septembre 2010

Archive mensuelle

Régulation bancaire et financière : la montagne a accouché d’une souris

Créé par le 30 sept 2010 | Dans : Articles de fond, Blog du Che, Fédérations MRC d'Aquitaine

 

 Intervention du sénateur Jean-Pierre Chevènement lors du débat sur le projet de loi sur la régulation bancaire et financière, Sénat, jeudi 30 septembre 2010.


I – Rappelons-nous c’était il y a deux ans tout juste : le 15 septembre 2008, la crise des subprimes entrainait la faillite d’une banque qui comptait à Wall Street, au nombre des plus grandes : Salomon Brothers. Le capitalisme financier, dans son entier, en était ébranlé. Il se révélait comme un système d’avidité, prisonnier du court terme. Les dogmes sur lesquels le néolibéralisme avait prospéré – efficience des marchés, capacité à s’autoréguler – apparaissaient soudain comme des mythes. Or, ce sont ces mythes qui avaient conduit à une déréglementation généralisée dans le monde anglo-saxon depuis l’élection de Mme Thatcher et M. Reagan et en Europe même, avec l’Acte unique de 1987 et ses 300 directives d’application. La crise de 2008-2009 fut le temps des grandes proclamations : il était temps, nous dit le Président de la République, le 28 septembre 2008 à Toulon, de moraliser le capitalisme financier, d’en finir avec la spéculation, les bonus, les paradis fiscaux, etc. On entendit même M. Sarkozy dire qu’il voulait tordre le cou au capitalisme financier pour sauver le capitalisme, celui des entrepreneurs, acteurs de l’économie réelle. Il oubliait simplement de pointer la responsabilité des politiques qui avaient rendu possible ce système d’avidité, en déréglementant à tout va l’économie, et particulièrement la sphère financière.

On loua la réactivité du Président de la République qui, après le discours de Toulon, s’envola pour Washington afin de convaincre le Président Bush de créer et de réunir un G20. Des plans de refinancement de l’économie puis, face à la récession, des plans de relance massifs ont été mis en œuvre. Le contribuable, appelé à la rescousse, n’a pas rechigné. C’était le grand retour des Etats. Le Parlement a approuvé. Et c’est un fait que la liquidité bancaire a pu être préservée et la récession surmontée. Ce coup d’arrêt a un prix : une dette publique impressionnante s’est substituée à la dette privée. La Commission européenne a dû s’asseoir sur tous les dogmes libéraux proclamés par les traités européens. Elle a aussi approuvé, comme le rappelle notre rapporteur, M. Marini, des régimes d’aide au secteur financier à hauteur de 4 131 milliards d’euros. Adieu Maastricht ! A l’heure du sauve-qui-peut, l’urgence commandait. Rappelez-vous : c’était l’année dernière.


 

II – La montagne a accouché d’une souris.

En 2010, une timide reprise s’esquisse. Après les mâles résolutions du sommet de Londres en 2009, le sommet de Toronto, un an plus tard, fait fiasco, sans que personne ne s’en émeuve vraiment. La France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne n’ont pas réussi à faire accepter par les pays émergents l’idée d’une taxe spécifique au secteur financier. Les bonnes résolutions s’envolent, le capitalisme financier, un moment ébranlé, renaît de ses cendres. Les banques, au secours desquelles le contribuable a accouru, affichent à nouveau des taux de profitabilité record. Les bonus s’envolent à nouveau. Tout recommence comme avant, dans l’indifférence au coût réel de la crise, en termes de chômage et de pertes de production. Pis encore, ce sont les marchés financiers qui prennent les Etats en otages en jouant sur les écarts de dette, notamment au sein de la zone euro.

C’est à ce moment-là, c’est-à-dire aujourd’hui, que le Parlement se trouve saisi d’un projet de loi de régulation bancaire et financière qui transpose de nouveaux textes communautaires, crée un « Conseil de régulation financière et du risque systémique », ratifie l’ordonnance portant création d’une « Autorité de contrôle prudentiel », étend les pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers, aménage certaines procédures du droit boursier et vise à financer plus efficacement l’économie, en particulier les PME, l’habitat, l’assurance-transport.

