mars 2020

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Entretien de Jean-Pierre Chevènement à L’Express : « Nous avons cessé de penser le monde en termes stratégiques »

Créé par le 28 mar 2020 | Dans : Blog du Che

Chevenement.fr

Entretien de Jean-Pierre Chevènement à L’Express, propos recueillis par Anne Rosencher, vendredi 27 mars 2020.

Entretien de Jean-Pierre Chevènement à L'Express :
  • Anne Rosencher : Selon vous, quelle est la principale leçon politique que l’on peut d’ores et déjà tirer de l’épreuve que nous vivons ?Jean-Pierre Chevènement : La crise du coronavirus éclaire d’un jour brutal les dépendances que nous avons laissé se créer depuis quatre décennies de ce qu’on appelle la mondialisation. Voyez-vous, on ne délocalise pas la moitié de son industrie à l’autre bout du monde sans que ne se créent des fragilités auxquelles l’Etat se doit maintenant de remédier. Aujourd’hui, c’est bien sûr évident en ce qui concerne les substances médicamenteuses puisque 80% d’entre elles sont produites en Chine. C’est vrai aussi de l’appareillage, des machines d’assistance respiratoire, des gants de caoutchouc, des masques, bien sûr…
  • Les masques, en quelque sorte, sont un cas d’école…Oui et cela illustre le fait que nous avons substitué une logique d’approvisionnement à flux tendus à une logique de stockage qui prévalait jusqu’en 2013. C’est alors sur la recommandation du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale – paradoxalement chargé de veiller à la sécurité de la population dans tous les domaines -, que l’on a renoncé au stockage de plus de 1 milliard de masques. En demandant aux entreprises de constituer leurs propres réserves – ce qu’elles n’ont pas fait, pour la plupart -, l’Etat s’est défaussé de sa responsabilité fondamentale. Il a rompu le pacte de base : les citoyens reconnaissent l’autorité de l’Etat, et en échange de quoi, ce dernier leur assure un certain nombre de services, au premier rang desquels, la garantie de la sécurité. Ne nous y trompons pas : ce qui vaut dans le domaine de la santé vaut aussi dans d’autres secteurs, et il faudra également en tirer les conséquences.
  • A quels autres domaines pensez-vous ?Par exemple, on est en train de mettre en pièces la Politique Agricole Commune, dont le but était d’assurer la sécurité alimentaire de l’Europe. Est-ce bien raisonnable ? A-t-on pris en compte les tensions commerciales, technologiques, géopolitiques, qui résulteront un jour ou l’autre de l’affrontement durable entre les Etats-Unis et la Chine ? Nous sommes-nous mis à l’abri des séismes géopolitiques ? Des rationnements de toutes natures? Des taxations ? Des contingentements ? Des renchérissements du coût de certains produits ? Est-ce que nous avons pensé le monde en termes stratégiques ? Non.Même chose du côté de la sécurité énergétique. Dans ce domaine, nous sommes en train de renoncer à une énergie qui était relativement peu chère et décarbonée : l’énergie nucléaire. Pour y substituer une énergie intermittente et qui ne peut pas être stockée dans l’état actuel des connaissances. Est-ce bien raisonnable de prévoir l’arrêt de 14 tranches nucléaires à l’horizon 2035 ? Nous serons obligés d’importer du gaz, du pétrole, voire de recourir à la houille. Par conséquent, c’est une fragilité que nous créons. Et nous la créons par idéologie. Car tout cela ne procède non pas d’une négligence, mais d’une philosophie.
  • De quelle idéologie parlez-vous ?La logique qui a prévalu depuis 40 ans, c’est celle de Milton Friedman, c’est-à-dire : le calcul d’optimisations individuelles érigé en garant de la prospérité de l’économie globale. Mais l’on est en train de se rendre compte que d’autres données doivent être introduites dans l’équation des politiques économiques. Quand le président de la République dit que le marché ne peut pas imposer partout sa loi, il ne fait que constater cette évidence. Il faut mettre fin à l’idéologie du tout marché, qui crée aujourd’hui la pénurie de masques, de curare, et autres médicaments dont nous aurions besoin pour faire face à l’épreuve que nous affrontons.
