Le vert et le noir – intégrisme, pétrole, dollar
Créé par sr07 le 09 août 2016 à 6:38 | Dans : a1-Abc d'une critique de gauche. Le billet de XD, Le Che, Monde arabe, Proche et Moyen-Orient
Crédits photographiques du blog citoyen, socialiste et républicain.
J’ai relu ce matin ce livre écrit par Jean-Pierre Chevènement quatre années après la première guerre du Golfe. La justesse de sa vision de la poussée de l’intégrisme en pays musulman est, rétrospectivement, tout à fait saisissante! Les origines idéologiques de l’intégrisme, sa géographie et ses développements dans la fin du siècle dernier sont remarquablement exposés avec une prospective pénétrante. Après le désastre des interventions occidentales dans ces guerres pour le contrôle des gisements de pétrole ne subit-on pas à présent ce retour de bâton?
Cet essai, riche de références et d’expériences, met en perspective les questions géopolitiques, économiques, religieuses et culturelles autour de cet Orient dévasté dans sa confrontation avec les appétits d’une Amérique prédatrice et, dans son sillage, d’un Occident aveugle et sourd, prétendant toujours faire la guerre « au nom du droit » et conduire une « ingérence humanitaire ».
Cette approche intellectuelle et concrète de Jean-Pierre Chevènement, fruit d’un engagement précoce dans une vie politique d’une exceptionnelle densité, tranche en effet avec les discours convenus de ceux qui n’ont toujours pas mesuré les effets directs et collatéraux de cette diplomatie incohérente.
Je recommande à nos internautes la lecture de cet ouvrage qui débute par ces mots aujourd’hui chargés de sens :
« De Bagdad à Jérusalem et Gaza, d’Alger à Tunis, je n’ai entendu qu’une question : la Méditerranée, demain, deviendra-t-elle un enfer?
Et en mon for intérieur, j’ai souci pour la France ».
On trouvera surtout un éclairage très actuel et d’une grande pertinence sur ces questions dans les travaux de la fondation Res Publica dirigée par ce républicain laïc instruit d’une expérience concrète du monde arabe,- et ce, dès la guerre d’Algérie -, à la lecture et à la rencontre des grands penseurs et dirigeants du monde arabe et dans sa réflexion partagée avec les plus grands spécialistes de l’Islam et de l’Orient, parmi lesquels son ami, le regretté Jacques Berque.
Depuis l’annonce présidentielle d’une probable nomination de l’ancien ministre d’Etat à la tête de la fondation pour un islam de France, j’ai espoir en l’acceptation par l’intéressé d’une telle mission. Sa vision laïque, subtile et équilibrée et sa notoriété au sein du monde arabo-musulman sont un gage de capacité à accomplir une oeuvre d’une particulière nécessité dans cette période de confrontation de notre république aux crimes terroristes et à la violence de l’intégrisme.
Xavier Dumoulin
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Fondation de l’Islam : Chevènement dit oui
>Politique|Propos recueillis par J Annick Alimi @JannickAlimi1|15 août 2016, 7h00|
Propos recueillis par J Annick Alimi @JannickAlimi1
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FONDATION POUR L’ISLAM de France. Jean-Pierre Chevènement devrait accepter, malgré les critiques, de présider cette institution censée oeuvrer à une meilleure intégration de l’islam dans la République.
Le nomde Jean-Pierre Chevènement, 77 ans, a été avancé — et aussitôt contesté — le 3 août par François Hollande pour présider la Fondation pour les oeuvres de l’islam de France, un projet mis sur les rails en 2005 par Dominique de Villepin et que le gouvernement de Manuel Valls souhaite relancer et mettre en place d’ici à la fin de l’année. Son but : mieux intégrer l’islam dans la République. Dès 1999, Chevènement, alors ministre de l’Intérieur du gouvernement Jospin, avait lancé une grande consultation sur le sujet qui n’avait pu aboutir. Tenant d’une laïcité républicaine, il nous dévoile ses projets et sa vision de l’islam de France.
LA PRÉSIDENCE DE LA FONDATION
Vous êtes pressenti pour présider la Fondation pour les oeuvres de l’islam de France. Allez-vous accepter ?
JEAN-PIERRE CHEVÈNEMENT. Dès le début de cette année, nous avons eu, Bernard Cazeneuve, son cabinet et moi-même, plusieurs réunions sur le sujet. Car, dès 1999, j’avais, comme ministre de l’Intérieur, lancé une grande consultation sur l’islam de France. Le ministre de l’Intérieur m’a adressé une lettre le 26 avril, me proposant — et je pense qu’il n’a pas fait cette proposition sans l’avoir évoquée avec le Premier ministre et le président de la République — la présidence de cette fondation qui n’est pas encore constituée. J’apprécie beaucoup Bernard Cazeneuve pour sa modération, sa détermination, sa parole toujours maîtrisée.
Vous allez donc dire oui ?
Il s’agit d’une tâche d’intérêt public car les 4,1 millions de musulmans que compte la France doivent pouvoir exercer leur culte mais dans le respect de la laïcité et des principes de la République. Cette mission est tellement d’intérêt public qu’aucun responsable ne peut s’y dérober. Je ne m’y déroberai donc pas sauf si ma nomination devait entraîner des problèmes insolubles qui me forceraient à me retirer. Je dis à un certain nombre d’hommes politiques de l’opposition : il en va de l’intérêt du pays que cette fondation, d’ailleurs mise en place en 2005 sous la présidence de Jacques Chirac, puisse enfin fonctionner. Comme le dit Omar Sy, nous portons tous le maillot bleu de l’équipe de France.
