Le moment républicain d’un théoricien socialiste qui a fait école

Tous droits de reproduction et de diffusion strictement soumis à l’autorisation de Xavier Dumoulin

Cet extrait de nos travaux universitaires ["Didier Motchane, d'un siècle, l'autre : praxis et influences d'un intellectuel organique et d'un bâtisseur en république", Xavier Dumoulin, Master1 Histoire en Sciences sociales du politique,2022-2023] nous fait revivre la situation du MDC et de son mentor sous la gauche plurielle.

La République sociale, hissée au sommet des références socialistes, apparait comme l’œuvre majeure d’une grande politique vers laquelle se portent tous les efforts du MDC. C’est le sens de l’entrée de Chevènement dans le gouvernement Jospin de la gauche plurielle le 2 juin 1997 malgré l’ambivalence des positions de Motchane au cours de cette période[1]. En dépit du discours de confiance du nouveau Premier Ministre voulant « faire retour en tous domaines à la République[2] », il déçoit ses alliés[3] sur trois dimensions majeures : l’Europe, la politique économique et la question Corse avec le projet de délégation de pouvoir législatif à l’assemblée régionale. D’où la démission du Ministre de l’Intérieur[4] le 29 août 2000 et sa candidature aux présidentielles. Après l’élection de 2002 et dans le basculement de la vie politique qui suit le duel Chirac – Le Pen, Motchane inspire toujours le Ché dans sa posture résolument républicaine. Le MDC prépare sa mue en pôle républicain. Un texte accouché d’une plume féconde nourrit la pensée d’une force en plein combat contre un système néolibéral en turbulence. La suite démontre la grande difficulté d’une entreprise de refondation républicaine avec les bifurcations individuelles et collectives au sein d’un Pôle républicain. Pôle introuvable dont la magnifique théorisation cherche encore et toujours sa concrétisation.

 

I-1 Motchane, tour à tour mentor et disciple du miraculé de la République

 

Mentor, le précepteur de Télémaque, fils d’Ulysse et de Pénélope, est parfois assimilé à Athena dont on peut admirer le temple érigé dans la colonie du Pseidonia, qualifié aussi de temple de Cérès[5]. Quel que soit les rapports complexes entre cette déesse romaine de l’agriculture et de la fertilité et notre Mentor de la mythologie grecque, nous considérons que la place de Motchane dans l’édifice de la mouvance chevènementiste n’a rien d’un mythe. Ce théoricien du CERES occupe néanmoins une place symbolique[6] dans le Panthéon imaginaire de la «  chevènementie  » en ce qu’il incarne, auprès de tous, la force de l’idée socialiste et républicaine et la résistance implacable au capitalisme financier mondialisé. Il est tour à tour le mentor et le disciple d’une personnalité qui, dans le temps même d’une campagne présidentielle, veut toujours se croire l’instituteur républicain. On connait l’épisode surréaliste de la sortie d’un coma de trois semaines de ce J.P Chevènement, quasi « miraculé de la République », remplacé par Jean-Jacques Queyranne, le temps de sa convalescence, à l’Intérieur. La loyauté de Jospin s’est manifestée alors avec force, jusqu’au refus, parait-il, d’écouter Sarre et Motchane se préparant dans la désolation à l’idée d’un remplacement définitif du ministre empêché dans le double souci de ne pas manquer au devoir de transparence envers le Premier Ministre quant au pronostic très péjoratif sur la dégradation irréversible de l’état de santé de leur ami et dans l’espoir d’un maintien des chevènementistes au sommet de l’Etat. Cette démarche auprès de Lionel Jospin n’aurait guère été appréciée par la famille du ministre entièrement mobilisée autour du maintien en vie de Jean-Pierre dans ces moments si pénibles. D’ailleurs, pour Jospin, ami d’alors du Ché, la position ministérielle de Chevènement est d’abord le fait de sa personnalité avant d’être celui de la représentation du MDC au gouvernement de la gauche plurielle. Quoiqu’il en soit la politique reste aux commandes des fidèles du Ché, toujours soucieux de conforter les positions de Chevènement qui incarne, mieux que tout autre, les leurs, par-delà les contradictions secondaires de la galaxie chevènementiste. Faisons retour sur cette période qui précède, accompagne et suit l’élection présidentielle de 2002.

