Fondation pour l’islam de France: Etre président, «une tâche difficile» estime Chevènement
Créé par sr07 le 03 août 2016 à 15:25 | Dans : Le Che, Monde arabe, Proche et Moyen-Orient
RELIGION Pour l’ancien ministre, c’est une mission « d’une importance très grande du point de vue de l’intérêt national
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- Publié le 03.08.2016 à 15:13
- Mis à jour le 03.08.2016 à 15:13
« On ne peut pas refuser d’apporter sa contribution à cette tâche ». Pressenti par François Hollande pour prendre la tête de la Fondation pour l’islam de France, Jean-Pierre Chevènement n’a pas décliné, ce mercredi, la proposition du chef de l’Etat. « Je considère que c’est une tâche difficile, mais d’une importance très grande du point de vue de l’intérêt national. C’est une tâche difficile, mais à laquelle on ne peut se dérober », a-t-il déclaré.
François Hollande avait évoqué mardi soir de façon informelle le nom de l’ancien ministre, connu pour son attachement à la laïcité, pour prendre la tête de cette fondation créée en 2005 mais paralysée par des dissensions internes.
« J’ai été pressenti par Bernard Cazeneuve (le ministre de l’Intérieur) au mois de mars », a également expliqué Jean-Pierre Chevènement, affirmant qu’il communiquerait sa position officielle à la rentrée.
Quatre millions de musulmans avec « des droits » et « des devoirs »
« Il y a quatre millions de musulmans en France, pour la plupart Français, il faut qu’ils soient citoyens avec les droits que cela comporte, notamment la liberté de culte, et aussi bien entendu les devoirs », a-t-il estimé.
La ministre des Droits des femmes Laurence Rossignol a, elle, plaidé ce mercredi pour qu’ une femme prenne la tête de cette fondation. Interrogé sur le sujet à l’issue du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll a refusé toute « polémique ». « Il y a besoin d’une personnalité qui puisse être un médiateur fort, à la fois ferme sur les grands principes de la laïcité, et ouvert, pour permettre à l’ensemble des cultes d’assurer leur exercice dans le cadre de la République », a-t-il déclaré, assurant que Jean-Pierre Chevènement avait été évoqué « de manière très claire ».
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> Lu dans Le Monde Diplomatique Avril 2016, page 22
Qui sont les hommes qui guident le culte musulman ?
Une affaire d’Etat ?
par Solenne Jouanneau
S’il s’en préoccupait peu durant les décennies précédentes, l’Etat s’est mis à considérer l’islam comme un problème public dans les années 1980. Depuis, de M. Pierre Joxe à M. Bernard Cazeneuve, la quasi-totalité des ministres de l’intérieur se sont accordés sur la nécessité d’œuvrer à l’émergence d’un « islam français ».
D’une part, les gouvernements successifs tentent d’améliorer les conditions d’exercice du culte musulman, afin de garantir une égalité de traitement entre religions et entre citoyens : accompagnement des projets de grande mosquée, gestion des flux dans les abattoirs au moment de l’Aïd el-Kébir, augmentation du nombre d’aumôniers musulmans dans les prisons, l’armée et les hôpitaux, plateaux-repas halal pour les militaires, etc. Dans le même temps, cependant, ils cherchent à encadrer cette religion qui les inquiète de plus en plus en raison du développement et de la radicalisation de l’islam politique au Maghreb et au Proche-Orient.
Dans les cabinets des ministres de l’intérieur, cette double préoccupation se traduit par l’apparition de conseillers chargés du « dossier de l’islam de France ». Souvent officieux, ils ont activement participé à faire de l’imamat un objet de préoccupation politique.
Dès le second mandat de M. Joxe (1988-1991), M. Raoul Weexsteen s’inquiète ainsi du « développement des mosquées dont les imams tiendraient des discours intégristes, intolérants, violents (1) ». Son successeur, M. André Damien, qui travaille avec Charles Pasqua et M. Jean-Louis Debré, déplore la présence d’étrangers « incapables de parler la langue française et incapables, de par la formation théologique désuète qu’ils ont subie, de comprendre les problèmes qui se posent à un jeune Français vivant en banlieue ». On retrouve la même préoccupation sous la plume de M. Didier Motchane, conseiller de M. Jean-Pierre Chevènement à la fin des années 1990, quand il insiste sur l’intérêt pour l’Etat d’éviter que « le recrutement des imams et le financement des lieux de prière [ne soient] entièrement laissés à des réseaux étrangers et concurrents ».
Depuis la mandature de Pasqua (1993-1995), la critique systématique des « imams étrangers » se double d’un discours sur la nécessité de favoriser l’apparition d’« imams français » ou, à défaut, francophones, formés dans le pays et enseignant une « doctrine compatible avec les principes fondamentaux de la République ». M. Damien est le premier à suggérer la « création d’imams » — une idée relancée par M. Cazeneuve lors d’un déplacement à Strasbourg le 3 mars 2015.
D’un point de vue juridique, la surveillance des imams ou des propos qu’ils tiennent devant les fidèles est autorisée par les articles 34 et 35 de la loi de 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat. En revanche, les pouvoirs publics n’ont pas le droit d’interférer dans les processus de sélection des ministres du culte (2) — sauf dans les établissements publics dotés d’aumôneries (internats, prisons, hôpitaux, casernes). Afin de rester en apparente conformité avec le cadre de la laïcité, les « conseillers islam » ont donc cherché à agir sur le profil des imams en écartant certains candidats. Ils s’appuient pour cela sur des domaines d’action publique connexes, où la légitimité juridique et politique de l’Etat à intervenir est peu contestable.
Ainsi, au nom de la sécurité intérieure et de la législation en vigueur en matière de droit au séjour, le ministère de l’intérieur expulse ou refuse de laisser entrer les individus jugés indésirables. De plus, ses agents accordent aux imams le plus longtemps possible des titres de séjour précaires et facilement révocables. Avec l’aide du Quai d’Orsay, la Place Beauvau favorise également l’accueil de fonctionnaires turcs et algériens sélectionnés par les autorités religieuses officielles de leur pays d’origine, puis payés et encadrés par les réseaux consulaires ou leurs associations satellites. Enfin, les « conseillers islam » ont tenté d’influer sur la formation en favorisant la création de l’Institut Al-Ghazali au sein de la Grande Mosquée de Paris, en 1993, ou, plus récemment, en créant dans les universités des « diplômes universitaires (DU) laïcité », qui ne sont pas nécessaires pour occuper la fonction d’imam et qui rencontrent un succès très mitigé.
Solenne Jouanneau
Cette prochaine nomination constitue une très bonne nouvelle pour une résolution des questions liées à la réactivation de cette fondation. Jean-Pierre Chevènement a démontré sa capacité à appréhender les questions liées au monde arabo-musulman qu’il connaît par son expérience ministérielle, par sa trajectoire personnelle pendant la guerre d’Algérie (et familiale avec son épouse d’origine égyptienne Nina), par son amitié avec le regretté Jacques Berque puis en tant que président de France-Algérie.