avril 2011

Archive mensuelle

Le feu de l’époque

Créé par le 30 avr 2011 | Dans : Santé-social-logement

Éditorial de l’Huma par Jean-Emmanuel Ducoin

Le suicide est-il toujours, comme le disait Victor Hugo, « cette mystérieuse voie de fait sur l’inconnu » ? Parfois, mettre fin à ses jours révèle dans toute sa cruauté un état de légitime défense. De sorte que l’acte n’en est plus un acte en tant que tel. Saisi comme par un vertige, le suicidé subit le suicide… Chacun le sait, il est des souffrances extrêmes qui, nolens volens, tendent un miroir mortifère sur l’état de nos sociétés et nous permettent de disséquer, dans un processus violent, les tréfonds de ce que nous continuons d’appeler encore « le monde du travail »…

Ainsi en est-il du dernier suicide chez France Télécom-Orange, dont le « mode opératoire », comme disent froidement les cliniciens, par sa symbolique du geste et du lieu, ne laisse rien au hasard. L’immolation par 
le feu ; et sur le parking d’un des sites de son entreprise… Tel était le choix définitif de Rémi L., mardi à Mérignac. Un choix radical et choquant, pour ses proches, pour ses amis, pour nous tous en vérité, mais le choix d’un homme au bout du bout, qui, exténué par des années d’humiliations et de cruelles expériences, ballotté ici et là au gré de sa hiérarchie et des instructions managériales imposées par le groupe, a préféré se retirer de la pire des manières, en laissant l’empreinte de sa mort sur un mur pour jamais assombri… En choisissant l’horreur sacrificielle absolue, à l’endroit même de son dernier poste fixe chez Orange, sans doute Rémi L. 
voulait-il à la fois ranimer les terribles souvenirs de l’ère Didier Lombard, dont la gestion des « ressources humaines » fut dénoncée suite à la vague de suicides, 
tout en révélant à tous, par l’ampleur d’un suicide impossible à cacher, que la situation chez France Télécom reste grave et provoque encore des douleurs psychologiques susceptibles de drames.

Le cas de Rémi L. fut emblématique. Devenu l’un des « préventeurs » au sein de l’entreprise, fonction créée pour prévenir les risques professionnels, 
« il était depuis quelque temps très amer car il s’était aperçu que tout ceci n’était que de la poudre aux yeux », témoigne un collègue… Depuis le départ de Didier Lombard et la nomination de Pascal Richard, la direction avait annoncé un changement dans ses méthodes 
de gestion, assurant que l’entreprise était parvenue à « apporter des réponses fortes » à la souffrance au travail… Comment n’en pas douter ? Au seuil de la colère, quand toutes les frontières de la douleur ont cédé sous les assauts de l’injustice, que dire encore de la course à la rentabilité, de la réalité du stress, des ambiances délétères, des traces spectrales laissées par le « time to move » ? Figure là tout ce que nous connaissons de l’évolution 
du travail au sein de l’économie dite libérale, la pression, la précarisation, la subordination, la concurrence entre salariés, l’individualisation des responsabilités, 
la désaffiliation, la sauvagerie du chacun-pour-soi…

Nous connaissons parfaitement bien les racines du mal. Mais que le suicide puisse devenir 
un acte ultime de résistance est une idée insupportable ! Il est grand temps que les gestes individuels et désespérés cèdent la place à des actions collectives et syndicales 
de grande ampleur, pour que les salariés eux-mêmes imposent des règles fondées sur le vivre-ensemble 
et le développement. Faute de quoi, la morbide série 
de suicides se poursuivra, comme depuis des années, 
dans tous les secteurs : Renault, France Télécom, HSBC, BNP Paribas, La Poste, EDF, Sodexho, Ed, IBM, etc. 
Des vies en dépendent. Qui en doute?

Que le suicide puisse devenir un acte ultime de résistance est une idée insupportable !

Jean-Emmanuel Ducoin, le 28 avril 2011

L’Etat palestinien, c’est maintenant !

Créé par le 30 avr 2011 | Dans : Monde arabe, Proche et Moyen-Orient

Le Proche-Orient est à la croisée des chemins. La poursuite de la colonisation israélienne de la Palestine a conduit les négociations de paix dans l’impasse. Le désespoir risque de provoquer l’éclatement d’une troisième Intifada. A l’heure où les peuples arabes reprennent en mains leur destin, seule une reconnaissance généralisée de l’Etat de Palestine dans les frontières d’avant la guerre de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale, peut ouvrir une perspective nouvelle.

Or, le 24 septembre 2010, le président Barack Obama a proposé à l’Assemblée générale des Nations unies de « revenir l’année prochaine avec un accord qui amènera un nouvel Etat membre aux Nations unies, un Etat palestinien indépendant et souverain, qui vive en paix avec Israël ».

Ce moment est venu. Le président Mahmoud Abbas a entamé une tournée afin d’obtenir la reconnaissance de l’Etat de Palestine. En Israël même, des personnalités, pour la plupart issues du Mossad, du Shin Bet, de l’armée et du monde des affaires, ont rendu publique une « Initiative de paix israélienne » en faveur de la création d’un Etat palestinien à côté de celui d’Israël. Cette initiative a été suivie d’une pétition dans le même sens signée par une soixantaine de personnalités, dont dix-sept lauréats du prix Israël, une des plus hautes distinctions en matière d’art, de sciences, de lettres. Les signataires ajoutent : « Nous avons regardé autour de nous, constaté ce qui se passe dans les pays voisins et nous nous sommes dit qu’il est temps pour les Israéliens de faire entendre leur voix. »

Nous exhortons la communauté internationale à prendre enfin ses responsabilités : soixante-quatre ans après l’avortement du plan de partage de la Palestine qu’elle ne s’est pas donné les moyens d’appliquer, il lui revient d’assurer un règlement définitif, juste et durable fondé sur le droit international.

