septembre 2011

Archive mensuelle

Montebourg : « Si la primaire réussit, nous serons invincibles

Créé par le 30 sept 2011 | Dans : Parti socialiste

Il veut repenser le socialisme. A 49 ans, Arnaud Montebourg croit plus que jamais en ses chances. Entre deux déplacements de campagne, le candidat à la primaire socialiste nous reçoit dans son bureau de l’Assemblée nationale pour le grand entretien hebdomadaire du JDD.fr. Costume noir sur chemise blanche, le verbe est haut, le corps s’agite. Celui qui se pose en défenseur de la démondialisation précise son projet, répète ses ambitions. Et critique ouvertement certains de ses rivaux socialistes.

Un récent sondage montre que vous avez conquis la troisième place après ce débat, au détriment de Ségolène Royal. Une première victoire?
Oui, c’est une victoire, la victoire des idées que je crois justes pour la France. Mais c’est seulement une première victoire. Me retrouver au second tour serait logique, car je représente la seule alternative à la ligne officielle du PS, incarnée par François Hollande et Martine Aubry. Une ligne politique dépassée par la gravité de la crise. Ils sont les enfants jumeaux du Delorisme. Leurs différences sont incompréhensibles pour les Français. C’est normal, il n’y en a pas!

Qu’attendez-vous du second débat?
Qu’il éclaire le choix des Français. Je le dis tranquillement :
dans cette primaire, il y a six candidats, mais il n’y a que deux options politiques. Celle représentée par Martine Aubry et François Hollande, et la mienne. Il faut donc que ces deux options soient présentes au second tour. C’est pourquoi je dis aux Français : si vous voulez vraiment choisir, il vous faut un débat utile, alors, mettez-moi en finale! Face à Martine ou à François, c’est du pareil au même…

Vous êtes-vous préparé différemment pour le second débat entre candidats de la primaire?
Non. Ma préparation, c’est la campagne que je mène depuis un an avec mon équipe d’experts et de militants de terrain.
Une campagne de fond qui m’amène au contact des Français. Des Français dont je veux être le porte-parole.

Vous êtes-vous astreint à quelques séances de media training, comme l’ont fait d’autres de vos rivaux?
Un débat radio-télévisé est un moment particulier, très fort, où l’on a l’occasion de toucher des millions de Français. Il ne faut pas traiter ce genre d’événement avec désinvolture. Il faut préparer une telle échéance avec sérieux. C’est ce que je fais.

Avec plus d’une semaine de recul, que retenez-vous du premier débat?
C’était une très grande réussite, comme en témoigne le score d’audience et le fait que TF1 ait été battu à plates coutures, malgré son programme Master Chef. Des millions de Français sont restés jusqu’au bout. Depuis ce débat, j’ai constaté un mouvement très puissant sur le terrain vers ma candidature.

«Je suis plus à droite que Franklin Roosevelt en 1933»

Vous rêviez d’une grande primaire à l’américaine. A trois semaines du premier tour, avez-vous toujours la même ambition?
Cette primaire, dont je suis l’un des architectes, à tout le moins l’inspirateur, j’ai du l’imposer à Martine Aubry, sous la menace publique de ma démission, car elle n’en voulait pas. Or cela passionne la France. Dans toutes les expériences étrangères, 10% du corps électoral s’est déplacé pour aller voter. Nous aurons donc quatre millions de personnes.

Vous avez vu Jean-Luc Mélenchon à la fête de l’Humanité, la semaine dernière. Vous sentez vous plus proche idéologiquement de lui que de certains de vos camarades socialistes, comme Manuel Valls?
On ne battra pas Nicolas Sarkozy avec la pensée conformiste du PS, et encore moins en reprenant les thèmes ou les idées de l’UMP, comme le fait malheureusement trop souvent Manuel. Je porte des solutions nouvelles et fortes. Et je suis au carrefour de toutes les sensibilités de la gauche. Nicolas Hulot a dit que j’étais le candidat socialiste le plus écologiste. Jean-Pierre Chevènement a dit qu’il voterait pour moi. Christiane Taubira, ancienne candidate radical, est dans mon comité de soutien. Et Jean-Luc Mélenchon a déclaré qu’il pourrait y avoir des éléments d’entente. Donc je suis le meilleur rassembleur de la gauche. C’est pourquoi je suis le mieux à même de l’emporter face à Nicolas Sarkozy.