  • Lors de son allocution du 12 mars, le président a dit que « rien ne serait plus jamais comme avant ». Mais on a déjà entendu des déclarations de la sorte, notamment après la crise de 2008 ou plus récemment, pendant la crise des Gilets Jaunes. Pensez-vous que, cette fois, ce sera différent ?Je ne sais pas : les hommes qui entourent le président ne sont pas naturellement amenés à penser autrement. Ils ont été éduqués dans ce système. Ils croient être à l’avant-garde mais, bien souvent, ils retardent d’une guerre. Et l’on est en train de le voir. Il faut penser la recomposition géopolitique du capitalisme. Il va de soi que nous sommes entrés dans une ère nouvelle, où il faut introduire la vue du long terme. Mais ça n’est pas gagné d’avance, car c’est tout une manière de penser qui est à revoir : le sens de l’intérêt national. Depuis une bonne trentaine d’années, je n’entends pas beaucoup d’hommes politiques invoquer « l’intérêt national ». C’est une valeur qui est tombée en désuétude. C’est le sens de l’Etat, celui de la longue durée, qui doit faire son grand retour.
  • Quand on emploie le terme « nation » aujourd’hui c’est plutôt pour désigner quelque chose de négatif. Emmanuel Macron a d’ailleurs mis en garde, dans sa première allocution, contre « le repli nationaliste »…Quand la Tchéquie confisque les masques que la Chine destine à l’Italie, c’est du repli nationaliste. Mais quand un pays ferme ses frontières, c’est bien souvent un réflexe de sécurité légitime. Il faut rompre avec l’idéologie sansfrontièriste, qui n’est que le déguisement d’un mondialisme à courte vue. Bien sûr, il ne faut pas confondre nationalisme et patriotisme. Tout le monde connaît le mot de Romain Gary : « Le patriotisme, c’est l’amour des siens ; le nationalisme, c’est la haine des autres. » Je pense qu’il faut voir la nation comme « le donjon », c’est-à-dire l’ultime protection de nos libertés et de nos droits. L’Europe peut être un château, que nous allons aménager avec nos voisins. Mais le donjon national demeure. Il ne faut pas opposer le château et le donjon. Ça n’a pas de sens.
  • Justement, quel bilan tirez-vous de l’Union Européenne dans la période ?L’Europe a remis en cause un certain nombre de (mauvaises) règles qui étaient les siennes depuis le départ ; on va voir combien de temps cela durera. Je pense bien sûr à la règle des 3% du déficit budgétaire et à l’indépendance théorique de la Banque Centrale dont la seule vocation officielle est de lutter contre l’inflation : aujourd’hui, elle doit lutter non pas seulement contre l’explosion de l’euro mais aussi contre une crise économique sans précédent. Il faut faire admettre la légitimité des politiques industrielles.La France va perdre plusieurs points de PIB, nous allons devoir prendre des mesures qui soient à la hauteur. Je dis ça sans aucune acrimonie, je ne demande absolument pas qu’on fasse quelque procès que ce soit. La France a aujourd’hui avant tout besoin de civisme. Pour aborder l’avenir avec confiance, la France a besoin de son peuple, mais elle a aussi besoin de ses élites. C’est pourquoi je me suis toujours prononcé pour la constitution d’un « bloc républicain », qui ressemble la partie des élites qui sont encore assez intelligentes et patriotes pour comprendre qu’il y a des disciplines à faire respecter, que l’Etat doit savoir imposer son autorité quand elle est nécessaire, faire reconnaître les frontières quand elles sont utiles – elles le sont souvent -, et ne pas confondre tout cela avec je ne sais quelle forme de repli nationaliste. On l’a vu pendant cette crise : l’Allemagne elle-même a rétabli ses frontières nationales avant même que nous n’ayions rétabli les nôtres. On a diabolisé à l’excès ce qui aurait été un système de prudence élémentaire. Il va falloir revenir à une géopolitique réaliste. Il va falloir que nos hommes politiques réapprennent à reparler de l’intérêt national qui n’est nullement contradictoire avec l’intérêt européen bien compris. Mais le premier, c’est l’intérêt national. Car on ne peut pas compter sur les autres pays pour faire le travail à notre place.
Chevenement.fr