Certes, tout ce qui améliore la régulation de l’économie après vingt-cinq ans de déréglementation à tout va est bienvenu. Mais le renforcement de la régulation que le gouvernement propose au Parlement d’adopter est-il en mesure d’enrayer de nouvelles crises ? Les réglementations du type « Bâle II », non appliquées d’ailleurs aux Etats-Unis, ont échoué à prévenir la crise de 2008, et ce n’est pas s’avancer beaucoup que de prédire que les mesures de régulation que vous nous proposez, tout comme les mesures issues de « Bâle III » échoueront de la même manière, parce que ces réglementations se contentent d’agir à la marge du système sans en altérer les fondements.

Les mesures de régulation annoncées à grand fracas l’an dernier se révèlent dérisoires à l’examen : La montagne a bien accouché d’une souris !

- C’est ainsi que la restriction des ventes à découvert se résume au raccourcissement de trois à deux jours du délai de livraison des titres.
- Le seuil de déclenchement des OPA est abaissé de 33 à 30 % alors qu’on attendait au moins 25 % et que M. Beffa, devant notre Commission de prospective, préconisait 20 % pour éviter les contrôles rampants.
- Les projets d’interdiction des dérivés de crédit sur dettes publiques se bornent à une simple extension des délités d’initiés et de manipulation des cours aux crédits dérivés. C’est dérisoire ! Quant aux pouvoirs de sanction accordés à l’AMF, ils s’exerceront par définition quand il sera trop tard. M. Jouyet, Président de l’AMF, a d’ailleurs avoué devant la Commission des Finances qu’il n’a pas les moyens de suivre en temps réel toutes les transactions. Il devient possible, selon lui, de donner deux cents instructions à la seconde sur un même titre avec une durée de validité de 25 microsecondes pour chaque ordre passé, 95 à 99 % de ces ordres n’étant pas exécutés. Et M. Jouyet de proposer des investissements technologiques pour être à même de poursuivre la surveillance des marchés. Ne serait-il pas moins coûteux de réglementer ou de taxer ces activités proliférantes pour en limiter l’exercice ? Madame la Ministre de l’Economie et des Finances, vous avez expliqué en Commission des Finances, en réponse à M. de Montesquiou, que « ces étranges animaux » que sont les CDS et les ventes à découvert ne sont pas en voie de disparition. Et vous ajoutiez de manière significative : « La créativité financière est-elle un mal en soi ? » C’est toute l’ambigüité de votre position qui la rend excessivement sensible aux pressions des lobbys financiers.

Il n’y a rien de sérieux sur les hedges funds et les paradis fiscaux Le système bancaire sous-marin – le « shadow banking system » a de beaux jours devant lui !

Toutes les propositions un peu fortes ont été rognées, rabotées, édulcorées. La profession bancaire, surprotégée par la collectivité, a bien défendu le pré carré de ses privilèges. Le crédit restera détourné de sa fonction première de financement de l’économie réelle au profit des actifs financiers et patrimoniaux. M. Jouyet, devant la Commission des Finances, s’est interrogé – je le cite – sur « la capacité du marché axé sur le court terme de financer les besoins à long terme dans les secteurs de l’énergie, de l’environnement, de l’éducation, de l’alimentaire, bases de la future croissance ». Ce ne sont pas les quelques mesurettes concernant Oseo, sans doute justifiées, ni les admonestations louables de M. Marini concernant la séquestration dans les bilans bancaires de plus de 4 milliards de fonds collectés au titre du livret A, qui mettront un terme à des pratiques déresponsabilisantes comme la titrisation, à l’origine de la crise des « subprimes ». Au contraire, les contraintes de solvabilité et de liquidité édictées par Bâle III conduiront à l’accentuation de ces transferts de risque. Le Président du nouveau Conseil international de la stabilité financière des Banques Centrales, M. Mario Draghi, a appelé, en mars dernier, à une relance de la titrisation. C’est pour le moins inquiétant !