La France et l’Union européenne doivent prendre l’initiative en reconnaissant sans attendre l’Etat palestinien dans les frontières d’avant la guerre de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale, et en appelant l’ONU à faire de même sans délai. Mais nous ne pouvons nous en remettre aux seules autorités nationales et internationales.

Notre responsabilité de citoyens est aussi de mobiliser l’opinion pour qu’elle pèse dans ce sens. C’est pourquoi nous invitons les personnalités et les intellectuels de toutes origines, tendances et sensibilités à se joindre à cet appel.

Pour que la paix l’emporte sur la guerre. Pour empêcher de nouvelles tragédies. Pour assurer l’avenir des deux peuples vivant sur cette même terre.



Jean Christophe Attias, directeur d’études à l’EPHE (Sorbonne) ;
Bertrand Badie, politologue ;
Jean Baubérot, historien et sociologue ;
Esther Benbassa, directrice d’études à l’EPHE (Sorbonne) ;
Monique Chemillier-Gendreau, professeure émérite (université Paris VII-Diderot) ;
Jean Daniel, éditorialiste, écrivain ;
François Gèze, éditeur ;
Gisèle Halimi, avocate, ambassadrice de l’Unesco ;
Stéphane Hessel, ambassadeur de France ;
Daniel Lindenberg, professeur émérite (université Paris-VIII-Saint-Denis) ;
Roger Martelli, historien ;
Edgar Morin, sociologue ;
Pierre Nora, historien ;
Ernest Pignon-Ernest, artiste plasticien ;
Joël Roman, philosophe ;
François Salvaing, écrivain ;
Dominique Vidal, historien et journaliste.

Collectif

LEMONDE | 28.04.11 |

Quinze siècles de combats pour un idéal, par Henri Pena-Ruiz

Créé par le 26 avr 2011 | Dans : Articles de fond

De l’Antiquité au début du XXe siècle, Henri Pena-Ruiz retrace les grandes étapes de l’histoire mouvementée de la laïcité.

Présentant ici les acteurs historiques de la laïcité, Henri Pena-Ruiz donne les clés pour comprendre comment cet idéal a mis quinze siècles à s’imposer en France.

Constantin et Théodose

L’épée spirituelle et l’épée temporelle

L’idée de laïcité s’est forgée à partir d’une réalité marquante dans tout l’Occident : la collusion du politique et du religieux. Collusion qui se manifeste dès Constantin et Théodose à Rome, lorsqu’on décide que le christianisme sera l’unique religion d’empire et que, notamment après Théodose, au IVe siècle après J.C., on détruit toutes les bibliothèques de l’Antiquité. Une époque terrible où va se forger le thème des deux glaives. L’épée spirituelle et l’épée temporelle. Celle de l’excommunication, on exclut quelqu’un parce qu’il n’est pas dans la ligne. Celle de la sanction physique qui tue. L’Eglise va se doter d’une orthodoxie en dehors de laquelle il n’y a qu’hérésie, c’est-à-dire dissidence. L’hérésie arienne est la première réprimée, dès le IVe siècle : elle niait la divinité du Christ, considérant qu’il était un prophète, un homme inspiré par Dieu, et non pas Dieu lui-même incarné. Or l’Eglise interdit qu’on nie l’incarnation, qui distingue notamment le christianisme du judaïsme (Moïse n’est que prophète, il n’est pas Dieu incarné). L’autre grande hérésie est celle des Cathares, au XIIe siècle, également violemment réprimée : ils étaient accusés d’être des adorateurs du diable. Rappelez-vous l’ordre du légat du pape : «Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens.»

Cette collusion va durer en gros quinze siècles, de la fin du IIIe siècle à la Révolution française. Quinze siècles d’extrême violence, liée au fait que la foi dicte la loi. Cela se traduit par la production d’une normativité religieuse dans les relations personnelles, la sexualité, la conception de la famille, les rapports entre l’homme et la femme. Les trois monothéismes ont toujours consacré la domination de l’homme sur la femme, sans doute parce qu’on vivait dans des sociétés patriarcales, et tout religieux qu’ils étaient, ils avaient tendance à sacraliser les préjugés d’une époque. Quand Dieu de la Bible dit à Eve : «Tes désirs te porteront vers ton mari et lui dominera sur toi», évidemment un croyant d’aujourd’hui peut se demander si c’est Dieu qui dit ça ou si ce sont les hommes qui attribuent leurs préjugés à Dieu.

Luther et Henri IV

«Paris vaut bien une messe»

Huit guerres de religion en France après l’émergence du protestantisme et la critique des indulgences par Luther en 1517 vont conduire un roi, Henri IV, ancien protestant, à se convertir en 1593 au catholicisme par raison d’Etat et non par conviction. «Paris vaut bien une messe», aurait-il dit. Le summum de l’horreur est antérieur : le massacre de la Saint-Barthélemy, le 24 août 1572, ordonné par Charles IX et les Guise fanatiques, fait 3 500 morts à Paris (autant que les victimes des Twin Towers à New York).

L’acte d’Henri IV est une ouverture fondamentale : le roi se demande si une religion est indispensable pour qu’il y ait unité du royaume. Henri IV veut mettre un terme aux guerres de religion, et dans le sillage de Michel de L’Hospital, grand humaniste de l’époque, il rédige l’édit de Nantes. Un édit de tolérance, au sens où le roi, catholique, tolère, c’est-à-dire supporte – tolerare en latin signifie «supporter» – que certains de ses sujets soient protestants, qu’ils appartiennent à la religion qu’on appelait alors RPR (religion prétendue réformée). Cette tolérance institutionnelle implique cependant une inégalité. Les protestants ne tiennent pas leur liberté de culte de leur dignité d’homme qui doit être libre, ce que dira plus tard la Révolution française, ils la tiennent d’une autorisation donnée par le prince.