Vous êtes souvent décrit comme étant le candidat le plus à gauche du PS…
(Il coupe) Je récuse cette idée-là! Je suis plus à droite que Franklin Roosevelt en 1933… Lui était un gauchiste à côté de moi! Parfois, Angela Merkel propose des choses que j’approuve. Jean-Pierre Chevènement est plus à droite que le PS. Pourtant, il se reconnaît dans certaines de mes propositions. Donc je ne peux pas être enfermé dans ces préjugés.

Vous avez dit vouloir « œuvrer à trouver un meilleur centre de gravité de la gauche ». Où se situe le programme du PS?
Dans un autre temps. Ce projet est inapplicable si on ne prend pas des mesures draconiennes pour mettre la finance au pas et la soumettre à l’intérêt général.

Alors pourquoi ne pas avoir porté une candidature indépendante du PS?
Parce que je suis socialiste! Et même plus socialiste que beaucoup d’autres. On a créé la primaire pour dépasser les partis politiques repliés sur eux mêmes. Avant, le peuple de gauche exécutait les décisions de l’appareil. Maintenant, le peuple de gauche décide et l’appareil exécute. C’est un renversement magistral de perspective. Nous avons inventé l’outil qui permet rapprocher le PS de la société française, alors qu’il s’en était éloigné. Voilà pourquoi, si la primaire réussit, nous deviendrons invincibles.

«Manuel Valls ne pèse pas lourd face à la pensée moderne de ces intellectu»Aujourd’hui, on associe votre nom au concept de « démondialisation ». Comment expliquer que ce concept vous colle autant à la peau?
Dans mon livre, il y a 100 propositions et un seul chapitre sur ce thème. Je parle de la VIe République, de la mise sous tutelle des banques, de la mutation écologique des modes de vie, des projets de réindustrialisation du pays… Mais ce projet a accroché les Français car il répond à une attente.

Votre volonté de revenir à davantage de protectionnisme vous attire en revanche nombre de critiques. On vous accuse de vouloir revenir 30 ans en arrière.
C’est pourtant une idée validée par beaucoup d’économistes et de penseurs, de tous bords politiques : Hubert Vedrine, en passant par Emmanuel Todd, Henri Guaino, Michel Onfray ou Edgar Morin… Manuel Valls, puisque c’est lui qui me critique le plus sur ce sujet, ne pèse pas lourd face à la pensée moderne de ces intellectuels. Mon programme est un projet républicain de
reconstruction de la politique et de l’économie, devenue un cheval fou qui s’est échappé de l’enclos. Il faut un cavalier sur ce cheval pour reprendre les rênes.

Qui a ouvert la porte du box? La droite?
La droite, mais aussi la gauche! C’est le cercle de la pensée dominante, qui comprend autant de libéraux de droite que de gauche. Pour Rawi Abdelal*, un prof d’économie de Harvard, ceux qui ont dérèglementé la finance mondiale sont des Français : Pascal Lamy, Michel Camdessus et Jacques Delors, le père spirituel de deux de nos candidats (Martine Aubry et François Hollande, Ndlr).

Les Français sont à l’origine de la dérégulation mondiale, donc c’est à eux de réparer leur erreur?
Oui. On doit bien ça au monde, non?

C’est là le sens de votre candidature?
Oui, exactement. Je défends une vision de la France et de l’Europe qui n’est défendue par personne : c’est pourquoi je suis candidat.

C’est donc plus une nécessité qu’une envie?«C’est le moment le plus heureux de ma vie publique»
C’est une nécessité pour moi-même et pour des millions de Français! Je fais campagne pour les perdants de la démondialisation. Je suis le rempart du lepénisme, contrairement au procès que me fait une certaine classe politique. Mon projet est internationaliste, altruiste, et européen. Le sien est nationaliste, racialiste et haineux.

