décembre 2010

Archive mensuelle

A cheval sur les principes… d’un art de vivre et de penser en toutes libertés! Lettres dédiées à Hippone qui s’est endormie ce dimanche 26 mars pour un monde où les hommes et les chevaux sont toujours des amis…

Créé par le 28 déc 2010 | Dans : a-le quartier libre de XD

Accaparé par mille tâches rustiques harassantes mais gratifiantes, je retrouve, ce jour, l’esprit avisé de l’ homme de cheval qui va en avant, calme et droit, débutant sa journée de vacances dans la gelée matinale de ce froid décembre pour distribuer le foin odorant et l’avoine susurrante. Le bruit de mes pas éveille les joyeux hennissements de la cavalerie. Les » Merens », – Hippone et sa pouliche Walkiry -, et  les « Connemara », – Bracken, Fany et son poulain Alba dont j’ai la fierté d’être reconnu le « naisseur » sur les papiers délivrés par les Haras nationaux.

Alba, ce nom qui sonne aussi beau que celui de l’alliance bolivarienne, et que j’ai choisi, en cette année de la lettre A, en révérence aux libertadores. Ceux-là  qui de San Martin à Bolivar – mille fois représentés dans des statues équestres en Amérique du Sud – ont délivré les peuples en combinant l’action militaire insurectionnelle et l’importation de notre république, de ses idéaux issus des Lumières et de la révolution française. Références toujours vivantes et plus que jamais respectées en pays latins du nouveau monde.

Après le bon picotin et le pansage, Hippone, poulinière Merens, se laisse brider et seller dans une posture impassible. L’ancienne vice championne de sa race au concours national de Bouan, récemment acquise par Michèle,  séduite par le charme et la puissance de cette princesse d’Ariège au sang froid, m’accorde pour la troisième fois une ballade en sa compagnie. Et nous voilà partis à travers champs et bois dans un pas soutenu, conversant, au gré de nos rencontres, avec des bûcherons toujours curieux à la vue d’un cheval, et atteignant enfin l’ancien chemin de halage qui longe la Midouze, cet affluent de l’Adour. Des vols de palombes, sous ce beau ciel bleu ensoleillé, agrémentent la ballade rytmée par le craquement des flaques glacées sous les sabots de ma monture. Dans ce trot allongé qui me laisse en suspension un temps sur deux, pour mon plus grand confort, la nature pénètre mes sens attisés par l’air vivifiant et la magie de cette clarté hivernale. Un panneau annonce une palombière et exige un sifflement continu pour prévenir de notre arrivée. Ici nous stoppons notre élan pour observer le pigeon blessé, sans doute par quelques plombs de cartouche, et qui traverse péniblement le sentier avant de plonger dans la rivière où il se laisse dériver dans le courant qui l’emporte pour sa dernière course.

Je songe à Crin-Blanc, chevauché par le jeune Falco poursuivi par les manadiers implorant trop tardivement son pardon et se jetant dans le fleuve pour atteindre un monde où les hommes et les chevaux sont toujours des amis… Et à ce parrain disparu l’an passé, qui m’offrit ce beau livre illustré dans ma prime jeunesse. Et de là, à mon père défunt qui eut, un jour d’août, cette idée délicieuse de nous conduire à la foire de Saubusse pour y rencontrer les éleveurs de chevaux venus concourir et vendre leur poulains. Avec la médiation du Docteur Soulé, ce vétérinaire qui assura la sauvegarde du patrimoine équin landais au cours des années soixante dix, nous acquérions auprès d’un éleveur de Rivière, un « Landais » bai brun de dix huit mois,  poney arabisé en provenance du berceau de la race, ces barthes de l’Adour. Je sus le dresser avec intelligence, tact et sang froid dans mes années d’adolescence. Ce « Barthais », élégant dans ses proportions et allures, mais robuste et rustique, constituait jadis avant-guerre l’une des deux branches du petit cheval landais. L’autre évoluait dans les dunes du littoral  de la côte d’argent. Chaque métairie avait alors sa jument pour l’attelage et les petits travaux agricoles. Chétif mais plein de tempérament, « le Lédon » vivait comme le « Barthais » en liberté. Son extinction fut exigée en raison de la promotion de la civilisation de l’automobile – l’état sauvage devenant incompatible avec la sécurité des routes – et du règne des maïsculteurs, ces déforestateurs insatiables qui ne voyaient en cet animal qu’un prédateur au même titre que le chevreuil, le cerf ou le sanglier. A Saint-Julien-en-Born, où chaque métayer possédait plusieurs poneys, le troupeau du « Braou » était évalué à près d’un millier de chevaux  selon un reportage du journal  »Le sport universel » de 1908. En réaction aux arrêtés municipaux qui interdirent aux éleveurs de laisser vaquer leur cavalerie – d’abord pendant la période hivernale, pour que le cheptel bénéficia d’une alimentation fourragère, puis toute l’année pour préserver la sécurité routière -, les propriétaires exigèrent des pouvoirs publics le dédommagement des frais de fil de clôture, ce qui leur fut refusé.

On ne mesurera jamais les conséquences de cette erreur politique, cause de l’extinction de la race. Imaginons  l’attractivité qui serait celle du « cheval landais » en liberté comme ses voisins « Pottokak » du pays basque sur les montagnes de la Rhune ou des « Camarguais » de l’estuaire du Rhône. Mon beau département maritime, forestier, diversifié à l’intérieur de ses terres gasconnes de la Chalosse, du Tursan, du Marsan, du Gabardan, du Bas Armagnac ou de la Haute-Lande et de surcroit célèbre pour ses corridas et courses de vaches landaises, élevées localement, n’aurait-il pas joui d’une réputation égalant celle de la Camargue? Ce pays notoirement réputé pour ses manadiers et leurs gardians de chevaux et taureaux dont il entretient le folklore et en qui il trouve un de ses attraits touristiques majeurs en dépit de son espace borné et écologiquement fragilisé.

