Sortir des politiques mortifères
Créé par sr07 le 02 mar 2022 à 16:38 | Dans : a2-Blog-notes politique de XD
Depuis l’explosion de Tchernobyl puis, quelques années plus tard, celle du glacis soviétique avec l’écroulement de l’URSS, l’Ukraine concentre plus que jamais des problèmes cruciaux pour son propre avenir et celui d’un monde qui tourneboule.
La folle géostratégie poutinienne, dans la continuité du « chauvinisme grand russe » et de sa volonté hégémonique, a pris prétexte du gel des accords de Minsk pour réengager ses forces militaires dans une opération aussi meurtrière qu’insensée dans cette république la plus riche et la plus peuplée de l’ancienne zone soviétique. Nous partageons l’émotion et l’indignation devant cette violence, sans renoncer à une recherche de solutions de désescalade à la hauteur des enjeux de la région, en dénonçant avec nos amis de Respublica la géopolitique guerrière de l’impérialisme, stade suprême du capitalisme (1) et en défendant une logique de paix prônée par ailleurs avec justesse et force argumentation par les candidats J.L Mélenchon et F.Roussel.
Dans son « histoire du monde depuis 1945 », le professeur émérite, spécialiste des questions internationales, Charles Zorgbibe, dénonce « l’hubris des élargissements successifs de l’OTAN » (2). On trouve dans les pages de l’ouvrage précité du professeur de relations internationales les éléments sur la gestion occidentale de cette affaire. Les critiques bien connues d’Hubert Védrine et de Jean-Pierre Chevènement, rejoignaient très largement cette approche quand ils ont eux-mêmes pratiqués la diplomatie de la France avec la Russie, le premier en tant que ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Jospin, le second en tant que représentant de la Russie auprès des présidents Hollande et Macron, ce président en fin d’exercice que Chevènement entendait encore convaincre d’approfondir l’ouverture envers la Russie déjà en œuvre dans le processus de Normandie en vue de faire appliquer les accords de Minsk entre la Russie, l’Ukraine et les représentants des régions du Donbass… Jean Elleinstein, éminent spécialiste de l’URSS et de la Russie, souligne dès 1992, dans son histoire « D’une Russie à l’autre » (3), que « la capacité de résoudre pacifiquement les litiges entre la Russie et l’Ukraine constitue la question la plus importante de la situation dans l’ex-Union soviétique et pour le monde lui-même ». Le regretté historien décrit dans son livre cette Ukraine, «riche en charbon et en fer, ses structures économiques (qui) ressemblent à celles de la France des années cinquante, sauf que plus de cinquante ans de kolkozes et de sovkozes ont détruit en partie les terres noires qui étaient parmi les plus riches du monde. » Il observe qu’en « Russie comme en Ukraine, l’environnement a été massacré par une politique à courte vue et indifférente aux rapports de l’homme avec la nature. Les êtres humains ont été tués ou totalitarisés, les nations brimées et la nature abîmée. Tchernobyl est à cet égard une réalité et un symbole. ».
Cette correspondance entre les risques militaires et environnementaux illustre l’intrication des problèmes à l’heure d’une nouvelle alerte sur le danger du recours de la Russie à l’arme nucléaire, menace proférée cyniquement en guise d’intimidation par l’autocrate russe qui vient d’envahir la zone de Tchernobyl. Au plan mondial, les risques de désastre écologique, liés au réchauffement climatique, conjugués avec le péril de l’arme atomique questionnent les conditions de la sécurité des peuples et des nations. Ces questions appellent des réponses équilibrées prenant par tous les bouts les problématiques de la paix et de la sécurité en donnant la priorité à la reconquête de la souveraineté des peuples. Politique et diplomatique d’abord mais aussi culturelle, alimentaire, sanitaire ou industrielle dans des coopérations internationales rendues plus que jamais nécessaires en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Dans ces contextes chargés d’enjeux vitaux il faut réactiver les instances d’Organisation des Nations Unies ou de coopération et de sécurité en Europe quand la situation appelle un changement radical dans la gouvernance du monde. Contre le redéploiement de l’OTAN sur de nouveaux territoires ou la fuite en avant dans la mondialisation néolibérale, nous devons faire preuve de capacités à arracher le monde à ses tropismes.
Que peut la France dans cette perspective d’émancipation ? D’abord, garder toute sa place au sein des instances des Nations Unies et préserver sa diplomatie et son influence dans la fidélité à ses alliances mais pour mieux réorienter l’Europe en la matière en se défiant des velléités fédéralistes voulant substituer le vote à la majorité sur les questions majeures requérant aujourd’hui un vote unanime dans les instances européennes. Ensuite, pour faire court, retrouver les marges d’actions pour la reconquête des souverainetés en dénonçant autant qu’il le faut la primauté de « la concurrence libre et non faussée » au cœur des traités européens et mettre en œuvre sur les territoires des politiques de développement soutenable coordonnées dans une planification écologique démocratique. Dans ce sens le refus d’une écologie punitive doit concilier les défis « des fins de mois et de la fin du monde » en soutenant le pouvoir d’achat et en promouvant le cadre et le mode de vie des classes populaires. Remettre celles-ci au cœur d’un projet pour la France constitue un enjeu majeur de ces élections présidentielles. On cherchera la saine émulation dans ce sens dans une gauche républicaine, sociale, écologique, démocratique et laïque qui saura œuvrer pour le rassemblement populaire autour de ces enjeux en se défiant tout à la fois d’une républicanisme abstrait, d’un gauche identitaire et différentialiste et d’une écologie coupée des préoccupations populaires.
Xavier DUMOULIN, le 1°mars 2022
(1)Respublica du 27 février 2022 Le réseau de la gauche républicaine, laïque, écologique et sociale
(2)Charles Zorgbibe, Une histoire du monde depuis 1945, 2017, pp 371-374 notamment. L’auteur rappelle l’enchaînement des faits depuis le 21 novembre 2013 avec le mouvement de Maïdan quand « de grandes manifestations rassemblent démocrates et libéraux pro-occidentaux, auxquels se mêlent quelques groupes néonazis » sur la place centrale de la capitale ukrainienne. « La réplique de la Russie sera double : la Crimée vote son rattachement à la Russie le 16 mars 2014 ; sur le flanc est de l’Ukraine, les deux oblasts de Donestsk et Louhansk, qui constituent le Donbass, se soulèvent et se proclament Etats fédérés de la nouvelle Russie – dans le premier cas, il s’agit d’une annexion par la Fédération de Russie, qualifiée d’illégale par les occidentaux, dans le second, d’une sécession de facto de l’Ukraine, non officiellement reconnue par Moscou. Pour les Etats occidentaux, la Crimée et le Donbass doivent réintégrer l’Ukraine ; des sanctions économiques sont imposées à la Russie, accusée d’avoir attisée, par « une action délibérée de déstabilisation », une guerre civile larvée dans le Donbass – avec pour conséquence l’effondrement du prix du pétrole, qui représente la moitié des exportations et ressources budgétaires russes, la perte par le rouble de la moitié de sa valeur et une baisse considérable du taux de croissance de la Russie »
(3)Jean Elleinstein, D’une Russie à l’autre Vie et mort de l’URSS, mai 1992, pp 717-718 notamment.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.