Chevènement à voix nue

Créé par le 28 mar 2020 | Dans : a-le quartier libre de XD, a2-Blog-notes politique de XD

Chevènement à voix nue

France-Culture diffusait cette semaine l’enregistrement des entretiens de Jean-Pierre Chevènement avec Gérard Courtois dans l’émission

« A voix nue » du lundi 21 au vendredi 27 mars de 20 heures à 20h30mn. Le podcast est disponible sur le site de France-Culture

http://www.franceculture.fr/emissions/a-voix-nue/jean-pierre-chevenement-un-republicain-ombrageux-15-belfort-paris-en-passant-par-lalgerie

 

Cette écoute permet de mieux situer l’essentiel de la trajectoire politique du militant du CERES, co-fondateur du parti socialiste aux côtés de François Mitterrand au congrès d’Epinay sur Seine en 1971.

Chargé de l’écriture du programme socialiste puis du projet socialiste qui inspirerent tour à tour le programme commun et les 110 propositions de François Mitterrand, il fut l’allié de Mitterrand au congrès de Metz du PS de 1979 qui préparait la victoire de 1981 en confirmant la stratégie d’union de la gauche.

Ministre de la recherche et de l’industrie (sous les gouvernements Mauroy), de l’Education nationale (sous celui de Fabius), de la Défense (Rocard) et de l’Intérieur (Jospin), il s’est opposé à la parenthèse de la rigueur en 1983. Il démissionna trois fois en désaccord sur les questions de politique industrielle (1983), suite au déclenchement de la guerre contre l’Irak (1991) puis contre le projet de statut de la Corse conférant aux compétences de la région des délégations de compétences législatives (1999).

Il assuma sa rupture avec le PS après son refus du traité de Maastricht et fonda en 1993 le MDC. Cet élu du territoire de Belfort comme maire, député puis sénateur pendant près de quarante ans fut aussi candidat aux élections présidentielles de 2002.

A la tête du club République Moderne qui traduisit une inflexion républicaine du CERES dans le sens de la synthèse jaurésienne et dans le sillon de Mendès-France, il créa ensuite la fondation Res-Publica, toujours très active à ce jour, qui offre un foisonnement de réflexions sur des sujets majeurs au travers de colloques et dont les actes sont disponibles sur le site dédié. L’originalité de Jean-Pierre Chevènement tient peut être dans cet éclectisme qui revendique pleinement une filiation gaullienne depuis les évènements d’Algérie. Chevènement et son courant ont ainsi permis la rupture du nouveau PS avec l’atlantisme de la vieille SFIO et l’adoption de la doctrine gaulliste de la dissuasion du faible au fort et de la sanctuarisation de notre territoire  dans les années 70. 

Les cinq séances de diffusion abordent les épisodes de cette vie militante dans une aventure intellectuelle et politique en présentant les différents parcours de ce « républicain ombrageux » :

Belfort-Paris en passant par Alger (1),

https://www.franceculture.fr/emissions/a-voix-nue/jean-pierre-chevenement-un-republicain-ombrageux-15-belfort-paris-en-passant-par-lalgerie

mousquetaire de l’union de la gauche (2), 

https://www.franceculture.fr/emissions/a-voix-nue/jean-pierre-chevenement-un-republicain-ombrageux-25-mousquetaire-de-lunion-de-la-gauche

le grand schisme européen (3),

https://www.franceculture.fr/emissions/a-voix-nue/jean-pierre-chevenement-un-republicain-ombrageux-35-le-grand-schisme-europeen

le miraculé de la république (4),

https://www.franceculture.fr/emissions/a-voix-nue/jean-pierre-chevenement-un-republicain-ombrageux-45-le-miracule-de-la-republique

d’une turbulence l’autre (5)

https://www.franceculture.fr/emissions/a-voix-nue/jean-pierre-chevenement-un-republicain-ombrageux-55-dune-turbulence-lautre

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Nous invitons à l’écoute des podcasts de ces entretiens et saisissons cet événement radiophonique pour exprimer notre réaction de militant qui a suivi le cheminement politique de cet homme d’exception dans une militance au centre d’études, de recherches et d’éducation socialiste (CERES), à Socialisme et république, au Mouvement des citoyens (MDC) et au Mouvement républicain et citoyen (MRC).

