Perseverare diabolicum
Créé par sr07 le 02 juil 2024 à 8:20 | Dans : a0-blog citoyen, socialiste et républicain et actualité du Nouveau Front Populaire, Battre campagne
Le Nouveau Front Populaire dans la totalité de ses composantes, de la base au sommet, appelle à la discipline républicaine, cette posture traditionnelle élémentaire qui prévoit le report automatique au second tour sur le candidat républicain le mieux placé. Vieille habitude à gauche depuis la troisième république (1) et qui a repris du sens avec la poussée presque continue de l’extrême droite, FN-RN depuis1983.
Ce dernier qui n’avait que 4 millions d’électeurs en 2022 en a 12 millions à présent : son meilleur score, tous scrutins confondus, de son histoire, avec une progression de plus de 13 points par rapport aux élections législatives de 2022 avec seulement, comme le souligne le politiste Florent Gougou (2), quelques précédents dans l’histoire française, par exemple quand les gaullistes sont passés de 18 % en 1958 à 32 % aux élections législatives de 1962. Ou bien dans l’autre sens, quand les socialistes ont reculé de plus de 20 points entre la présidentielle de 2012 et celle de 2022…
La gauche, selon le politiste, parle aujourd’hui essentiellement à des milieux urbains dans lesquels elle s’y est construit des fiefs (dans les milieux populaires, à très forte proportion de Français issus de l’immigration, ou dans les milieux avec un électorat à très haut niveau d’instruction). A contrario, dans les milieux populaires ruraux, elle poursuit son recul. Pourtant le NFP, déjà en gestation, s’est épanoui lors des législatives anticipées sur la base d’un programme sérieux, conjoncturel et équilibré qui prépare aussi l’avenir.
Dans ce contexte de veille d’un second tour de tous les dangers, que faire? Pour Jean-Marie Granier, dans son article intitulé « Sur le Front », dans la dernière livraison de la revue Esprit (3), « Les triangulaires seront favorables au Rassemblement national et elles seront renforcées par la forte participation, qui abaisse les conditions de qualification. L’appel au désistement devrait aller de soi et devrait même être exprimé avant le premier tour, ce que tout le monde ne fera pas hélas. Mais le candidat arrivé second derrière l’extrême droite devrait recueillir tous les suffrages de ceux qui s’inquiètent d’être gouvernés par un jeune homme bien mis qui n’est pas sûr que Jean-Marie le Pen était vraiment antisémite et qui forge le concept de « français d’origine étrangère »… [Mais] l’articulation entre un Front populaire et un front républicain n’est pas une mince affaire ».
Pour autant le NFP, avec ses propres désistements (les 2/3 à ce jour) affiche une posture très claire qui ne reçoit pas en retour la réaction attendue des « républicains de l’autre rive » (4). J’en tiens pour preuve ces déclarations irresponsables de « ninistes » évoquées dans notre précédent billet avec cette palme signalée dans le Sud-Ouest du jour quand le candidat de LR de la 3° circonscription des Landes annonce qu’il ne pourra jamais appeler à voter à gauche. Honte à lui qui trahit de fait une sensibilité proche de la droite extrême cioniste et lepéniste, loin sans doute d’une partie des électeurs républicains.
Dans cette situation, ici et ailleurs, nous n’avons d’autres choix que celui d’espérer en la loyauté des citoyens, venus de tous les horizons, qui sauront bien manifester dans les urnes leur refus d’une majorité RN. Malgré les consignes nauséabondes de ceux qui persévèrent diaboliquement!
Xavier Dumoulin, le 2 juillet 2024
(1) D’abord dans le combat d’arrière-garde entre Ancien Régime (droite royaliste légitimiste) et révolution bourgeoise, après-guerre quand les groupes sociaux d’Ancien Régime semblent définitivement balayés puis dans l’entre-deux-guerres non plus les contre-révolutionnaires mais le fascisme.
« La célèbre phrase d’Antonio Gramsci sur le vieux monde qui meurt – soit l’organisation bourgeoise de la société –, le nouveau monde qui tarde à apparaître – soit la Révolution socialiste –, et le clair-obscur où surgissent les monstres – soit le fascisme –, ne rend compte que de cette situation historique de l’entre-deux-guerres. Elle rend compte plus exactement d’un imprévu dans le schéma minimal commun du socialisme international qui va conduire à un accord inédit entre les partisans de la « réforme-révolutionnaire » et ceux de « l’attentisme révolutionnaire ». Car contrairement à la fin du XIXe siècle, il n’y a plus de querelles internes au socialisme français sur le soutien nécessaire au régime bourgeois face au fascisme.[...] Le risque fasciste reconnu comme un risque qui concerne le socialisme en propre – et pas uniquement la bourgeoisie – commande l’expérience gouvernementale du Front Populaire qui ne s’apparente donc pas seulement à une évolution de « l’exercice du pouvoir » mais bien à une de ces formes exceptionnelles de « l’exercice du pouvoir » que Blum nomme « occupation du pouvoir ». Car il s’agit bel et bien « d’occuper » le pouvoir, certes pour « l’exercer » en faisant adopter des réformes susceptibles de préparer la Révolution, c’est-à-dire sa « conquête », mais surtout pour éviter que le fascisme ne s’en saisisse. » Germinal N°7 (2023 2), Milo Levy-Bruhl, Léon Blum et les jalons d’une doctrine socialiste oubliée.
(2) Florent Gougou interrogé par WeroniKa Zarakowics pour Télérama https://www.telerama.fr/debats-reportages/legislatives-si-la-gauche-veut-reconquerir-le-monde-rural-ce-sera-le-travail-d-une-generation-7021106.php
(3) https://esprit.presse.fr/actualites/jean-maxence-granier/sur-le-front-45421
(4) Lundi soir 1er juillet, à 23 heures, il ne restait moins de la moitié des 306 triangulaires et 3 des 5 quadrangulaires comptabilisées, après le premier tour. La gauche s’était retirée de près de 120 circonscriptions, et la coalition présidentielle dans environ 60 territoires, selon les calculs du Monde mardi matin.
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