à la tête du PS?
Elle a plutôt affermi sa position depuis le congrès de Reims qui l’a portée à la tête de son parti. Mais la question du projet de la gauche, si elle vient au pouvoir, est pendante. Nous avons encore beaucoup de sujets à débattre sur la politique économique, l’Europe et la nation notamment. Je dois la rencontrer pour cela au milieu du mois de septembre.
Comment jugez-vous le changement de stratégie des Américains en Irak et en Afghanistan?
Le président Obama a une idée assez claire : il veut se retirer aussi bien d’Afghanistan que d’Irak. Il a raison! L’invasion de l’Irak en 2003 a abouti à créer les conditions d’une véritable guerre civile dans ce pays qui n’a toujours pas de gouvernement et la destruction de l’Irak a mis l’Iran en position dominante dans la région. Quant à l’Afghanistan, tout le monde sait que sa stabilisation dépend du Pakistan qu’il faut aider à jouer un rôle modérateur. La question de la date précise du retrait américain est relativement accessoire. Il faut que l’ethnie majoritaire pachtoune se soit au préalable clairement dissociée d’Al-Qaïda. Ce qui est essentiel, c’est que les Américains ont décidé de se retirer. Je ne suis pas partisan d’un retrait inconditionnel. Il faut avoir créé les conditions d’une stabilité politique dans la région, qui ne peut venir que du Pakistan.
Source : site Internet du Parisien
Créé par sr07 le 12 août 2010 | Dans : Amérique Latine
Lundi 9 août 2010 1 09 /08 /2010 11:55 Par Cercle Bolivarien de Paris - Publié dans : La Revolution Bolivarienne
Paris, 14 juillet 1789. Caracas, 14 juillet 2010
par Jean Araud
Caracas, Juillet 2010.
Chaque 14 juillet, la France célèbre sa Révolution de 1789.
180 ans plus tard, Zhou Enlai, alors Premier Ministre de Chine, interrogé sur la possible influence de la Révolution Française répondit que “ il était trop tôt pour en tirer des conclusions ”.
Au Venezuela, á deux siècles de la Révolution Française, certaines possibles influences peuvent se mentionner, lorsque le Venezuela vit sa Révolution Bolivarienne depuis plus d´une décennie.
En France et pour célébrer sa Révolution, chaque 14 juillet, s´entonne la Marseillaise, l´hymne national, avec plus de patriotisme que de coutume. Le motif est qu´avant d´être l´hymne national la Marseillaise fut un chant révolutionnaire. Entre les volontaires qui lutaient pour défendre la Révolution, se remarqua un groupe qui venait de Marseille en chantant un hymne plein de foi patriotique et révolutionnaire. Ce chant, lettre et musique du jeune officier Claude Rouget de Lisle, fut composé dans la ville de Strasbourg. Le peuple le baptisa la Marseillaise et plus tard il fut adopté comme hymne national. La Marseillaise est en réalité un chant pour encourager les révolutionnaires á défendre la patrie des contre-révolutionnaires.
Quelques faits historiques, similitudes et situations contemporaines permettent de soupçonner que la Révolution Bolivarienne actuelle a peut-être de la Révolution Française une certaine influence et héritage.
Naissance des Révolutions
Au XVIIIème siècle la France était divisée en trois classes sociales : le Clergé, la Noblesse et le “Tiers-Etat” (le peuple). Les ouvriers et les paysans sont les pauvres. Le peuple se plaint de sa pauvreté et de payer tous les impôts, au contraire de la Noblesse et du Haut-Clergé (oligarchie de l´époque) qui ne les payent pas. Seuls les riches et les puissants privilégiés ne veulent pas changer un régime duquel ils sont les bénéficiaires. La Révolution approche. Le 5 mai 1789 sont convoqué les Etats Généraux, la Noblesse, le Clergé et le Tiers-Etat élisent leurs députés et le peuple rédige ses “Cahiers de Doléances”. Les députés de l´oligarchie acceptent de se réunir avec le peuple en Assemblée Constituante mais tentent de le tromper avec une manipulation du système de vote (un vote pour la noblesse, un vote pour le clergé et un vote pour le peuple). Les députés du peuple qui représentent 96% de la population s’y refusent, se proclament en Assemblée Nationale mais le Roi ordonne de fermer leur salle de réunion. Ils se réunissent á part et prêtent serment de donner á la France une Constitution. Le peuple se rebelle et prend La Bastille, prison emblématique des défavorisés. C’est la Révolution.