J’offris à mon tour un « Pottok » de robe pie alezan à  mon fils aîné, alors âgé de huit ans. Il conserve, – peut être pour cela, - avec son cadet, cet esprit généreux et ouvert, cette éthique du  »caballero » – pour ne pas dire chevaleresque en raison de l’ambivalence du qualificatif – tous deux devenus plus tard des jeunes militants syndicalistes et associatifs bien trempés. Comme « leurs frères » de Cuba ou d’Argentine, nations équestres par excellence ; dans l’île des caraïbes, ils  attellent leur cheval trop  maigre mais toujours allant, sur la chaussée partagée avec les cyclistes, les camionneurs et les rares automobilistes; dans l’immensité de la Pampa, ils chevauchent leur créole infatigable, agile et trapu en habits de péon, sur une selle revêtue d’une peau de mouton…

Ma jument dresse ses oreilles et ralentit soudainement : j’aperçois en bout de ligne du chemin de halage, cinq faons bondissant dans une traversée gracieusement cadencée. Ils quittent les fourrés des bords de la rivière et remontent vers la forêt de pins qui la surplombe. Une borne, vestige du temps du commerce par voie d’eau entre Mont de Marsan et Bayonne, annonce celle-ci à 118 Km. Je dépasse la borne à main droite et tourne le regard vers le côté adjacent qui signale Mont de Marsan à 18 Km. Sauf erreur de mémoire le chemin de halage s’étendait donc sur près de 140 Km. Les syndicats de communes landaises préservent aujourd’hui ce bien commun, loin des petits calculs de rentabilité quand le conseil général finance les ponts qui enjambent les centaines de petits ruisseaux venant se déverser dans la rivière.

Dans les Landes, – soit dit en passant -, l’eau est aussi un bien commun qui échappe, autant que possible à la gestion privée pour le plus grand bénéfice des populations locales; « Ca coule de source » pour reprendre le slogan du canton voisin de Morcenx – où vont aussi les chemins de Saint Jacques – et qui abrite la commune d’Arjuzanx et ses vingt mille grues. Elles viennent hiverner chaque année en très grand nombre depuis la reconversion, dans les années quatre vingt dix, du site minier ouvert d’EDF en étendue de lacs. Je les observe religieusement chaque fin de semaine hivernale. Je confesse ce culte envers ce peuple migrateur qui m’offre de novembre à mars des vols majestueux que je scrute à l’oeil nu ou avec des jumelles depuis le lac ou sur un observatoire. Celui de Villenave me permet même d’observer les grues se posant et se regroupant par centaines pour la nuit en zone marécageuse, inaccesible aux prédateurs, avant de repartir au petit matin vers les champs de Solférino, s’alimenter de grains et  vermines.

Ma chevauchée, fréquemment interrompue par des descentes de cheval qui dégourdissent mon corps, s’agrémente de longues marches à pied aux côtés d’Hipone. Je vais ainsi, au pas cadencé mais léger, méditant, le corps et l’esprit libre en harmonie avec la forêt giboyeuse, traversée par cette rivière au lit de sable et aux eaux vives et boueuses, couleurs de l’ocre de ces fougères fanées qui la bordent de toutes parts. Les grasses herbes des berges régalent aussi ma jument vagabonde.

A droite, un sentier fend les broussailles. Je prends le parti de le suivre à la recherche intuitive d’une hypothétique découverte. Nous voici au bout de cinq cents mètres récompensés de cet effort d’enjambement de troncs et de branches laissés sur place après quelques coupes rases. Un paysage féerique s’offre à nos yeux éblouis par la blanche lumière réflétée dans les eaux glacées de petits étangs alignés. Des cygnes et des canards glissent sur ces eaux froides survolées par des vols de ramiers tourbillonnant à la recherche d’un site accueillant. Des clôtures interdisent une exploration de ces lieux merveilleux, frustrant un peu ma curiosité de pénétrer dans ce jardin anglais et d’y visiter ses trois cabannes d’observation, construites sur des promontoirs dominants les étangs.

Nous reprenons le sentier dans l’autre sens pour retrouver les berges plus hospitalières. Là nous coupons par un chemin de traverse qui nous conduit sur un bout de route tranquille, réservé à la desserte de quelques habitats dispersés au coeur d’une nature accueillante bien qu’éprouvée par la tempête de janvier 2009.

Nous abordons quelque vieille connaissance et son épouse, évoquant à l’occasion des temps révolus ; quand les mules étaient encore utilisées pour les travaux agricoles, l’attelage des charrettes sur les chemins ou le débardage dans la pinède.  Cette époque  postérieure à celle des moutonniers landais et à l’utilisation massive des boeufs. Ceux-ci tractaient, depuis le chemin de halage, les gabarres en partance des cales de Mont de Marsan, où l’on stockait, dans des entrepôts, des produits de Gascogne, eaux-de-vie d’Armagnac, vins, blés, miel,  laines, essence de térébenthine et potaux. Ces derniers destinés aux mines du pays de Galles, par ailleurs, grosses utilisatrices de poneys, recherchés, parait-il, jusque dans nos Landes. Ces pinasses, revenaient à contre-courant, pleines de sels mais aussi de morues et de sardines, d’étoffes étrangères, de fromages de Hollande, d’huile, de houille, de minerais de métaux… La descente de la Midouze depuis l’ancien port de Mont de Marsan via Tartas et Dax ne prenait que trois jours quand la remontée depuis celui de Bayonne, d’une lenteur désespérante aux dires des plus érudits, exigeait une tirée à cordelle depuis le chemin de halage, la galupe, dénomination gasconne de la gabarre, étant aussi équipée d’énormes avirons. Un dur labeur phénoménal et quotidien pour ces mariniers fluviaux!

Ce marché devait ressembler un tantinet à celui des temps néolithiques, à base de troc, durant la toute première civilisation agro-pastorale, hormis la technique de navigation et la médiation monétaire accompagnant la diversification des échanges et leur promotion à un niveau bien supérieur. Jusqu’à  l’accumulation originelle de puissants capitaux, après les premières grandes coupes du début du siècle dernier de la vaste forêt de pins, plantée quarante ans plus tôt. A l’instar du capitalisme industriel, l’exploitation du pignada vécut une sévère crise dans les années trente, le département des Landes se trouvant fragilisé de sa monoculture pourtant à l’origine des fortunes insolentes des générations montantes. A l’opposé, la pauvre vie des résiniers n’avait sans doute rien à envier à celle des métayers. Lesquels virent leur sort s’améliorer sous la poussée syndicale du monde agricole soutenue par l’action législative des socialistes, des communistes et des chrétiens-démocrates à la Libération.

Depuis, la civilisation technicienne a certainement contribué à l’évolution positive des modes de vie quand les luttes sociales firent reculer l’intensité de l’exploitation des travailleurs des villes et des champs. Car il faut surtout considérer la part  des conquêtes sociales du mouvement ouvrier dans l’amélioration des conditions de travail ; l’affranchissement de l’homme des tâches les plus ingrates dans un cycle de travail plus limité ne saurait en effet se réduire à la substitution du moteur et de la mécanique à la force musculaire animale ou humaine. Sans éprouver de nostalgie pour ces temps de misère, je reste cependant saisi de vertige en songeant à cette fuite en avant récente, depuis la révolution informatique, d’un monde capitaliste marchandisé et globalisé où l’argent fêtiche règne en maître absolu dans cette civilisation du bruit, de l’éphémère et du clinquant. Ce monde qui est aussi celui de la précarité, chargé de frustrations en tous genres avec ses replis sécuritaires et identitaires à connotations racistes. N’est-ce point le retour à la barbarie annoncée, des années cinquante jusqu’au milieu des années soixante, dans la revue « Socialisme ou barbarie » portée par un groupe d’intellectuels d’inspiration spartakiste?

