A Marseille, la gauche du PS fait un pas de plus vers Mélenchon
Créé par sr07 le 09 sept 2018 à 22:50 | Dans : Non classé
AFP, publié le dimanche 09 septembre 2018 à 20h05
La gauche du PS a fait un pas de plus vers une sortie du parti à l’approche des élections européennes, en accueillant dimanche à Marseille le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon.
Invité de marque de l’université d’été de « Nos Causes communes », le club créé par le courant d’Emmanuel Maurel et le MRC (Mouvement républicain et citoyen), M. Mélenchon a tendu la main à ses anciens camarades socialistes.
« Si chaleureuses qu’aient été les rencontres qui m’ont permis de construire avec d’autres cette force (LFI), mes amis, vous me manquiez », a lancé l’ancien sénateur PS, en faisant part de son espoir que « finisse cette longue solitude pour (lui) d’avoir été séparé de (sa) famille intellectuelle et affective » en 2008.
« Sachez que nous vous attendons, le coeur plein d’espérance et d’allégresse à l’idée des fraternités qui s’annoncent », a-t-il également déclaré devant un auditoire d’environ 300 personnes, dont nombre de militants issus de la Gauche socialiste, le courant qu’il avait fondé en 1988 avec Julien Dray.
Dans son discours de 45 minutes à la tribune, M. Mélenchon a également rappelé ses forces – 7 millions des voix au premier tour de la présidentielle, 17 députés, et bientôt un « commando » annoncé de députés européens – et s’est réjoui de sa place désormais dominante, selon lui, à gauche. « La crise du leadership populaire est réglée. Me voici », a-t-il affirmé.
« La sociale-démocratie, comme le libéralisme, sont des programmes épuisés », a-t-il asséné, en arguant que le « compromis » avec le capital est devenu « impossible » puisqu’il s’est « transnationalisé ».
Très applaudi, M. Mélenchon a proposé aux participants de converger sur quatre « révolutions »: la planification écologique, la rupture avec les traités européens, le refus des accords de libre-échange et le protectionnisme solidaire.
- « Oui à un dialogue exigeant » -
La réponse du député européen Emmanuel Maurel, qui de longue date caresse l’idée d’un rapprochement avec M. Mélenchon, était très attendue.
« Parce que nous avons l’intuition que les causes communes, les causes que nous défendons, sont plus importantes que ce qui pourrait nous différencier ou nous séparer (…) oui à un dialogue exigeant », a-t-il répondu.
S’il n’a annoncé aucun ralliement, il a égrainé dans son discours les points d’accord entre lui et M. Mélenchon, et dressé une nouvelle fois le réquisitoire du quinquennat de François Hollande, qui a « tourné le dos » aux promesses des socialistes selon lui.
« Le président sortant fait mine de découvrir qu’Emmanuel Macron est libéral, quel scoop », a-t-il ironisé, en se moquant des « larmes de crocodiles » de ceux qui il y a quelques mois encore « se disaient à équidistance d’Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon ».
Il a esquissé quelques propositions pour la campagne des européennes, demandant notamment un « moratoire sur les traités de libre-échange » et une opposition claire au traité euro-canadien CETA.
La gauche du PS finira-t-elle par sauter le pas ? Ses troupes semblent partagées. La sénatrice Marie-Noëlle Lienemann ne semble guère en douter, évoquant auprès de la presse le lancement d’un nouveau mouvement allié à M. Mélenchon, qui s’appellerait Les Socialistes – une marque qu’elle a déposée en 2016.
M. Maurel préfère lui parler du débat qu’il entend mener au sein du PS sur la « stratégie » et les « grands enjeux » des européennes, alors que le PS travaille encore à son projet et n’a pas choisi sa tête de liste.
Selon un proche de M. Maurel, les choses pourraient évoluer à l’occasion du Conseil national du PS, le 13 octobre. « Le travail en interne continue même si nous ne nous faisons aucune illusion (…) Clairement, si la ligne est celle que nous connaissons actuellement, il y aura sortie de 70% de nos membres dans les instances dirigeantes du parti à l’issue du CN », menace-t-il.
Interrogé par la presse, M. Mélenchon a dit comprendre la « prudence » de ses éventuels partenaires: « Il faut du temps pour que ça incube et que ça diffuse ».
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Récit
Immigration: Jean-Luc Mélenchon tente de dissiper les ambiguïtés
Par Rachid Laïreche — 9 septembre 2018 à 20:46
Critiqué à gauche pour sa position floue sur les réfugiés, le leader de La France insoumise a voulu montrer à Marseille dimanche qu’il n’était pas rattrapé par les positions d’extrême droite, comme ses homologues d’Allemagne ou d’Italie.
Immigration: Jean-Luc Mélenchon tente de dissiper les ambiguïtés
Des retrouvailles. Le sentiment de se plonger dans le passé. Dimanche matin, à Marseille, Jean-Luc Mélenchon s’installe derrière le pupitre. Chemise blanche retroussée, lunettes sur le nez, il s’adresse à son ancienne famille : les socialistes. Le député des Bouches-du-Rhône participe à un débat organisé par Nos Causes communes – un club politique fondé par Emmanuel Maurel, Marie-Noëlle Lienemann et le Mouvement républicain et citoyen (MRC). «J’ai le cœur plein d’enthousiasme si vos chemins viennent en jonction avec les nôtres. Que finisse cette longue solitude pour moi d’avoir été séparé de ma famille», lâche le tribun. Il va encore un peu plus loin : «Mes amis, vous me manquiez.»