Nous voudrions traduire ainsi, dans de prochains articles sur le blog citoyen, socialiste et républicain, notre vécu et notre sensibilité de « militant de base » et citoyen à part entière confronté aux dynamiques concrètes de situations politiques souvent difficiles mais parfaitement assumées et pleinement revendiquées dans la fidélité à ce grand républicain  qui a su contre vents et marées préserver la flamme socialiste et républicaine. 

Ce regard croisé de l’homme d’Etat et du citoyen ordinaire peut compléter et éclairer cette rétrospective à partir « d’une vision de terrain » avec sa grande part de subjectivité et offrir aux plus jeunes une possibilité de comprendre les situations concrètes dans lesquelles se meut l’action militante avec ses phases dynamiques et ces périodes de reflux quand « il faut allier le pessimisme de la raison et l’optimisme de la volonté » comme l’écrivait Gramsci dans ses cahiers de prison. L’expérience de la traversée du désert dans cette longue marche a forgé chez nous cette aptitude à la résilience militante qui exprime ce dépassement de cette contradiction multi millénaire entre l’égoïsme et l’altruisme dans le sentiment de participer à une oeuvre plus grande que soi pour le présent ou le futur et mérite bien, à ce titre, un témoignage. Pour autant nous ne faisons pas nôtre ce cri de désespoir d’un Bolivar au soir de sa vie « J’ai labouré la mer!  » car cette trajectoire n’est pas vaine.

Les combats d’hier et les enseignements d’aujourd’hui de Jean-Pierre Chevènement restent au service de l’écriture de nouvelles pages de notre histoire dans ce cycle néolibéral à bout de souffle où se joue dès à présent l’avenir que nous voudrions ouvrir en dépassant la rivalité stérile entre un bloc élitiste agrégé autour du président Macron dont la base sociale et politique présentent une certaine fragilité et le bloc populiste identitaire incarné par le RN, blocs en compétition pour leur hégémonie quand les formations de gauche peinent à offrir une alternative crédible.

L’émission est une rétrospective et n’aborde pas la question de l’agenda politique des prochaines présidentielles ni celle de la nécessité de sortir de l’impasse actuelle par le haut avec l’émergence d’un bloc nouveau républicain. Sur ces questions on consultera avec intérêt les derniers travaux de la fondation Res-Publica

https://www.fondation-res-publica.org/Quelle-recomposition-politique-pour-la-France_r162.html

A demain avec Jean-Pierre Chevènement

Xavier DUMOULIN

Le civisme, l’éthique et la citoyenneté sont plus que jamais nécessaires en ces temps de coronavirus quand le retour à la démocratie sanitaire peut seul endiguer la tentation d’un dirigisme technocratique

Créé par le 26 mar 2020 | Dans : a-le quartier libre de XD, a0-blog citoyen, socialiste et républicain par temps de coronavirus

 

 

A l’heure d’une évolution de l’épidémie, la géopolitique du virus présente sous un nouveau jour la compétition entre le président chinois Xi Jinping qui prodigue à présent les enseignements d’une crise sanitaire sous contrôle et Donald Trump, imprévisible et arrogant chef d’Etat enfin décidé à changer de cap, après ce long déni de risque épidémique de ce qu’il nomme à présent le « virus chinois ». Les dirigeants du vieux continent ont quant à eux trop tardé à tirer les leçons des pays asiatiques en pointe dans l’endiguement de la contagion qui sévit particulièrement à ce jour en Italie, en Espagne et en France.

L’exemple français reste à cet égard éloquent. Confronté à l’avalanche quotidienne de questionnements critiques émanant de tous les secteurs de la société française, et en particulier du monde de la santé et de la recherche scientifique, le pouvoir  décline haut et fort son catalogue des bonnes intentions sous un mode martial et trop assuré qui dissimule mal sa fébrilité face aux difficultés concrètes des acteurs du soin, libéraux ou hospitaliers, en première ligne dans la crise sanitaire qui monte jour après jour sur les territoires de la métropole, de l’île de beauté et de l’Outre-mer.

