Derrière les gilets jaunes, se sont des millions de Français qui poussent un cri de colère, refusant ce monde d’injustice et de mépris qui n’assure plus d’avenir aux couches populaires, celles-là mêmes qui ne bouclent même plus leur fin de mois. Ce mouvement de masse digne,  spontané et déterminé des gilets jaunes, à l’opposé des violences provocatrices qui voudraient le disqualifier, nous rend la fierté d’être Français! Et appelle à une révision de fond des politiques publiques, en commençant par la redistribution des revenus. Pour huit Français sur dix, ce mouvement populaire jouit d’une vraie légitimité quand il reste au cœur de la question sociale.

L’inflexibilité du gouvernement dictée par la posture du président fait apparaître plus que jamais le caractère clanique de cette « gouvernance » méprisante. Pour autant les leçons de l’histoire, au lendemain de ce deux décembre, doivent inciter les représentants et élus de la nation à faire preuve de la plus grande vigilance face aux risques de chaos si la stratégie du pourrissement en œuvre devait déstabiliser le pays pour renforcer un césarisme, déjà en germe dans ce pouvoir intransigeant mais autant isolé que décalé.

Entendons-nous bien sur l’enjeu de cette période qui ouvre le champ des possibles, c’est à dire du pire ou du meilleur. Cette sortie par le haut suppose une puissante capacité pédagogique des mouvements citoyens et sociaux face à un pouvoir sourd et impuissant pour sortir d’un blocage jusqu’alors orchestré par les dirigeants nationaux, crispés sur le maintien d’une politique austéritaire, d’imposition fiscale et d’écologie punitive qui frappe d’abord les plus démunis.

A l’heure des consultations des partis par le premier ministre, ce lundi 3 décembre, et après cette grande démonstration de force dans la durée qui porte les revendications des gilets jaunes, en écho, faut-il le souligner, à de nombreuses propositions émanant des forces syndicales ou politiques de ce pays, il importe donc avant tout d’ouvrir une perspective d’avancées sociales. Et, sous cet angle, d’exiger comme préalable le retrait de la hausse des carburants, qui doit s’accompagner d’une nouvelle approche des politiques salariales et sociales. Faute de quoi il appartiendra aux forces démocratiques de conjuguer leur action pour retrouver une issue politique à cette insurrection rampante face à la tentation autoritaire.

Dans ce cadre, on voit mal comment une autre politique pourrait surgir sans s’affranchir de la doxa néolibérale et du carcan de cette Europe austéritaire rejetée par le peuple français lors du référendum de 2005. Ce retour de bâton doit cibler sa trajectoire politique en pointant l’idéologie de l’ordo-libéralisme portée depuis trop longtemps par des sensibilités politiques de tous bords au grand bénéfice de l’establishment, c’est à dire de ceux d’en haut qui assurent ainsi la promotion de leurs intérêts égoïstes dans cet espace du capitalisme financier international.

Dans cette épreuve de force, l’écoute et la pédagogie s’imposent pour ranimer une parole politique aujourd’hui fortement diminuée et contestée du fait des abandons de souveraineté qui mettent à mal la république sociale et l’existence même de la nation comme communauté de citoyens.

Xavier DUMOULIN