janvier 2011

Archive mensuelle

Jaurès flambant neuf

Créé par le 29 jan 2011 | Dans : Articles de fond

Jean-Pierre Rioux, Historien. A publié Jean Jaurès (Tempus) (1)

C’est au jeune Jaurès, dont on découvre les premiers textes, qu’on a envie de rendre hommage aujourd’hui, à l’heure où tout est embrumé ;  à ce Jaurès conscrit de la République réformatrice, gourmand du « monde sensible » (c’est le sujet de sa thèse de métaphysique, soutenue en 1892) et rêvant sous les étoiles : un Jaurès printanier et qui voudra « rallumer tous les soleils », un Jaurès qui décoiffe !

On s’en convaincra en lisant son « papier » si actuel intitulé « La démocratie radicale », qu’il a publié dans La Dépêche de Toulouse le 14 octobre 1888. De quoi nous avertissait-il ce jour-là, au retour d’une réunion à Gaillac, dans ce Tarn qui l’avait élu à la Chambre à 26 ans, en 1885 ? Assez de discours, assez de confort pour nous, les élus de la Nation ! « Volontiers, nous nous installerions dans une popularité facile comme dans un fauteuil à roulettes, et nous prierions le suffrage universel de nous pousser doucement sur un parquet bien ciré ». Or, attention, car toujours « le peuple dit : où sont les résultats ? »  Malheur à nous, les politiques, si nous devenons des rentiers du suffrage universel ou des luttes, car « il faut que la démocratie sente que nous la demandons pour elle et non pour nous, que nous y cherchons seulement la force nécessaire pour de nouveaux combats moins stériles, et que nous n’attendons le salaire, c’est-à-dire la reconnaissance profonde et durable du peuple, que lorsque nous aurons remis en ses mains les fruits de la justice ». Et gare à vous, les petits arrivistes friands d’exagération, de violence rhétorique, de simplisme populiste, si vous n’avez pas conservé en vous « une force suffisante de science et de pensée » ! Car, ne l’oubliez jamais, « le Tiers État a préparé son triomphe par l’étude d’abord et ensuite par la reconnaissance aisée des supériorités vraies ».

Donc, à vous tous, élus, responsables, intellectuels, militants, gens de peu mais gens de bien, un bon conseil : « Sachez écouter, sachez interroger, faites causer à la rencontre » ; apprenez à ne pas « être tout amour ou toute haine », « apprenez à connaître les hommes ». Parce que « le principal ou plutôt le seul obstacle au progrès, c’est l’égoïsme » et que l’égoïsme social n’est ni bourgeois ni prolétaire : « Il est, tout simplement ; et il ravage indistinctement toutes les âmes. » Or, « nous ne pouvons nous sauver les uns et les autres (…) qu’en mettant en commun ce qu’il y a en nous tous de désintéressement et en nous avertissant avec une mutuelle franchise de nos défauts respectifs ». Oui, « la qualité première de la démocratie radicale, c’est l’intelligence vraie de la situation politique dans son ensemble ». Oui, la République « ne peut être conservée que par l’union ». Et l’avenir est à ceux qui le croient et qui le savent, qui l’espèrent et qui l’expérimentent.

Car le monde nouveau ne sera pas, dit-il, « une tutelle nouvelle ou d’intellectuels ou de bureaucrates ». Il sait que « la démocratie française n’est pas fatiguée de mouvement, elle est fatiguée d’immobilité ». Il conviendra plus tard que « ce que la vie m’a révélé, ce n’est pas l’idée socialiste, c’est la nécessité du combat ». Car « la vérité, pour être toute la vérité, doit s’armer en bataille ». Pour tout dire, Jaurès nous a laissé un testament en forme de conseil lapidaire : restez intraitables sur le principe de liberté ; battez-vous ; mais, surtout, ne construisez rien sans morale et sans travail. Il a lancé un jour cet éclair : « Si dans l’ordre social rêvé par nous, nous ne rencontrions pas d’emblée la liberté, la vraie, la pleine, la vivante liberté, si nous ne pouvions pas marcher et chanter et délirer même sous les cieux, respirer les larges souffles et cueillir les fleurs du hasard, nous reculerions ». À bons entendeurs…

Article paru dans Libé du 29/01/2011

(1) Œuvres de Jean Jaurès, t. 1 (1859-1889), Fayard, 2009 et t. 2 (1889-1893), Fayard, à paraître en février.

