décembre 2016

Archive mensuelle

« Daech est le legs empoisonné des deux guerres du Golfe »

Créé par le 29 déc 2016 | Dans : Blog du Che, Contre la guerre

 

Entretien de Jean-Pierre Chevènement au quotidien algérien El Watan, propos recueillis par Hacen Ouali, mercredi 28 décembre 2016.


"Daech est le legs empoisonné des deux guerres du Golfe"
El Watan: Vous êtes officiellement nommé président de la Fondation pour l’islam de France ; quelles sont les missions fixées à cette organisation ?
Jean-Pierre Chevènement:
La Fondation est une institution laïque. Son objet est purement profane : culturel, éducatif et social. C’est un pont entre l’islam et la république. Mais tout ce qui est religieux (construction de mosquées, formation religieuse des imams) relève d’une association cultuelle, encore à constituer.
Avez-vous senti une adhésion des principaux acteurs musulmans à la démarche de la Fondation ?
La Fondation compte une majorité de musulmans au sein de son conseil d’administration et son conseil d’orientation. Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), créé en 2009, est membre de droit du conseil d’administration de la Fondation. Pour ma part, j’entends travailler en étroite liaison avec le CFCM. Celui-ci vient de créer un «conseil religieux» et a adopté une «charte de l’imam». Il prévoit d’accorder une «recommandation» aux imams qui auront été formés en direction des mosquées. L’Etat a créé des diplômes universitaires pour la formation juridique et civique. Il existe également des diplômes de français pour ceux qui ne maîtrisent pas la langue. La formation religieuse relève d’institutions purement musulmanes. Des pays comme l’Algérie, le Maroc, l’Egypte ou la Turquie auront-ils un concours à apporter à la Fondation ?
Les pays que vous venez de citer ont conclu des accords avec le ministère de l’Intérieur pour ce qui concerne la formation des imams détachés. La Fondation développera bien entendu un programme d’échanges avec les pays musulmans concernant la connaissance du fait religieux musulman avec lequel nos concitoyens doivent se familiariser. Il y a 4 à 5 millions de résidents de culture musulmane en France qui, pour la plupart, sont des citoyens français. L’objectif de la Fondation est de les rendre pleinement citoyens en assurant leurs droits. Ils sont une part de l’identité et de l’avenir de la France. C’est un fait qui doit entrer dans la conscience collective. La France est faite de strates diverses qui, au fil du temps, ont constitué une même nation. L’essentiel est que cela se fasse sur la base des principes républicains. La France a une personnalité structurée, comme l’écrivait Jacques Berque, que les apports successifs doivent préserver.
 

 

Mais c’est un pays ouvert et qui doit le rester, en préservant bien entendu l’armature des principes républicains qui fondent son identité depuis la Révolution française. La France est une nation politique : pour devenir français, il suffit de se sentir citoyen français, d’en exercer les droits et d’en respecter les devoirs. Existe-t-il réellement un islam spécifique à la France, qu’un islam de France ?
L’islam est une religion universelle et il y a une communauté des croyants : c’est l’Oumma. Mais en même temps, les pays d’islam sont divers. Dans notre pays, il est inévitable qu’au fil du temps les générations nouvelles de musulmans nées sur le sol de France prennent de plus en plus en main la gestion de leur culte. Cela n’empêche nullement le maintien des relations avec les pays d’origine dès lors que cela se fait dans un cadre négocié, respectueux de la souveraineté de chaque pays. Avec l’Algérie, pays ami, nous partageons les mêmes soucis de stabilité et d’entente mutuelle. L’islam à l’algérienne, fidèle à l’héritage de l’Andalousie, tel que l’a évoqué devant moi votre ministre des Affaires religieuses, M. Aïssa, est très proche de l’islam que nous voulons pour la France, c’est-à-dire compatible avec les principes républicains. Un islamologue libanais, professeur aux Etats-Unis, Suleiman Mourad, vient de publier un livre intitulé La Mosaïque de l’islam, paru aux éditions Fayard cette année, où il montre combien la tradition sunnite est éloignée du wahhabisme. La question de l’islam en France occupe une place centrale dans le débat public et fait souvent l’objet de clivages et certains acteurs n’hésitent pas à évoquer le risque de guerre civile. Que révèle cette question de la France d’aujourd’hui ?
Ceux qui veulent créer les conditions d’une guerre civile en France sont les habituels prophètes d’un «choc de civilisations» : les groupes «identitaires» d’un côté, dangereux mais peu nombreux, et les terroristes soi-disant «djihadistes» de l’autre. Même s’ils ne sont que quelques milliers, ils peuvent faire un tort considérable d’abord à leurs compatriotes musulmans qui n’aspirent qu’à vivre tranquillement leur religion. La Fondation de l’islam de France a pour vocation d’ouvrir d’autres chemins de réussite et d’élévation pour des jeunes aujourd’hui privés de repères et tentés par des impasses mortifères. C’est un défi que nous avons à relever ensemble : désamorcer tout ce qui peut contribuer à des escalades et à des surenchères néfastes pour tous et particulièrement pour l’Algérie et pour la France.