Au Venezuela, en 1992, un jeune officier refusant d´accepter “appartenir á un pays riche peuplé de pauvres” et témoin des privilèges de l´oligarchie ainsi que des grossiers abus des gouvernants, prend la tête d’une rébellion pour entreprendre une Révolution. Sur le moment, il semble ne pas atteindre son objectif, il est détenu et emprisonné, mais le peuple instigué par cet exemple se réveille et proteste avec une telle force que le président du moment sera jugé, condamné et emprisonné. La vérité est que la rébellion a atteint son objectif de démettre le pouvoir corrompu. En 1998, le même jeune officier, Hugo Chavez, est proclamé par le peuple comme Président de la République. Une Nouvelle Constitution est votée et nait la démocratie participative pour le peuple. C´est la Révolution Bolivarienne.
A Paris, la nuit de la prise de la Bastille, un noble réveille le Roi pour l´informer des événements.
“ C´est donc une révolte?” demande le Roi. “ Non, Sire, c´est une révolution!”.
A Caracas la nuit du 4 février 1992 c´est une rébellion. En décembre 1998, c´est une révolution.
Naissance aussi des contre révolutions
En France pour résister á la Révolution, la Noblesse tente de produite une famine et ordonne de bruler les champs de blé. Pour reprendre le pouvoir elle conspire á l´étranger afin d´obtenir l´intervention et invasion de puissances étrangères, la Prussie et l´Autriche. Le Roi Louis XVI reste en rapport avec les souverains étrangers et la Reine Marie Antoinette supplie son frère, empereur d´Autriche, d´intervenir contre la France révolutionnaire. Le frère du Roi et beaucoup de nobles qui se refusent á perdre leurs privilèges fuient á l´étranger. Le pays réorganise son administration et même des juges, des prêtres et évêques sont élu et doivent prêter serment á la Constitution (beaucoup refusent et son déclarés prêtres réfractaires). L’Assemblée Législative doit lutter contre les ennemis de la Révolution et démontre ne pas être disposée á tolérer les tentatives contre-révolutionnaires des émigrés et des prêtres réfractaires. Elle publie un Décret de “Patrie en danger” et commence l´enrôlement sur les places publiques de nombreux volontaires réservistes. Un décret contre les émigrés punissant de la peine de mort leur trahison á la patrie est voté. Les prêtres réfractaires peuvent être expulsés ou emprisonnés. Début septembre 1792, la Prussie envahit la France avec des émigrés et la complicité de notables mais le 20 septembre elle s´affronte á Valmy aux Forces Révolutionnaires qui lui avaient été présentées comme un “ramassis de tailleurs et de savetiers” prêts á fuir au premier affrontement. Les Prussiens sont déroutés. La Patrie et la liberté sont sauvées au mot d´ordre de “La Patrie ou la mort”. Deux jours plus tard, le 22 septembre 1792, la Convention proclame la Première République Française. Le Roi est condamné á mort pour trahison et exécuté le 21 janvier 1793.
Pour sauver la France des dangers internes et externes, la Convention doit organiser la terrible période de La Terreur. Au sein des Forces armées, qui compte un million d´hommes sous le commandement de jeunes généraux républicains, l´officier le plus remarqué qui parvient á maintenir l´ordre á Paris et dérouter les puissances étrangères qui menacent la France s´appelle Napoléon Bonaparte.