Comment vivez-vous cette campagne?
Je vous confesse que c’est le moment le plus heureux de ma vie publique. Je défends mes idées, je suis en accord avec moi-même. Je ne suis pas obligé de passer des compromis de sous-courants et de sous-chapelles. C’est une joie, intérieure et profonde, pour moi. Quand s’est achevée la présidentielle de 2007 – où j’étais porte-parole de Ségolène Royal -, je me suis dit que, désormais, je savais faire. J’ai appris.

On dit qu’une campagne électorale est dure, éprouvante. Pourtant, vous parlez de plaisir.
Oui, car je suis passionné et amoureux de mon pays. C’est un bonheur d’être sur le terrain. Vraiment.

Lors du débat de la semaine dernière, vous avez confié « avoir changé en trois ans ». Qui a changé? L’homme ou le politique?
Je préférerais que vous posiez la question à mes proches. Mais je sens que j’ai mûri, oui. Je suis prêt.

* Capital Rules, publié en 2007, aux éditions Harvard University Press ******

L’accès à internet devrait-il remboursé par la sécurité sociale?

Créé par le 29 sept 2011 | Dans : Vive le blog citoyen

Point de vue | LEMONDE.FR | 28.09.11 |par Thierry Pénard et Raphaël Suire, enseignants-chercheurs à Rennes-I, Marsouin, Nicolas Poussing, chercheur, CEPS/INSTEAD

Les abonnements à Internet devrait-il être pris en charge par la sécurité sociale et les mutuelles ? Une telle question peut paraître pour le moins étrange à l’heure où le gouvernement cherche à réduire les déficits des comptes publics et sociaux. Et gageons que les mutuelles, vraisemblablement, mises à contribution dans le cadre du plan d’austérité, ne sont pas prêtes à inscrire l’accès à Internet dans les soins remboursables.

Et pourtant, plusieurs études viennent de montrer que l’usage d’Internet pouvait avoir un effet positif sur la santé mentale et le bien-être individuel. Ainsi, une étude américaine menée auprès de retraités conclut que les risques de dépression sont plus faibles chez les personnes qui utilisent Internet. A un niveau plus agrégé, les enquêtes internationales (World Value Surveys) mettent en évidence une relation-position entre le taux de diffusion d’Internet dans un pays et le niveau moyen de bonheur ou de satisfaction déclaré par les habitants de ce pays.

Dans un article de recherche récent intitulé « Does the Internet make people Happier ?« , nous avons confirmé ce résultat sur des données luxembourgeoises en contrôlant pour les caractéristiques des individus. Si l’on prend deux individus ayant le même âge, les mêmes niveaux d’éducation, de santé et de revenu et des valeurs et pratiques sociales proches, il existe une différence significative dans le bien-être déclaré entre ceux qui utilisent Internet et ceux qui ne l’utilise pas.

Comment peut-on expliquer un tel résultat ? La réponse est assez intuitive. Internet donne accès à une multitude de biens et de services qui procurent de l’utilité et qui pour une large partie sont gratuits. On peut y trouver des vidéos, de la musique, des articles de presse, des blogs sur ses centres d’intérêt… Mais Internet n’est pas seulement un media d’information et de loisir, c’est aussi un outil professionnel et relationnel. Sur Internet, on peut trouver un emploi, communiquer avec son entourage professionnel et non professionnel, rencontrer l’âme sœur, Cette seconde dimension est essentielle pour comprendre le rôle croissant et positif qu’occupe Internet dans la vie de chacun.

C’est un moyen de développer et d’entretenir son réseau social ou capital social. Les travaux en économie du bonheur font ressortir le capital social comme un facteur clé, aussi important que le revenu et la santé, pour expliquer les différences de bien-être entre individus et entre pays. Bien évidemment, Internet peut avoir des effets négatifs en créant des addictions et en réduisant les interactions sociales en face à face, mais ces coûts semblent largement contrebalancés par les bénéfices retirés par la grande majorité des internautes. En d’autres termes et pour revenir au titre provocateur de cette tribune, Internet est finalement un « médicament » dont le service rendu est significatif et les effets secondaires indésirables limités.

