Le communisme français, la démocratie et la république sociale.
Créé par sr07 le 16 déc 2010 à 21:33 | Dans : a1-Abc d'une critique de gauche. Le billet de XD, a2-Blog-notes politique de XD
Peut-on être communiste aujourd’hui? Ainsi questionnait Roger Garaudy dans un ouvrage nourri édité chez Grasset en 1968. Je l’ai découvert en 1974, date de mon engagement au sein du nouveau parti socialiste qui prônait une ligne d’unité de la gauche (1). Recommandés dans la riche bibliographie socialiste de l’époque, ces écrits m’ont initié aux grands débats qui traversaient alors le Parti communiste français quelques années après le processus de déstalinisation entrepris par Waldeck Rochet, ce Kroutchef français.
Au fil de mes années de militance socialiste d’un bout à l’autre de la France au gré de mes pérégrinations, j’ai pu accompagner dans les luttes, les forums et les campagnes électorales ces camarades communistes en qui je salue encore le courage et la détermination. Beaucoup de ceux que j’ai cotoyés ne sont plus membres du parti communiste à présent à l’instar d’anciens ministres de P. Mauroy ou de grande figures intellectuelles et militantes telles que Pierre Juquin, Philippe Herzog ou Lucien Sève.
Par delà le devenir des militants communistes une question surgit : le communisme a-t-il encore un avenir? C’était d’ailleurs le thème d’une émission télévisuelle récente qui rassemblait autour de Robert Hue quelques idéologues. L’idée d’une mutation ou d’un dépassement reste une perspective qui ne saurait faire l’impasse sur une histoire pour aborder le présent autrement.
L’histoire intérieure du Parti communiste français, en quatre volumes publiés chez Fayard entre 1980 et 1984, oeuvre magistrale mais contestée, de l’ancien secrétaire des étudiants communistes, Philippe Robrieux, apporte mille détails truculents sur la vie mouvementée d’un parti sans cesse recomposé et déchiré entre ses choix fondateurs dans une tactique dite de classe contre classe et son aspiration à représenter tout le peuple français (2). Les clés d’identification des impasses de la conception léniniste furent plus pertinemment développées par Jean-Pierre Chevènement et Didier Motchane dans deux ouvrages adaptés à la conjoncture politique des années soixante dix.
Dans « les socialistes, les communistes et les autres » édité chez Aubier Montaigne en 1977, Chevènement revient sur les origines de la scission de Tours et sur l’impasse française vers le socialisme pour faire un bilan du léninisme et établir les chances et les conditions de la réussite d’une union de la gauche alors aux portes du pouvoir. Ce que Didier Motchane avait théorisé dans une approche marxienne renouvelant et dépassant les doctrines socialistes et révolutionnaires figées dans une doxa archaïque. Dans ses « clefs pour le socialisme », ouvrage édité chez Seghers en 1973, le théoricien du CERES revisitait les concepts marxistes en les débarrassant de leur gangue lénino-stalinienne ou réformiste pour redonner corps et sens à la stratégie de rupture avec le capitalisme.
Cette refondation théorique réfutait les idées reçues sur la ligne de partage originelle entre réformistes et révolutionnaires, ce qu’un ancien militant du CERES et grand intellectuel recyclé au sein du NPA, Philippe Corcuff, exprimera plus tard à sa manière dans une critique mélancolique de la gauche intitulée » les socialismes français à l’épreuve du pouvoir » édité chez Textuel en 2006 dans ses développements sur Léon Blum au congrès de Tours.
Confronté dans la militance aux postures théoriques et pratiques de mes camarades et amis communistes – que j’ai même rejoints, un temps, dans les années 90, aux côtés de Max Gallo ou de Charles Fiterman, en oeuvrant au sein des refondateurs, – je n’ai jamais désespéré d’une force qui pèse positivement sur le destin de notre pays. Du soutien au Front Populaire, sans participation ministérielle, à la résistance et à la Libération dans le gouvernement du général De Gaulle, des luttes aux côtés des ouvriers et paysans exploités jusqu’aux soutien des peuples opprimés et contre le colonialisme, de l’Union de la gauche aux combats contre l’Europe de Maastricht et au Non de 2005, je me retrouve dans cette histoire et ces luttes sans accepter les postures équivoques de la période stalinienne et les empreintes laissées sur un parti aujourd’hui en panne d’identité.