Le guichet de la subvention réglementaire aux activités de marché reste donc ouvert. En effet, la pondération des prêts des banques aux entreprises devrait être beaucoup plus lourde dans Bâle III que la pondération des titres à l’actif des banques. Le résultat mécanique de cette différence de traitement sera d’encourager la titrisation.

Les nouvelles normes de Bâle III peuvent faire, un temps, illusion, mais elles ne seront complètement mises en œuvre qu’en 2019. D’ici là, le monde aura sans doute subi de nouvelles crises financières. Aussi bien le triplement des réserves de capitaux, que les banques devront constituer pour se prémunir contre des pertes éventuelles, risque d’être encore insuffisant, tant il est vrai, comme le déclare un éditorialiste du Financial Times, que « le fait de tripler presque rien ne change pas grand-chose au résultat ». Nous avons besoin d’un système bancaire moins hypertrophié, plus sûr, davantage orienté vers la satisfaction des besoins de l’économie réelle. Les règles dites Volker, qui allaient dans la bonne direction, répondaient structurellement aux risques de déviation en séparant les activités d’investissement et les activités bancaires. Ces mesures ont été affaiblies et édulcorées par la loi Dodd-Franck. Reste que les mesures Volker n’ont pas inspiré les timides essais de régulation initiés de ce côté-ci de l’Atlantique. Le Président du Conseil de stabilité financière, M. Mario Draghi, a déclaré lundi, à Paris, que les mesures de Bâle III « ne sont pas suffisantes – je le cite – pour gérer le « hasard moral » porté par les plus importantes institutions financières systémiques ». Le gouverneur Draghi s’est prononcé en faveur d’une surcharge en capital pour ces établissements – obligations convertibles par exemple –, qui viendraient renforcer leurs fonds propres. Les superviseurs eux-mêmes paraissent bien empêtrés dans leurs contradictions. M. Draghi insiste, en effet, sur la durée de la transition – 2019 – pour « ne pas handicaper la reprise ». Ces contradictions ne font que traduire l’hésitation à s’attaquer aux problèmes de fond, en séparant les activités commerciales des activités de salles de marchés et en encadrant plus fortement la titrisation et les produits dérivés. M. Jouyet a reconnu devant la Commission des Finances que « les Etats-Unis sont en avance pour l’organisation des marchés dérivés et les infrastructures de marché » et que par ailleurs « tout reste à faire sur les matières premières ». Mais il ne suffit pas pour cela d’attendre des directives de la Commission européenne. Le Parlement français doit fixer un cap, comme l’a très bien dit M. Marini. Il est nécessaire, Madame la Ministre, d’agir de manière coordonnée, des deux côtés de l’Atlantique pour « reréglementer » la sphère financière. Une prochaine crise en sera l’occasion.

III – La source systémique des crises demeure.

Certes l’émergence du concept de « risque systémique » peut permettre un retour – dans les politiques publiques – aux problématiques macro-économiques jusqu’ici négligées au bénéfice d’une simple régulation des acteurs. Celle-ci s’est avérée défaillante, car l’équilibre des marchés est un leurre. Le comité européen du risque systémique verra ses prérogatives limitées à un simple pouvoir de recommandation. C’est bien peu de choses au regard d’un gouvernement économique de la zone euro dont l’absence ne saurait être palliée par des sanctions automatiques en cas de déficit budgétaire. La France a eu raison de s’opposer à ces automatismes proposés par l’Allemagne et relayées par M. Trichet. C’est la négation même de l’appréciation politique.

IV – La source systémique des crises repose en fait sur les déséquilibres macro-économiques qui n’ont pas été corrigés : stagnation des salaires favorisant l’endettement, envol de la dette privée grâce à des politiques monétaires laxistes, gonflement des déficits et de la dette publics, creusement des déficits commerciaux américains, désordre monétaire international.