Louis XIV

«Un roi, une loi, une foi»

La preuve qu’il s’agit bien d’une tolérance arrive un siècle plus tard quand Louis XIV révoque l’édit de Nantes. Dans l’édit de Fontainebleau en 1685, il réinstaure une domination totalitaire du catholicisme, adoptant d’ailleurs une maxime éloquente : «Un roi, une loi, une foi.» Les persécutions contre les protestants reprennent. Dans son livre d’histoire, le Siècle de Louis XIV, Voltaire y voit la plus grande faute du règne du roi Soleil. Faute économique, car les protestants, pour des raisons théologiques, jouent un rôle déterminant dans l’économie ; faute humaine ; faute sociale (on assiste à un énorme exode des protestants vers le nord-est de l’Europe) qui implique un bouleversement de l’économie française.

Les libres penseurs et les Lumières

S’agissant des Lumières, on quitte le champ institutionnel pour la philosophie. Or, la philosophie en matière de laïcité remonte loin, puisque l’existence de Dieu est discutée depuis l’Antiquité.

Socrate, Marc Aurèle et Cicéron

La liberté de conscience et la loi naturelle

«Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien», pensait Socrate. Cette réflexion fonde ce que j’appellerai le principe de la liberté de conscience. L’héritage stoïcien est très important. Il pose la liberté de la conscience, que Marc Aurèle, dernier empereur stoïcien, évoquait avec cette très belle image : celle d’une citadelle imprenable, intérieure. Cicéron propose une autre idée, très forte, dans son De Re Publica : il existe une sorte de loi naturelle en amont de la loi écrite. Cicéron s’inspire là d’Antigone, quand elle s’oppose à Créon qui veut la condamner car elle a jeté à la dérobade une poignée de terre sur le cadavre de son frère, Polynice, pour qu’il soit inhumé. Elle va être emmurée vivante, et dans un dialogue très violent, Sophocle lui fait dire : «Tu prétends m’interdire ceci au nom de la loi de la cité, mais il y a une loi plus profonde qui est la loi naturelle qui veut qu’on enterre son frère.» C’est l’origine de ce qu’on appelle le jus naturalis, la théorie du droit naturel. Ce droit va se développer au fil des siècles, malgré les légistes du roi partisans du droit canon qui ne l’adoptent pas. Quand le droit canon dit que l’homme est pécheur, et à ce titre n’a pas de droits, et que les seuls droits sont ceux de Dieu, le droit naturel dit que l’homme, étant homme, a par nature des droits. Les philosophes se feront les héritiers d’un long cheminement, notamment à la Renaissance, où l’on revient à l’Antiquité.

Copernic, Galilée et Descartes

«Et pourtant, [la Terre] tourne»

Je ne dirai pas que Descartes est un penseur du droit naturel, parce qu’il ne s’est pas penché sur la question juridique. Mais lorsqu’il dit dans ses «règles de la méthode» «ne rien admettre pour vrai que je ne le connusse être évidemment tel», il oppose ce que j’appellerai le principe de raison au principe d’autorité. Des savants l’ont dit avant lui. En 1543, Copernic a acquis la conviction que le centrisme est une illusion de perspective, et qu’en vérité, c’est la Terre qui tourne autour du soleil d’un double mouvement. Il ajoute en substance : «Peut-être abusera-t-on contre moi des passages de l’Ecriture, à quoi je réponds que ce qui est affaire de mathématiciens doit être tranché par les mathématiciens et ce qui est affaire de théologie par les théologiens.» Donc il revendique le droit de libre examen. A quoi fait-il référence quand il parle des passages de l’Ecriture ? Au chapitre 13 du Livre de Josué, qui est en train de se battre sur les remparts de Gabaon. Pour parachever sa victoire, Josué a besoin que la nuit ne tombe pas et dit : «Soleil, arrête-toi au-dessus de Gabaon.» Et le soleil se serait arrêté dans le ciel. Moyennant quoi, Copernic, qui conteste les mouvements du soleil et de la Terre, sera condamné par l’autorité catholique mais aussi par Luther au nom d’une lecture littérale de la Bible. Descartes se rallie secrètement à l’hypothèse copernicienne et galiléenne. En 1632, Galilée l’a en effet reprise, cela lui vaudra une condamnation de l’Eglise qui l’oblige à se rétracter (c’est le fameux «Et pourtant elle tourne» qu’il aurait dit en aparté).

Montaigne et John Locke

L’abstention

Les philosophes préparent les outils intellectuels de l’émancipation en distinguant le principe de raison et le principe d’autorité. Les Essais de Montaigne montrent son scepticisme, mais c’est du côté des Anglais que le rôle décisif est joué. John Locke, dans son Traité du gouvernement civil, explique que la puissance politique doit s’abstenir d’énoncer des normes en matière religieuse, car elle ne gouverne pas les âmes mais les corps. Locke prône donc une abstention. Quand Nicolas Sarkozy dit «la République a besoin de croyants», il bafoue tout simplement ce que disait déjà Locke au XVIIe siècle.

Montesquieu, Voltaire et Rousseau

Le chevalier de la Barre et l’affaire Calas

Au début du XVIIIe siècle, la question posée est le transfert de cette matrice intellectuelle de la liberté au politico-social. Les réponses viendront des grands philosophes des Lumières. D’abord chez Montesquieu, dans De l’esprit des lois et même déjà dans les Lettres persanes, où il défend le principe de la séparation des pouvoirs, car il est contre l’absolutisme. Il n’admet de monarchie que parlementaire et tempérée, sur le modèle anglais et contre la monarchie de droit absolu, divin, de la France. Comme Montaigne avant lui, il dénonce les persécutions religieuses. Notamment celle que subit le chevalier de La Barre : en 1762, pour n’avoir pas salué au passage d’une procession, le jeune homme est torturé et exécuté. Voltaire va, lui, défendre Jean Calas, exécuté également en 1762 sur ordre du parlement de Toulouse, sur la base d’une calomnie : Jean Calas aurait maquillé en suicide le meurtre de son fils, alors que celui-ci s’est réellement suicidé. Le père aurait tué le fils parce que celui-ci voulait abandonner la religion protestante pour se convertir au catholicisme. La famille de Calas convainc Voltaire de son innocence. Pour moi, c’est là l’œuvre majeure de Voltaire : il obtient la réhabilitation post mortem de Calas et écrit l’un de ses plus beaux textes, le Traité sur la tolérance.