Comment, dans ces conditions, ne pas s’inquiéter des récentes discussions de certains fournisseurs d’accès Internet sur la commercialisation de forfaits Internet limités qui pourraient être bridées en termes de débit et d’usages. De même, on sent chez ces mêmes fournisseurs une volonté de remonter les prix d’abonnement, sans parler des retards inquiétants dans le déploiement de l’Internet à très haut débit en France. Pour le bonheur du plus grand nombre, on ne peut donc que recommander au gouvernement de faire d’Internet une de ses priorités politiques.

Les «pirates» ne sont pas que des «bobos»

Créé par le 28 sept 2011 | Dans : Gauche anti-libérale

Par Clémentine Autain Féministe, directrice du mensuel Regards et co-animatrice de la Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase) membre du Front de gauche

Après les Indignés de Madrid, d’Athènes, de Jérusalem, après les révoltés de Londres, les insurgés de la place Tahrir et ceux de Tunis, la jeunesse vient d’envoyer un nouveau message, convergent. Cette fois, il part du cœur de l’Europe, de Berlin. Il a pour particularité de ne pas emprunter les chemins de la contestation de rue, mais celui des urnes. Près d’un Berlinois sur 10 a donné sa voix au «parti des Pirates». Selon les enquêtes, ce serait même 15% des moins de 30 ans qui l’ont soutenu. Ces électeurs viennent à part égale des trois partis de la gauche allemande, le SPD, les Verts et Die Linke.

Que défendent ces «pirates» ? La gratuité des transports en commun et de la cantine, la nationalisation des biens de première nécessité et d’enjeux écologiques déterminants comme l’eau et l’électricité. Ils réclament la liberté d’accès aux biens culturels sur Internet, le droit de vote pour les étrangers et les mineurs. Ils mettent en cause une démocratie représentative dont ils pensent qu’elle ne les représente plus.

Certaines de ces idées sont neuves, pas toujours, mais leur force est liée à l’audace, à la modernité de leur formulation, au parfum général de rupture qui se dégage. C’est cela que l’on entend dans les débats des commissions de la place de Catalogne ou, en France, dans des collectifs comme Jeudi noir ou Sauvons les riches. L’avenir dira si ces joyeux pirates impriment dans la durée le paysage politique, si la cohérence de leur fibre libertaire les rend durablement mordants avec le néolibéralisme. Pour l’heure, ils sont les ambassadeurs d’une exigence de radicalité et les symptômes d’une recherche de renouveau politique.

Une attente nouvelle s’exprime à l’égard de la politique, de son contenu, de ses formes. A Berlin, elle vient de se dire en des termes explicitement politiques, en marge des forces existantes. Il faut l’entendre. Croire que les questions posées concernent «les bobos» serait ne pas voir les exigences démocratiques nouvelles de toute une génération. Ce serait ignorer la place prise par Internet au cœur de la vie de ces jeunes mais aussi au centre des productions contemporaines.

Ne pas écouter le signal envoyé depuis Berlin, Londres, depuis toutes les villes d’Europe et au-delà, serait resté sourd au rejet des inégalités et au refus du pouvoir de l’oligarchie. Que cela se dise avec humour ou violence n’ôte rien au sérieux du propos : une jeunesse refuse le manque d’avenir. Elle ne se résout pas à avoir pour idéal le paiement de la dette et le retour des équilibres comptables. Elle veut inventer un monde débarrassé de la précarité et dans lequel se loger, vivre décemment, étudier, devenir autonome est possible. Nous avons besoin de ce vent nouveau.