Les réponses esquissées ne sont pas à la hauteur des problèmes : les Etats-Unis cherchent à la fois à restaurer leur taux d’épargne et à diminuer leur déficit commercial, y compris en agitant la menace de mesures protectionnistes. La Chine déclare vouloir augmenter sa demande intérieure mais se refuse à toute réévaluation substantielle du yuan (cette réévaluation s’est bornée à un modeste 2 % depuis l’annonce faite, en juin dernier, par les autorités chinoises).

L’Europe est incapable de mettre en œuvre une stratégie de croissance coordonnée et de prendre ainsi sa part de la résorption des déséquilibres mondiaux. L’Allemagne, comme la Chine, exerce par ses excédents une pression déflationniste sur la conjoncture mondiale. A son instigation les institutions européennes, Commission, Banque centrale au premier chef, couvrent la mise en route de plans d’austérité dans tous les pays membres, au prétexte d’une dette publique qui, comparée à celle des autres (Etats-Unis, Japon), est loin d’être la plus lourde. La crise de l’euro était prévisible étant donné l’hétérogénéité économique de la zone euro et l’absence d’un gouvernement économique harmonisant l’ensemble des politiques. Les marchés financiers jouent sur les écarts de taux et la crise qui affectait la Grèce au printemps se polarisera demain sur d’autres pays. Le mécanisme européen de stabilisation financière creusera, le moment venu de sa mise en œuvre, les écarts de taux entre pays emprunteurs, France et Allemagne y compris.

Tout montre que dans le grand désordre des monnaies, l’euro est la variable d’ajustement. La Chine refuse de réévaluer son yuan. Les Etats-Unis laissent filer le dollar. C’est la politique du « benign neglect » : « le dollar est notre monnaie mais c’est votre problème ». Ainsi l’euro monte. Il a retrouvé, avec 1,36 dollar, sa parité d’avant la crise grecque. On nous assurait, il y a trois mois, que finalement la crise grecque avait eu du bon, en rapprochant le cours de l’euro de son cours initial. La réalité se présente aujourd’hui tout autrement : l’euro est poussé vers le haut par la faiblesse du dollar. Les difficultés de l’économie américaine, le gonflement du chômage outre Atlantique, et la partie de bras de fer engagée entre la Chine et les Etats-Unis, au sein du G2, partenariat de rivaux, ne laissent nullement augurer une amélioration à moyen et long terme. Avec un euro à 1,50 dollar voire davantage, c’est toute la zone euro qui sera asphyxiée, sauf peut-être, provisoirement, l’Allemagne. Mais c’est l’euro lui-même qui risque d’être emporté par l’exaspération des contradictions qui se manifestent en son sein. L’intérêt de la France est de ne pas se laisser asphyxier par un euro trop cher.

Ainsi, la crise rebondit-elle, constamment. Les certitudes se défont, à peine formulées. Hier on saluait l’action des Etats. La solution semble aujourd’hui devenue problème. Hier on vantait les vertus protectrices de l’euro. Celui-ci, aujourd’hui, est devenu casse-tête.

Je ne comprends pas pourquoi, soi dit en passant, notre Commission des Finances propose de supprimer des demandes de rapport introduites par l’Assemblée Nationale, au prétexte qu’elles lui paraissent « peu utiles » (p. 53 du rapport de M. Marini). Ce sont des sujets pourtant bien intéressants : la possibilité d’interdire les ventes de CDS portant sur des dettes souveraines dans la zone euro, ou encore la possibilité d’interdire la vente à découvert par les filiales de fonds spéculatifs situées à l’étranger, ou enfin la possibilité de répercuter le coût de la crise sur les banques. Ces rapports pourraient ne pas être inutiles s’il y avait une volonté politique : celle de mettre de gros grains de sable – par exemple la taxation des mouvements financiers sur le marché des devises – dans les rouages d’un capitalisme financier devenu spéculatif. Mais cette volonté de fermer l’économie casino n’existe pas. Il faut demander des « plans pilotes » à nos banques en cas de faillite rapide et de nationalisations, temporaires ou non, comme le fait le Royaume Uni. La loi américaine inclut ces plans dans la loi. Selon mes informations, la Commission européenne voudrait avancer sur ce sujet. Pourquoi la France s’y oppose-t-elle ?