Mais on est encore dans le principe de la tolérance où l’autorité en vigueur dispose de la liberté des êtres humains. Là intervient Rousseau, qui pose une distinction entre privé et public. Dans le Contrat social, il écrit qu’il y a deux personnes en chaque personne, la publique et la privée. La personne publique est celle dont la sphère d’action a des conséquences pour autrui. La personne privée, dont Rousseau crée l’existence, est la sphère d’action sans incidence sur autrui. Il précise que l’autorité politique n’a pas à normer la conscience humaine. Surtout, Rousseau érige que les hommes sont naturellement libres et naturellement égaux, s’inscrivant dans le sillage du droit naturel. Pourquoi est-ce si important de dire que les hommes sont par nature libres et égaux ? Parce que la liberté et l’égalité ne découlent plus du bon vouloir du prince.

Mirabeau

La liberté de conscience et l’égalité de droit

La destruction de la Bastille, le 14 juillet 1789, est une façon de dire «vive la liberté». L’abolition des privilèges, le 5 août, une façon de dire «vive l’égalité». Et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le 26 août, une façon de jeter les fondements constitutionnels de la charte de droits sur laquelle doit se régler désormais le politique. Tous les éléments de la laïcité sont prêts. Comme le dit Mirabeau dans un très beau discours : «Je ne demande pas la tolérance, car dire tolérance suppose une autorité qui tolère, et une autorité qui tolère aujourd’hui peut très bien demain ne plus tolérer.» La philosophie sur laquelle va se poser la refondation laïque de l’Etat se retrouvera d’ailleurs dans la loi de 1905 : la liberté de conscience totale. Pas seulement la liberté religieuse que les partisans de la prétendue laïcité «ouverte» ne cessent de mettre en avant. Ce n’est pas par liberté religieuse que Sartre ou Camus seront athées, mais par liberté de conscience. Le deuxième principe fondamental est l’égalité de droit. Croire en Dieu ne donne pas plus de droits que lorsqu’on est athée. L’inverse est aussi vrai. L’Union soviétique stalinienne qui ferme les églises et persécute les orthodoxes est aussi antilaïque que la Pologne catholique qui impose la prière publique dans les écoles. Si on utilise de l’argent public pour financer des écoles privées religieuses, cela signifie qu’on fait financer par des athées la diffusion du privé, ce qui est tout à fait illégitime. Là encore, on peut s’indigner de l’inverse : imaginez des écoles privées qui feraient une catéchèse de l’humanisme athée, et qu’on exige des contribuables croyants de les financer.

Condorcet

L’éducation, nerf de la guerre

C’est Condorcet l’inventeur génial de l’école laïque et de l’instruction publique. Il est de ces hommes des Lumières qui considèrent qu’il ne suffit pas que le peuple ait conquis la souveraineté. Il faut aussi qu’il soit instruit pour exercer lucidement son suffrage. Condorcet considère que l’instruction ne peut être que laïque : indépendante du dogme religieux. Si on enseigne la science, on n’a pas à la soumettre à la censure religieuse. Le personnel enseignant doit dépendre de l’Etat, donc de la puissance publique, et en aucun cas d’une puissance privée. Ce qui ne veut pas dire que Condorcet est favorable au monopole de l’enseignement par l’Etat. Les citoyens qui voudront s’associer pour faire des écoles privées, même religieuses, pourront le faire librement. Mais l’Etat n’aura plus à financer ces écoles. Pour les Eglises, détenir les écoles est le nerf de la guerre. Ce qu’Althusser appelait un appareil idéologique. L’Eglise ne peut accepter sans combattre cette dépossession d’un privilège inouï dont elle jouissait dans l’Ancien Régime. C’est pourquoi, autour de l’école publique, il va y avoir un combat terrible. Mais c’est surtout Jules Ferry, quatre-vingt-dix ans plus tard, qui rendra l’instruction publique, laïque, gratuite et obligatoire.

Boissy d’Anglas

Le décret du 3 ventôse de l’an III

La Révolution jette donc les bases de la laïcité. C’est le moment où l’histoire rejoint la philosophie. Gardons la date importante pour ce qui nous concerne : le décret rédigé par Boissy d’Anglas du 3 ventôse de l’an III (21 février 1795), qui sépare l’Etat et l’Eglise. C’est la première avancée législative et les termes sont très clairs : nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d’un culte. La République n’en salarie aucun. Cette formule, avec celle de la Commune de Paris moins d’un siècle plus tard (1871), est la plus nette pour définir la laïcité. On la retrouvera dans la loi de 1905 : la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte.