C’est justement un spartakiste qui va occuper notre amicale conversation téléphonique du même jour avec mon ancien professeur de littérature. Nous évoquons Carl Einstein, cet homme de lettres, passionné d’art nègre et de peinture cubiste et par ailleurs militant intrépide de la révolution spartakiste belge et des brigades internationales. Combattant contre le fascisme franquiste dans la colonne Durruti, il eut le triste privilège de prononcer l’éloge funèbre du dirigeant anarchiste tombé au combat. Nous parlions ensemble de ce personnage pourchassé par les nazis parce que juif, intellectuel, exilé allemand et de surcroît révolutionnaire, fuyant les troupes hitlériennes et trouvant asile en juin 40 à l’hôpital civil mixte de Lesbazeilles au coeur de la cité montoise pour un court séjour de soins de trois jours avant de reprendre, à l’arrivée des Allemands le 28 juin, la route vers Pau, d’où il devait mettre fin à sa vie en se jetant d’un pont. L’homme d’art m’a confié introduire, dans le récit de son livre à paraître prochainement, ce personnage rayonnant d’esprit, de courage et de convictions.

Au fil d’une journée champêtre remplie d’heureux moments de partage avec mes proches, ma progéniture et même ma plus noble conquête, je goûte enfin ce temps de vivre. Temps trop rare avant de se retrouver « cendre et givre » pour reprendre l’expression crue de Francesca Solleville. Cette même chanteuse qui me fait toujours rêver en annonçant dans ce refrain :

« Il y aura des promenades,

En amis, en camarades,

Le jour où nous aurons le temps,

Le temps de prendre enfin le temps

De nous retrouver dans les yeux

De femmes et d’hommes d’un monde heureux… »

dans sa chanson pour l’ami d’un soir

https://www.musicme.com/#/Francesca-Solleville/albums/Avanti-Popolo-0602547850393.html

 http://www.musicme.com/#/Francesca-Solleville/albums/Venge-La-Vie-:-1959-1983-3259130181128-05.html

« J’en ai connu beaucoup, moi qui voyage,

Ami d’un soir qui m’ont parlé ainsi

Avec des mots qui venaient de la vie.

ils m’ont laissé malgré tout confiante

Et c’est pour eux, avec eux que je chante! »

Xavier Dumoulin, « naisseur » de chevaux et poneys de races françaises.

Le Merens, prince noir d’Ariège mais cheval populaire

Connaissez-vous le Mérens? Ce petit cheval des pyrénées ariégeoises, originaire de la commune éponyme de ce département montagnard, très prisé en raison de sa grande polyvalence possède un excellent mental et un aspect fascinant : avec du cadre, de l’os, du lustre et du crin, cette morphologie athlétique marie robustesse et finesse dans une robe « noir zain ou pangaré » à l’instar de ses cousins Frison ou Minorquin, ces deux autres perles du monde équin.

Par delà cette éblouissante présentation, le Mérens rassemble surtout des qualités équestres essentielles. Elite en cheval de loisir, le Mérens a le pied sûr, un équilibre, un allant et une puissance qui vous transportent aux trois allures sur des terrains variés en toute sécurité, de la carrière de dressage aux chemins de crête et autres sentiers escarpés de basses montagnes.

Il faut assister, pour mieux vérifier cette adresse, à la spectaculaire descente dite « des éboulis » de la montagne de Bouan. En fin d’après-midi, depuis le pré où se tient annuellement (depuis 1979 à Bouan et cette année les 20 et 21 d’août dernier) le concours suprême de la race (les concours de la race existent depuis 1872), le spectacle de cette chevauchée cavalière sur des pentes caillouteuses à trente cinq degrés d’inclinaison, s’accompagne d’un silence religieux d’un public médusé. Public nombreux d’éleveurs, de cavaliers utilisateurs et d’amateurs régionaux, nationaux, voire internationaux avec cet engouement tout particulier des Hollandais, des Belges ou des Italiens. Dans ce canton de « Les Cabannes », à proximité d’Ax- les-Thermes et de Tarascon, le concours national des modèles et allures du Mérens honore les poulains et pouliches des « un et deux ans » manipulés, les poulains et pouliches de trois ans montés, les poulinières suitées ou les étalons approuvés. La désignation des champions suprêmes de la race, mâle et femelle des catégories des juniors ou séniors vient couronner le travail des éleveurs.

Avec près de cinq cent naissances annuelles déclarées, la race n’est plus menacée d’extinction. Une race fixée depuis près d’un siècle par une politique d’indigénat pertinente arrêtée par ses défenseurs et promoteurs et dont on mesure à présent toute la réussite. Pour comprendre toute l’intelligence de cette  politique, il faudrait revenir sur la longue résistance des populations locales, en terres ariégeoises comme dans tous les  autres pays d’élève – c’est à dire principalement dans les zones de grands marécages ou de montagnes, impropres à la culture des sols mais riches en vaines pâtures,- aux injonctions multiséculaires des haras royaux puis nationaux obligeant la saillie des juments autochtones par les étalons agréés.

Cette recherche, apparemment bien intentionnée, d’un apport des étalons de « pur sang » pour relever les produits et régénerer les races autochtones, – avec aussi des visées militaires comme celle de la préparation de la guerre franco-prussienne à la fin du second Empire qui visait à croiser les poulinières ariégeoises avec des étalons arabes pour obtenir une cavalerie légère – n’en produisait pas moins des effets délétères en dénaturant et débilisant les produits des jumenteries locales par la perte des qualités de robustesse et de rusticité attendues principalement de populations paysannes utilisatrices de petits chevaux de bât et de trait. Mais les poulinières qui montaient à l’estive avec leurs poulains de l’année dès la saison printanière des amours pour s’y régaler jusqu’à l’automne des herbages de montagne, retournaient à la ferme  après avoir été honorées par l’étalon de la race en capacité de saillir et de remplir une trentaine de juments échappant ainsi aux soupirs des prétendants de race supérieure mis à la disposition des éleveurs dans les dépôts des haras nationaux! Avec, soyons honnête, des exceptions notoires qui ont laissé quelques traces indélébiles du sang arabe de ces étalons orientaux ( la station de Mérens verra se succéder neuf étalons dont sept arabes et deux anglo-arabes de 1870 à 1879 ) qui font aussi tout le chic et la distinction du Mérens à la tête expressive et au chanfrein droit ou camus.