§ 1 Les turbulences au sein du MDC

La dissolution de l’Assemblée nationale du 21 avril 1997 semble avoir pris de court tout le monde. « Nous étions coincés[7] » affirme Chevènement. Le MDC accepte la proposition de rencontre du PS. « Scène comique, note Chevènement, nos deux délégations négocièrent en catimini un bout de papier qui affirmait leur volonté commune de battre la droite et de faire de l’emploi la priorité d’un gouvernement de gauche en multipliant les conditions de passage à l’euro. Ensuite il fallait s’entendre sur les circonscriptions. […] L’accord fut scellé[8]. »

Aux élections législatives de juin 1997, la gauche est majoritaire et le MDC a sept élus[9]. Le MDC participe à la gauche plurielle dans le Groupe Radical, Citoyen et Vert aux côtés du Parti Socialiste (PS), du Parti Communiste Français (PCF), des Verts et du Parti Radical de Gauche (PRG).

Très vite Jospin propose un ministère à Chevènement. Lequel se verrait bien à la Justice. «  C’était l’Intérieur ou rien[10] ! » Après un jour de réflexion sollicité par le Ché, le secrétariat national du MDC réuni en urgence se montra partagé précise Chevènement « Didier Motchane, curieusement, était pour l’acceptation, alors que Georges Sarre aurait préféré que je me tinsse à l’écart.[…] Une majorité de mes camarades, en définitive, se montra favorable à l’acceptation. Moi-même j’étais désireux d’aider autant que possible Lionel Jospin dans cette aventure[11]. ».

Motchane aurait-il exigé cependant un débat préalable à l’entrée dans la majorité plurielle ? C’est en effet bien difficile de constater l’échec de la stratégie de « la longue marche » suite aux élections européennes de 1994. Cette ligne est dictée par des considérations de fond : celles de l’incompatibilité absolue du virage libéral du PS d’avec la volonté du MDC de promouvoir la souveraineté populaire contre l’abandon de la nation citoyenne dans la tourmente européiste néolibérale.

Déjà en 1985, dans son discours d’ouverture du XIVe colloque du CERES, Motchane mettait en garde en ces termes prémonitoires contre les chausse-trappes qui menacent tout pouvoir de gauche reposant sur un contre-sens idéologique et politique.

« Si la gauche “ au pouvoir ”, demain comme aujourd’hui, est l’expression politique de couches sociales subordonnées qui n’envisagent pas autre chose que leur subordination, éventuellement aménagée, alors la présence à la tête des institutions de dirigeants issus de ses rangs – en 2000 comme en 1981 – ne peut qu’être précaire : coupure avec la “ base sociale ”, impuissance devant la logique du capital. De même, les gouvernements ne peuvent durablement porter seuls la volonté d’indépendance nationale si cette volonté n’existe pas dans le pays.

Plus grave : si un gouvernement de gauche n’est pas un “ comité de soutien au monde du travail, candidat au pouvoir ”, alors ce gouvernement ne peut que :

— faire le sale boulot que les dirigeants de droite sont, momentanément, incapables de faire,

— donner des gages à la classe dirigeante pour mériter sa confiance, dont il ne saurait jouir profondément et durablement.

Pour sortir de l’ornière, il est donc indispensable de révéler au monde du travail qu’il peut être “ candidat au pouvoir ”.

À un horizon d’une quinzaine d’années cela peut prendre corps :

— par le développement des forces productives et créatives,

— par l’instruction publique et la formation professionnelle,

— par “ l’éducation politique des masses ”,

— par l’internationalisation du mouvement populaire.

Ceci exige un parti qui se respecte, ce qui implique “ le devoir d’irrespect ” vis-à-vis des institutions (irrespect qui n’exclut pas le “ respect des institutions ”) Élitisme républicain ou monarchisme républicain ce n’est pas la même chose[12].»

