Elections présidentielles : le débriefing
Créé par sr07 le 30 avr 2022 à 6:51 | Dans : a-le quartier libre de XD
Dans sa dernière livraison, le Monde Diplomatique offre une singulière analyse des votes à la présidentielle. Sous la plume et les recherches de Jean-Yves Dormagen, Stéphane Fournier & Guillaume Tricard, chercheurs au Cluster 17, nous apprenons comment s’organise la répartition des votes en trois blocs à partir d’une différenciation de systèmes d’opinions solidement établis. Trois clivages principaux structurent le vote. « Le premier porte sur les questions culturelles et identitaires. Il fracture les électeurs sur les enjeux migratoires, la place de l’islam et, dans une moindre mesure, les enjeux sociétaux et les questions écologiques. Le deuxième a pour enjeu le rapport au « système ». Il oppose une demande de transformation radicale à une demande de stabilité, voire de défense du statu quo. C’est, si l’on préfère, l’axe de l’antagonisme « peuple contre élite ». Enfin, le troisième grand clivage a pour objet les questions économiques : il oppose une demande de politiques sociales et de redistribution à un positionnement libéral favorable au marché et largement défiant à l’égard de l’« assistanat » et de la dépense publique. »
Sur cette base, 16 clusters, c’est à dire 16 sensibilités politiques, ont servis de filtre pour l’analyse et la classification des votes. On trouve ainsi les multiculturalistes, les sociaux-démocrates, les progressistes, les solidaires, les centristes, les révoltés, les apolitiques, les sociaux-républicains, les éclectiques, les conservateurs, les libéraux, les réfractaires, les eurosceptiques, les sociaux-patriotes, les anti-assistanat, les identitaires. Chaque cluster est situé dans la population électorale à partir de 30 questions, les répondants pouvant être ainsi placés sur les trois axes clivants en fonction de leur proximité d’idées. La représentation schématique partielle donne un avant-goût de cette très intéressante étude à lire in extenso dans le Monde Diplo de mai 2022.
D’autres clés de lecture sont aussi disponibles en référence aux travaux de Bruno Amable (« La résistible ascension du néolibéralisme-Modernisation capitaliste et crise politique en France 1980-2020″, La découverte, sept 2021) et de Stéphano Palombarini (Alliances sociales et avenir du modèle français avec B.Amable, Raisons d’agir, mars 2017) autour de leurs analyses, respectives ou bien associées, en terme de bloc historique. Cette vision d’inspiration gramscienne permet de situer les blocs en compétition après l’épuisement des blocs de droite et de bloc de gauche en raison de l’inadéquation de leur identité avec leur base sociale glissante. La sociologie de ces « régulationnistes » offre une belle identification des difficultés du bloc macroniste élitaire, toujours en construction et trop peu représentatif du peuple de France. D’où l’illusion du bloc bourgeois et « la résistible ascension du néolibéralisme » (néanmoins en montée depuis 40 ans) malgré les derniers résultats électoraux.
Pour nous, toute la difficulté réside dans la construction d’un bloc populaire républicain qui échappe aux tentations identitaires et combine une stratégie d’alliance des classes populaires et de fractions d’une bourgeoisie d’intérêt général opposée au néolibéralisme. C’est sur des éléments programmatiques que pourra se dégager ce bloc émergent bien différent, en substance, des velléités de dégagisme qui traversent les blocs rivaux dans notre dernier épisode électoral. C’est à la recherche d’un tel ciment que doivent s’appliquer les citoyens pour sortir du bloc social dominant fracturé et délégitimé par les crises conjuguées du capitalisme financier mondialisé.
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