Ma grande lucidité sur la tragédie et les espoirs du communisme français – qu’il faut situer dans le contexte historique national et international - m’incline, dans un paradoxe qui n’est qu’apparent, à la compréhension du phénomène communiste et surtout des raisons d’agir des militants et sympathisans communistes envers lesquels je n’ai cessé de rester en dialogue.
En renouant à la façon d’Anicet le Pors, esprit cultivé et ouvert, avec la tradition républicaine, tradition certes constante dans l’histoire du PCF – et surtout chez les historiens marxistes à qui l’on doit, de Mathiez à Soboul, la connaissance du mouvement populaire et révolutionnaire à l’origine de la construction républicaine française – mais néanmoins souvent galvaudée en raison d’égarements doctrinaux ou politiques étrangers au socialisme jaurésien, le Parti communiste se grandit. Il ne peut, du reste, relever le défi de son propre dépassement qu’en mettant ses forces importantes au service d’une perspective d’alternative démocratique et sociale qui se joue dès à présent dans la bataille des idées, dans les luttes et dans les urnes. Et bien sûr dans la perspective de l’unité d’une gauche d’alternative…
La recherche d’un nouveau destin républicain suppose une large union pour la défense de la République et la promotion d’un programme de salut public pour sortir la France et les peuples de l’Europe des ornières du néolibéralisme conservateur! Le MRC n’a pas de plus hautes ambitions que de délivrer ce message qui ne se réduit pas à une campagne électorale mais prépare ici et maintenant l’écriture d’une nouvelle page de notre histoire en 2012.
X.D
(1) Histoire du nouveau parti socialiste, P.Guidoni, 1973, Tema action, 406 p. La connaissance de l’histoire antérieure du parti socialiste français s’enrichit aussi à la lecture du fasicule du regretté André Philip, les socialistes, seuil, 1967, 246 p. Les oeuvres magistrales de Jacques Droz et Jean Elleinstein citées en note 2 intègrent naturellement des développements précis sur l’histoire socialiste. A conseiller aussi l’histoire documentaire du parti socialiste en 4 tomes sous la direction de V.Chambarlhac, M.Dury, T.Hohl, J.Malois aux éditions universitaires de Dijon, 2006.
(2) sur l’histoire du PCF, lire aussi Histoire du parti communiste français, Jacques Fauvet en collaboration avec Alain Duhamel, 2 tomes, 1965, Fayard ; Les communistes français, Annie Kriegel, Seuil, 1968, 320 p ; Histoire général du socialisme sous la direction de Jacques Droz, 4 volumes, collection Quadrige PUF, 2736 p, 1997 ; Histoire mondiale des socialismes sous la direction de Jean Elleinstein, 6 volumes, Armand Collin, 1984.
3 réponses to “Le communisme français, la démocratie et la république sociale.”
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Je reprends ton article sur mon blog avec le lien d’usage.Fraternellement.
Alberto, il ne s’agit pas de confusion mais de clarification sur l’histoire du mouvement communiste. Bien d’accord avec toi pour considérer le léninisme dans son approche originale,avant sa dénaturation par le stalinisme. Comme théorie et pratique du parti d’avant-garde dans une perspective d’émancipation des peuples de la domination impérialiste, le léninisme complété par Gramsci offrait une nouvelle perspective communiste dans les pays avancés où la société civile n’était pas gélatineuse mais bien vivante. De là cette guerre de position idéologique dans une agrégation des couches intellectuelles avec la classe ouvrière organisée dans cet intellectuel collectif que représente le parti, ce nouveau prince. Cela posa la question de la voie démocratique vers le socialisme. Cette voie qui rompait avec le modèle stalinien qui abolit toute de forme de démocratie interne au parti ou populaire. Et même si le front populaire était promu par l’IC du temps de Staline, cette unité conduisait à repenser les rapports au sein du mouvement ouvrier et la prise en compte des spécificités nationales dans les démocraties occidentales.
Avec le Pain, la Paix, la Liberté , le parti français épousait l’idée d’une république sociale.
Pour le reste on en reparle plus tard de vive voix.
L’article est confus, car mélange le stalinisme avec le léninisme, et aussi le front populaire avec le front unique, car il y a très très longtemps que le PCF a laissé d’être communiste.
Sur la guerre d’Algérie le PCF a pris une position en défense de sa propre bourgeoisie (la française) loin de la position léniniste sur la défense de peuples colonisés.
Personne m’en doute le militantisme du PCF mais il s’agit ici de discuter de positions politiques, pas de romanticisme.