L’accès aux soins des plus pauvres

Créé par le 29 jan 2011 | Dans : Santé-social-logement

le 22 novembre 2007
Les personnes les plus pauvres consultent plus rarement un médecin ou un spécialiste. 22 % d’entre elles, contre 7% du reste de la population, n’ont pas de couverture complémentaire.

Les personnes à bas revenus [1] consultent plus rarement un médecin ou un spécialiste. Parmi celles âgées de moins de 50 ans, 21 %, contre 17% du reste de la population, n’ont pas consulté de médecin généraliste au cours de l’année précédant l’enquête de l’Insee. La proportion est de 53% quand il s’agit de spécialistes, contre 40% pour les autres personnes.

Les plus pauvres perçoivent leur état de santé de façon plus négative que le reste de la population. Ils utilisent moins que les autres la médecine de ville, mais plus l’hôpital. De plus, la prévention et le dépistage sont des pratiques beaucoup moins répandues parmi les personnes les plus pauvres.

Les enfants des ménages à bas revenus n’ont pas le même accès aux soins que le reste de leurs camarades : 58% n’ont pas eu de visite chez un spécialiste contre 41% du reste de la population enfantine.

L’écart entre les bénéficiaires d’une couverture complémentaire de santé et ceux qui n’en disposent pas est important : 22% des ménages les plus pauvres n’y ont pas accès contre 7% du reste de la population.

- En savoir plus : Insee première n°1161 – octobre 2007.

 

[1] personnes qui vivent dans un ménage dont le revenu est inférieur à 60% du niveau de vie médian

L’origine et les fondements des inégalités sociales de santé

Créé par le 29 jan 2011 | Dans : Santé-social-logement

le 27 décembre 2007
Les inégalités sociales de santé dépendent bien moins du système de soins que de la répartition des richesses et, au fond, de la solidarité nationale. Un texte de Pierre Aïach et Didier Fassin, extrait de la revue du Praticien.

La France présente la situation paradoxale de bénéficier du système de santé considéré comme le meilleur au monde selon certaines évaluations internationales, et de connaître les inégalités sociales devant la mort les plus profondes parmi les pays ouest-européens. Cette réalité est mal connue, notamment du fait du peu d’intérêt de la recherche en France, et plus largement de la société, à l’égard des inégalités de santé. Les auteurs montrent ici comment la question a été récemment redécouverte et tentent de rendre compte des raisons de notre retard scientifique en la matière, en comparaison de pays voisins, ce qu’ils attribuent à des facteurs politiques, idéologiques et institutionnels de nature historique. Les auteurs s’intéressent à la manière dont les inégalités de santé, longtemps considérées comme naturelles, ont progressivement été reconnues comme sociales. Le problème de la définition et de la qualification des inégalités est ainsi essentiel. Deux conditions sont nécessaires pour que l’on parle d’inégalités sociales de santé, et non simplement de différences : il doit s’agir d’un objet socialement valorisé (la vie, le bien-être…) et cet objet doit concerner des groupes sociaux hiérarchisés (classes sociales, catégories socioprofessionnelles…). Finalement, les auteurs rappellent que les inégalités sociales de santé sont l’aboutissement des disparités structurelles (ressources, logement, alimentation, emploi et travail, école et formation), qui caractérisent l’état de la justice sociale dans un pays ou un territoire à un moment de son histoire et de son développement économique.

Lire l’article :

Un article de Pierre Aïach, sociologue, directeur de recherche à l’INSERM et Didier Fassin, anthropologue et médecin, directeur d’études à l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS) .

Ce texte est extrait de la revue du praticien, vol 54, n°20, 2004

Les modes de vie : un canal de transmission des inégalités de santé ?

Créé par le 29 jan 2011 | Dans : Santé-social-logement

le 9 novembre 2010 
Des études montrent l’existence en France d’inégalités de santé liées au milieu d’origine. Des modes de vie différents pourraient expliquer en partie ces disparités. Une étude proposée par l’Irdes (Institut de recherche et documentation en économie de la santé), parue dans Questions d’économie de la santé.

En France, plusieurs études récentes ont mis en évidence l’existence d’inégalités de santé liées au milieu d’origine. Afin de mieux comprendre l’effet à long terme des conditions de vie dans l’enfance, des questions spécifiques ont été introduites dans l’Enquête Santé Protection Sociale 2006 de l’Irdes.

Les résultats montrent l’importance des inégalités des chances en santé en France : être issu d’un milieu défavorisé, avoir des parents de niveau scolaire peu élevé, adoptant des comportements à risque ou en mauvaise santé, sont autant de facteurs explicatifs des inégalités de santé à l’âge adulte.