Tribune parue dans Libé du 26/09/2011

Candidats en 2012, priorité à l’éducation

Créé par le 27 sept 2011 | Dans : Education

Par Dix-sept collectifs parents, enseignants

Mesdames et messieurs les candidats à l’élection présidentielle,

Les parents et les enseignants réclament que cesse la politique de destruction de l’école publique et laïque. Nous, parents d’élèves, enseignants et citoyens soucieux de l’avenir du système éducatif, voulons soustraire l’école aux seules considérations budgétaires et rappeler aux candidats à l’élection présidentielle que nous sommes très attentifs à leur projet pour le service public d’éducation.

Cette année, partout en France, nous avons fait entendre notre refus de la politique de suppression des postes et presque partout, nos collectifs ont essuyé une absence d’écoute et un refus de dialogue. Les citoyens sont traités comme des fauteurs de troubles, symptôme d’une crise profonde de notre système démocratique.

Nous refusons que nous soit confisquée la question de l’école. Pourquoi n’écoute-t-on pas ce que les citoyens ont à dire sur la question éducative ? Pourquoi ignore-t-on les enseignants qui, en grande majorité, vivent une forte dégradation de leurs conditions de travail et ne peuvent plus mener à bien leur mission ? Le gouvernement, qui déplore la médiocrité des performances de nos enfants, se livre dans le même temps à une suppression massive de postes.

Comment peut-il espérer faire croire qu’on peut faire toujours mieux avec toujours moins de moyens ? Une société qui malmène ainsi son éducation, qui ne la pense que comme un gouffre budgétaire, est une société qui se condamne : le coût social de ce désinvestissement de l’Etat à l’égard de ses enfants risque d’être fort élevé. On peut parier que l’échec scolaire ne fera que s’accentuer, que les problèmes comportementaux à l’école et en dehors de l’école seront multipliés, que les inégalités sociales ne feront que se creuser, excluant encore davantage les plus fragiles.

Ces perspectives sont contraires au projet républicain pour l’école. Nous dénonçons les dangers que fait courir à la société la politique actuelle. Nous n’acceptons pas que les enfants fassent les frais de choix budgétaires que nous contestons. Nous réclamons que soient au minimum restitués les moyens dont l’école a été dépouillée. Nous demandons solennellement à tous les candidats de faire de l’école publique un enjeu essentiel des élections de 2012, un digne objet de débat, et non un prétexte pour précariser encore plus les salariés en charge de cette mission d’éducation. Nous revendiquons la capacité des citoyens à peser sur l’avenir de l’école. Demander cela, c’est demander à ce que la démocratie soit, dans notre pays, réhabilitée.

Parmi les signataires : Collectif des Parents et Enseignants en colère (Doubs), Amis et Défenseurs de l’école publique (Haute-Savoie), Collectif Citoyen de sauvegarde des écoles de villages (Lot), Collectif Ecole publique en danger (Finistère). http://ecoleendanger25.tumblr.com

Note: Signée par douze collectifs dans Libération paru le 26 septembre, cette tribune a de nouveaux signataires depuis.

Pourquoi Paris doit soutenir la reconnaissance de la Palestine

Créé par le 27 sept 2011 | Dans : Monde arabe, Proche et Moyen-Orient

Point de vue | LEMONDE | 27.09.11 | 13h38   •  Mis à jour le 27.09.11 | 14h54

La journée du 23 septembre entrera-t-elle dans l’Histoire ? Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, a bel et bien déposé la candidature de l’Etat de Palestine au Conseil de sécurité des Nations unies, avant de s’adresser à l’Assemblée générale. Et voilà que les uns le qualifient de pyromane prêt à mettre le Proche-Orient à feu et à sang, tandis que d’autres dénoncent une trahison des droits du peuple palestinien. Mais tout ce qui est excessif ne compte pas, disait Talleyrand.

Quiconque connaît l’histoire de cet interminable conflit se demande en fait plutôt pourquoi l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) n’a pas effectué cette démarche plus tôt. Car elle a, de longue date, cinq bonnes raisons de le faire.

D’abord il ne s’agit que de confirmer une décision prise par l’ONU le 29 novembre 1947 : ce jour-là, la jeune organisation internationale partagea la Palestine, jusque-là sous mandat britannique, en un « Etat juif », un « Etat arabe » et un « régime international » pour Jérusalem.