Votre pays s’apprête à vivre une année électorale particulière. La question de l’islam et de l’islamisme serait-elle déterminante ?
La lutte contre le terrorisme est une cause qui doit nous réunir. Elle se prête à des amalgames dont j’espère que les principales forces politiques en France sauront éviter. La Fondation de l’islam de France est là pour rappeler que nos compatriotes musulmans ont le droit de vivre paisiblement leur religion.

Une très large majorité de Français l’accepte, même si des actes antimusulmans peuvent être commis, qui sont autant de provocations à la haine et dont il convient de confondre les auteurs. Pour le reste, la France est suffisamment au clair avec son identité républicaine pour se concentrer sur les problèmes économiques, politiques, sociaux qui naissent d’une «globalisation» mal maîtrisée.

Comme dans beaucoup de pays, il existe aussi en France un islamisme politique radical ; comment cette mouvance a-t-elle pu prendre forme ?
Cette mouvance s’est développée depuis une vingtaine d’années. Elle est un aspect de cette «globalisation» devenue folle. Elle est à l’intersection des problèmes sociaux en France et des conflits internationaux, au Moyen-Orient notamment. Il faut éteindre ces incendies, rendre des pays comme la Syrie et l’Irak vivables pour leur population. Et nous avons aussi à faire en France un immense travail de pédagogie républicaine. Ce sera un travail de longue haleine. Mais avons-nous un autre choix ? Comme l’a écrit Schopenhauer : «Ce n’est pas le chemin qui est difficile. C’est la difficulté qui est le chemin».

Existe-il un lien entre la montée de l’islamisme en France et certaines monarchies du golfe accusées de soutenir financièrement et idéologiquement les islamistes français ?
Il n’est pas douteux que le terrorisme soi-disant djihadiste a pu se développer sur le terreau du salafisme, lui-même propagé depuis plusieurs décennies par des fondations d’inspiration wahhabite. Les chocs pétroliers ont fait basculer vers le Golfe le centre de gravité du Moyen-Orient au détriment de pays comme le Liban ou l’Egypte.

Mais le triomphe du fondamentalisme religieux n’est qu’une autre face de l’échec du mouvement de réformes que symbolisait la «Nahda» et dont la guerre des Six Jours (1967) et les deux guerres du Golfe (1991 et 2003) ont été les manifestations les plus violentes. Mais cet échec de la Nahda n’est pas définitif. Il nous appartient de reconstruire un horizon de progrès non seulement pour le monde arabe, mais pour le monde entier.

Dans quelle mesure les conflits qui agitent le Moyen-Orient impactent-ils la radicalisation en France ?
Daech est le legs empoisonné des deux guerres du Golfe. En détruisant l’Etat irakien, les Etats-Unis ont créé les conditions de l’affrontement entre chiites et sunnites. En Syrie, nous assistons à la surimposition d’une guerre civile entre le régime et son opposition traditionnellement islamiste, et d’une guerre par procuration entre la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar, sunnites d’une part, l’Iran chiite et ses alliés, d’autre part.

Le mythe du «djihad» planétaire est né dans les années 1980 dans les montagnes d’Afghanistan. L’Algérie en a payé le prix dans les années 1990. Aujourd’hui, la France et l’Europe sont frappées. Nous n’éradiquerons pas facilement ce mythe obscurantiste sinon en ouvrant un nouvel horizon de progrès et de paix pas seulement au monde musulman mais à l’Humanité tout entière.