Une seule chose est sûre : Les mesurettes que nous proposent le G20, la BRI, le FMI, ou l’Europe à vingt-sept et que vise, partiellement et péniblement, à traduire ce projet de loi, ne nous permettront pas de dépasser l’horizon lourd de nuages d’un capitalisme financier qui se débat et se débattra encore comme un forcené, pour ne pas mourir.

Il est temps de le redire : les marchés financiers ne constituent pas l’horizon de l’humanité. Ce sont les peuples et les nations qui, en dernier ressort, écrivent l’histoire. On attend de la France qui présidera la G8 et le G20 cet automne qu’elle fasse des propositions qui, concertées avec l’Administration américaine, permettent aux Etats et donc à la démocratie de remettre au pas une finance aveugle.

L’intervention des Etats, si nécessaire soit-elle, n’y suffira d’ailleurs pas si elle n’est pas éclairée par la vision d’un autre modèle de développement et pour tout dire d’un autre modèle de société.



Jean-Pierre Chevènement, le Jeudi 30 Septembre 2010

Misère du culturalisme

Créé par le 30 sept 2010 | Dans : Articles de fond

Didier Fassin, anthropologue et Eric Fassin, sociologue

Il y a quelques années, des médecins français découvrirent l’existence de nombreux cas de saturnisme infantile parmi des enfants parisiens. Cette intoxication, qui peut avoir des conséquences graves sur le développement psychomoteur, est due à l’ingestion d’écailles et à l’inhalation de poussières de vieilles peintures contenant du plomb. Les études épidémiologiques montrèrent que 90 % des enfants présentant des formes graves de cette maladie appartenaient à des familles originaires d’Afrique subsaharienne.

Des anthropologues invoquèrent alors des causes culturelles pour expliquer qu’en Afrique de l’Ouest, les enfants de femmes atteintes de géophagie reproduisaient ces pratiques en suçant les fragments de revêtement mural tombés sur le sol. Dans le même temps, aux Etats-Unis, des chercheurs montrèrent que le saturnisme infantile touchait massivement des Africains-Américains installés depuis des générations et, que, en Grande-Bretagne, il affectait surtout Indiens et Pakistanais.

Le point commun entre ces différents groupes « culturels » ? Ils résidaient dans des quartiers pauvres et souffraient de discriminations socio-raciales. En France, des enquêtes établirent que l’explication n’était pas culturelle mais politique : les enfants des immigrés les plus pauvres, logés dans des appartements vétustes loués à prix d’or, se contaminaient en respirant les poussières de peintures dégradées.

Aujourd’hui, la délinquance dans les quartiers populaires étant plus souvent le fait de jeunes d’origine étrangère, des spécialistes de sciences sociales invoquent à leur tour des explications culturelles. Que les conservateurs utilisent les mêmes arguments, à propos des Noirs aux Etats-Unis et des Asiatiques en Grande-Bretagne, ne les ébranlent pas plus que leurs collègues médecins. On aurait pu les penser mieux armés contre les fausses évidences du culturalisme. Il n’en est rien, tant est forte la tentation de mettre les inégalités sociales sur le compte de différences culturelles – du moins lorsqu’elles affectent des immigrés ou des minorités.

Le métier de sociologue ne nous apprend-il pas à distinguer la corrélation de la causalité ? Rapportant le « surcroît d’inconduites des jeunes Noirs » à leurs résultats scolaires, inférieurs avant même le collège, le sociologue Hugues Lagrange écrit que « ce simple rapprochement laisse inévitablement supposer un « parce que »". Ecartant les études nord-américaines qui ont établi que ces différences de performance étaient liées aux inégalités sociales et aux discriminations raciales, il les explique par l’origine culturelle, et non par le contexte de la société d’accueil. La délinquance de ces Noirs venus du Sahel s’expliquerait par l’introduction « dans notre univers des pans entiers de coutumes lointaines, souvent rurales, très décalées » (Le Monde du 14 septembre).