Bref, en reconnaissant enfin l’Etat de Palestine, la communauté internationale rattrapera un retard de… soixante-quatre ans. Entre-temps, cette « disparition » et l’expulsion de quatre Palestiniens sur cinq ont engendré un conflit israélo-arabe qui s’est traduit par six décennies de guerres, de terrorisme et de mal-développement…

Deuxième raison : depuis les accords d’Oslo, la négociation entre Israéliens et Palestiniens sous égide américaine a échoué, provoquant de nouveaux bains de sang. Même l’ancien président Bill Clinton reconnaît aujourd’hui que Benyamin Nétanyahou et son gouvernement portent une responsabilité majeure dans l’impasse actuelle. Pour en sortir, il faut donc modifier radicalement la règle du jeu.

Ce sera le cas si la Palestine devient le 194e membre des Nations unies. Volens nolens, Israël devra négocier avec un Etat reconnu comme lui dans le cadre de l’ONU et sur la base de ses résolutions. Lesquelles posent les principes d’un règlement sinon juste, en tout cas durable : établissement d’un Etat palestinien dans les frontières d’avant la guerre de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale, démantèlement des colonies et destruction du mur, solution pour les réfugiés de 1948 fondée sur le droit au retour ou à compensation. Autant de principes intangibles, dont seule la mise en oeuvre sera négociée.

La démarche palestinienne met aussi fin au « bal des hypocrites », où Barack Obama et Nicolas Sarkozy mènent, hélas, la danse. Enthousiastes partisans, en paroles, de la coexistence de deux Etats, ils s’y opposent en actes. Le premier menace de « vetoïser » l’admission de l’Etat de Palestine, dont il avait annoncé l’adhésion il y a un an dans son discours à l’Assemblée générale.

Le second, après avoir claironné qu’en l’absence de négociations bilatérales « la France prendra ses responsabilités », offre maintenant aux Palestiniens non un siège, mais un strapontin – proposition aussitôt balayée par Israël… Tout cela sonne faux, tant l’écrasante majorité de l’opinion internationale espère qu’une reconnaissance de la Palestine relancera les espoirs de paix – y compris en Palestine, bien sûr, mais aussi en Israël, où 70 % des sondés acceptent l’application d’une décision onusienne. Et la majorité des Etats favorables dépasse d’ores et déjà les deux tiers…

La cinquième et dernière raison concerne Israël. Contrairement aux harangues des va-t-en-guerre, l’établissement d’un Etat palestinien constitue peut-être la dernière chance de l’option bi-étatique, autrement dit de l’insertion durable d’Israël dans son environnement arabo-musulman en révolution.

Qui a relevé, en France, les craintes exprimées récemment par son président, Shimon Pérès ? « Quiconque accepte le principe de base des lignes de 1967 bénéficiera du soutien international. Quiconque les rejette perdra le monde », affirmait-il. Et de redouter qu’« Israël devienne un Etat binational. (…) Nous galopons à toute vitesse vers une situation où Israël cessera d’exister comme Etat juif ».

Nombre d’Israéliens, juifs et arabes, ne redoutent pas une telle perspective : ils se battent pour un « Etat de tous ses citoyens », voire pour un « Israël-Palestine » où les deux peuples se retrouveraient à droits égaux. Mais c’est à eux d’en décider

La reconnaissance de l’Etat de Palestine ne modifiera évidemment pas d’un coup de baguette magique la situation sur le terrain. Beaucoup dépendra de la mobilisation des Etats et des opinions pour que le droit international s’y applique.

Dommage que la France ne joue pas une partition digne d’elle dans cet indispensable concert. Elle servirait la paix, mais redorerait aussi son blason passablement rouillé par son rapprochement avec Israël et sa longue complaisance avec les dictateurs arabes…

Ouvrage : « 100 clés du Proche-Orient » (Pluriel, 752 pages, 17 €) avec Alain Gresh et Emmanuelle Pauly.

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