La réflexion mérite d’être rapportée en la situant précisément au moment qui voit évoluer le CERES vers une synthèse socialiste et républicaine, ce qui n’est surtout pas une synthèse molle mais au contraire bâtie sur des positions de classe. Depuis 1985 de l’eau est passé sous le pont et le socialisme est plus que jamais à la dérive.

Rappelons les batailles de S et R et du MDC contre l’atlantisme à la charentaise lors de la guerre du Golfe et contre le traité de Maastricht (1991) lors du référendum de 1992. Mais, sans doute aimanté par la tentation du pouvoir et oublieux des considérations rappelées précédemment, après un débat en bureau politique du MDC, la messe est dite !

Motchane a-t-il proféré quelques mises en garde avant de se ranger « curieusement » à l’avis de ses camarades à l’exception notable de Sarre ? On est sûr cependant qu’il n’outrepasse pas la décision de la majorité du mouvement. Il se range donc aux raisons de la participation à la gauche plurielle sans pour autant abandonner en rase campagne ses convictions. Il est vrai que le discours de politique générale de Jospin prononcé en juin 1997 se situait « dans la lumière d’une seule idée directrice, 17 fois répétée dans la circonstance (sic) : faire, en toute chose, retour à la République »[13]. Ce que ne manque pas de souligner Didier Motchane dans ses écrits ultérieurs, cette posture n’ayant cependant pas passé le cap des bonnes intentions.

Dans son entretien au site Le Vent qui lève[14], vingt-trois ans plus tard, Chevènement semble toujours créditer Motchane d’une adhésion sans réserve au gouvernement de la gauche plurielle quand lui-même y aurait été a priori opposé[15] dans cette version confiée au journaliste. Peut-être veut-il désigner Georges Sarre, du “ camp des sociaux  ” (selon l’expression d’Ariane Chemin du journal Le Monde), quand il désigne Motchane, du “ camp des nationaux[16]”, et réciproquement Motchane quand il pense à Sarre dans cet exposé spontané ? Sa langue aurait-elle fourchée ? Si l’on tient compte de son précédent témoignage dans son autobiographie précitée, on a tout lieu d’accepter cette présentation du Ché. « Si je reviens très loin en arrière, à la gauche plurielle, c’est une invention d’un petit groupe autour de Jospin et Moscovici. Ils ont imaginé autour du Parti socialiste, un parti qui serait montant, les écologistes, un parti descendant, le Parti communiste, mais néanmoins d’un apport substantiel. Ils pensaient que sur la base de cette alliance, ils pourraient venir au pouvoir. Nous n’y croyions pas. Et je les raillais […]. Je ne pensais pas que c’était une voie très productive. D’ailleurs, elle a donné lieu au retrait de Superphénix et elle a fait prendre au TGV Rhin-Rhône un retard certain, compte tenu des positions de Madame Voynet. Mais ça a marché. La dissolution ratée de Jacques Chirac a créé une situation où les socialistes et leurs alliés étaient majoritaires à quelques voix. Que pouvions-nous faire  ? Il y a eu discussion au sein du MDC. Sarre était très réticent. Par contre Motchane était très pour (sic) . Ce qui me pose problème, car Motchane était très hostile à Lionel Jospin. Il s’était opposé au fait que nous le soutenions en 1995[17]. Toujours est-il que la situation ne permettait pas d’attendre. Il y avait une majorité : est-ce qu’on exerçait le pouvoir ou pas ? J’ai demandé la Justice à Jospin, qui me l’a refusée. Et il m’a offert l’Intérieur, c’est-à-dire une meilleure idée. Finalement, je m’y suis assez fait, bien que je ne me sentisse pas une appétence particulière pour le poste, qui en réalité, m’a bien plu. Je me suis tout de suite enfilé dans les habits du ministère de l’Intérieur. Peut-être le tempérament maître d’école. Je pense avoir trouvé un profil original pour cette fonction de ministre de l’Intérieur à la fois, en plein dans le régalien, et à la fois en mettant beaucoup l’accent sur l’éducatif, sur la prévention, sur la citoyenneté et sur l’éducation civique. C’est-à-dire, sur tout ce qui permettait de tenir ensemble une société. Disons que j’étais particulièrement motivé par la lutte contre les fractures sociales. J’ai même fait une note à Lionel Jospin à mon retour du Val-de-Grâce sur ce sujet. Je pensais que Jospin comprendrait. Parce que Jospin avait des qualités : le régalien ne lui échappait pas. Son père était directeur d’une maison de redressement, comme on disait jadis, ce qui l’avait peut-être formaté. Il concevait la nécessité de la règle, de la prévention, de la sanction et de la répression. Il comprenait que la civilisation ne va pas sans répression, comme nous l’a appris Sigmund Freud. Jospin était quelqu’un avec lequel j’aurais pu m’entendre. Malheureusement il s’est exercé sur lui des pressions qui font que sur la Corse, mais également sur l’Europe et la politique économique, il a lâché beaucoup trop de mou dans les années 1999-2000[18].»