« En France, tous les éléments d’une politique industrielle ont disparu »

Créé par le 23 déc 2016 | Dans : Blog du Che, Projet politique

Entretien de Jean-Pierre Chevènement à La Tribune, propos recueillis par Jean-Christophe Chanut et Romaric Godin, mardi 20 décembre 2016.


La Tribune: Dans votre dernier ouvrage, Un Défi de Civilisation (*), vous tentez de comprendre comment la France a pu devenir la cible d’un terrorisme porté par ses propres enfants. Vous identifiez un long processus de haine de soi à l’œuvre dans notre pays qui, selon vous, remonte au début du 20e siècle…
Jean-Pierre Chevènement:
Selon moi, ce phénomène prend sa source dans le prix exorbitant qu’a dû payer la France pour préserver son indépendance durant la première guerre mondiale. Il en a résulté un sentiment très profond de désorientation et de rejet. D’autant que ce conflit a donné naissance à des monstres que la France de la troisième République n’était pas préparée à affronter : le bolchévisme, le fascisme et, plus tard, le nazisme. Le pacifisme généralisé a alors conduit les élites françaises à préférer la guerre entre l’Union soviétique et l’Allemagne qu’elles désiraient à la guerre entre la France et l’Allemagne qui leur a été imposée. Et c’est une des raisons les plus fortes, comme l’a montré Marc Bloch, de la capitulation de 1940. Celle-ci a ancré dans la conscience collective un sentiment de haine de soi. Sauf évidemment chez ceux qui ont résisté autour du général de Gaulle qui, en continuant le combat, a voulu maintenir la France dans le camp des vainqueurs.
Seul de Gaulle et les Résistants pouvaient préserver après 1940 une vision valorisante de l’histoire de France. Les élites françaises, parce qu’elles avaient été pétainistes en 1940 et sous l’occupation ont admis que Pétain, c’était la France. C’est, du reste, ce que confesse à sa manière et sans doute inconsciemment, Jacques Chirac lorsqu’il dit, en juillet 1995, que « la France a commis l’irréparable ». Il ne contextualise pas la rafle du Vel d’Hiv, l’impute à la France et non pas à l’Etat français. L’occupation allemande n’est pas évoquée. Entre Pétain et de Gaulle, le conflit de légitimité est ainsi tranché en faveur du premier. La haine de soi plonge donc ses racines très profondément dans le « Plus jamais ça ! » d’après 1918, l’effondrement de 1940 et la déconsidération à ses propres yeux d’une France incapable d’incarner la cause des démocraties face à l’Allemagne nazie. Les élites françaises, sous l’occupation, ont souhaité la victoire de l’Allemagne parce que, comme le disait Pierre Laval, « sans elle, le bolchévisme triompherait partout ». De cette chute vertigineuse de l’estime de soi que De Gaulle n’a pu enrayer qu’un court laps de temps (1958-1970) ont découlé les campagnes de repentance à répétition sur l’esclavage ou la colonisation. Ces campagnes ont objectivement contribué à l’effacement de la nation et du sentiment national à l’ère de la globalisation libérale, plus ou moins maquillée aux couleurs d’une Europe destinée à remplacer la France comme horizon collectif. Lorsqu’une personne est gravement malade, d’autres maladies, secondaires, se greffent sur l’organisme affaibli.

Chevènement – Sorel : mener un combat résolu pour continuer la France

Créé par le 16 déc 2016 | Dans : Blog du Che, Projet politique

Chevènement – Sorel : mener un combat résolu pour continuer la France

président islam de France
 

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – Pour le nouveau patron de la Fondation de l’islam de France, l’islam politique est d’abord le révélateur du malaise français. Pour l’ancienne ingénieur de l’École polytechnique d’Alger, il s’agit de la menace prioritaire à laquelle la République est confrontée.

