En pleine crise politique, la France est à la peine face à la montée d’une droite extrême amalgamant, de Cioti à Maréchal-Lepen, les familles et figures revanchardes de la droite dure. La cure de rajeunissement des cadres ne change rien à l’affaire. La fascination pour Bardella ferait presque oublier les fondamentaux de ces forces autoritaires coagulées et droites dans leurs bottes autour de vieilles méthodes démagogiques et liberticides (1).

Les droites extrêmes n’en sont pas à une contradiction près : contre la redistribution des richesses, ne prônent-elles pas sans complexe un anti fiscalisme idéologique et un désengagement de l’Etat social qui contrarie de facto toute velléité  de renouer avec les attentes d’une partie de leur électorat populaire? Celui-ci n’attend-il pas des réponses sécuritaires tous azimuts? Sécurité culturelle, dit-on par peur de l’islamisme, mais aussi sécurité sociale contre le grand déclassement et sûreté dans nos villes exposées aux médiatisations d’une délinquance sur dimensionnée!

Il n’est qu’à voir le changement de pied du RN en matière sociale (la question des retraites dès le lendemain de l’annonce de la dissolution pour afficher un sérieux économique compatible avec les offres de service de députés LR) pour apprécier son inconsistance programmatique en matière sécuritaire. Depuis le patriarche, J.M, en passant par ses deux filles, et autres gendres et nièce, on aura tout entendu, de leurs bouches même ou de celles de leur porte-parolat successifs. Incohérence programmatique (en matière sociale et économique), grands écarts sur les questions sociétales (IVG, peine de mort) et institutionnelles (Europe) mais continuité absolue sur le registre idéologique avec les traits constants de la droite nationaliste autoritaire dont elle garde l’héritage  en dépit de ses dénégations : version vieille droite catholique vichyssoise ou bien athée avec, chevillée au corps cette idéologie faisant de l’étranger le bouc émissaire…

Tous ces traits marquants seulement évoqués pour mémoire se conjuguent  et favorisent la recomposition d’une sociologie politique électorale depuis les années 80 avec la montée de l’extrême droite (élections municipales de 1983 à Dreux) devenue identitaire et populiste avec un pouvoir d’attraction sur les milieux populaires jusqu’alors jamais atteint (score électoral du RN aux dernières élections présidentielles et européennes) et une érosion des bases sociologiques de l’électorat de gauche s’accompagnant de sa dispersion au détriment du PS, du PC (et des forces émergentes GRS ou MRC), de LFI et des écologistes.

On ne dira jamais assez combien la déroute idéologique de « la gauche morale » avec ses appels au « partage du travail » qui accompagne une vision économique malthusienne (qui légitime ainsi le fait que le gâteau à partager n’est pas extensif)  a pu être un appel d’air pour l’idéologie nationaliste, aujourd’hui souverainisme identitaire, dans son rejet de l’immigration vécue comme une cause de chômage et de perte de pouvoir d’achat pour les dits « nationaux ». « La France aux Français » ce slogan xénophobe et, pour le moins, équivoque – quand il gomme la réalité de la très longue histoire de l’immigration et de l’intégration (sinon de l’assimilation) des populations qui font le cœur de la France – a fait flores (surtout avec la montée d’un fondamentalisme islamique nourri de nos erreurs géostratégiques : guerre(s) du Golfe, intervention finale en Libye, ambiguïté de nos politiques envers le monde arabe).

Dans ce simplisme, venu de tous côtés (diplomatie aveugle, idéologie néo-malthusienne, guerre des civilisations, droit à la différence, etc.) l’extrême droite traditionnaliste a pu muter en force prétendument laïque voire républicaine (transfigurant les apparences en réalité). Avec la bonne réception de son message dans une fraction significative de l’opinion populaire (réception qui se vérifie dans des scores électoraux que lui envie la gauche sur les territoires qui étaient les siens) !

S’il est bien tard pour redresser la barre, l’outrancier chantage présidentiel, au travers de la dissolution de l’Assemblée nationale qui prend la république en otage, oblige à présent toute la gauche à changer de braquet. En affrontant la réalité en face, sans diaboliser au delà du raisonnable un RN attractif auprès d’un électorat socialement frustré (2), mais en recherchant en tous points la cohérence programmatique et idéologique pour donner sens au nouveau Front Populaire. En redonnant surtout toute sa place à notre cathédrale ensevelie pour que la république redevienne une idée neuve (3)!

Xavier Dumoulin

(1) Cet ex-FN aujourd’hui RN qui, affranchi de la pesante tutelle paternelle vieille France antigaulliste, catholique intégriste, mêlant  vichyssois, poujadistes et anciens de l’OAS et du mouvement Occident, a muté en force populiste identitaire sous l’impulsion d’une héritière prête à tronquer et troquer l’héritage familial (très disputé par sa nièce) et à capter pour mieux le détourner, l’attachement populaire aux valeurs de laïcité et de sécurité.

Un vrai danger pour la démocratie dans cette période  de décomposition socio-spatiale des territoires de la France dans un véritable « archipel », selon l’expression de Jérôme Fourquet, avec ses milieux péri-urbains et ruraux disloqués, habités par les populations autochtones mais aussi issues de l’émigration de nationaux ou de l’immigration. Ces transferts liés à la gentrification des centres-villes, laissent les populations expulsées en proie à la déqualification (disqualification?) professionnelle et sociale et au chômage de masse sur des territoires souffrant d’une désertification industrielle et d’un effacement de la puissance publique et de ses services publics (postes et autres guichets) et de la montée de l’insécurité dans des zones de non droits plus exposés à la délinquance et à la criminalité sans véritable protection.

(2) Le monde « bobo », incline à la critique d’une réaction populaire en provenance des zones sinistrées et portée par un sentiment d’insécurité et de perte d’identité. Sentiments certes exacerbés et exploités à des fins politiciennes par une droite extrême surfant sur cette vague sécuritaire et xénophobe qu’elle cultive à l’envi! Cette critique « bobo » du « monde des beaufs » et des « petits blancs » va de pair avec la stigmatisation d’une politique promouvant le civisme et la citoyenneté, politique d’intégration républicaine jugée trop sécuritaire avec ses relents de « moisie », sinon assimilée, sans autre forme de procès, à celle du Front national, aujourd’hui RN. D’ailleurs, la seule évocation de la nation ou de l’intérêt national semble une véritable provocation aux yeux des grands et petits bourgeois cosmopolites tenants du multiculturalisme et du « droit à la différence ». Et que dire du drapeau tricolore et de la Marseillaise, symboles républicains abandonnés à l’extrême droite qui dispose ainsi d’un patrimoine immatériel national plus important encore que l’héritage encombrant du père!

(3) Protégé : « Pour que la république redevienne une idée neuve » : une texte historique de Didier Motchane plus que jamais d’actualité!

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Cette République épanouie une et indivisible, point de passage obligé vers le socialisme pour les uns, accomplissement de ses promesses pour les autres, puise ses racines dans une construction historique continue et offre une perspective de refondation républicaine. C’est en cela qu’elle doit redevenir « une idée neuve ». Mais son instrument et vecteur reste encore et plus que jamais incertain dans un paysage politique brouillé.