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Le traditionnel clivage entre la gauche et la droite a façonné le paysage politique pendant des décennies. Les deux grands partis qui structuraient ce clivage, PS et LR, ont été aspirés puis remplacés par Emmanuel Macron dont le socle idéologique leur est compatible.

Pour prolonger les politiques d’inspiration libérale, Macron a substitué au clivage gauche-droite le clivage entre prétendus « progressistes » et « nationalistes ». C’est le duo entre l’extrême marché et l’extrême droite qu’il impose depuis 2017 et confirmé lors des dernières élections européennes. Ce paysage se consolide partout en Europe. Il fonctionne comme une nasse qui retarde le moment de la prise en charge réelle des défis humains et écologiques qui nous font face. L’urgence est donc d’imposer un nouveau clivage opérant. Réhabiliter le clivage gauche-droite est une vaine entreprise.

Face aux trahisons et renoncements de l’ère Hollande, à gauche, nous étions tour à tour « 100 % à gauche », « la gauche radicale », « l’autre gauche » ou encore « l’opposition de gauche ». Rien n’y a résisté. Traiter les urgences démocratiques, sociales et écologiques est un objectif politique. C’est autour de ces trois urgences qu’est construit le programme « l’Avenir en commun », autour duquel se sont regroupés 7 millions d’électeurs en 2017 avec Jean-Luc Mélenchon. Mais La France insoumise identifie clairement les verrous qu’il convient de lever pour y parvenir.

Pour partager les richesses et engager la planification écologique, il faut sortir des actuels traités européens et abolir la Ve République, cette monarchie présidentielle, pour passer à une VIe République par la Constituante. Dès lors, comment faire comprendre avec le mot « gauche » que l’on souhaite le partage des richesses et l’écologie populaire quand des soutiens des actuels traités européens et de la Ve République s’en revendiquent ? Prenons un autre exemple adapté aux politiques locales : comment faire comprendre avec le mot « gauche » que l’on s’oppose à la délégation au privé des services publics quand des municipalités bien de « gauche » sont adeptes de telles pratiques ?

La vague dégagiste poursuit sa trajectoire et la première forme de son expression demeure l’abstention. Quand le vote devient durablement un acte marqué sociologiquement et qu’une masse considérable des citoyens font la grève des urnes, il y a urgence. De même, quand une part non négligeable de la colère des citoyens est captée par l’extrême droite qui prétend bousculer le système alors que son projet ne vise qu’à le durcir, il y a urgence. Or les abstentionnistes et les fâchés, fussent-ils de « gauche », se contrefichent du sort de la « gauche » et de sa reconstruction. Et comme on les comprend : ils veulent des réponses concrètes et immédiates à leurs problèmes quotidiens. Pas des textes et des virgules. Nous devons co-construire ces réponses concrètes avec eux et agir à leurs côtés. Ils sont prêts à se mobiliser pour décider par eux-mêmes et que leurs choix soient respectés, comme le montre la mobilisation des gilets jaunes.

En République, le peuple est seul souverain. Parce qu’elle est la condition préalable à l’application d’un programme de transformation écologique et sociale, cette souveraineté populaire est la boussole de la France insoumise. Nos modes d’action doivent en découler. Dans ce contexte et compte tenu de l’urgence, « reconstruire à gauche » apparaît comme un hors-sujet du moment politique.