Au Venezuela et pour résister á la Révolution Bolivarienne, l´oligarchie organise un sabotage de l´industrie pétrolière nationale pour paralyser le pais. Elle organise aussi une grève du ravitaillement des produits alimentaires qui provoque une disette pour le peuple. L´oligarchie demande l´appui et intervention de puissances étrangères auxquelles elle présente les révolutionnaires bolivariens comme un “ramassis de pieds nus, édentés et illettrés”. Le 11 avril 2002 c´est le coup d´état avec la participation de l´oligarchie, le haut-clergé, la présence d´officiers états-uniens en uniforme et la reconnaissance officielle de Washington et de Madrid. Hugo Chavez est arrêté et emprisonné. Le peuple descend dans la rue et déroute les putschistes. Deux jours plus tard Hugo Chavez est restitué au pouvoir. La patrie et la liberté sont sauvées. Les oligarques réfractaires fuient á l´étranger et dans ce cas sont accueillis aux Etats-Unis, Pérou, Costa Rica et Colombie. Le pays réorganise son administration et commence l´enrôlement de nombreux volontaires réservistes pour défendre la Révolution avec le mot d´ordre de “Patria o Muerte” (Patrie ou Mort).
La Révolution Bolivarienne et la Révolution Française
Quand Hugo Chavez incita le peuple vénézuélien á s´enrôler dans les rangs de la Révolution Bolivarienne il reprit et brandit les bannières révolutionnaires du Libérateur Simon Bolivar et du Précurseur Francisco de Miranda, les deux principaux acteurs de l´Indépendance du Venezuela, probablement influencés par la Révolution Française.
Simon Bolivar arriva pour la première fois á Paris en 1802, á peine treize ans après le début de la Révolution Française et adopta ses concepts de “Liberté, Egalité, Fraternité”, allant jusqu’à condamner de façon énergique Napoléon lorsque celui-ci se consacra Empereur.
Francisco de Miranda, eut une remarquable participation au sein de la Révolution Française au point d´être nommé Commandant en Chef des Troupes du Nord de la Révolution avec le grade de Maréchal, c´est á dire que Miranda participa activement á la défense de cette Révolution. Son attachement á la Révolution Française il l´exprimait lorsqu´au Venezuela il se présentait en uniforme de Général français. La France rétribua ses services au point de l´immortaliser en gravant son nom sur l´Arc de Triomphe de Paris parmi les cent héros de sa Révolution, en exposant son portrait dans la Salle 1789 du Palais de Versailles et en érigeant sa statue sur le Champ de Bataille de Valmy.
Du point de vue historique, nous pouvons présumer une certaine influence de la Révolution Française sur la Révolution Bolivarienne, parce que son chef de file le Président Chavez reprit beaucoup des idéologies de Simon Bolivar et de Francisco de Miranda. Pour qui est attentif aux orientations de l´actuel processus de la Révolution Bolivarienne, il est facile de comprendre qu´á sa manière et ses expressions propres aussi prévalent les fondements de “Liberté, Egalité, Fraternité”.
Le 14 Juillet
Curieusement, la date emblématique de la Révolution Française, et Fête Nationale de la France, le 14 juillet, est aussi un jour historique au Venezuela pour divers motifs.
14 juillet 1810
La première mission diplomatique du continent Sud Américain vers l´Europe arrive à Londres. Envoyé par la Junte Suprême de Caracas, á la tète de la mission se trouve le jeune Colonel Bolivar, avec le Commissaire Luis Lopez Mendez et le Commissaire de Guerre Don Andres Bello qui fait office de Secrétaire de la mission. Le 19 ils se réunissent avec Miranda en sa résidence de Grafton Street, Nº 27.
14 juillet 1816
Mort de Francisco de Miranda dans la prison de Cadix en Espagne.