Un grand malentendu historique donc, source d’affrontement ici comme dans les autres pays d’élève des juments, entre deux visions du cheval. L’une, aristocratique privilégiant les qualités du cheval de manège et de cour, l’autre, populaire recherchant un cheval économique d’entretien, donc rustique mais aussi fort et robuste pour assurer les travaux des champs et des forêts – labours, moissons, débardage – de traits, de bâts et d’attelage ainsi que le transport des hommes ou des produits de la ferme jusqu’aux marchés locaux…

D’où la contestation d’une réglementation nationale imposant les saillies des juments autochtones par les étalons des écuries royales devenues plus tard haras nationaux. Des prescriptions mises en échec, comme nous l’évoquions, par la résistance passive des éleveurs de l’Ariège qui n’avaient, du reste, pas le loisir de conduire depuis leurs vallées encaissées leur jumenterie aux lieux de dépôts et de mise à disposition onéreuse des étalons nationaux quand la relève naturelle des générations s’accomplissait dans les luxuriantes – et non moins luxurieuses - montagnes d’estive !

Une tradition qui se perpétue encore grâce à l’intelligence de deux éminentes personnalités du monde équestre convaincues de la nécessité de préserver les qualités de la race Mérens : celles de Gabriel Lamarque, personnalité du monde hippique qui présidait la société d’Agriculture de l’Ariège et créa en 1908 des concours de sélection des meilleurs produits issus de l’indigénat; celle de Lucien Lafont de Sentenac, directeur du dépôt des Haras nationaux  de Tarbes, lui-même originaire du pays, qui accorda une place importante au Mérens dans une circonscription s’étendant au Languedoc et à la Corse. On lui doit tout l’appareil réglementaire de promotion de la race, l’arrêté préfectoral du 27 mars 1947 ouvrant un livre généalogique dont la tenue était confiée au syndicat hippique d’élevage de la race chevaline pyrénéenne ariégeoise dite de Mérens.

Depuis cette époque le dynamisme des éleveurs soutenus et accompagnés par le SHERPA Mérens, présidé par Mme Foisnel, porte ses fruits. Mais la crise aggrave les difficultés d’un élevage en soi peu rentable avec des coûts de production alourdis, des débouchés plus restreints et un désengagement de l’Institut Français du Cheval- Haras Nationaux (établissement touché lui-même par la vague de libéralisation avec son souci d’optimisation, de commercialisation et de fermeture des dépôts de proximité…). Dans ce contexte on doit se réjouir de l’attention toute particulière des politiques d’encouragement et d’aide à l’élevage du Mérens promues par le conseil régional de Midi-Pyrénées et le conseil général de l’Ariège dont la présence personnelle de son président à la manifestation de Bouan n’est pas fortuite. Il faut donc saluer cette entreprise de promotion d’un cheval de sang qui possède son propre Stud-Book en France et à l’étranger et améliore ses performances sportives pour en faire un cheval complet dans toutes les disciplines équestres du TREC au loisir et à l’endurance jusqu’à la compétition de dressage et bien sûr de l’attelage dans laquelle il excelle également. Ce cheval élégant et polyvalent constitue par ailleurs la meilleure ressource en équithérapie du fait de ses qualités mentales inégalables.

Pour toute ces raisons, la promotion du Mérens  reste un challenge majeur dans le monde du cheval. Etant moi-même, en amateur, cavalier et éleveur, vous comprendrez tout le sens de cette évocation des qualités du Mérens qui n’a rien d’incongrue dans ce blog citoyen qui encourage aussi le maintien de la biodiversité et d’un mode de vie et de développement soutenable.

Et, en ces temps d’universités d’été, cette référence trop ignorée de nos ténors à la devise du cavalier :  « En avant, calme et droit »!

X.D, le 27 août 2011

CLASSES POPULAIRES : POUR SORTIR DES MYTHES

Créé par le 26 déc 2010 | Dans : Articles de fond

Une tribune de la Fondation Res Publica (auteurs : Gaël Brustier, docteur en science politique et Julien Landfried, membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica), parue dans les pages Rebonds de Libération (« Les enjeux de 2012 »), lundi 13 décembre 2010.

L’évidente rupture entre les classes populaires et la politique découle directement d’une vision erronée de la société française. La compréhension géographique et sociale de la France doit s’émanciper du sens commun et de trop fréquentes représentations imposées pour retrouver le chemin d’une représentation réaliste et lucide de la France populaire. Il faut « chasser les mythes » comme aurait dit le sociologue Norbert Elias.

Il n’existe pas de jeunesse qu’en ville et les « quartiers populaires » sont loin d’être tous concentrés dans les métropoles

D’abord concentrons-nous sur les faits. Il n’existe pas de jeunesse qu’en ville et, a fortiori, les « quartiers populaires » sont loin d’être tous concentrés dans les métropoles. Une nouvelle réalité sociale est née de la mondialisation néolibérale et s’incarne dans une géographie sociale nouvelle. La mutation de l’économie liée à la globalisation financière a engagé la mutation du territoire : la France ne ressemble plus à l’image que l’on se fait d’elle. Un puissant effet de persistance rétinienne a en effet empêché de comprendre les mutations à l’œuvre. Cette nouvelle géographie sociale a entraîné un profond changement des représentations collectives. Globalisation financière, changement de géographie sociale et modification des représentations collectives sont liés.

Il faut d’abord préciser le vocabulaire employé. Parler des « quartiers populaires » c’est avant tout parler des milieux populaires, dont la présence ne peut plus être réduite – loin s’en faut – au fait urbain dense. La vision déformée (et médiatique) de la géographie française qui résume les « quartiers populaires » aux banlieues à forte concentration de populations immigrées est réductrice et ne correspond pas à la réalité. En outre, le fait urbain dense est aujourd’hui minoritaire, ainsi que l’a démontré le géographe Christophe Guilluy (« Fractures françaises », Bourin Editeur, 2010). La France populaire, celle des ateliers et des usines n’est plus celle des grandes métropoles mais une France périphérique, soit périurbaine, soit rurale. Depuis le début des années 1980, la France subit un double effet d’étalement urbain et d’expulsion des ouvriers et des employés de ses villes centres. Ce phénomène concerne le halo périurbain qui entoure les grandes métropoles urbaines françaises. Mais une partie de l’espace rural aussi est en pleine croissance démographique.