Napoléon Ier

Le retour au sacre de la puissance publique

Il est le premier à être revenu en arrière, avec le concordat de 1801 qui rétablit un statut public des cultes. Il le fait comme Sarkozy aujourd’hui : dans une perspective d’instrumentalisation politique du religieux. Napoléon n’était pas un fervent croyant. En 1801, il a déjà un projet qui n’est plus de n’être seulement le soldat de la révolution, mais à terme de reconstituer un empire et une dynastie d’Ancien Régime. Il va restaurer l’un de ses symboles majeurs, le sacre, même s’il se sacre lui-même. Sacraliser à nouveau la puissance publique, c’est remettre en question la laïcité. Car la puissance publique n’a pas à être sacralisée ; respectée, oui, mais l’opérateur symbolique du respect est le serment sur la Constitution, pas un sacre devant Dieu. Le catéchisme impérial va restaurer le financement public des religions, catholique, protestante et israélite ensuite. Les ministres des cultes redeviennent salariés. Quant à la reconnaissance du culte israélite, Napoléon semble poursuivre là l’œuvre de l’abbé Grégoire qui, avec Condorcet, dénonçait la persécution des juifs. Il faut lire le très beau livre des Badinter sur le sujet. Cesser la persécution était évidemment nécessaire, mais cela ne devait pas impliquer de financer le culte israélite.

Alfred de Falloux contre Victor Hugo

«Je veux l’Eglise chez elle et l’Etat chez lui»

Le 15 mars 1850, Alfred de Falloux, ministre de l’Instruction publique et des Cultes du prince – le président Louis-Napoléon Bonaparte – fait voter une loi qui crée deux types d’écoles, publiques et privées. Ces dernières dispensent des enseignements religieux, et elles vont être subventionnées en partie par des fonds publics. L’ensemble public-privé est contrôlé par des inspecteurs d’académie, les autorités locales et les ministres du culte. En janvier 1850, Victor Hugo avait tenu un discours tonitruant contre ce projet, qu’il accusait d’organiser le contrôle du clergé sur les écoles. Hugo est pourtant chrétien, mais il distingue le parti clérical comme il l’appelle et la religion. «Vous osez vouloir contrôler l’enseignement de la jeunesse alors que vous n’avez cessé de censurer l’humanité dans toutes ses œuvres …]. En un mot, je veux l’Eglise chez elle, et l’Etat chez lui.» Cinquante ans avant la loi de 1905, Victor Hugo prononce la formule qu’il fallait dire.

Edouard Vaillant et Louise Michel

La Commune de Paris

Il faut attendre les débuts de la IIIe République, c’est-à-dire les événements tragiques de la Commune de Paris, pour que la laïcité soit réaffirmée. C’est l’une des grandes œuvres de la Commune. Le socialiste Edouard Vaillant et Louise Michel, «la vierge rouge» comme on l’appelait (d’ailleurs une très grande amie de Hugo) en sont les principaux acteurs.

Le 17 mai 1871, Edouard Vaillant dit par exemple : il faut assurer à chacun la véritable base de l’égalité sociale, l’instruction intégrale à laquelle chacun a droit. Le 2 avril 1871, la Commune de Paris proclame la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le budget des cultes est supprimé, et les biens appartenant aux congrégations religieuses sont déclarés propriétés nationales. Pendant ces quelques mois héroïques, la Commune de Paris a fait un travail admirable. Elle crée aussi l’idée d’écoles pour les filles, pour laquelle milite Louise Michel. L’égalité des sexes est une des valeurs majeures de la Commune de Paris, d’autant plus affirmée qu’elle va de pair avec l’affirmation de la laïcité. Pourquoi ? Parce que l’Eglise n’a jamais admis, sauf contrainte et forcée, l’égalité des sexes. Le dispositif législatif de la Commune ne survivra pas à l’assassinat légal de 20 000 communards.

Léon Gambetta, Jules Ferry et René Goblet

La séparation de l’école et de l’Eglise

De 1881 à 1889, le travail législatif de laïcisation est intense. En huit ans, c’est l’inscription dans les textes de la laïcité, centrée en gros sur la séparation de l’école et de l’Eglise. Déconfessionnalisation des cimetières, suppression des prières qui ouvraient les travaux parlementaires, instruction primaire laïque gratuite obligatoire pour les enfants des deux sexes de 6 ans à 13 ans, loi Goblet qui laïcise les personnels enseignants, et pour finir, suppression des subventions aux écoles privées. Six ans plus tard viendra la loi de séparation de l’Etat et de l’Eglise.

Aristide Briand et Jean Jaurès

La loi de 1905, compromis et entorses

La discussion de la loi de 1905 fut âpre, mais elle définit clairement la laïcité : la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. Pour l’adopter, il a fallu aménager des compromis : l’entretien des églises en est un, 34 500 églises et cathédrales étant la propriété de l’Etat depuis la Révolution. Après des débats très agités, l’Etat décide qu’il reste propriétaire de ces biens, et il leur donne un statut patrimonial, de monument historique. On peut désormais entrer dans Notre-Dame sans se signer pour contempler les vitraux, voire écouter un concert d’orgues. Certains étaient partisans de prélever un loyer, mais Briand et Jaurès ont plutôt incliné vers la mise à disposition gracieuse. Depuis le 1er janvier 1906, l’Etat ne peut financer ni la construction ni l’entretien de nouveaux lieux de culte, quelle que soit la religion. Quand Jack Lang a accepté de financer sur des fonds publics la cathédrale d’Evry [Essonne] sous prétexte d’y faire un musée d’art chrétien, il est totalement hypocrite. En fait de musée, il y a deux salles avec trois objets qui se battent en duel. L’argent public d’un ministère socialiste de la Culture a servi à construire un lieu de culte. C’est une entrave à la loi de 1905. Quant à Delanoë, qui a financé une partie des travaux dans le temple de la rue Madame, dans le VIe arrondissement de Paris, il a, lui aussi, violé ouvertement la loi de 1905.

Les deniers du culte, qui sont des dons volontaires à l’Eglise, sont une autre affaire, mais ils sont aussi une entorse à la loi de 1905 : aujourd’hui encore, vos dons à l’Eglise sont défiscalisés. Si vous donnez 100 euros aux deniers du culte, l’Etat déduit 66 euros de votre impôt. Alors que la défiscalisation n’a de sens que pour des œuvres d’intérêt général. Si vous versez 100 euros aux Restos du cœur, l’Etat déduit également 66 euros, mais là, c’est légitime, car les Restos du cœur, qui donnent à manger à ceux qui ont faim, sont d’intérêt général.