Le manque avéré de réactivité dans la gestion gouvernementale de la crise hospitalière, crise structurelle depuis la mise en oeuvre de la T2A et de la dite « nouvelle gouvernance », n’offre-t-elle pas une illustration de ce décalage opérationnel? Les promesses toutes récentes du président Macron envers les soignants hospitaliers n’exonèrent pas, loin s’en faut, de l’absence de réponses aux besoins en capacités hospitalières, en personnels et en moyens malgré les alertes et interpellations des professionnels ces douze derniers mois marqués par le mouvement des urgentistes et des centaines de démissions de responsables hospitaliers.

A cette crise hospitalière structurelle, s’ajoutent à présent les constats de déficiences logistiques en matière de tests de dépistage, de masques de protections pour les malades et les soignants et de matériel médical. 

Ces réalités accablantes, dans ce moment de vérité qui accompagne l’approche du pic épidémique, illustrent ces carences gouvernementales et managériales. Le manque de détermination gouvernementale à conduire une politique de confinement dans un temps opportun précédent l’explosion de la pandémie, de l’aveu même de l’ex-ministre de la santé, candidate LREM en fort mauvaise posture de second tour pour la mairie de Paris, traduit bien cette incapacité. Dans cette période pré-électorale qualifiée de mascarade par Agnès Buzin, ce non choix implicite pour rassurer les marchés financiers et préserver l’économie avant de se résigner in extremis à l’annonce de mesures fortes, à la veille d’un scrutin pourtant maintenu en dépit du bon sens, ne trahit-il pas une absence de vision et de cohérence pour combattre la pandémie?

Le discours présidentiel de guerre contre le virus – virus dont le porteur  reste néanmoins l’homme contaminé – souffre du manque certain de cohérence et de pédagogie sinon de légitimité de l’exécutif qui eût été mieux inspiré de ne pas mettre en œuvre le 49-3 en période de menace de pandémie avant de se raviser trop tardivement en suspendant toutes les réformes en cours. 

Les propos trop tranchés de refus des fermetures du pays sous le prétexte que le virus ne connaîtrait pas de frontières ont aussi fragilisé la crédibilité du discours régalien quand on savait l’importance des mesures de précaution et du confinement qui supposent bien évidemment une stricte limitation des circulations sur les espaces concernés. Que cette demande de fermeture des frontières émane d’une Le Pen ne justifie en rien ce flou présidentiel décalé sur fond de compétition politique entre le populisme identitaire du RN et l’européisme de LREM et du MODEM !

Les instances européennes  sont d’ailleurs (et par dessus le marché!) paradoxalement totalement absentes dans une définition pertinente et concertée de mesures de santé publique adéquates qui restent pourtant attendues dans l’espace de Schengen. On observe aussi ce retard à l’allumage de la BCE dans la défense des économies menacées de la zone euro, aujourd’hui en passe d’être compensé par les changements radicaux d’orientations dont il faudra mesurer la portée mais qui augurent de révisions salutaires en matière de gouvernance économique.

Cette difficile gestion de crise par l’exécutif – président, chef du gouvernement et ministre de la santé -  se revendique pourtant d’une expertise éclairée. Expertise certes nourrie courant mars des analyses et préconisations du conseil scientifique constitué ad hoc avec onze personnalités qualifiées, cooptées en raison de leur compétence dans les domaines médicaux et scientifiques incluant les sciences humaines, et dirigé par le docteur Jean-François Delfraissy, immunologue qui présidait, avant l’installation du conseil par le nouveau ministre de la santé, le comité national consultatif d’éthique.

L’expertise du conseil scientifique vient compléter celle des institutions nationales dont la direction générale de la santé, représentée par son directeur, le professeur Salomon, aux côtés d’autres autorités telle que la Haute autorité en santé mais avec un grand oublié dans cette période médiatique : le Haut conseil de la santé publique.