L’exode urbain

Un exode urbain se produit en direction des zones périurbaines d’une part et des zones rurales de l’autre. Ainsi les communes périurbaines, peuplées de 820 habitants en moyenne, accueillent-elles un nombre croissant d’ouvriers et d’employés. Les grandes métropoles se nourrissent par exemple d’un salariat d’exécution dans le domaine des services qui a élu domicile dans l’espace périurbain. Ce dernier rassemble 12% des emplois mais 22% des salariés. Ces mêmes salariés sont soumis aux plus longs temps de transport et bien souvent subissent les effets de la rigueur salariale. En effet, les employés sont ceux qui ont le plus perdu, d’un point de vue salarial, dans les deux dernières décennies. Cette réalité périurbaine est aussi liée à l’importance de la petite propriété. Le dédain pour la France des pavillons fait l’impasse sur le fait qu’une grand partie du salariat d’exécution français a opté pour l’habitat individuel et le pavillon loin des centre-ville où on peut encore trouver des prix de terrain accessibles, loin aussi des quartiers gangrénés par la délinquance. Étalement urbain et précarisation des classes dites « moyennes » mais appartenant en réalité au salariat d’exécution sont deux phénomène corrélés l’un à l’autre.

Plusieurs rapports – celui de l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) ou de la direction du Trésor – pointent pour l’un les difficultés liées aux mondes ruraux et pour l’autre à la désindustrialisation, qui sont étroitement liés. Pourtant, la vision médiatique de la société nous masque ces enjeux. 35% des actifs des mondes ruraux sont des ouvriers, fait constamment ignoré ou mésestimé. Les premières victimes de la crise et des délocalisations depuis 2008 sont en effet les ouvriers ruraux ainsi que les précaires, de plus en plus nombreux dans un rural tout à la fois délaissé et refuge des plus modestes.

Dans un bassin comme le Charolais, connu pour son agriculture d’embouche, 38% des actifs sont concernés par l’industrie et le secteur de la construction. Les zones rurales ne comptent plus, dans leur ensemble, que 7 à 8% d’actifs concernés par l’agriculture. Il faut donc relativiser l’idée d’une « ruralité agricole » et comprendre qu’il existe désormais des mondes ouvriers ruraux. Un chercheur comme Nicolas Renahy a très bien démontré la réalité de la jeunesse rurale ouvrière ou précaire (« Les gars du coin, Enquête sur une jeunesse rurale », La Découverte, 2005). À l’ère de la mise en avant des « victimes », il est frappant de constater que la discrimination la plus meurtrière concerne les accidents de la route. La jeunesse ouvrière rurale (plus d’un Français sur trois de 15 à 24 ans est un rural) en est la première victime. Dans l’indifférence quasi-générale pourtant, alors qu’il s’agit d’une véritable « hécatombe sociale », ce fait majeur continue de marquer les milieux populaires ruraux.

Les ruraux sont en moyenne “plus souvent pauvres”

L’IGAS a démontré, dans son rapport daté de septembre 2009, que la situation des 11 millions de ruraux était, plus généralement, loin d’être enviable : « les catégories les moins qualifiées sont surreprésentées parmi les actifs en emploi : 32% d’ouvriers et 27% d’employés, contre 7% de cadres et professions intellectuelles (7% d’agriculteurs). Dans les dernières années, le milieu rural a subi de plein fouet les réductions d’emploi qui ont touché les secteurs de l’industrie et de l’agriculture ». Le rapport ajoute que le « le taux de pauvreté monétaire moyen dans l’espace rural en 2006 est de 13,7%, contre 11,3% dans l’espace urbain ». Les ruraux sont donc en moyenne “plus souvent pauvres”. Toutefois, cette réalité là est aussi masquée par une construction sociale de la réalité qui estompe grandement les traits saillants de cette évidence sociologique.

Il s’agit aussi de s’interroger sur les représentations collectives nées de la mutation de cette géographie sociale. Une dimension fondamentale de la globalisation financière est l’œuvre de sape qu’elle a accomplie au regard de l’identité des mondes ouvriers. Le sociologue Norbert Elias avait défini dans « Les logiques de l’exclusion » le fonctionnement des ressources d’autochtonie qui était consubstantiel à la définition de l’identité des mondes ouvriers de l’Europe d’après la Révolution Industrielle. Le capital d’autochtonie – conceptualisé par Jean-Noël Retière – est définissable comme l’ensemble des ressources mobilisables par celui qui est né là où il vit et qui lui donnent un avantage social par rapport à celui qui vient d’ailleurs. Ce capital, adossé au sentiment de l’enracinement local, a longtemps permis une participation à la vie publique et une insertion dans l’économie locale plus aisées pour les couches populaires. La globalisation financière, et son impact en termes de délocalisations, est coupable d’avoir fait voler en éclats le « capital d’autochtonie » et d’avoir entraîné une désaffiliation massive des citoyens. Il s’ensuit que le besoin de « sécurisation morale » s’est développé et que, l’exercice de la citoyenneté se trouvant malmené par la crise, les revendications sociales ont pu, parfois, se muer en revendications « morales ».

Il faut réindustrialiser la France

La question du lien entre les territoires et les entreprises doit être posée. La France souffre, dans la compétition mondiale, d’une désindustrialisation massive, dans un contexte de monnaie surévaluée, d’absence de protections commerciales et de refus de politique industrielle cohérente. Mettre un terme à l’appauvrissement des classes populaires et redonner un avenir à la jeunesse du monde du travail passe par une réindustrialisation de la France. Où l’on voit qu’à l’heure de la globalisation financière, tout est lié.

Enfin, comment ne pas voir que, face à cette réalité sociale, l’offre politique peine à répondre ? Les questions de l’industrie, du libre-échange, de l’École, de la sécurité ne sont pas traitées dans le champ politique. La crise de la représentation puise ses sources dans cette non prise en compte des enjeux qui déterminent pourtant l’avenir des classes populaires… autant que de notre pays.

Annexe : « Le déclassement de la jeunesse »

La persistance d’une France populaire, bien souvent ignorée, est ensuite doublée par un autre phénomène : celui du déclassement. Ce dernier, mis en évidence par Camille Peugny (« Le déclassement », Grasset et Fasquelle, 2009), touche une bonne partie de la jeunesse diplômée. 25% des fils de cadres et 33% de leurs filles sont devenus ouvriers en employés. Le déclassement est une des sources de la crise de l’École et de l’idéal méritocratique. Si le diplôme n’équivaut plus à une protection face au chômage, c’est tout un pan de la confiance dans la société qui s’effondre.

Source : http://www.fondation-res-publica.org

Pour une exception de citoyenneté

Créé par le 26 déc 2010 | Dans : Articles de fond

Par William Bourdon, avocat et président de Sherpa

Nous voyons de plus en plus chaque jour que la colère et l’indignation conduisent des citoyens à se mettre en travers de l’application de la loi dès lors qu’elle conduit à porter atteinte à des droits fondamentaux. C’est pourquoi il faut se demander si on ne devrait pas réfléchir à l’existence d’un nouveau «fait justificatif» qui pourrait être invoqué par ceux qui, s’opposant dans des circonstances exceptionnelles à l’application de la loi, pourraient être exonérés de toute sanction en invoquant une «d’exception de citoyenneté».

