Pour Emmanuel Maurel « Le vote du traité ne va pas éteindre le débat sur la rigueur et l’austérité »
Créé par sr07 le 06 oct 2012 à 7:59 | Dans : Parti socialiste
LE MONDE • Mis à jour le 05.10.2012 à 11h46
Par Propos recueillis par Bastien Bonnefous
Premier signataire de la motion « Maintenant la Gauche ! », Emmanuel Maurel représente l’aile gauche du PS au congrès de Toulouse du 26 au 28 octobre. Vice-président de la région Ile-de-France, il s’oppose à la ratification du traité européen par « refus de l’austérité » et dit vouloir jouer le rôle d’« alerte constructive » auprès de François Hollande.
Le traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance européenne (TSCG) va être voté à l’Assemblée, peut-être même avec une majorité absolue de voix de gauche. C’est un échec pour vous ?
Je suis résolument contre ce texte qui est le traité « Merkozy » non renégocié. Depuis quinze ans, le même débat, jamais tranché, traverse le PS sur l’Europe. A chaque nouveau traité, on nous dit que c’est une étape nécessaire pour construire une Europe sociale qui ne vient jamais. Le vote du TSCG ne va pas éteindre le débat sur la rigueur et l’austérité.
Comment mener ce débat ?
On le mène dans le parti à l’occasion du congrès. Quand on a commencé à parler de ces sujets en juin, nous étions très isolés. Aujourd’hui, des personnalités aussi diverses que Claude Bartolone, Harlem Désir ou Jean-Christophe Cambadélis commencent eux-mêmes à dire que l’objectif de réduction des déficits publics à 3 % n’est peut-être pas forcément tenable. Mais la vraie question est de savoir si c’est tout simplement souhaitable.
L’émergence de ce débat n’est-elle pas aussi opportuniste ?
Harlem Désir et les principaux dirigeants de sa motion ont compris que ce débat monte chez les militants. Il y a donc de leur part une tentative tactique de le circonscrire. Mais je pense aussi que nous avons réussi à convaincre du côté « pensée magique » des 3 %.
C’est quand même incroyable que, dans un parti laïque comme le PS, il n’y ait plus qu’une seule chose sacrée, les 3 %, dont on sait par ailleurs que c’est un machin inventé sur un bout de papier par des technocrates !
Le congrès de Toulouse se prépare-t-il dans de bonnes conditions ?
Il y a la tentation chez certains dirigeants du PS d’en faire un non-événement et d’expédier ce moment démocratique. Avant, au PS, on débattait de la ligne politique puis on choisissait un leader.
Ensuite, on a décidé de faire les deux en même temps. Là, on prend les choses à l’envers: on a commencé par installer un n° 1, puis un n° 2, un n° 3, et même un n° 4 ! Tout ça avant d’avoir le débat d’orientation.
Craignez-vous une démobilisation militante ?
La mobilisation, c’est vrai, n’est pas à son comble, mais il faut dire que rien n’a été organisé pour qu’elle le soit. Un seul exemple : les militants viennent à peine de recevoir les textes des motions alors qu’ils sont censés voter dans moins d’une semaine !
Le PS remplit-il actuellement son rôle ?
Le PS doit mobiliser davantage nos élus et nos militants. On aurait pu, par exemple, vanter davantage les mesures fortes du début du quinquennat, comme les emplois d’avenir. La conférence sociale s’est formidablement bien passée avec les syndicats. Le PS s’en est-il vraiment fait l’écho ? On ne doit pas être un parti atone, mais un parti d’action qui pèse dans la lutte sociale.
Ne reproduisons pas les erreurs du passé ! On ne doit pas s’interdire de produire des idées nouvelles par rapport aux 60 engagements de François Hollande.
Lesquelles ?
Qu’est-ce aujourd’hui qu’un Etat stratège ? Est-ce qu’on assume, par exemple, qu’un certain nombre de biens fondamentaux peuvent faire l’objet de nationalisations ? Pour moi, ce mot n’est pas tabou. Le PS doit aussi dialoguer avec le reste de la majorité et même, au-delà, avec le Front de gauche. Je propose qu’il organise des « Assises de la gauche » où chacun puisse débattre.
L’aile gauche du PS a éclaté à l’occasion du congrès, puisque Benoît Hamon a rejoint la motion majoritaire. Est-ce le fruit d’un désaccord stratégique ou d’une divergence de fond ?
C’est un désaccord stratégique. Benoît et ses proches sont d’accord avec nous sur le TSCG, sur la question de la rigueur, sur la politique salariale à mener, mais leur argument est d’opportunité : ils pensent que ces débats doivent s’ouvrir plus tard. Moi, je pense qu’à force de dire que c’est trop tôt, un jour, c’est trop tard !
Etes-vous déçu par le choix de M. Hamon ?
Sa position est particulière, il est ministre. Jean-Pierre Chevènement disait « un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne ». A l’occasion du congrès, ce qui peut être vrai pour un ministre, ne doit pas l’être pour un militant. Un militant doit ouvrir sa gueule ! Je me voyais mal, comme Benoît, faire partie d’une grande motion consortium, avec des gens qui disent oui au TSCG et d’autres non mais qui se mettent tous d’accord sur un texte alambiqué. Nous, on a privilégié le débat de convictions dans la clarté.
Au congrès de Reims en 2008, la motion de l’aile gauche avait fait 18 %. Vous ferez sans doute moins à Toulouse. Ne craignez-vous pas de vous affaiblir ?
Je pense qu’on fera de nouveau un score à deux chiffres. Notre objectif était d’être une caisse de résonance sur un certain nombre de sujets: le pari est déjà réussi.
Propos recueillis par Bastien Bonnefous
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