Dans Les Yeux grands fermés (Denoël, 220 p., 19 euros), un essai sur la politique d’immigration, la démographe Michèle Tribalat s’en prend à l’« embrigadement des sciences sociales » au service de l’antiracisme, qui conduirait à une « préférence pour l’ignorance » de telles différences. A l’en croire, « en l’absence d’études diversifiées incluant très franchement la variable sur l’origine ethnique, nous mettons trop facilement tout sur le compte de la discrimination ». De même, Hugues Lagrange, dans Le Déni des cultures (Seuil, 350 p., 20 euros), écrit qu’ »il est toujours tentant d’incriminer l’institution, fût-ce la sienne ». Il faudrait résister à cette facilité : en effet, le problème, ce n’est pas « nous », c’est « eux » ! Dénoncer le « déni des cultures » pour expliquer les problèmes sociaux par « l’origine culturelle », c’est donc bien contribuer au déni des discriminations.

Ces deux auteurs n’arrivent pas aux mêmes conclusions en matière de politique d’immigration : au nom du multiculturalisme, Hugues Lagrange en juge la fermeture actuelle trop sévère, tandis que Michèle Tribalat mobilise la rhétorique républicaine contre une ouverture « trop laxiste ». Toutefois, le culturalisme qui les réunit décourage tout espoir d’intégration : ne faudrait-il pas transformer des structures anthropologiques, en particulier familiales, dont l’un et l’autre postulent la persistance même après transplantation dans des contextes sociaux différents ?

Il ne suffit pas de prendre le parti des femmes africaines, en appelant à les émanciper par le travail de « l’autoritarisme » qui caractériserait leur culture « patriarcale », pour prendre ses distances avec la droite au pouvoir. Au contraire : cette lecture entre en résonance avec le discours politique de la majorité. Ainsi, avant qu’Hugues Lagrange n’en reprenne l’antienne, Bernard Accoyer et Gérard Larcher, actuels présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, n’avaient-ils pas invoqué, en 2005, la polygamie pour expliquer les émeutes urbaines ?

Aujourd’hui toute critique peut être récusée d’avance : « Il vaut mieux dire les choses, même si elles nous gênent », nous dit-on. C’est ce qu’on appelle, aux Pays-Bas, le « nouveau réalisme » : il faut avoir le courage de briser les tabous. La France ne manque pas de ce courage : qu’il s’agisse des Noirs, des Roms ou des musulmans, la parole est bien libérée. Mais imputer les problèmes à ceux qui les subissent le plus n’est ni réaliste ni nouveau.

Ce n’est pas un hasard si Michèle Tribalat et Hugues Lagrange réhabilitent le rapport Moynihan, qui, en 1965, lançait aux Etats-Unis la querelle de la « culture de la pauvreté ». Les dysfonctionnements attribués à la « famille noire » ne sont certes pas les mêmes des deux côtés de l’Atlantique ; mais ils étaient déjà présentés comme la cause des problèmes sociaux tels que la délinquance. Or la longue histoire de la question sociale nous enseigne que le culturalisme de la misère, qui prétend rendre compte des différences et des inégalités par l’origine, ne fait jamais autre chose que trahir la misère du culturalisme.



Les auteurs sont tous deux chercheurs à l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS).

Didier Fassin, anthropologue et Eric Fassin, sociologue

Appel à manifestation des organisations syndicales landaises CFTC, FSU, CGT, UNSA, FO, CFE-CGC, CFDT et Solidaires

Créé par le 28 sept 2010 | Dans : Gouvernement, Santé-social-logement

Appel à manifestation

Le 2 octobre 2010 pour obtenir l’abandon du projet gouvernemental, et l’ouverture de réelles négociations

Par leurs mobilisations exceptionnelles des 7 et 23 septembre, les salariés du public et du privé, demandeurs d’emploi, jeunes et retraités, largement soutenus par l’opinion publique, ont montré leur refus de cette réforme qui aggraverait les inégalités sans répondre aux enjeux à long terme.