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Tous deux sont des amoureux de l’Histoire de France et des patriotes incandescents attachés à l’autorité de l’État. Le premier, ancien ministre de l’Intérieur, vient d’être nommé à la tête de la Fondation de l’islam de France et publie Un défi de civilisation (Fayard). Une méditation profonde sur les racines du malaise français en même temps que programme de salut public. La seconde, ancien membre du Haut Conseil à l’intégration, s’est vu décerner le prix littéraire Honneur et Patrie de la Société des membres de la Légion d’honneur pour Décomposition française. Comment en est-on arrivé là? (Fayard). Essai magistral qui s’inscrit dans la filiation de L’Étrange Défaite de Marc Bloch. Pour le «che», l’islam politique est d’abord le révélateur de notre crise existentielle. Pour l’ancienne ingénieur de l’École polytechnique d’Alger, il s’agit de la menace prioritaire à laquelle la République est confrontée.

Le 11 janvier, Jean-Pierre Chevènement est l’invité des «Grandes Rencontres du Figaro», Salle Gaveau*. Il donnera sa vision de la France, de l’islam et de la nouvelle donne géopolitique marquée par le retour des nations.


LE FIGARO. - Jean-Pierre Chevènement, votre dernier livre s’intitule Un défi de civilisation. N’y a-t-il pas davantage lieu de croire à un choc des civilisations?

Jean-Pierre CHEVÈNEMENT. -L’idée d’un choc des civilisations a été développée par l’essayiste américain Samuel Huntington en 1994. Celui-ci ne souhaite nullement ce choc mais il en perçoit le risque dans l’univers de la globalisation marqué par l’effondrement des grandes idéologies. Sa définition des différents «blocs de civilisation» (occidental, orthodoxe, confucéen, etc.) est contestable. Même la «civilisation musulmane» est loin d’être homogène: il y a une mosaïque de l’islam traversée par plusieurs courants et différentes écoles. L’échec de la Nahda (la Réforme) n’est pas définitif. L’humanité reste composée de nations et la nation, à mes yeux, reste encore un concept plus opératoire que celui de «bloc de civilisation».

«Pour moi, le défi de civilisation n'oppose pas le monde musulman et le monde occidental. Il interpelle et traverse aussi bien l'Occident que l'Orient», explique Jean-Pierre Chevènement.
 

Cela dit, l’hypothèse de Huntington, qui apparaissait lointaine en 1994, s’est considérablement rapprochée depuis. L’idée de choc des civilisations a été portée aux États-Unis par les intellectuels néoconservateurs qui, dès la fin des années 1990, ont théorisé l’idée d’un «nouveau siècle américain» fondée sur l’exportation de la démocratie par la force des armes. Ce courant serait resté complètement marginal sans les attentats du 11 Septembre et la réponse totalement inappropriée qu’y a apportée George Bush Jr. Celui-ci a envahi l’Irak, a détruit son État et créé les conditions de l’émergence de Daech. De l’autre côté, le fondamentalisme religieux s’est affirmé. 1979 est l’année charnière. En Iran avec Khomeyni, en Arabie saoudite avec l’occupation des Lieux saints par des extrémistes wahhabites, et en Afghanistan avec l’invasion soviétique et l’organisation d’un premier djihad armant les moudjahidins afghans. De là naîtra après la guerre du Golfe la nébuleuse al-Qaida. De part et d’autre, des groupes très minoritaires, au départ, ont ainsi entraîné le Moyen-Orient dans un chaos sans fin. Pour moi, le défi de civilisation n’oppose pas le monde musulman et le monde occidental. Il interpelle et traverse aussi bien l’Occident que l’Orient. Il faut rappeler que les Irakiens, les Afghans ou les Algériens ont payé le plus lourd tribut au terrorisme djihadiste. Il faut offrir un horizon de progrès à des peuples qui ont perdu leurs repères, qui ont l’impression d’aller dans le mur. C’est vrai aussi du peuple français. Il faut ouvrir des voies de réussite et d’élévation économique, sociale, morale, spirituelle. Tel est le défi de notre époque. Lire la suite »

Lascaux IV au pays de l’Homme

Créé par le 15 déc 2016 | Dans : a-le quartier libre de XD

http://www.dailymotion.com/video/x558l9z

 

Le singe capucin, nouveau « Monsieur Jourdain » de la pierre taillée?