Les comportements à risque adoptés par les parents, le niveau d’éducation de la mère et les conditions matérielles de vie difficiles pendant l’enfance conditionnent les modes de vie adoptés par les enfants qui influencent à leur tour la santé à long terme. Cet effet indirect du milieu d’origine s’ajoute aux effets mieux connus de reproduction sociale et aux effets directs des conditions de vie dans l’enfance sur la santé à l’âge adulte.

En dehors d’interventions visant à améliorer l’égalité des chances à l’école et/ou plus globalement les conditions de vie, des politiques de prévention et de promotion de la santé ciblées vers les populations les plus modestes sont des pistes possibles pour réduire les inégalités des chances en santé.

L’intégralité de l’étude de Damien Bricard, Florence Jusot et Sandy Tubeuf, Les modes de vie : un canal de transmission des inégalités de santé ?, Irdes, Questions d’économie de la santé n°154, mai 2010, est disponible en cliquant sur le lien ci-dessous.

Les modes de vie

 Retrouvez l’étude sur le site Internet de l’Irdes en suivant ce lien.

Les inégalités sociales de santé, une question politique oubliée

Créé par le 29 jan 2011 | Dans : Santé-social-logement

le 3 avril 2007
Les inégalités sociales de santé font l’objet de nombreuses recherches… qui restent malheureusement trop souvent ignorées par ceux qui décident des politiques publiques. Le point de vue de Mireille Elbaum, professeure au Conservatoire national des arts et métiers.

Les inégalités sociales de santé ont donné lieu, en France comme à l’étranger, à de multiples travaux de recherche, mais ceux-ci restent largement ignorés par les professionnels et les décideurs, qui n’en ont jamais fait, comme au Royaume-Uni ou en Suède, une priorité politique.

Certains résultats sont pourtant frappants. Les différences de mortalité entre milieux sociaux ne se sont pas réduites entre le début des années 80 et le milieu des années 90. Elles se sont même accrues chez les hommes, avec un écart d’espérance de vie qui à 35 ans atteint sept ans entre les ouvriers et les cadres, et des disparités liées à la fois au diplôme, à la catégorie socio-professionnelle et aux revenus. On retrouve ces différences dans pratiquement tous les domaines de la morbidité, qu’il s’agisse des maladies cardio-vasculaires ou du cancer, en passant par les accidents, les problèmes dentaires et la santé mentale. Elles persistent aussi en matière de recours à la prévention et aux soins, où la qualité des couvertures complémentaires joue une rôle déterminant, même si la CMU a, malgré ses limites, diminué les renoncements aux soins des ménages les plus modestes. Et, au-delà des pathologies et de leur prise en charge, les conséquences des problèmes de santé s’avèrent d’autant plus graves pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes atteintes qu’elle sont au départ dans des situations socio-économiques moins favorables.

Deux sujets méritent en outre d’interpeller. Les inégalités de santé ont un caractère particulièrement précoce, avec, par exemple, dès l’âge de six ans, des différences sociales marquées en matière de caries non soignées et d’obésité, prédictive de problèmes cardio-vasculaires. Le chômage et l’inactivité y prennent par ailleurs une part déterminante, avec à la fois des phénomènes de sélection et d’exclusion de l’emploi liés à la santé, et un rôle « catalyseur » des périodes de chômage et de précarité qui, lorsqu’elles se prolongent, peuvent aboutir à la combinaison de troubles physiques, psychiques et de comportements à risque (problèmes d’addiction notamment).

La persistance de ces inégalités sociales de santé a bien sûr des causes multiples : différences d’exposition aux facteurs de risque, notamment dans le travail, problèmes de ressources économiques et culturelles conduisant à d’autres priorités quotidiennes, cumuls de difficultés ou habitudes prises à des moments-clés de l’existence, effets de l’environnement ou de l’entourage, sentiments de disqualification sociale pesant directement sur la santé, attitudes des professionnels dont les pratiques s’avèrent différenciées selon l’origine sociale des patients auxquels ils s’adressent.

Mais cela n’explique en rien que le débat social et l’action publique ne se soient pratiquement pas en France, au-delà de l’institution de la CMU, emparés de ce sujet, contrairement à la Suède, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, qui en ont fait une priorité politique affichée. La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique ne retient par exemple que deux objectifs qui ont trait à la réduction des inégalités de santé parmi les cent qu’elle s’est donnée.

Tout se passe à cet égard comme s’il était largement préférable d’occulter cette question, et ce pour un ensemble de raisons. D’abord parce que ces inégalités « fondamentales » sont difficiles à admettre, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants, et qu’elles font, plus encore que les inégalités face à l’école, voler en éclat le mythe de l’égalité des chances dans notre société.