14 juillet 1816
Le même jour de la mort de Miranda, Bolivar débarque á Ocumare de la Cote mais l´action se converti en l´une des plus grandes défaites de l´expédition révolutionnaire. Règne la confusion la plus grande. Le Général Soublette a été vaincu par les troupes espagnole á la bataille de Los Aguacates. Les patriotes se démembrent. Soudain, Simon Bolivar se retrouve seul sur la plage et encerclé d´ennemis. A ce moment, le français Jean Baptiste Bideau, Capitaine du brigantin “Indio Libre” qui déjà avait levé l´ancre, se rend compte de la situation. Il met une barque á la mer, rame jusqu´a la plage, prend Bolivar, le met á bord de la barque et revient au navire. Dans l´une de ses lettres, Bolivar écrira quelques temps plus tard:
“J’ai été trompé á la fois par un aide de Camp du Général Mariño et par les marins étrangers qui ont commis l´acte le plus infâme du monde me laissant entre mes ennemis sur une plage déserte. J´allais me tirer un coup de pistolet quand l´un d´eux, Mr. Bideau, revenait de la mer avec une barque et me prit pour me sauver”.
Ce 14 juillet, un mulâtre français sauva Bolivar de sa décision de suicide pour ne pas se rendre á l´ennemi.
14 juillet 1811
Le 5 juillet 1811 le Congrès déclara l´Indépendance du Venezuela. Mais c´est le 14 juillet que fut publiée á Caracas de façon solennelle l´Acte d´Indépendance, assermentées les troupes et hissé pour la première fois le drapeau tri couleurs auquel se rendirent les honneurs officiels au Fort San Carlos.
Avec un Libérateur comme Simon Bolivar et un Précurseur comme Francisco de Miranda, cette date du 14 juillet était-elle un simple hasard ou un message révolutionnaire de plus?
Créé par sr07 le 11 août 2010 | Dans : Articles de fond
Le Centre d’Analyse Stratégique du gouvernement vient de publier le 29 juillet dernier la note de veille 189 sur les difficultés d’insertion professionnelle des docteurs, c’est à dire des jeunes diplômés à Bac + 8. Cette note est intéressante car elle met en lumière la politique désastreuse en termes de recherche et d’enseignement supérieur depuis 2002 et surtout depuis 2007 avec le gouvernement Fillon.
Que nous apprend ce rapport ? 10 % des docteurs sur
11000 étaient au chômage en 2007, 3 ans après l’obtention du doctorat alors qu’ils n’étaient que 7 % pour les titulaires d’un master et que 4 % pour les titulaires d’un diplôme d’ingénieur. Le diplôme de docteur est très mal reconnu en France et l’on préfère embaucher plutôt des ingénieurs. De plus, les docteurs embauchés dans le secteur privé ne font guère de la recherche car la recherche est plutôt du ressort du secteur public (nous reviendrons sur ce point). Le taux de chômage des jeunes docteurs est d’ailleurs 3 fois plus important en France que dans les autres pays de l’OCDE ! Ce fort taux de chômage des jeunes docteurs n’est pas lié à une surproduction de docteurs mais plutôt à un sous-investissement dans le secteur privé en matière de recherche et à un faible nombre de postes offerts de chercheurs.
Question salaire, le jeune docteur est mal payé, généralement moins qu’un ingénieur dans le secteur privé. Notons aussi cette bizarrerie dans le secteur public : un enseignant-chercheur (maître de conférences) ou un chercheur (chargé de recherche) débutant, docteur à Bac + 8, se trouve sur la même grille indiciaire qu’un professeur agrégé (Bac + 4) du secondaire. Et l’on se retrouvera en septembre prochain avec des agrégés « mastérisés » débutants à Bac + 5 (et revalorisés en mars dernier par L. Châtel) mieux payés que les enseignants-chercheurs ou chercheurs débutants !
En 2007, près d’un docteur sur quatre était en CDD trois ans après l’obtention du diplôme. Cela est essentiellement dû à la précarisation de la recherche en France notamment dans la recherche publique avec ses postes d’ATER (Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche, CDD d’un an), de post-doc (jusqu’à 2 ans) et ses postes en CDD sur contrats ANR (Agence National de la Recherche) ou pôles de compétitivité (jusqu’à 3 ans) et à la non création d’emplois statutaires (plutôt suppression de postes statutaires avec un départ en retraite sur deux non remplacé au CNRS, suppressions voulues par V. Pécresse en mai dernier).