Jean-Luc Mélenchon passe très vite aux questions de fond. Il termine son allocution avec un sujet qui crispe les âmes, l’immigration. Le leader de La France insoumise pointe les «politiques injustes» des Occidentaux qui poussent «les agriculteurs, les pêcheurs» à quitter leur terre. Il répète à plusieurs reprises : «Les gens ne partent pas par plaisir, l’exil est une souffrance et le pied-noir qui vous parle le sait.» Il ajoute : «Je n’ai jamais cru à la liberté d’installation, c’est une fausse liberté. Il faut mener une politique raisonnable et le devoir d’humanité est indispensable.» Une sortie loin d’être anodine : à quelques mois des européennes, observateurs et politiques surveillent à la virgule près ses propos sur le sujet.
Le 25 août, au parc des expositions de Marseille, c’est la rentrée de La France insoumise. Sous le vent et le regard des militants, Jean-Luc Mélenchon n’esquive pas le débat : «C’est un sujet qui, paraît-il, est délicat pour nous. Il ne l’est nullement.» Le député rend hommage à l’Aquarius, le navire humanitaire qui secourt les réfugiés en mer. Puis : «Oui, il y a des vagues migratoires, oui, elles peuvent poser de nombreux problèmes aux sociétés d’accueil quand certains en profitent pour baisser les salaires en Allemagne. Nous disons : honte à ceux qui organisent l’immigration par les traités de libre-échange et qui l’utilisent ensuite pour faire pression sur les salariés.»
Des mots qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à ceux de la députée allemande de Die Linke Sahra Wagenknecht, qui vient de lancer son nouveau mouvement, «Aufstehen» («debout»), et qui crée la polémique dans son pays : elle cogne sur la «naïveté» de la gauche, «l’ouverture des frontières» et la politique migratoire d’Angela Merkel. Sahra Wagenknecht connaît bien le député de Marseille, elle l’a côtoyé à plusieurs reprises. Et le débat autour de ses positions a éclaboussé La France insoumise. Jean-Luc Mélenchon a écopé d’accusations très vilaines («xénophobe», «nationaliste»…).
«Une Kaaris-Booba»
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Qu’importe, le chef de La France insoumise s’est engouffré dans la brèche. Le lendemain matin, sur les réseaux sociaux, il a tapoté sur son clavier : «La macronie insultante est rappelée à l’ordre par son chef. Eux qui m’invectivent depuis quinze jours et me traitent de xénophobe et de nationaliste sont désapprouvés par le chef de l’Etat…» Manuel Bompard, candidat de LFI aux européennes, confirme. Selon lui, certains ministres tentent de mettre dans le même bateau Jean-Luc Mélenchon, l’Italien Matteo Salvini et le Hongrois Viktor Orbán.
C’est «raté et c’est fini», dit-il. Comprendre : Macron vient de siffler la fin de la partie. Le souci : les critiques ne fusent pas que de la majorité présidentielle. Plusieurs têtes à gauche tiquent. A l’image d’Olivier Besancenot et de David Cormand (EE-LV). Le secrétaire national des écolos pose le débat : «Je n’ai aucun doute sur les valeurs de Jean-Luc Mélenchon.» Il poursuit : «Mais j’ai le sentiment qu’il refuse de brusquer une partie de son électorat qui est contre l’accueil des migrants alors qu’il devrait être plus ferme, il ne doit pas laisser transparaître des ambiguïtés. En faisant ça, il ouvre une boîte de pandore dangereuse.»
L’ex-PS Mehdi Ouraoui, qui vient de rejoindre Génération.s de Benoît Hamon, assène : «Ce que dit Mélenchon sur la concurrence entre travailleurs étrangers et Français est faux et dangereux politiquement. Ce qui dégrade les droits sociaux, c’est la loi travail de Macron, c’est le patron bien français de Carrefour qui pressure ses caissières, ce n’est pas Mohamed qui fait le boulot dont les Français ne veulent plus en nettoyant des bureaux à 4 heures du matin !»
«Bêtises»
Au fil des discussions, une date revient. Toujours la même lorsqu’on évoque le leader de La France insoumise et l’immigration : le 14 avril 2012. Le candidat à la présidentielle du Front de gauche était à Marseille pour un meeting sur la plage du Prado. Dans une ambiance folle – youyous et applaudissements -, le natif de Tanger, au Maroc, saluait «les Arabes et Berbères» par qui sont venues en Europe «la science, les mathématiques ou la médecine». Des frissons.
Un socialiste qui échange «quelquefois» avec lui est «persuadé» d’une chose : «Mélenchon est un homme de gauche, ça reste un homme de gauche, il pense toujours la même chose, mais aujourd’hui, il serait incapable de tenir le même discours car il sait très bien que l’immigration fait perdre les élections.» Des «bêtises», répond La France insoumise. Qui s’énerve. Résultat : dimanche matin, derrière le pupitre, Mélenchon a une nouvelle fois célébré la Méditerranée, «l’avenir du pays, une énergie dont notre pays a besoin. La France ne peut prospérer si elle tourne le dos à la Méditerranée, nos frères et sœurs algériens, marocains, italiens, etc.»
Et lorsqu’on demande la ligne de La France insoumise sur la politique migratoire, Manuel Bompard répond : «C’est la ligne traditionnelle, celle du monde ouvrier, et elle ne date pas du mois dernier.» Une manière d’invoquer une figure qui fait consensus à gauche : Jean Jaurès. Plus d’un siècle après sa mort, le socialiste reste au cœur du débat. Et chaque acteur actuel traduit ses écrits en sa faveur.