Créé par le 25 oct 2016 à 4:41 | Dans : a-le quartier libre de Xavier Dumoulin |

L’art dans la rue ou dans le quotidien pour des liens qui libèrent…

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L’écho des savanes dans la nuit des étoiles

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A lire dans Libé : la santé, sujet de société à soigner

Créé par le 08 déc 2016 | Dans : Non classé

  

Les participants au forum organisé par «Libération» ce week-end ont réfléchi à une nouvelle relation entre médecins, patients et pouvoirs publics qui intègre la place des aidants et le vécu des victimes d’un AVC.

La santé, sujet de société à soigner

«Cerveau, neurones, écoute, avenir, parole, santé, vie, éducation, prévention, espoir…» Les mots décorant les murs du forum «Quand le corps s’éclipse», samedi 3 décembre à Paris dans les locaux de la rédaction, résumaient bien l’esprit de la manifestation. Après la journée mondiale de l’AVC, Libération poursuivait sa réflexion sur la place de la maladie dans nos sociétés. Un sujet qui a rassemblé quelque 800 personnes, dont de nombreux médecins, cadres hospitaliers, infirmiers ou malades.

De la prévention à la responsabilisation du patient

«La santé, c’est politique !» La première table ronde a abordé un thème qui devrait s’imposer dans le dé bat présidentiel qui s’ouvre. Quelles réformes ? Comment mobiliser les citoyens et les professionnels ? La maladie, comme la «bien-portance», concerne l’individu mais est aussi une question sociétale dont les politiques peinent à s’emparer, malgré le montant colossal des dépenses publiques dans ce domaine (près de 257 milliards d’euros en 2014).

Ainsi l’accident vasculaire cérébral (AVC). Il touche 150 000 personnes par an. «C’est la première cause de handicap au sein de la population française», indique Norbert Nighoghossian, chef du service neurovasculaire des Hospices civils de Lyon. Son coût actuel (8 milliards d’euros par an) pourrait être réduit en s’attachant à un impératif : la prévention. En particulier auprès des soignants que l’on retrouve «en première ligne» : les généralistes. «Or, ça ne coûterait pas un sou de modifier les parcours de formation initiale et continue dans ce sens», souligne Alain Fischer, professeur d’immunologie. Seconde nécessité : «Structurer le soin, le rendre pertinent de bout en bout», notamment en se livrant à l’hôpital à une «réorganisation de la chaîne du cardio-vasculaire», juge le professeur Nighoghossian. Mais pas de synergie sans transdisciplinarité. D’où la nécessité de mettre fin aux «querelles de territoires entre les spécialités médicales», comme le note Martin Hirsch, directeur général des Hôpitaux de Paris. Cela interroge selon lui «la notion même de discipline : les pathologies chroniques sont de moins en moins mortelles à court terme. Il est de plus en plus rare qu’un patient soit pris en charge par un seul traitant». D’après Jean Leonetti, ancien ministre, cette réorganisation pourrait être le socle d’une «démocratie sanitaire raisonnable», où le patient serait responsabilisé, où les choix thérapeutiques seraient dictés par l’éthique, et non par les enjeux financiers ou la performance médicale.

Comment aider les aidants ?

Si ce changement «culturel» reste éminemment politique, les décideurs ne pourront s’exonérer de l’expertise des personnels hospitaliers et des acteurs du monde associatif en lutte permanente contre le manque de reconnaissance des patients et de leurs aidants, ces «invisibles», sujets du second débat. «La maladie est une invisibilisation du sujet à lui-même», confirme Céline Lefève, philosophe à l’université Paris-Diderot. L’identité biologique et sociale du patient s’estompe dès son entrée à l’hôpital. Comme l’explique la neuropsychologue Inge Cantegreil-Kallen, «le malade y est encore trop souvent vu comme un pur objet de soins et pas comme un sujet à part entière». L’adoption d’un plan AVC de 2010 à 2014 a certes permis la mise en place de 140 centres de prise en charge multidisciplinaire, mais «les structures hospitalières demeurent insuffisamment préparées», regrette Pascal Piedbois, directeur médical de Boehringer-Ingelheim.