Ces faits sont la conséquence d’une politique de casse de la recherche essentiellement publique en France planifiée par le gouvernement Fillon. Nicolas Sarkozy a décrété que la recherche en France doit être rentable au service des entreprises (se rappeler son discours du 22 janvier 2009).
Tout a été fait dans ce sens : la loi LRU (Loi relative aux Responsabilités des Universités) d’août 2007 pour mettre au pas les enseignants-chercheurs et transformer l’université en entreprise, démantèlement du CNRS, mise en place d’un financement par appels à projets sur des sujets fixés par le gouvernement (création de l’ANR et des pôles de compétitivité), culte de la performance et des indicateurs (agence de « notation » AERES Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur), systèmes de primes pour tenir les « troupes », Crédit d’Impôt Recherche CIR…
Posons un regard sur le CIR. Le CIR permet d’avoir un crédit fiscal pour les entreprises qui investissent dans la R&D comme l’on dit. Il faut être critique sur ce que l’on appelle recherche dans le secteur privé. Autant on peut imaginer dans le secteur privé que des grandes entreprises fassent de la recherche même appliquée (avec publications scientifiques à la clé ?), autant on peut être plus circonspect pour une PME. Le CIR ne serait-il pas un moyen offert aux entreprises pour payer moins d’impôts ? Un cadeau fiscal de N. Sarkozy comme le cadeau fiscal fait aux restaurateurs avec la baisse de la TVA ? Le rapport de la Mission d’Evaluation et de Contrôle (MEC) de l’Assemblée Nationale du 30 juin 2010 sur le CIR va dans ce sens. Le CIR a coûté 5,8 milliards d’euros en 2009. Le CIR permet aux entreprises d’avoir une ristourne fiscale de 30 % sur les dépenses de R&D jusqu’à 100 millions d’euros. Les pages 26 à 28 dudit rapport expliquent comment le CIR est utilisé pour une optimisation fiscale : « le régime de l’intégration fiscale permet à un groupe d’entreprise de multiplier par trois sa créance vis-à-vis de l’État par rapport à une entreprise filiale d’un groupe non intégré fiscalement, tout en l’exonérant de toute obligation de reversement auprès de ses filiales ayant réalisé des travaux de R&D ». Légal mais loin d’être moral…
Le CIR est dont un effet d’aubaine pour permettre aux entreprises d’afficher de la R&D et payer moins d’impôts sans réellement investir dans ce secteur. En conséquence, comme justement signalée dans la note de veille 189 du Centre d’Analyse Stratégique, « la faible insertion en entreprise en France des titulaires de doctorat est due en partie à un sous-investissement en R&D privée ». La boucle est bouclée.
En France, 54 % des docteurs travaillent dans le secteur public. La recherche publique est donc le principal moteur de la recherche en France. Le gouvernement Fillon a choisi de mettre au pas la recherche publique qui doit être au service de la recherche privée. La recherche privée est atone et le CIR n’est qu’un artifice pour payer moins d’impôts sur les sociétés !
L’université est en train de subir une mutation profonde dans le seul but de la transformer en établissement rentable à court terme et dont les résultats doivent d’abord servir les intérêts des entreprises privées. Toutes les « pseudo-réformes » du gouvernement Fillon voulues par N. Sarkozy vont dans ce même sens. Ce gouvernement ne connaît pas le monde de la recherche, ne connaît pas les chercheurs et n’accepte pas leur liberté. Il ne comprend pas que la recherche n’est pas forcément rentable car c’est un investissement pour l’avenir et non une charge dans l’immédiat !
Quant aux étudiants, cela fait bien longtemps qu’ils ne sont plus au centre du système universitaire. L’enseignement supérieur, prochain marché à rentabiliser pour ce gouvernement ?
Patrice KADIONIK
Membre de l’AGAUREPS-Prométhée
(Association pour la Gauche Républicaine et Sociale – Prométhée)
Juillet 2010