Tribune dans Libé du 23/04/2011

Hommage à Fidel Castro – Après le sixième congrès, une seule alternative pour le socialisme cubain : l’audace ou l’enlisement

Créé par le 25 avr 2011 | Dans : a-le quartier libre de XD, a2-Blog-notes politique de XD, Amérique Latine

p1000251.jpgL’éditorialiste du blog citoyen à Santa Clara, crédits photographiques du blog citoyen, socialiste et républicain

Les commentaires de la presse française autour de  la tenue du sixième congrès du parti communiste de Cuba reflètent dans leur ensemble une vision caricaturale d’un régime épuisé sans analyse objective des paradoxes et des dynamiques de la réalité cubaine.

crédits photographiques du blog citoyen, socialiste et républicainp1000236.jpgUne peinture de l’exposition dans le train blindé de Santa Clara

Nos médias s’affranchissent allègrement de toute approche concrète. A titre d’exemple, l’animateur de l’émission C dans l’air semble même ignorer la réalité majeure de l’embargo américain en questionnant naïvement ses invités sur l’actualité de cette mesure. Il s’agissait alors de représailles envers un peuple qui mit fin à la dictature de Batista il y a de cela, pour mémoire, cinquante deux ans.

hpim4298.jpgLe Che au musée de la Révolution, crédits photographiques du blog citoyen, socialiste et républicain

C’est du reste un lieu commun que d’évoquer les aberrations stratégiques et politiques des Etats-Unis dans cette période qui précéda, accompagna et suivit la Libération de l’île, alors véritable bordel des Etats-Unis dans les mains d’une mafia sévissant dans les secteurs des jeux de casino et de la prostitution. La tentative, avortée dans l’oeuf, d’invasion yankee de la baie des cochons favorisa le basculement du pays dans l’alliance avec les soviétiques, après la proclamation du caractère socialiste de la Révolution et avec les épisodes suivants qui ne firent qu’amplifier cette orientation du nouveau régime. L’affaire des missiles soviétiques est devenue un grand classique des études stratégiques pour chaque étudiant en sciences politiques : le retrait des missiles, malgré une apparence de victoire immédiate des USA dans cette épreuve de force, conforta la souveraineté populaire et étatique de Cuba qui a troqué ce retrait à cet effet. Le Che, crédits photographiques du blog citoyen, socialiste et républicainp1000370.jpg

Pour être de ceux qui pensent, dans le sillon fécond d’un Che visionnaire, que la soviétisation du régime n’était ni inéluctable ni souhaitable, je n’en demeure pas moins scrupuleusement attaché à confronter mes critiques à la réalité historique. Des visites du musée de Playa Giron au train blindé de Santa Clara  prolongent utilement celles du musée de la Révolution à La Havane ou de la caserne de la Moncada à Santiago de Cuba.

 hpim4919.jpgarchives février 2010, crédits photographiques du blog citoyen,  socialiste et républicain, discussion avec un combattant historique de la région de Playa Giron

Avec les écrits et témoignages de la génération révolutionnaire de Raoul et Fidel ou des proches des premiers fondateurs du Parti communiste cubain, rencontrés aux hasards de déplacements très récents dans l’île, nous pouvons comprendre la nature de la guérilla, cette contre-offensive stratégique opposée aux forces armées d’une dictature qui érigeait en moyen de défense les liquidations sommaires, les tortures, les emprisonnements  et la répression brutale de tout mouvement d’émancipation.

p1000595.jpgDocuments d’archives à la caserne de La Moncada, crédits photographiques du blog citoyen, socialiste et républicain

On ne comprendrait rien de cette épopée révolutionnaire de guerre de libération nationale sans cette approche concrète qui conduit aussi à revisiter en dehors des idées reçues, le processus post-révolutionnaire. J’emploie à souhait ce terme sans doute équivoque  pour un régime qui se revendique toujours du point de vue de la Révolution.

La décennie soixante-dix ouvre avec la soviétisation un processus de transition socialiste très contradictoire. Théatre, selon les écrits du professeur Fernando Martinez Heredia, –  jadis ouvrier et guérillero révolutionnaire -,  d’extraordinaires réussites, mais aussi de déformations, de détournements et de reculs. A cette époque, le consensus de la majorité populaire envers une authentique révolution en marche est parasité par l’idéologie d’un régime bureaucratique, autoritaire qui envahit tous les espaces et génère une tragique confusion en  s’arrogeant la propriété du socialisme. Idéologie dogmatique qui est cause aujourd’hui de la dépréciation de l’idée communiste après sa totale déformation dans les régimes dits du socialisme réel et consécutivement à leur chute.

p1000823.jpgcrédits photographiques du blog citoyen, socialiste et républicain, taxis dans la péninsule de Zapata, au choix, bicyclette ou cheval…p1000825.jpg

Le peuple cubain endure un véritable calvaire depuis qu’il est privé de tous ses échanges économiques avec les pays de l’Est – que serait la France privée de commerce avec ses partenaires traditionnels et en butte au blocus économique d’autres grandes puissances?-  et le niveau de vie a suivi l’effondrement économique dans la fournaise des années 90.

Mais la société promeut activement ses services publics dans l’éducation, la culture, la santé et conserve des dispositifs de protection sociale. Jusqu’où peut-elle préserver ses acquis dans une économie étatisée à bout de souffle? C’est tout l’enjeu du sixième congrès qui vient de se conclure par l’adoption des quelques trois cents mesures économiques et sociales qui devraient fortement impacter le pays dans les tous prochains mois. 