Avec la nomination de Chevènement, Motchane intègre donc le cabinet du Ministre de l’Intérieur aux côtés de nombre de ses connaissances de la garde rapprochée[19]. Il est nommé conseiller technique chargé des questions relatives à l’Islam dans ce cabinet dirigé par Jean-Pierre Duport. Le minutier chronologique de Didier Motchane précise les éléments d’activité. Ceux-ci portent sur les interventions particulières au sujet de la situation administrative d’étrangers, les notes et correspondance échangée avec des représentants de la communauté musulmane, des citoyens, des organismes tels que l’Institut du Monde Arabe, concernant notamment la situation du culte musulman et de ses adeptes en France, la question de l’intégration de l’Islam dans la République et ses rapports avec le ministère de l’intérieur, la préparation et le déroulement de la concertation avec la communauté musulmane, la situation et la réforme de la mosquée de Paris, le projet de création d’une école nationale des hautes études sur l’Islam, la préparation du colloque (octobre 1998), l’Islam d’hier à demain, la filière de la viande hallal.

On retrouve nombre de sujet brulants liés à l’Islam sur lesquels le haut fonctionnaire trouve à prolonger sa vision citoyenne et républicaine. En particulier, le projet de création d’une école nationale des hautes études sur l’Islam[20] s’entoure de notes de réflexion, de concertation avec les ministères de l’Education nationale et des Affaires étrangères, de correspondance diverse avec des universitaires dont des représentants de la communauté musulmane, de télégrammes, coupures de presse, dépêches de l’Agence France-Presse. La réflexion de Motchane sur ce dossier est ancienne. Le Ministre de la Recherche et de l’Industrie sous les gouvernements Mauroy qui fut aussi celui de l’Education nationale sous le gouvernement Fabius, s’était entouré de la collaboration de Jacques Berque[21], islamologue traducteur du Coran  en responsabilité administrative au Maroc au temps du Protectorat. Deux rapports, le premier sur « La recherche et la coopération avec le Tiers-Monde », le second sur « L’immigration à l’école de la République » émanent de cet islamologue qui conseillait alors le ministre de l’Education nationale Jean-Pierre Chevènement, favorable à une ambitieuse politique d’intégration couplée d’une perspective sociale, pour sortir la jeunesse de la relégation par la réussite scolaire Le rapport préliminaire sur l’éducation des enfants issus de l’immigration, fruit du travail d’un groupe de réflexion, comportait en bas de couverture le slogan du Ministre de l’Education Vive l’Ecole ! Liberté Egalité Fraternité. Une illustration d’une inspiration première et transversale dans l’œuvre ministérielle de Jean-Pierre Chevènement.