Les organisations syndicales landaises appellent le 2 octobre 2010 à une journée de manifestation.(des préavis de grève nationaux sont déposés par les branches concernées)

Nous comptons sur votre engagement :

 pour réaffirmer notre opposition au projet de réforme inacceptable du gouvernement, et notre volonté d’obtenir des mesures plus justes, plus efficaces.

 pour maintenir la pression sur le gouvernement pendant le débat parlementaire et obtenir l’abandon du projet

Dans les Landes, tous ensemble le samedi 2 octobre 10h30 Bd des Sports (stade) à DAX

En participant massivement aux manifestations du 7 et du 23 septembre, les landais ont montré leur volonté de pérenniser un système de retraite par répartition plus juste. Cette vaste mobilisation va croissant et reçoit le soutien de l’opinion publique.

Les organisations syndicales mettent en garde le Gouvernement sur les conséquences que provoquerait l’ignorance de la colère qui s’exprime profondément.

Cette réforme aggraverait les inégalités sans répondre aux enjeux à long terme :

Le report des âges légaux à 62 et 67 ans pénaliserait les salariés ayantcommencé à travailler jeunes, aggraverait la situation de ceux ayant des carrières incomplètes, en particulier les femmes, entraînerait un prolongement du chômage pour de nombreux salariés, reportant les charges financières sur d’autres comptes sociaux;

La pénibilité du travail n’est pas reconnue, notamment ses conséquences sur l’espérance de vie des salariés;

Les fonctionnaires se voient imposer une baisse importante et injuste de leur pouvoir d’achat.

Au total, le projet de loi de réforme des retraites fait reposer l’essentiel de l’effort sur les salariés, ne répond ni aux questions d’emploi, en particulier des jeunes et des seniors, ni à la résorption des inégalités, ni au besoin de financement.

Les salariés ne peuvent accepter de payer la facture de la crise financière et économique dont ils ne sont pas responsables.

Cette réforme est donc inacceptable.

Les organisations syndicales landaises CFTC, FSU, CGT, UNSA, FO, CFE-CGC, CFDT et Solidaires rappellent au Président de la République et aux parlementaires que « le vote de ce projet dans sa logique actuelle n’est pas d’actualité ». Pour vos enfants, votre famille, pour vos amis, la meilleure réponse au gouvernement et aux parlementaires sur la réforme des retraites est de rester mobilisés.

Elles appellent tous les salariés du privé et du public, les demandeurs d’emploi, les jeunes et les retraités à construire une mobilisation d’ampleur le samedi 2 octobre pour obtenir l’abandon du projet gouvernemental et l’ouverture de réelles négociations.

Votre participation aux manifestations sera déterminante.

Dans les Landes, rendez-vous le samedi 2 octobre 10h30 Bd des sports (stade) à DAX

Cycle de conférences de l’Union des Familles Laïques sur la République

Créé par le 27 sept 2010 | Dans : Articles de fond

Cycle de conférences sur la République

L’UFAL « remet le couvert » en Ile-de-France

 

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Paris le 27 septembre 2010

Cycle de conférences sur la République

Avec le cycle de 10 conférences « La République : pour quoi faire ? » organisé au premier semestre 2010 par l’UFAL en collaboration avec l’Université conventionnelle, université populaire basée dans le XIe arrondissement de Paris, nous avons pu constater le succès de la formule. Nous avons donc décidé de « remettre le couvert » dans chaque département qui en ferait la demande par l’intermédiaire d’une équipe militante. Nous vous tiendrons au courant au fur et à mesure de tous les départements dans lesquels cette initiative sera dupliquée. D’ores et déjà, nous vous annonçons la reprise de cette thématique en deux départements de la couronne parisienne, la Seine-Saint-Denis et l’Essonne :

Tout (re)commence en octobre !