Des  photos récentesp1000329.jpg de la familia cubana,p1000324.jpg crédits photographiquesp1000319.jpgdu blog citoyen, socialistep1000332.jpg et républicain. Nombre d’entre les membres de la familia cubana ont réalisé des missions en Afrique ou en Amérique Centrale ou du Sud. Un médecin reste prêt pour une mission médicale au Vénézuela.p1000148.jpgIci, trois générations réunies autour de la veuve d’un membre fondateur du Parti communiste de Cuba.

C’est toute l’audace de ce congrès que de vouloir établir de nouvelles formes de propriété sociale et d’initiatives privées pour vaincre la pénurie de travail et de revenus. Mais c’est aussi toute la limite de cet exercice qui s’accompagne de difficiles remises en question de l’intervention publique dans le champ de la protection sociale. Nous avons longuement discuté de ces questions au décours de nos rencontres avec des travailleurs cubains et leurs familles de toutes générations mais aussi avec des communistes dont une amie déléguée au congrès qui nous en a expliqué les enjeux.

 

Nous comprenons tout à fait cette volonté de mettre fin aux abus de l »égalitarisme » qui conduit à l’assistance. Cuba ne peut être en effet le seul pays au monde rémunérant l’ensemble de sa population en découplant rémunération et compétence ou productivité, sécurité sociale ou professionnelle et incitations au travail,  redistribution et capacité de financement. p1000770.jpgUne petite entreprise de restauration rapide, crédits photographiques du blog citoyen, socialiste et républicain

Le pays reconnaît déjà l’existence d’initiatives privées. Les secteurs de la restauration - traditionnelle avec les « paladares » ou plus récemment ceux de la restauration rapide – et de  l’hotellerie avec « las casas particulares », du transport ( taxis en voiture à cheval, bicyclette et plus rarement voiture motorisée ), du commerce – des fruits aux CD en passant par les produits artisanaux, sans oublier les cours de salsa ou le marché du livre d’occasion -, sont autant de manifestation de cette esprit d’initiative et, reconnaissons le, d’appât du gain, en oeuvre dans une société cubaine encore préservée de l’esprit individualiste et consumériste.

 p1000674.jpgcrédits photographiques du blog citoyen, socialiste et républicain, la politica de la calidad, une promotion actuelle de la qualité et des normes ISO… avec le label du Che!

L’attitude de l’Etat à l’égard du développement de la sphère économique privée constitue une dimension forte des problématiques du congrès car aujourd’hui, l’Etat la tolère ou la contrôle plus qu’il ne l’ encourage.

La feria del Libro dédiée dans tout le pays à Fernando Martinez Heredia, crédits photographiques du blog citoyen, socialiste et républicain

p1000604.jpgEn montrant une certaine rupture entre l’Etat et la société civile, Fernando Martinez Heredia, – cet intellectuel communiste qui préside par ailleurs la chaire Gramsci de  La Havane et à qui viennent d’être dédiées les « ferias del libro » courant février-mars 2011 dans tous le pays – présente les enjeux d’une refondation théorique et pratique du socialisme cubain face au risque d’une dissociation de l’identé cubaine d’avec le socialisme, lequel avait réussi à conjuguer souveraineté nationale et justice sociale, attachement patriotique et internationalisme, prouvant ainsi au monde entier la possibilité de réaliser ses promesses. Ce que ne pouvait lui pardonner l’impérialisme Nord Américain.

La société civile cubaine change, sa sociologie évolue et il ne sert à rien de masquer des différenciations sociales en oeuvre dans un processus d’évolution subi avec cette menace de désagrégation sociale. L’ « homogeneizacion », résultat de l’offensive culturelle du capitalisme mondialisé (ou globalisé) ne vise rien d’autre qu’à neutraliser, canaliser et manipuler le potentiel de révolte acquis dans les avancées de l’Humanité. L’objectif de  cette véritable guerre culturelle c’est d’enrayer les progrès de la conscience démocratique, égalitaire, écologique pour qu’elle ne puisse remettre en cause la domination capitaliste dans ses dimensions économiques, idéologiques et politiques, militaires et répressives. Cette domination qui pénètre la vie quotidienne et modifie les ressorts de la société.

Cette culture capitaliste peut à présent gagner du terrain à Cuba dans les conditions actuelles avec la crise économique et celle d’une grande partie des institutions, de l’idéologie et  des croyances pour imposer la cage de fer ( » jaula de hierro « ) d’une nécessité de réinsertion économique dans le monde capitaliste. Face à ce risque d’intégration dans le processus de globalisation néolibérale à l’échelle mondiale, il ne suffit donc plus de s’en référer aux seules idées et aux hommes de la période révolutionnaire et à ses mythes fondateurs. Les convictions et les survivance d’un passé de luttes, de victoires, de sentiments, d’idées et d’identité ne suffisent plus à relever les défis actuels et futurs! La culture ennemie ne se présente plus comme une contre-révolution. Elle se masque derrière l’idée d’un progrès, d’une adaptation aux mutations du monde et veut s’imposer comme une nécessité. Là bas comme ici!

L’Etat-Nation s’appuie encore sur une identité nationale mêlant Révolution, justice sociale et souveraineté. Le pouvoir politique lutte pour développer l’économie en maintenant le pacte social, à la base du système cubain. Mais il est affecté par son manque de moyens de financement, ses défauts profonds et le caractère même des changements structurels en cours. 

 p1000144.jpg un tag révolutionnairep1000235.jpg crédits photographiques du blog citoyen, socialiste et républicain 

« Revolucion es no mentir jamas » ! Raoul Castro

D’où l’appel aux ressources de la société civile dans les champs économiques, sociaux, culturels et politiques pour conjurer le risque d’enlisement.           

Un appel que l’on souhaiterait plus audible et plus fort après le récent congrès du parti communiste cubain…

XD

A lire

http://www.fondation-res-publica.org/L-Amerique-latine-en-mouvement_r64.html

 et sur le blog citoyen, socialiste et républicain  la revue de presse dans la catégorie Amérique Latine

 

Cuba, cinquante ans après la Révolution, quelles perspectives?