Pour redonner sens à cette mission sur l’Islam de France, on peut retrouver les propos de l’ancien ministre bien plus tard, à l’aune de sa nomination comme président de la fondation pour un Islam de France. Le Parisien, par la voix de Jannick Alimi, s’entretient avec Chevènement le 15 août 2016 qui lui confie : « L’émergence d’un Islam de France compatible avec la République représente une œuvre de longue haleine d’autant plus nécessaire aujourd’hui que des courants salafistes se développent partout dans le monde, y compris en France depuis une quinzaine d’années, mettant à leur merci certains jeunes à l’esprit fragile. C’est une bonne réponse à la poussée du terrorisme, conforme à l’intérêt des musulmans, aussi bien qu’à l’intérêt de la France.[   ] La mission première de cette fondation est la formation profane des imams. Il faut leur enseigner ce qu’est la citoyenneté française, le cas échéant la langue française, les principes généraux du droit, en tout cas ceux régissant les rapports entre le culte musulman et les pouvoirs publics. Il s’agira aussi de promouvoir des projets culturels ayant pour but de faire mieux connaître la civilisation musulmane, laquelle, à certaines époques comme à la fin du premier millénaire, a brassé les cultures et a été une des grandes matrices du monde moderne. Il faudra aussi réfléchir à la création d’un institut de recherche – profane — en islamologie.» Propos qui expriment vraisemblablement l’orientation de travail antérieure de son conseiller au Ministère de 1997 à 2000, Didier Motchane, son mentor en politique de longue date qui relie la citoyenneté, la laïcité, l’école, la culture, l’intégration républicaine et la protection sociale, l’Etat républicain et la nation, communauté de citoyens[22]. Comme en témoigne ses interrogations sur l’Islam de France dans une quête de conciliation des rapports de l’islam et de la laïcité dans la revue Confluences Méditerranée de l’hiver 1999-2000 qui « se place d’emblée au cœur de la plus décisive des questions qui vont gouverner l’avenir de l’islam dans ce que l’on est convenu d’appeler sa rencontre avec la modernité, décisive évidemment ici et ailleurs pour l’islam lui-même, mais également essentielle en France pour l’avenir de la nation[23] ».

Dans ce même esprit républicain, le refus d’une supra nationalité continue à mobiliser Didier Motchane. «  La Révolution française s’était chargée d’inoculer la démocratie à l’Europe. […]. Voici deux siècles plus tard qu’au nom de la démocratie l’Europe semble n’avoir rien d’autre à proposer à la France qu’une sorte de retour à l’Ancien régime » s’insurge Motchane dans la lettre de République Moderne en Novembre 1998 dans un article intitulé «  L’Europe fédérale, bonne conscience des oligarchies ». Motchane et ses amis, Max Gallo[24] et Régis Debray[25], inclinent aux mêmes critiques en juin 1999 et se rapprochent de la garde pasquaienne et de Marie-France Garaud en la matière. Non sans raisons, à l’instar de celles du politologue Daniel Bourmaud qui soulignera, en 2006, le «  processus de dépolitisation à rebours des exigences démocratiques » dans cette gouvernance communautaire « clôture du système politique dont il convient d’écarter les effets non désirables »[26] De longue date, cette dénonciation de «  l’enlèvement de l’Europe[27] » dans une perspective atlantiste et, désormais néolibérale, constitue la critique constante du mouvement qui plaide pour une Europe des peuples, insistant dans les années soixante-dix sur le possible « compromis géographique en Europe du Sud, maillon faible de l’impérialisme américain[28] », après la chute des dictatures au Portugal, en Espagne, en Grèce et l’avènement de l’eurocommunisme en Italie et en France notamment. Une vision politique exprimée par cet intellectuel organique du Front de classe, Motchane, dans les deux revues citées et autres éditoriaux des cahiers du CERES, aux antipodes de « l’élixir européen du social libéralisme » dénoncé avec brio dans un texte à grand tirage, diffusé auprès des militants du MDC, sous la forme d’un supplément à Citoyens Actualités en décembre 1997[29]. Document de grande qualité intellectuelle dans lequel Motchane explique la mise en marge de la politique par la mondialisation. Laquelle, présentée comme la conséquence d’un phénomène « purement technique » est « la stratégie déployée aujourd’hui par le capitalisme financier » et s’entoure d’un cortège de «  dérégulation délibérée », de «  juridisation des rapports sociaux par la multiplication des autorités juridictionnelles dites indépendantes, aux procédures contentieuses avec la conviction que la multiplication des procès accompagne celle des droits, la prolifération des instances et des niveaux de décisions administratives, au motif de rapprocher ces décisions de ceux qu’elles concernent comme de les éclairer de toujours plus d’expertise. Le ralliement de la construction européenne au libéralisme est le vecteur de cette évolution ». Motchane dénonce l’instauration d’un « pouvoir monétaire indépendant », « l’expansion du droit communautaire et des droits dérivés dont les compétences réduisent celles des législateurs nationaux » le tout légitimé par une idéologie qui parvient aisément à faire passer la mondialisation pour irrésistible. Le mot de François Mitterrand « “ L’Europe est notre avenir ”, cette formule apparemment incontestable murmure insidieusement à nos oreilles “ la République est notre passé ” ». Cette évolution traduit selon Motchane « la revanche d’une bataille perdue, celle de l’immédiat après-guerre. Personne ne pouvait contester pendant l’époque des trente glorieuses que dans la République la politique gouverne le marché, […] personne ne songeait à contester la légitimité, donc la prééminence de la politique. La mondialisation donne aux oligarchies le moyen de la contourner. En évitant d’affronter directement les électeurs, elle leur fait valoir que les règles de la démocratie sont vides de sens puisque ces décisions n’ont plus prise sur les mouvements qui structurent l’avenir. Dans ce contexte, la construction européenne est devenue depuis lors un enjeu décisif.»[30].