Evoquer l’exception de citoyenneté conduit à la nécessité de décriminaliser les dispositions du code pénal qui répriment les actions de solidarité en faveur de ceux dont la dignité est foulée au pied. En droit, le fait justificatif permet aux individus qui sont poursuivis d’obtenir une exonération de la loi pénale. Ce sont la légitime défense, l’état de nécessité et l’ordre de la loi. L’état de nécessité a été invoqué par les «faucheurs volontaires» d’OGM. Si José Bové et ses amis ont pu obtenir la relaxe en première instance, la Cour de cassation a estimé que l’état de nécessité avait été invoqué de façon excessive, les renvoyant dans les cordes du Parlement, seul habilité à changer la loi.

Cette question s’impose aujourd’hui parce que la société française devient de plus en plus sécuritaire, le législateur est convoqué pour voter en urgence des lois en réaction à des faits divers, le pouvoir législatif devient la caisse de résonance du discours de la peur. En contrepoint, certains opposent une résistance citoyenne parce que la mise en œuvre de certaines lois conduit à de graves atteintes à la dignité de l’homme. Elle s’impose parce que des citoyens vivent douloureusement le sentiment d’une impasse absolue, aggravée par le discrédit de la parole publique, ce qui conduit à des actions parfois proches de la rébellion. En toile de fond de cette exception de citoyenneté, il y a un thème plus large, aussi ancien que la démocratie, celui de la désobéissance civile. C’est une question complexe parce que, évidemment, il n’y a pas de démocratie s’il n’y a pas d’obéissance des citoyens à la loi commune. Et cette loi doit prévaloir sur les objections morales que les citoyens pourraient opposer, faute de quoi ce ne serait plus la démocratie mais l’anarchie qui régnerait. Le droit doit toujours prévaloir sur la conscience et sur le nombre. A cela cependant, ceux qui ont théorisé le principe de la désobéissance civile opposent des idées très simples. 1) Le citoyen ne doit pas abdiquer sa conscience au législateur parce que les gens les mieux intentionnés peuvent parfois être injustes. 2) Le principe de légalité ne suffit pas à fonder la légitimité. Citons Martin Luther King : «Il y a deux sortes de lois, les lois justes et les lois injustes. Je suis le premier à préconiser l’obéissance aux lois justes, c’est une responsabilité morale aussi bien que légale. Or, cette même responsabilité morale, la même que celle qui commande d’obéir à la loi nous commande de désobéir aux lois injustes. Et quiconque enfreint une loi injuste doit le faire ouvertement, avec ferveur et la volonté d’en accepter les conséquences. Je soutiens qu’un homme qui refuse d’adhérer à une loi lui paraissant injuste en son âme et conscience et qui se soumet de plein gré à la peine de prison afin d’en démontrer la justice à ses concitoyens, exprime, en agissant ainsi, son très grand respect pour la loi.»La meilleure façon de dire son respect pour la démocratie et la loi est parfois d’y désobéir.

Celui qui, en responsabilité, peut désobéir à la loi n’est pas un délinquant. L’expression de «dissident» paraît plus adaptée. On sait bien que le devoir d’une obéissance inconditionnelle à la loi peut conduire aussi à une forme d’irresponsabilité. Bernanos a écrit : «Il faut beaucoup d’indisciplinés pour faire un peuple libre.» Face à la menace de l’arbitraire, c’est la résistance citoyenne qui peut être le bouclier de la loi et de la démocratie. Face à la tyrannie, de grands textes depuis la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ont institué le droit sinon le devoir de résister à l’oppression. Une déclinaison étant le droit de résister à l’ordre manifestement illégal, la traduction de ce droit collectif de résister face à la tyrannie à l’échelon individuel. C’est le statut de Nuremberg qui, pour la première fois, a affirmé que le fait qu’un accusé ait agi conformément aux ordres d’un supérieur hiérarchique ne suffit pas à le dégager de sa responsabilité. Le tribunal a créé une jurisprudence universelle reconnaissant non seulement le droit mais aussi le devoir du citoyen de désobéir à des ordres dont l’exécution porte atteinte au respect des droits de l’homme, quelle que soit la fonction de ce citoyen. C’est la question de l’obligation de désobéir à un ordre manifestement illégal.

Une jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme et certaines décisions de la Cour de cassation devraient pouvoir offrir aux citoyens européens et donc français la possibilité de se mettre en travers de la loi ou d’un règlement lorsque leur mise en œuvre conduit à la violation de principes fondamentaux. Les juges prennent en compte le fait que les citoyens deviennent si légitimes, dans des cas de nécessité absolue, à être les défenseurs des principes protecteurs de la dignité de l’homme, que cette légitimité prévaut sur le principe d’obéissance à la loi. L’exception de citoyenneté consiste à invoquer devant le juge, pour justifier d’une transgression de la loi, le fait que sa mise en œuvre conduit à violer un intérêt supérieur à la loi.

Le règlement général des armées permet aux subordonnés de refuser d’exécuter l’ordre prescrivant l’accomplissement d’un acte manifestement illégal ou contraire aux conventions internationales. Le statut général des fonctionnaires dispose que celui-ci est délié de l’obligation d’obéir à son supérieur lorsque l’ordre est manifestement illégal ou de nature à compromettre gravement l’intérêt public. Le code de déontologie de la police nationale dispose que les fonctionnaires de police ont un devoir de désobéissance quand l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre un intérêt public. La loi française oblige à refuser d’obéir à un ordre manifestement illégal. Cela s’est traduit dans la jurisprudence d’une façon définitive dans l’arrêt du 13 janvier 1997 – arrêt Papon -, Papon ayant invoqué le fait qu’il n’avait fait qu’obéir à l’ordre qui lui avait été donné. Cela a été appliqué plus discrètement par la Cour de cassation récemment dans l’affaire «des écoutes de l’Elysée». Les fonctionnaires poursuivis avaient invoqué le fait qu’ils ne pouvaient refuser de mettre en place le système de surveillance puisque les ordres venaient de l’administration. Ils ont été déboutés de cet argument qui est un encouragement à la lâcheté. Il y a sous nos yeux d’autres exemples de ces batailles citoyennes. Les membres du Réseau Education sans frontières (RESF) se sont opposés à l’expulsion d’élèves étrangers au prix de poursuites judiciaires. Certains inspecteurs du travail ont refusé de se faire des auxiliaires de la police en faisant la chasse aux salariés victimes de travail illégal, des agents de l’ANPE ont refusé de radier des chômeurs, des agents EDF ont rétabli le courant… Tous ont été condamnés.

