Le Mérens, « prince noir d’Ariège » mais cheval populaire
Créé par sr07 le 27 août 2011 à 7:02 | Dans : a-le quartier libre de XD
Connaissez-vous le Mérens? Ce petit cheval des pyrénées ariégeoises, originaire de la commune éponyme de ce département montagnard, très prisé en raison de sa grande polyvalence possède un excellent mental et un aspect fascinant : avec du cadre, de l’os, du lustre et du crin, cette morphologie athlétique marie robustesse et finesse dans une robe « noir zain ou pangaré » à l’instar de ses cousins Frison ou Minorquin, ces deux autres perles du monde équin.
Par delà cette éblouissante présentation, le Mérens rassemble surtout des qualités équestres essentielles. Elite en cheval de loisir, le Mérens a le pied sûr, un équilibre, un allant et une puissance qui vous transportent aux trois allures sur des terrains variés en toute sécurité, de la carrière de dressage aux chemins de crête et autres sentiers escarpés de basses montagnes.
Il faut assister, pour mieux vérifier cette adresse, à la spectaculaire descente dite « des éboulis » de la montagne de Bouan. En fin d’après-midi, depuis le pré où se tient annuellement (depuis 1979 à Bouan et cette année les 20 et 21 d’août dernier) le concours suprême de la race (les concours de la race existent depuis 1872), le spectacle de cette chevauchée cavalière sur des pentes caillouteuses à trente cinq degrés d’inclinaison, s’accompagne d’un silence religieux d’un public médusé. Public nombreux d’éleveurs, de cavaliers utilisateurs et d’amateurs régionaux, nationaux, voire internationaux avec cet engouement tout particulier des Hollandais, des Belges ou des Italiens. Dans ce canton de « Les Cabannes », à proximité d’Ax- les-Thermes et de Tarascon, le concours national des modèles et allures du Mérens honore les poulains et pouliches des « un et deux ans » manipulés, les poulains et pouliches de trois ans montés, les poulinières suitées ou les étalons approuvés. La désignation des champions suprêmes de la race, mâle et femelle des catégories des juniors ou séniors vient couronner le travail des éleveurs.
Avec près de cinq cent naissances annuelles déclarées, la race n’est plus menacée d’extinction. Une race fixée depuis près d’un siècle par une politique d’indigénat pertinente arrêtée par ses défenseurs et promoteurs et dont on mesure à présent toute la réussite. Pour comprendre toute l’intelligence de cette politique, il faudrait revenir sur la longue résistance des populations locales, en terres ariégeoises comme dans tous les autres pays d’élève – c’est à dire principalement dans les zones de grands marécages ou de montagnes, impropres à la culture des sols mais riches en vaines pâtures,- aux injonctions multiséculaires des haras royaux puis nationaux obligeant la saillie des juments autochtones par les étalons agréés.
Cette recherche, apparemment bien intentionnée, d’un apport des étalons de « pur sang » pour relever les produits et régénerer les races autochtones, – avec aussi des visées militaires comme celle de la préparation de la guerre franco-prussienne à la fin du second Empire qui visait à croiser les poulinières ariégeoises avec des étalons arabes pour obtenir une cavalerie légère – n’en produisait pas moins des effets délétères en dénaturant et débilisant les produits des jumenteries locales par la perte des qualités de robustesse et de rusticité attendues principalement de populations paysannes utilisatrices de petits chevaux de bât et de trait. Mais les poulinières qui montaient à l’estive avec leurs poulains de l’année dès la saison printanière des amours pour s’y régaler jusqu’à l’automne des herbages de montagne, retournaient à la ferme après avoir été honorées par l’étalon de la race en capacité de saillir et de remplir une trentaine de juments échappant ainsi aux soupirs des prétendants de race supérieure mis à la disposition des éleveurs dans les dépôts des haras nationaux! Avec, soyons honnête, des exceptions notoires qui ont laissé quelques traces indélébiles du sang arabe de ces étalons orientaux ( la station de Mérens verra se succéder neuf étalons dont sept arabes et deux anglo-arabes de 1870 à 1879 ) qui font aussi tout le chic et la distinction du Mérens à la tête expressive et au chanfrein droit ou camus.