On retrouve donc naturellement Motchane dans la cohésion politique et la cohérence idéologique, en dissidence dans la préparation des élections européennes quand le Ché préconise l’option plus opportuniste de places proposées au MDC sur la liste socialiste. Et, selon le Monde, « depuis le conseil national du 6 mars, où M. Chevènement a annoncé que  » le MDC fera campagne pour une Europe de nations, comme dit Lionel Jospin « , le trouble se manifeste au grand jour. Didier Motchane, compagnon du Centre d’études, de recherche et d’éducation socialistes (Ceres), qui plaidait pour « sauter  » l’élection, dénonce ce ralliement devant ses amis [31]». Jean-Yves Autexier, son fidèle camarade, ami et collaborateur, devait être, après Chevènement, son principal contradicteur dans ce moment de choix. Il nous a confié récemment[32] sa difficulté d’alors à se prêter au jeu du débat contradictoire pour répondre aux sollicitations de J.P Chevènement soucieux de faire prévaloir ses choix devant les responsables du mouvement. Ce débat a lieu à la salle Colbert de l’Assemblée nationale devant une large assemblée du mouvement constituée de délégués des régions et départements aux côtés des responsables nationaux.

On saisit l’ambivalence du sentiment de Jean-Yves Autexier qui comprend la posture de Motchane tout en se rangeant à celle du ministre[33].

Dans cette campagne chahutée des européennes Le Monde peut annoncer que «  Didier Motchane, vice-président du MDC et cofondateur du CERES avec M. Chevènement au début des années 60, a signé un“ point de vue ” avec Marie-France Garaud[34], qui figure en troisième position sur la liste conduite par MM. Pasqua et de Villiers ( Le Monde du 11 juin). Tout en prenant soin de préciser que “ sur bien des questions, des choix politiques différents [les] séparent ”, les deux signataires tombent d’accord pour considérer que la France s’est alignée sur les positions de l’OTAN[35] et des Etats-Unis face à la Serbie[36]. »

La position de Motchane reste cohérente en tous points avec l’histoire de son mouvement et de ses confrontations sur l’Europe, Déjà en 1978, en présentation du XIIe colloque du CERES, on trouve sans doute sous la plume de Motchane et assurément sous son contrôle, cette critique de fond de l’Europe néo-libérale. « Les impasses externes de l’Europe néo-libérale traduisent le fait que le développement du capitalisme en Europe ne saurait connaître d’aboutissements européens, mais seulement un aboutissement mondial. Dans le carcan du capitalisme, et dans la mesure même où la communauté ne peut prétendre qu’être un assemblage de sociétés capitalistes, chaque pas marqué vers les Etats-Unis d’Europe ne peut nous conduire que vers l’Europe des Etats-Unis[37] .»