Mardi 5 octobre 2010 – Qu’est-ce que la République ? : Jean-Marie Kintzler
18h 30 à 20h 30 à l’Université populaire à Bondy
Il faut penser la République à partir de ses éléments structurels : mettre en évidence les « marqueurs » permettant de distinguer l’Etat de droit de l’Etat totalitaire ; ainsi que les ruptures permettant de distinguer ces deux figures de l’Etat de droit que sont l’Etat communautaire et la République laïque. Et donc, quelles ruptures il est nécessaire d’opérer pour faire la révolution républicaine nécessaire à la transformation sociale.

Jeudi 7 octobre 2010 – La laïcité, principe républicain et combat actuel : Monique Vézinet
20h 30 à 22h 30 à la MJC de Ris-Orangis
La laïcité s’incarne en France dans un ensemble de textes qui permettent de distinguer les domaines de l’intimité, de la société civile et la sphère de l’autorité publique. Comment s’y retrouver pour préserver la liberté des croyances et des cultes tout en refusant les intégrismes et les communautarismes ? Outre ceux de l’école ou de la rue, la laïcité touche à tous les domaines de la vie sociale (féminisme, politique familiale, services publics, hôpitaux, politique économique et financière, etc.).


La « République » n’est peut-être, le plus souvent, qu’un mot, jeté aux vents de tous les débats politiques et médiatiques, masquant toutes les hypocrisies et toutes les ignorances. Nous nous efforcerons de construire le concept de République.
Proclamée le 22 septembre 1792, la République moderne est une forme de gouvernement qui fut édifiée sur les ruines de la Monarchie. Mais la République peut aussi être envisagée à partir d’une perspective résolument théorique. Telle est la perspective que nous privilégierons. Notre projet est de déployer le dispositif intellectuel qui sous-tend le régime républicain.Il s’agira, en premier lieu, de penser la République comme un modèle original d’association articulant Etat, société civile et corps politique. Nous montrerons que le modèle républicain apporte une solution inédite à une question qui est au centre de la philosophie politique moderne : comment produire, à partir d’une multiplicité atomique, un peuple de citoyens ? L’originalité du modèle d’association politique que la République institue réside dans la façon dont est pensé le lien politique : la République ne crée pas une communauté d’appartenance, mais une forme paradoxale d’association qui lie entre eux des sujets libres et n’ayant d’autre motif de s’associer que la préservation de leur singularité.
Il conviendra ensuite d’approfondir ce modèle par l’ensemble des concepts républicains (liberté, égalité, fraternité, laïcité, solidarité, démocratie, souveraineté populaire, sûreté, développement écologique) qui seront repris dans les séances suivantes.
 

Union des Familles Laïques – 27 rue de la Réunion, 75020 PARIS – 01 46 27 09 25 – www.ufal.org

Prochain colloque de l’AGAUREPS-Prométhée à Champigny-sur-Marne

Créé par le 25 sept 2010 | Dans : Non classé

www.agaureps.org 

Les débats de  l’AGAUREPS-Prométhée 

Rencontre débat 

Jeudi 14 octobre 2010 à 19 heures  

Salle Jean Morlet - 19 rue Albert Thomas - 94500 à Champigny-sur-Marne 

Ordre du jour :  Animation par François COCQ (Président de l’AGAUREPS-Prométhée, élu de Champigny-sur-Marne) 

▲ La demi-heure de l’actualité politique et sociale : Introduction par François COCQ 

▲ Le grand débat : « Un empilement de contre-réformes pour une Ecole à deux vitesses ? » Introduction de Francis DASPE 

 Accès : depuis Paris, RER A arrêt Champigny Saint Maur puis 300m à pied en direction de Champigny ou bus n° 208 ou 116 arrêt Mairie de Champigny (deux stations). La salle se situe en face de la mairie. 

Contacts : Francis DASPE (06.07.34.33.81) ou agaureps-promethee@orange.fr       

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