 

ou, sous la plume de XD, les articles référencés ci-dessous : 

Du temps de Fidel et de ses disciples

Che !

11 septembre, Chili au coeur ! ¡ Chile en el corazón !

Les dominants et les factieux contre une Bolivie terre d’émancipation

L’hommage fraternel des militants anonymes

La retraite du “comandante”

Cristina presidente ! Avec 43,55% des voix au premier tour selon le décompte de 75% des suffrages.

Los indios guaranies de “la tierra sin mal” : du mythe à la réalité

Los indios guaranies (suite)

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Le socialisme cubain, cinquante ans après, par Renaud Lambert

Créé par le 23 avr 2011 | Dans : Amérique Latine

« Cuba, c’est comme une telenovela de cinquante mille épisodes dont chacun pense que le prochain sera le dernier », résume Fernando Ravsberg, journaliste à la British Broadcasting Corporation (BBC). Avant d’ajouter, dans un sourire : « Mais elle continue toujours. » Cinquante-deux ans après le « triomphe de la révolution », le volet qui s’ouvre en 2011 débute par un événement et un double anniversaire.

L’événement ? La tenue du sixième congrès du Parti communiste cubain (PCC). Non seulement le précédent rassemblement du parti date de 1997, mais le président de l’Assemblée nationale, M. Ricardo Alarcón, estime que l’enjeu des travaux de cette année n’est autre que de « sauver le socialisme cubain ». Ce qui, peut-être, explique le choix des dates : du 16 au 19 avril.

1961 : les tensions avec le voisin du nord sont telles que plus personne, à Cuba, ne doute de l’imminence d’un débarquement piloté par Washington. Le 16 avril, mobilisant ses troupes pour la bataille qui s’annonce, Fidel Castro proclame le caractère socialiste de la révolution : « Voilà ce qu’ils ne peuvent pas pardonner : que nous, ici, sous leur nez, ayons donné naissance à une révolution socialiste. » Le lendemain, des exilés cubains tentent d’envahir l’île, en passant par la baie des Cochons. Après trois jours de combats, leur entreprise échoue.

A priori, le calendrier du congrès ne suggère pas la réforme. Pourtant, le 24 décembre 2010, un éditorial de Granma – l’organe du PCC – proclamait : « Il ne s’agit plus pour nous de réfléchir à “l’année qui vient” mais au “pays qui vient”. »

Cuba pourrait donc « vraiment » changer ? Sur le plan économique, tout conduit à penser qu’il le faudra. Les Cubains manquent de tout : le pays importe 80 % de l’alimentation dont il a besoin. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, la débrouille et les combines constituent un quotidien dont les discours officiels ont récemment pris acte : une petite révolution (lire notre reportage dans l’édition d’avril du Monde diplomatique, en kiosques.)

Pour une grande part, le document préparatoire du congrès – les lineamientos (« lignes directrices ») – vise ainsi à légaliser des pratiques courantes, mais discrètes : embauches d’autres Cubains, fixation des prix selon une logique de marché, rémunérations en fonction de la productivité, etc. Mais ce n’est pas tout : il faut « ouvrir l’économie », assène l’économiste Omar Everleny Pérez, l’un des directeurs du Centre d’étude de l’économie cubaine (CEEC) – où sont nées une grande partie des réformes en cours. De retour du Vietnam – « un pays qui ressemble beaucoup à Cuba et qui a beaucoup à nous enseigner » –, il martèle les priorités : « Changer l’état d’esprit des Cubains et accroître l’autonomie des entreprises. » Avant d’ajouter : « Il faut aller vite : pour mettre en œuvre un changement aussi brutal, on n’a que deux ou trois ans. »

S’agit-il pour Cuba de tourner le dos au socialisme ? Bien qu’elle aspire au changement, la population n’est pas disposée à tirer un trait sur les conquêtes sociales de la révolution. Et pour cause : la mortalité infantile de l’île est quatre fois plus faible que la moyenne de la région. Depuis 1950, l’espérance de vie est passée de 58 ans à 77 ans. Un numéro récent de la revue Foreign affairs soulignait que « Cuba est le seul pays pauvre au monde qui puisse affirmer que la santé ne constitue plus un problème fondamental pour sa population. Sa réussite dans ce domaine est inégalée ».

La logique des réformes ne risque-t-elle pas de conduire à la remise en question progressive de ce que l’on prétend aujourd’hui protéger ? Ce ne serait pas la première fois. La question est sur toutes les lèvres ; les démentis convaincants sont rares. Pérez, de son côté, n’hésite à se montrer brutal : « Oui, les inégalités vont augmenter. Mais elles existent déjà dans la société cubaine. »

En 1959, le monde est dirigé par des hommes nés au XIXe siècle : Dwight Eisenhower aux Etats-Unis, Charles de Gaulle en France, Harold Macmillan au Royaume-Uni, Konrad Adenauer en République fédérale d’Allemagne (RFA), Nikita Khrouchtchev en Union soviétique, Mao Zedong en Chine… « C’est dans ce monde de vieillards que débarquent les guérilleros – à la fois jeunes et photogéniques – des collines cubaines, observe l’historien Richard Gott. Des combattants pleins d’énergie, la vingtaine ou la trentaine, qui promettent de balayer l’ordre ancien et de faire advenir une nouvelle époque. »

Cinquante-deux ans plus tard, les guérilleros ont vieilli. Dans le système politique qu’ils ont conçu, la relève « jeune et pleine d’énergie » n’a pas sa place. Il revient donc aux mêmes de faire advenir, une fois encore, « une nouvelle époque ».

Renaud Lambert, Le Monde Diplomatique, édition électronique, jeudi 14 avril 2011

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