Motchane ayant bataillé plus de dix ans comme parlementaire français au parlement européen, de 1979 à 1989, contre l’européisme[38] et l’atlantisme[39], il n’est pas homme à tronquer des sièges contre une position politique centrale[40] et originale du MDC dans sa conception d’une Europe des peuples et des nations, bien opposée à celle d’une perspective de fédéralisme, portée par la social-démocratie[41] sous influence anglo-saxonne, jusque dans ses courants de gauche, à l’instar d’Henri Emmanuelli, député des Landes, ancien secrétaire général du PS et ancien président de l’Assemblée nationale. L’idée d’un peuple européen, cher au philosophe Habermas, est tout à fait étrangère à Motchane dans la période actuelle où il ne saurait être, au mieux, qu’en voie de constitution lentement préparée dans le cadre de coopérations à géométrie variable, tenant compte de l’intérêt des nations. Sans doute partage-t-il cette vision d’une « Europe originale, matrice de la pluralité du monde » qu’exposera plus tard, en décembre 2001, le sénateur J.Y Autexier interrogé par Pascal Boniface[42]. « La construction européenne passe d’abord par l’apprentissage des langues, des histoires et des cultures. Or il ne faut pas prétendre y arriver en dix ou quinze ans ; la démarche ne serait pas la bonne.»

« Ni « l’accord politique » avec le PS, qui maintient la règle de l’unanimité entre les Quinze, ni les neuf candidats présents sur la liste, dont deux éligibles, ni l’économie d’une campagne pour un MDC déjà endetté, n’ont calmé les esprits. Le 12 mars, à Besançon, le ministre de l’intérieur, qui venait épingler une croix d’officier à Robert Schwint, maire socialiste du chef-lieu de Franche-Comté, en délicatesse avec son parti, a pu constater l’amertume de ses troupes. Accueilli par une poignée de  »  citoyens   » bisontins, il a entendu la doléance de militants  » dupés « ,  » bernés « ,  »  trahis  » après les espérances nourries pour une liste autonome.  » IMAGE BROUILLÉE « [43].

Brouille plus forte encore mais qui saisit cette fois le ministre en butte aux agissements en coulisse du directeur de cabinet de Lionel Jospin, Olivier Shrameck., dans la gestion du dossier Corse après l’assassinat du Préfet Erignac. Ce Préfet «lâchement assassiné par un commando nationaliste dans la nuit du 6 février 1998. Assassinat dont nul n’a perdu le souvenir, perpétré contre un homme qui refusait toute protection, alors qu’il symbolisait l’Etat dans l’île. A l’époque, une majorité de Corses avaient désapprouvé ce crime » confiait rétrospectivement l’ancien ministre au journal Le Monde à la veille du voyage du nouveau président sur l’île de Beauté, le 6 février 2018. En 2000, son désaccord avec Jospin sur la Corse était flagrant comme il s’en explique encore auprès de Bruno Dive de Sud-Ouest le 27 décembre 2020: « Je ne me voyais pas expliquer à la tribune de l’Assemblée nationale qu’on allait donner un pouvoir législatif à l’assemblée de Corse et mettre les nationalistes corses au pouvoir sans que ceux-ci aient renoncé à la violence.». Dans son livre Passion de la France, le Ché fera même de cette affaire « Un exemple de déconstruction républicaine : la Corse, au miroir de la France[44].»

Le film de Thierry de Peretti « Une vie violente » rentre de plein fouet dans cette machination infernale du crime quand la confusion entre militantisme indépendantiste du FLNC et mafia trouve à s’exprimer dans les exécutions sommaires et les règlements de compte avec la lâche complicité d’élus conduisant ce double jeu envers les institutions démocratiques au sein desquelles le poids des indépendantistes fragilise la république. Ce film d’une qualité cinématographique vraiment intéressante renvoie aussi au traitement du dossier Corse dans les dernières années du siècle précédent sous la mandature de Lionel Jospin. Ce dernier cédait, sous la pression d’une fraction des élus insulaires qui avaient l’oreille attentive de son chef de cabinet, à la facilité de l’octroi d’un statut ultra-marin, sous condition de référendum remis à une date ultérieure, dans l’île de beauté. Fort heureusement celui-ci exprima le rejet d’une dérive autonomiste en 2004 grâce à l’action vigoureuse des républicains rangés derrière Emile Zuccarelli, cet ancien ministre démissionnaire de Lionel Jospin du temps de la gauche plurielle. Cette période qui devait conduire Jean-Pierre Chevènement, Ministre de l’Intérieur, à démissionner à son tour dans un conflit houleux entre la place Beauvau et Matignon. Nous nous situons après le meurtre du préfet Erignac (6 février 1998) et l’affaire dite des paillotes (avril 1999) qui servit de prétexte à la destitution du préfet Bonnet, son successeur. Le locataire de Matignon oublie alors sa parole et finit par arbitrer au bénéfice des lobbies autonomistes, lâchant sur l’essentiel. Quand le ministre de l’Intérieur souhaitait renforcer le développement de l’île tout en faisant évoluer son statut dans le cadre constitutionnel de la France, le chef du gouvernement de cohabitation octroyait tout de go des compétences législatives à l’assemblée de Corse, négociant ainsi sans préalable d’arrêt des violences en cette période de redoublement criminel qui fait l’arrière-plan du film de cette « vie violente  ».