Certains critiquent le fait que vous soyez une personnalité politique et un non-musulman…
Ce que l’on me propose est la présidence de la Fondation pour les oeuvres de l’islam de France qui a une vocation d’intérêt général, et non de l’association cultuelle qui y sera adossée. Le futur président de la Fondation ne sera pas chargé de promouvoir l’islam. Je n’y ai aucun titre, je ne suis pas musulman, je suis un républicain laïc. La laïcité n’est pas tournée contre la religion, elle libère la spiritualité de toute emprise de l’Etat. Je n’entends nullement m’immiscer dans la sphère du religieux.
SON PROGRAMME
Le moment est-il bien choisi pour relancer l’idée de cette fondation ?
L’émergence d’un islam de France compatible avec la République représente une oeuvre de longue haleine d’autant plus nécessaire aujourd’hui que des courants salafistes se développent partout dans le monde, y compris en France depuis une quinzaine d’années, mettant à leur merci certains jeunes à l’esprit fragile. C’est une bonne réponse à la poussée du terrorisme, conforme à l’intérêt des musulmans, aussi bien qu’à l’intérêt de la France.
Quelles seraient les premières mesures que vous prendriez ?
La mission première de cette fondation est la formation profane des imams. Il faut leur enseigner ce qu’est la citoyenneté française, le cas échéant la langue française, les principes généraux du droit, en tout cas ceux régissant les rapports entre le culte musulman et les pouvoirs publics. Il s’agira aussi de promouvoir des projets culturels ayant pour but de faire mieux connaître la civilisation musulmane, laquelle, à certaines époques comme à la fin du premier millénaire, a brassé les cultures et a été une des grandes matrices du monde moderne. Il faudra aussi réfléchir à la création d’un institut de recherche – profane — en islamologie.
Avez-vous posé des conditions préalables à votre accord ?
J’ai posé deux conditions à ma présidence éventuelle. Tout d’abord, que les financements étrangers soient prohibés afin que tout se passe dans la plus grande transparence et que l’islam de France dépende d’un argent collecté en France. D’autre part, mon acceptation de principe ne signifie en aucune manière que je renonce à ma liberté d’expression en tant qu’homme politique au long cours. Mais je ressens vivement, en raison des drames que vit notre pays et aux épreuves qui l’attendent, qu’une certaine unité nationale doit se manifester.
FINANCEMENT DE L’ISLAM, LAÏCITÉ
Etes-vous opposé aussi aux financements extérieurs pour la construction et la gestion des mosquées, la formation religieuse des imams… ?
Le Conseil d’Etat différencie la fondation d’intérêt public — qui, je le répète, a en charge les activités profanes — de l’association cultuelle qui, elle, est en charge du religieux. Il me semble que l’islam de France, y compris dans sa version théologique où je n’ai pas à intervenir, doit pouvoir se développer avec des fonds français ou, en tout cas, qu’un mécanisme de transparence soit institué en l’absence de tout « fléchage » de la part des donateurs. Ce qui signifie que ce sera à l’association seule de sélectionner les projets. Mais il ne faut pas négliger ce qui a déjà été fait avec des fonds français, y compris avec le concours des collectivités locales dans les limites permises par la loi : il y a aujourd’hui 2 500 mosquées en France. Le temps de l’« islam des caves et des garages » est révolu.
Etes-vous pour une « taxe » sur la viande hallal ?
Le service peut être rémunéré, mais il faut d’abord que les musulmans s’entendent sur la certification de ce qui est hallal. Et la décision leur appartient.
Faut-il revenir sur la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat, comme l’a évoqué un moment le Premier ministre ?
Le Premier ministre n’a fait que l’évoquer et le président de la République a rejeté toute modification de la loi de 1905 qui interdit les subventions.
Quelle est votre position sur des problèmes concrets comme le port du voile à l’université, le burkini, les repas hallal dans les cantines…
Légalement, les choses me paraissent assez claires et modifier la loi n’est pas une priorité. Le conseil que je donne dans cette période difficile — comme le recteur de la mosquée de Bordeaux — est celui de discrétion. Les musulmans, comme tous les citoyens français, doivent pouvoir pratiquer leur culte en toute liberté. Mais il faut aussi qu’ils comprennent que, dans l’espace public où se définit l’intérêt général, tous les citoyens doivent faire l’effort de recourir à la « raison naturelle ». Un principe que le prophète recommande quarante-quatre fois, selon l’islamologue Jacques Berque, dans le Coran. L’avenir des jeunes nés de l’immigration est en France et nulle part ailleurs. Il faut les empêcher de tomber dans l’impasse suicidaire dans laquelle les poussent Daech et les salafistes à la vue courte. Si nous aimons la France, il faut faire des Français de confession musulmane des Français qui, comme les autres, ont envie de travailler à l’essor de la France. Il y a un intérêt commun à ce que le bateau France tienne la mer, car, s’il devait couler, ce sont tous ses passagers qui couleraient avec lui.