Ensuite, parce que nos politiques de santé restent largement dominées par une conception individuelle des comportements à risques, que l’on retrouve à travers le relèvement du prix du tabac, ou la pratique de campagnes de prévention et de dépistage socialement indifférenciées, et qu’en dehors de la sécurité sanitaire, elles tiennent peu compte de la dimension collective des problèmes de santé. De leur côté, les politiques d’insertion destinées aux chômeurs et aux allocataires de minima sociaux ont eu tendance à privilégier les incitations financières à la reprise d’emploi, sans forcément prendre la mesure des autres difficultés auxquels ils se heurtent. Et il est à coup sûr peu facile de regarder en face l’ampleur des problèmes d’alcool ou de santé mentale chez les chômeurs ou les rmistes, face auxquels les professionnels sont en grande partie démunis.

Enfin, notre système de santé de tradition « bismarckienne » n’a pas été conçu ni aménagé pour prendre en charge, comme en Suède ou au Royaume-Uni, l’objectif de « promotion de la santé » dans l’organisation des soins primaires. La structuration des acteurs, leurs modes de négociation, principalement tournés vers les tarifs et les filières de soins, privilégient d’autres préoccupations. Les Caisses de sécurité sociale ont largement tendance à se polariser sur « la gestion du risque », et, hormis à certains endroits de l’hôpital, la plupart des professionnels de santé ne considèrent pas comme de leurs missions, et n’ont d’ailleurs pas été formés à prendre en charge la dimension sociale des problèmes de santé.

Les conséquences de cette « occultation » sociale et politique sont potentiellement lourdes : reproduction des inégalités et développement de sentiments d’injustice à propos d’un bien « fondamental » comme la santé, perte de confiance dans notre système de protection sociale quand il demande à tous, sans considération pour l’espérance de vie à la retraite, de travailler plus longtemps, stigmatisation de ceux qui n’adoptent pas les « bons » comportements, que ce soit en matière de prévention ou de recherche d’emploi, constitution d’une catégorie inavouée « d’inadaptés sociaux », qui, au-delà des handicaps reconnus, conjuguent problèmes de santé et difficultés à s’insérer (ou à demeurer) dans des environnements de travail de plus en plus contraignants.

Il est donc temps que la question des inégalités sociales de santé trouve un écho au-delà des chercheurs et des spécialistes, et s’impose à l’action publique. Cela implique d’abord que, comme dans les pays où cela a été le cas, un débat s’engage pour faire reconnaître ces inégalités comme inacceptables et envisager la meilleure façon d’en faire une priorité : faut-il comme au Royaume-Uni cibler avant tout les enfants et les plus défavorisés ; faut-il privilégier le terrain des entreprises, de l’école, du système de santé ou des territoires ; de quelle manière concrète articuler politiques sociales et politiques de santé…

Toute une série d’actions peuvent d’ores et déjà être envisagées : reformuler le rôle de la protection maternelle et infantile (PMI) en l’orientant vers les comportements de prévention et les modes de vie ; revoir les règles d’accès aux cantines scolaires dont on sait qu’elles sont parfois fermées aux enfants de chômeurs et d’inactifs ; sensibiliser les professionnels de santé aux questions sociales, les former au repérage des situations sociales difficiles et à une meilleure prise en compte des problèmes d’alcool ; intervenir auprès des entreprises pour prévenir la mise à l’écart des salariés qui ont des problèmes de santé et faire prendre en compte par les politiques de gestion de la main d’œuvre la chronicisation de certaines maladies ; proposer aux chômeurs et aux rmistes, dans le cadre du Service public de l’emploi, un suivi et un accompagnement en termes de santé, au même titre que des actions de formation ou de réinsertion ; réfléchir au ciblage et à la modulation des messages de prévention, dont il faut mettre en doute la capacité à atteindre les différents groupes sociaux, par exemple en matière d’habitudes de vie ou de nutrition.

Quant au système de soins proprement dit, le coût de son financement collectif (près de 9 % du PIB) apparaît trop élevé pour que son organisation et ses pratiques ne soient pas reconsidérés au regard d’une telle priorité. Et le prisme des inégalités de santé est sans doute une voie majeure pour revisiter la fonction, l’organisation et le financement des soins primaires en France, et leur reconnaître une fonction sociale et préventive de proximité, ceci ne pouvant manquer d’avoir des conséquences à terme sur la formation, la rémunération et l’évaluation des professionnels de santé.

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