Ce retrait d’une instance particulièrement qualifiée dans le champ de la stratégie nationale de santé et de prévention de risques sanitaires s’opère dans un contournement implicite de notre démocratie sanitaire. Cette démocratie sanitaire s’accomplit notamment dans les procédures d’élaboration et d’évaluation des grands programmes de santé publique, son effacement amputant en conséquence la légitimité des choix en la matière. A rebours donc des dynamiques participatives qui semblaient inscrites dans le nouveau paysage sanitaire voulant donner toute sa place à « l’expertise des usagers » aux différents niveaux territoriaux et dans la conduite transversale des politiques de santé. Le confinement constitue une première attitude civique pour freiner la contamination et donner une respiration aux soignants pour une meilleure prise en charge des publics en détresse. Son succès repose surtout sur la pleine conscience des populations tant l’effort exigé peut être difficile. Une pédagogie portée par les acteurs expérimentés dans le champ de la santé publique doit contribuer au strict respect  de cette mesure salutaire encore trop faiblement appliquée malgré les injonctions régaliennes et la répression des comportements délictuels.

Jusqu’à ces derniers jours, les manquements au principe de précaution inscrit dans notre constitution – le problème n’étant plus de discuter du fondement mais des modalités de mise en œuvre du principe dans cette crise – se conjuguent avec un certain effacement de la démocratie sanitaire dans cette période qui aurait grandement besoin de pédagogie civique, d’éthique et d’adhésion aux impératifs de santé publique dans ces circonstances exceptionnelles. Dans les débats et votes autour de de l’urgence sanitaire on a pu mesurer la responsabilité des gauches parlementaires sur le volet social contrariant la propension de la majorité parlementaire au détricotage du droit social.

La recherche d’efficacité dans la gestion de la crise liée à la pandémie ne suppose -t-elle pas à présent de corriger le tir en joignant des actes concrets à une parole mieux orientée et plus collégiale, à la hauteur des fondements de notre démocratie sanitaire et sociale? Dans cet esprit, permettre aux acteurs de la santé, médecins et soignants, ainsi qu’aux professionnels et bénévoles d’autres secteurs actifs aujourd’hui, d’accompagner leurs compatriotes, malades et citoyens, avec les moyens d’intervention et de protection adéquats reste un objectif élémentaire. Sans oublier de donner aussi toute leur place aux choix éthiques et civiques consubstantiels à la conduite d’une gestion de crise équilibrée qui doit trouver son point d’appui décisif dans la solidarité du corps social et dans le réconfort moral de la Nation unie.

Xavier DUMOULIN

Lu dans l’Huma : « À l’épreuve du Coronavirus. L’échec de la « mondialisation heureuse », Par André Bellon

Créé par le 22 mar 2020 | Dans : Non classé

À l’épreuve du Coronavirus. L’échec de la « mondialisation heureuse » paru dans l’Humanité du 18 mars 2020

Par André Bellon, ancien président PS de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.

Il y a quarante ans, un virus idéologique se répandait sur le monde. Un Alain Minc, héraut autoproclamé, l’appelait « la mondialisation heureuse ». Refusant toute contestation, le bienheureux Minc s’inquiétait de voir la France être le mauvais élève de la modernité. Il entraînait d’autant plus facilement l’adhésion que les gouvernements de l’époque, droite et gauche confondus, sollicitaient ses conseils éclairés, qu’il présidait le conseil de surveillance du Monde, était responsable du rapport sur « la France de l’an 2000 » commandé par le premier ministre Édouard Balladur et faisait partie de nombreux cercles d’influence comme la Fondation Saint-Simon.

On ne comptait plus ses disciples, certains pontifiants, d’autres un peu plus ras de terre. La mondialisation devenait une sorte de conte de fées. On sourira en rappelant cette pauvre Laure Adler laissant échapper son émotion enthousiaste devant le « symbole » de tous ces humains, de toutes races, de tous sexes et de toutes conditions, regardant tous dans la même direction : l’éclipse de soleil. Une allégorie de la mondialisation fraternelle en quelque sorte !

Cette volonté béate de magnifier une mondialisation toujours évoquée, mais jamais analysée, que ne nous a-t-elle pas coûté ? Certes, certains cherchaient à prendre des distances en demandant une autre mondialisation – alter ? –, mais ne regardaient-ils pas, comme les autres, vers l’éclipse ? Même Jacques Attali, grand chantre d’un gouvernement planétaire, se croit obligé, depuis quelque temps, de se démarquer du bonheur mondialisé en critiquant une mondialisation financière qu’il a beaucoup aidé à favoriser dans les années 1980.