Demain, un officier de police judiciaire qui refuserait d’appliquer un règlement dès lors qu’il serait conduit à infliger des traitements dégradants à un gardé à vue devrait pouvoir opposer une exception de citoyenneté, nouvelle forme citoyenne du droit de résister à l’oppression, nouvelle déclinaison du devoir de résister à un ordre manifestement illégal.

L’exception de citoyenneté pourrait trouver sa place dans notre code pénal, ce serait un état de nécessité éthique permettant au juge d’exonérer tout agent public ou privé de sa responsabilité pénale dès lors que, par son action, il aurait tenté d’empêcher une atteinte à la dignité humaine. Devant nous se dessinent de nouvelles déclinaisons du citoyen du monde. C’est un citoyen effrayé, parfois terrorisé, un citoyen marchand et marchandisé. Il doit aussi être un citoyen éthique, celui qui, sommé d’agir par l’extrême gravité de la violation d’un principe universel supérieur, estime impérieux de braver la loi.

Notre propos est d’ouvrir un chantier qui reste à écrire. A ceux qui objecteraient que c’est trop demander aux juges, n’oublions pas que, précisément, ce qui leur est demandé, c’est d’arbitrer de façon parfois complexe et insatisfaisante, mais d’arbitrer quand même, entre des principes dont la hiérarchie peut être mouvante. Ils sont aussi le reflet de l’état de nos contradictions, et c’est pour cela aussi qu’ils sont les gardiens de la loi et de l’intérêt général.

Article paru dans Lbé du 24/12/10

 » La France est-elle finie ?  » Le passé, l’avenir et nous par Marie-Françoise Bechtel

Créé par le 23 déc 2010 | Dans : Non classé

 

 

 

Titre provocateur que celui de cet ouvrage, où Jean-Pierre Chevènement prend date avec l’avenir sans donner quitus au passé.

 

Mais susciter le réveil des consciences est dans le droit fil de la tâche historique qu’il a choisi d’assumer depuis une quarantaine d’années. Dans la continuité de cette mission, il pose aujourd’hui, sans complaisance et sans délectation morose, la question de notre avenir.

 

LE PARI DU PASSÉ

 

Et tout d’abord est la question : que nous est-il arrivé, à nous progressistes et républicains depuis trente ans ? Et qu’est-il arrivé à la France qui, « il y a un demi-siècle, nourrissait encore des rêves de grandeur avec le général De Gaulle, ou même il y a trois décennies l’ambition de « changer la vie » avec François Mitterrand, (et qui) apparaît aujourd’hui comme un pays sans avenir, désespérant pour sa jeunesse. » ?

La première partie de l’ouvrage cherche d’abord à restituer sa pleine dimension à la question. La posture critique est celle d’une interrogation raisonnée. Ce n’est pas l’indignation pamphlétaire, c’est d’abord la volonté de comprendre : d’Epinay aux années 2000 avec pour temps fort le tournant européen de la France. Défrichement, mise en perspective magistrale, parfois réévaluation lorsque c’est nécessaire1. Le résultat est un tableau saisissant qui restitue une logique en lieu et place de la succession des événements, éclairant le rôle des hommes2 sans négliger les facteurs qui font des pouvoirs et des idéologies plus ou moins latentes la clé de l’histoire telle qu’elle se fait.

Mais l’ouvrage ne s’en tient pas à l’analyse, si brillante soit-elle du « que nous est-il arrivé » ? Il faut aller au coeur de ce qui l’a permis, « l’énigme » de notre histoire : « Pour avoir vécu celleci au premier rang depuis quarante ans, je sais qu’il ne sera pas possible de réinventer l’avenir de notre peuple sans l’avoir éclaircie. »

D’où deux hypothèses centrales qui sont au coeur des premiers chapitres de l’ouvrage.La première : ce qui nous est arrivé dans les années quatre vingt à quatre vingt dix trouve sa source voire sa continuité dans les années trente à quarante qui ont vu la France cesser de croire en elle, les élites trahir le peuple et l’esprit de défaite s’insinuer dans la conscience collective au-delà du sursaut de la 5° République. C’est une hypothèse rarement soutenue. Accablante, peut-être ; lucide certainement, cette évaluation de notre potentiel négatif creuse profond dans le terreau qui a alimenté notre renoncement.

La seconde hypothèse est celle du « pari pascalien » de François Mitterrand, qui parcourt largement cette première partie. Dans une investigation caractérisée par la hauteur de vues, sans réclamations mesquines ou appels au « bilan »,

Jean-Pierre Chevènement expose les divergences, évalue les contradictions et en vient finalement à conclure que le pari de l’ancien chef de l’Etat, largement tributaire de son histoire personnelle, aura été une fuite en avant : « La France est notre patrie, l’Europe est notre avenir ». On ne saurait être dupe de la portée réelle de cette formule qui veut dire au fond pour son auteur que « la France est finie »3.

 

LES PROLÉGOMÈNES DE L’AVENIR

En contrepoint du « pari pascalien » la deuxième partie de l’ouvrage déploie et ordonne les défis du futur. Moins encore peut-on ici résumer une pensée qui avance en se construisant elle-même, non plus par hypothèses raisonnées mais par la synthèse d’une expérience nourrie à l’épreuve du feu et toujours alimentée par une réflexion personnelle fondée sur des références historiques philosophiques, littéraires même.

 

Comme François Mitterrand dans la première partie, l’Allemagne est le profil clé de cette deuxième partie. Mais c’est l’avenir de la France qui en est le pari. D’abord l’Allemagne dont on doit reconnaître qu’elle domine aujourd’hui l’Europe, comme « nation redevenue normale ». Jean-Pierre Chevènement, en dialogue avec plusieurs penseurs notamment Peter Sloterdijk, ne se dit d’ailleurs pas totalement convaincu par la thèse de la normalité retrouvée. L’Allemagne aujourd’hui joue mondial et non européen mais les atouts « incontestables » qu’elle déploie mettent en péril une vision raisonnable de l’avenir de l’euro et par là de l’Europe elle-même. Sans prise de conscience de cette impasse historique, notre avenir commun qui est pour nous Français la seule issue, ne pourra se jouer. Si l’ouvrage décline les risques économiques, financiers et monétaires avec une grande précision, l’idée qui le sous-tend est que la question historique de l’Allemagne dépasse l’économie et même la politique. C’est le modèle culturel allemand qui est aujourd’hui en jeu.Pour Jean-Pierre Chevènement l’Allemagne doit redécouvrir l’idée de « mesure » 4. Ensuite, l’enjeu du futur, celui de l’après crise. Il est de savoir comment, pour nos deux nations au destin lié, la question de l’universel se posera au 21° siècle. L’avenir de la France est à ce prix.