Et «il ne faut jamais oublier que la deuxième victime de la maladie chronique, c’est la famille», rappelle Janine-Sophie Giraudet, médecin rhumatologue à l’hôpital Cochin. On dénombre, en effet, plus de 8 millions d’aidants, dont deux tiers sont des femmes. Si la loi du 11 février 2005 leur a donné un statut, ces «travailleuses de l’ombre», exposées à un stress chronique, «affichent un taux de mortalité supérieur de 30 % à celui du reste de la population», détaille Janine-Sophie Giraudet, qui milite pour la création d’un parcours de soins spécifique. Le milieu associatif, grâce au «baluchonnage», joue lui aussi un rôle de soutien. «Cette pratique venue du Canada consiste à confier le proche malade ou handicapé à des volontaires rémunérés pour soulager l’aidant durant quelque temps», fait savoir Paul Ramazeilles, secrétaire adjoint de la fédération France AVC.

 

Le «savoir profane» des malades

Car du temps, il en faut durant la convalescence pour se reconstruire et reprendre possession d’un «corps en désordre», sujet du troisième débat de la journée. Une situation qu’a bien connue Matthieu Firmin, journaliste-vidéaste. Paraplégique à 40 ans après un accident vasculaire, il a filmé la reconquête de ce corps défaillant (1). «En rééducation, on vous apprend à redevenir autonome, témoigne-t-il. Ensuite, c’est le système D.» Au fil des journées à l’hôpital, les malades se transmettent leurs «astuces» : «On invente d’autres chemins de mobilité, pour mettre ses chaussettes, se gratter le nez, aller aux toilettes tout seul» , détaille-t-il.

Ce «savoir profane» bouleverse le rapport médecin-malade, traditionnellement «binaire et hiérarchique», rappelle Christine Détrez, sociologue à l’ENS Lyon. Or «il faut apprendre à résister aux médecins» , considère Matthieu Firmin. «Tout le monde n’en a pas les ressources. C’est ce capital social, intellectuel qui détermine in fine la capacité d’adaptabilité» , nuance Christine Détrez. Cela se vérifie dans le cas de l’AVC, pointe Matthieu Firmin : «Il y a un protocole qui accompagne le patient jusqu’à son réveil post-opératoire. Cela dit, ensuite, ce n’est pas la médecine qui fait à proprement parler guérir.» L’aphasie, l’une des séquelles courantes, peut ainsi être tardivement révélée – et prise en charge : «S’il n’y a pas d’hémiplégie, elle ne se voit pas, explique la neurologue Gisèle Gelbert. Dans ce cas, le diagnostic se fait sur des bizarreries : un patient peut par exemple parler, écrire et lire, mais il n’arrivera pas à associer ces fonctions correctement.»

Vers une vie dématérialisée ?

Pour boucler cette journée, il fallait un philosophe et un visionnaire. Que sera la médecine du futur ? Va-t-on vaincre la maladie ? Puis la mort ? Le fantasme d’un génome contrôlé et d’un humain augmenté resurgit. Pas si fantasmé à en croire Laurent Alexandre, chirurgien et directeur de DNA Vision, pour qui «les nanotechnologies, biotechnologies, informatiques et sciences cognitives (NBIC), portées par les dirigeants transhumanistes de la Silicon Valley, vont bouleverser la médecine».

La promesse d’un gigantesque transfert de pouvoir des médecins aux géants du numérique est un casse-tête éthique. «Déplacer ainsi la frontière entre le normal et le pathologique débouche sur le « panmédicalisme », dénonce le philosophe André Comte-Sponville, ex-membre du Comité consultatif national d’éthique. Est-ce encore de la médecine ou déjà du dopage ?» Un questionnement d’autant plus légitime que l’établissement d’une législation internationale en matière de bioéthique apparaît de nos jours peu probable.

Alors, tous augmentés ? Faut-il aller jusqu’à la dématérialisation de la vie, comme le prônent les transhumanistes ? «La transgression, c’est un truc contingent et local, argumente Laurent Alexandre. Il est donc très dur de prévoir ce que seront les normes éthiques et morales en 2060.» Pas enchantée par ces perspectives désincarnées, une femme dans le public s’interroge : «Ça serait quoi, une vie dématérialisée ? On ne mangerait plus, on ne ferait plus l’amour, on ne jouerait plus de musique… Eh bien, non merci !»

(1) Le documentaire «Lève-toi et marche !» sur www.spicee.fr

Maïté Darnault , Xavier Colas @Xavier_Colas

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