L’idéologie développée par les mondialistes, largement relayée par les médias, a conduit à considérer tout État comme oppressif et toute idée de frontière comme porteuse de xénophobie et de racisme. Ah, ce fameux gouvernement mondial, source de paix et de bonheur entre les humains !

Et pourtant ! Toute conception de gouvernement mondial se présente comme une transcendance ou, comme le dit Alain Supiot, professeur au Collège de France, comme « un fait de nature ». Il se réfère obligatoirement à des normes communes définies hors de tout contrôle des citoyens. D’ailleurs, il n’y a alors plus de citoyens, il n’y a plus que des individus atomisés, sans pouvoir politique. Un gouvernement mondial ne peut être qu’une expertocratie.

Il est d’ailleurs frappant que les thuriféraires de la mondialisation, ou de son secteur particulier qui s’appelle l’Union européenne, demandent à la fois des règles non contestables, en particulier économiques et financières, et le respect des identités. Mais, par identités, ils signifient des particularités qui caractérisent le genre, l’origine ethnique, les pratiques sexuelles, mais pas la citoyenneté, élément politique de base. La mondialisation détruit l’individu en tant qu’être politique. En ce sens, elle s’oppose à l’humanisme.

Elle peut donc être contestée par l’humain reprenant toute sa place dans l’Histoire, c’est-à-dire par le citoyen reconstitué. La question était largement posée après la Deuxième Guerre mondiale. D’un côté, l’ONU, forum de nations, ou la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui rappelait que « la volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ». De l’autre, une volonté de domination monétaire et financière symbolisée par le FMI ou la Banque mondiale.

Les événements récents ne révèlent-ils pas quel a été le choix, ne font-ils pas apparaître la signification philosophique de la mondialisation ?

La pandémie de coronavirus constitue un double révélateur. Elle a d’abord mis en lumière la ruine des services publics de recherche qui auraient permis d’anticiper une telle catastrophe. Des programmes de lutte contre ce type de virus existaient il y a vingt ans. Ils ont été jugés inutiles parce que ne répondant qu’à des défis qui, n’étant pas immédiats, n’étaient pas prioritaires. Elle a montré la naïveté et l’imprévoyance du mondialisme, qui trouvait normal de déléguer la fabrication de médicaments européens importants en… Chine ou en Inde, créant des pénuries visibles depuis plusieurs années.

Le système mondialisé ne s’intéresse pas au long terme. Un pouvoir éloigné des humains ne raisonne pas à l’échelle de l’humain. Par ailleurs et paradoxalement, la mondialisation financière, censée réguler l’économie, a montré la fragilité des marchés financiers. Ce colosse s’écroule à la moindre secousse. La chose avait pourtant été démontrée, dans l’indifférence générale, en 2008 par la résistance islandaise à la crise financière. Comment ne pas évoquer aujourd’hui le président islandais invitant ses amis européens, à l’issue de ce séisme national, à inverser l’importance des facteurs. Il proclamait alors que les droits de l’humanité étaient supérieurs, dans tous les cas, aux intérêts des marchés financiers. La chose n’est-elle pas aujourd’hui d’actualité ?

Depuis plus de quarante ans, nos gouvernements ne savent plus penser l’intérêt général, qui ne les intéresse plus puisque les marchés sont supposés s’occuper de tout. Ils se soumettent à des logiques d’immédiateté, représentatives d’intérêts volatiles et inhumains qui s’opposent à des perspectives raisonnées. Ils ont abandonné le sens de l’humanité qui se construisait depuis la philosophie des Lumières. Ce n’est pas une crise conjoncturelle que nous vivons, c’est une crise historique qui doit remettre en cause le système économique et politique. L’heure est au retour des valeurs humanistes et du citoyen qui en est l’incarnation.

Recours au 49-3 : « Le lien entre le pays et Macron est profondément délité », assure le politologue Stéphane Rozès

Créé par le 01 mar 2020 | Dans : Gouvernement

https://www.20minutes.fr/politique/2729987-20200301-recours-49-3-lien-entre-pays-macron-profondement-delite-assure-politologue-stephane-rozes

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