Ce qui n’empêche pas l’auteur, au contraire, d’établir une « feuille de route républicaine ». Elle intègre l’Europe dont il faut organiser la « résilience » et même l’« intérêt général européen ». La France, « exécutrice testamentaire des idées de la Révolution » doit retrouver un  pouvoir de proposition. Alliée à une Allemagne qui aurait découvert le chemin de la « mesure », que ne pourrait-elle faire : « Quel prodigieux destin pourrait alors s’ouvrir aux deux peuples issus du partage de l’Empire de Charlemagne en 843, s’ils parvenaient à s’entendre sur quelques défis communs :

• un modèle social préservé ;

• une défense autonome ;

• une alliance sans subordination avec les Etats-Unis ;

• une main tendue à la Russie pour construire une grande Europe des peuples ;

• un co-développement organisé avec la Méditerranée et l’Afrique ;

• une régulation économique mondiale tendant à instaurer une concurrence équitable entre les grands pays émergents, dont le développement, davantage orienté par leurs besoins, est naturel, et les vieux pays industrialisés,soucieux à juste titre de préserver leur modèle social. »

 

***

 

On n’a pu ici donner qu’un trop bref aperçu de la richesse et la nouveauté de cette approche. L’ouvrage approfondit et met en perspective les constantes de la pensée chevènementienne : la question de la formation de la nation française, la participation des élites aux combats de la République, puis leur trahison, le caractère incontournable de la question allemande, mais aussi la volonté persévérante d’analyser pour comprendre, en faisant surgir le politique en lieu et place du politicien, le désir de construire l’avenir à partir des questions pertinentes, le sentiment de la hauteur à laquelle se situent les enjeux.

Certains appellent certes à « dépasser l’horizon des marchés » et « la dictature de l’instant ». Mais qui d’autre le fait en ayant en vue une haute ambition pour le pays, fondée sur une pensée du monde ? C’est que l’intelligence alliée au caractère reste une singularité. Nous le savons bien, nous qui suivons Jean-Pierre Chevènement pour ces mêmes raisons.

1 Ainsi l’acte unique que Jean-Pierre Chevènement évalue aujourd’hui davantage qu’hier comme l’élément clé de la « normalisation libérale » qui « de Paris à Bruxelles » a traduit en langage national le défaitisme européen

2 Si le rôle de Jacques Delors y apparaît tout particulièrement accablant, tantôt « Saint Sébastien, criblé de flèches », tantôt apôtre benoît de renoncements présentés comme autant de progrès, héraut de cette bataille que « la gauche a perdue sans l’avoir menée », on reconnaît là la froide ironie bien dans le caractère de Jean-Pierre Chevènement, arme plus efficace que la chaude indignation

 

3 « Je prête là peut-être beaucoup à François Mitterrand, mais il me semble qu’on ne peut comprendre son choix de l’Europe comme le vulgaire déguisement d’un ralliement au néo-libéralisme triomphant. Ce choix procède d’un cheminement et d’une vision du monde qui lui sont propres. Le « pari pascalien » qu’il a fait sur l’Europe ne peut se comprendre que d’une seule façon : il prend acte de ce qu’après l’effondrement de la France, il y a soixante-dix ans, sans précédent et sans équivalent dans notre Histoire, rien ne peut plus être comme avant. »

 

4 « L’expérience allemande doit conduire ce peuple profond et naturellement ouvert à la spiritualité à redécouvrir l’idée de mesure. L’Allemagne redevenue normale, ce n’est pas seulement une Allemagne en rupture avec le « décorum germanique » (romantisme sombre, héroïsme, ressentiment, comme le suggère Sloterdijk), c’est une Allemagne ayant transformé durablement son expérience en conscience, pour faire aussi de la mesure une force. Dans cette conception, il n’y a pas de « grâce de la naissance tardive », selon l’expression qu’aimait à employer le Chancelier Kohl ; il y a un chemin de régénération non pas seulement pour le peuple allemand, mais pour l’Humanité entière. »

 

En route pour 2012, édito de Jean-Luc Laurent, secrétaire général du MRC

Créé par le 23 déc 2010 | Dans : Fédérations MRC d'Aquitaine

 

2011 est l’année de la mobilisation : nous passons à l’offensive. Nous nous sommes dotés du Programme de Salut Public, dont les quarante propositions déclinent notre ambition  pour la France. Celle de « l’autre politique » qui saura remettre la nation sur les bons rails des principes républicains.

L’aggiornamento que nous appelons de nos voeux devra résister aux idéologies surannées qu’incarnent le libéralisme et son pendant européiste. Alors que l’euro sombre jour après jour, la justesse de nos analyses n’est plus à démontrer : d’Athènes à Dublin, cette monnaie unique régie par une Banque Centrale Européenne et des gouvernements ivres d’orthodoxie libérale contraint les peuples à de sévères cures d’austérité. C’est sans doute la plus-value sociale qu’attendaient les thuriféraires des traités de Maastricht et de Lisbonne.

Dans un même registre prospectif, le nouveau livre de Jean-Pierre Chevènement fera date. Fondé sur une analyse solide et argumentée avec des propositions pertinentes, il répond à une question salutaire, au fond la seule qui vaille : la France est-elle finie ? Prenant le contre-pied des déclinologues, Jean-Pierre Chevènement réaffirme avec force la capacité du peuple français à se choisir un dessein d’avenir. Pour cela, les citoyens doivent se réapproprier collectivement la France et redevenir maîtres de leur destin.

Cet ouvrage décapant fournira aux militants du Mouvement Républicain et Citoyen les clés idéologiques indispensables pour sortir de la pensée unique qui alterne entre le libéralisme et le social-libéralisme dans laquelle nous sommes englués depuis 1983. Je vous en conseille vivement la lecture et la diffusion à une large échelle.

Afin d’accompagner sa sortie, le MRC édite une affiche consacrée à la promotion du livre qui sera distribuée à l’ensemble des fédérations. Jean-Pierre Chevènement accomplira également un vaste tour de France et sera disponible pour un marathon médiatique de grande ampleur qui lui permettra de donner à son livre et à notre message l’écho qu’ils méritent.

Diagnostic et programme d’action tout à la fois, ce livre de Jean-Pierre Chevènement confirme sa stature d’homme d’Etat mettant son expérience au service des citoyens pour sortir la France de l’ornière. Il appartient au MRC d’appuyer l’action de Jean-Pierre Chevènement pour préparer 2012 et l’aider à faire bouger les lignes.

 

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