Un grand malentendu historique donc, source d’affrontement ici comme dans les autres pays d’élève des juments, entre deux visions du cheval. L’une, aristocratique privilégiant les qualités du cheval de manège et de cour, l’autre, populaire recherchant un cheval économique d’entretien, donc rustique mais aussi fort et robuste pour assurer les travaux des champs et des forêts – labours, moissons, débardage – de traits, de bâts et d’attelage ainsi que le transport des hommes ou des produits de la ferme jusqu’aux marchés locaux…
D’où la contestation d’une réglementation nationale imposant les saillies des juments autochtones par les étalons des écuries royales devenues plus tard haras nationaux. Des prescriptions mises en échec, comme nous l’évoquions, par la résistance passive des éleveurs de l’Ariège qui n’avaient, du reste, pas le loisir de conduire depuis leurs vallées encaissées leur jumenterie aux lieux de dépôts et de mise à disposition onéreuse des étalons nationaux quand la relève naturelle des générations s’accomplissait dans les luxuriantes – et non moins luxurieuses - montagnes d’estive !
Une tradition qui se perpétue encore grâce à l’intelligence de deux éminentes personnalités du monde équestre convaincues de la nécessité de préserver les qualités de la race Mérens : celles de Gabriel Lamarque, personnalité du monde hippique qui présidait la société d’Agriculture de l’Ariège et créa en 1908 des concours de sélection des meilleurs produits issus de l’indigénat; celle de Lucien Lafont de Sentenac, directeur du dépôt des Haras nationaux de Tarbes, lui-même originaire du pays, qui accorda une place importante au Mérens dans une circonscription s’étendant au Languedoc et à la Corse. On lui doit tout l’appareil réglementaire de promotion de la race, l’arrêté préfectoral du 27 mars 1947 ouvrant un livre généalogique dont la tenue était confiée au syndicat hippique d’élevage de la race chevaline pyrénéenne ariégeoise dite de Mérens.
Depuis cette époque le dynamisme des éleveurs soutenus et accompagnés par le SHERPA Mérens, présidé par Mme Foisnel, porte ses fruits. Mais la crise aggrave les difficultés d’un élevage en soi peu rentable avec des coûts de production alourdis, des débouchés plus restreints et un désengagement de l’Institut Français du Cheval- Haras Nationaux (établissement touché lui-même par la vague de libéralisation avec son souci d’optimisation, de commercialisation et de fermeture des dépôts de proximité…). Dans ce contexte on doit se réjouir de l’attention toute particulière des politiques d’encouragement et d’aide à l’élevage du Mérens promues par le conseil régional de Midi-Pyrénées et le conseil général de l’Ariège dont la présence personnelle de son président à la manifestation de Bouan n’est pas fortuite. Il faut donc saluer cette entreprise de promotion d’un cheval de sang qui possède son propre Stud-Book en France et à l’étranger et améliore ses performances sportives pour en faire un cheval complet dans toutes les disciplines équestres du TREC au loisir et à l’endurance jusqu’à la compétition de dressage et bien sûr de l’attelage dans laquelle il excelle également. Ce cheval élégant et polyvalent constitue par ailleurs la meilleure ressource en équithérapie du fait de ses qualités mentales inégalables.
Pour toute ces raisons, la promotion du Mérens reste un challenge majeur dans le monde du cheval. Etant moi-même, en amateur, cavalier et éleveur, vous comprendrez tout le sens de cette évocation des qualités du Mérens qui n’a rien d’incongrue dans ce blog citoyen qui encourage aussi le maintien de la biodiversité et d’un mode de vie et de développement soutenable.
Et, en ces temps d’universités d’été, cette référence trop ignorée de nos ténors à la devise du cavalier : « En avant, calme et droit »!
X.D
Alire aussi sur le blog citoyen :
A cheval sur les principes… d’un art de vivre et de penser en toutes libertés!
” C’est parce que la route est longue qu’il vaut mieux seller son cheval de bon matin plutôt que de pourrir sur pied en attendant le soir. Car à trop attendre, l’espérance, elle aussi, pourrit toute seule.” Régis Debray
4 réponses to “Le Mérens, « prince noir d’Ariège » mais cheval populaire”
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Souvenirs-souvenirs c’est une vraie galaxie ton blog! Quest-ce qu’on navigue!Et pourquoi 19?
et bienvenue au club, ça élargit le bestiaire!Nous, les Mérens, on ne chasse que les mouches… et votre blog offre une pature d’une grande verdeur. On saute de suite la haie pour s’y régaler…de vos posts!
Salut amical des cafards en vadrouille sur la toile
« En avant calme et droit »
pour un blog se disant de « gauche »…
ça « crin » (craint)
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Uni(s)…vers…cité(s) ?
d’été ?
(« Etre ou ne pas être…
la gauche a-t-elle fait son choix ?)
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Con-citoyennement vôtre
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