On retrouvera tous ces éléments sur la politique insulaire dans les écrits de deux protagonistes aux postures opposées. Ceux d’Olivier Schrameck, le chef du cabinet du Premier ministre, inspirateur des accords de renoncements, ratifiés par Jospin, qui pousseront le ministre de l’Intérieur à la démission: « Matignon Rive gauche 1997-2001″ et « Défis républicains », ceux de Jean-Pierre Chevènement en 2004 dans la période nouvelle[45].

Pour revenir sur l’ensemble des raisons motivant le départ du gouvernement de la gauche plurielle (29 août 2000), on peut s’en référer à cette réflexion plus large livrée par Chevènement en décembre 2010 en réaction à la publication d’un livre de Lionel Jospin : « N’était-il pas légitime que je fusse candidat, au nom du Mouvement des Citoyens, composante parmi d’autres de la “ gauche plurielle ”, pour redresser le cours des choses, dès lors que les idées que je portais avaient été marginalisées au sein du gouvernement ?

Et pas seulement sur l’affaire corse, au cœur de mes compétences ministérielles, mais sur bien d’autres sujets (Europe, politique industrielle, bombardements sur la Yougoslavie, etc.). Fallait-il, après que le gouvernement tout entier – et pas seulement moi – eût été mis devant le fait accompli sur l’octroi de compétences législatives à la Corse, que je renie près de quarante ans de combats politiques ? Lionel Jospin semble découvrir que la gauche a plus de chances unie que divisée. Mais qu’a-t-il fait pour éviter qu’elle se divise ? Il lui eut fallu peu de choses pour convaincre Christiane Taubira de se retirer. Seule sa conviction d’être présent, en tout état de cause, au deuxième tour, l’y a fait renoncer. A-t-il même réfléchi aux raisons pour lesquelles cette division s’est produite ? Lionel Jospin ne s’interroge pas sur les causes profondes de la défaite de 2002 : l’éloignement des couches populaires d’abord. Pourquoi 11 % seulement des ouvriers ont-ils voté pour lui le 21 avril 2002 ? Ce n’est quand même pas la faute de Chevènement ! Et pas davantage ne s’attarde-t-il sur la montée de l’extrême-droite et de l’abstentionnisme.

Chaque fois qu’il évoque ma personne, Lionel Jospin est rarement à court d’une insinuation malveillante. Qu’il s’agisse de la guerre d’Algérie, où reprenant une perfide antienne, il m’impute de « n’avoir pas fait les mêmes choix [que lui] pendant la guerre d’Algérie » (p.32). La seule différence, à ma connaissance, est qu’il a fait son service militaire en Allemagne et moi en Algérie, où j’ai pris, après la dissolution des SAS (sections administratives spécialisées, lointaines héritières des « bureaux arabes »), plus de risques que lui à combattre l’OAS. A vingt ans, j’étais membre de l’Amicale de l’UNEF de Sciences Po. De même sur les fournitures d’armes à l’Irak à l’automne 1983 (p. 132). J’aurais eu quelque peine à les favoriser, n’étant plus au gouvernement depuis six mois ! Ou encore, s’agissant de la solution de la « querelle scolaire », où je n’aurais fait que mettre en œuvre les « dispositions simples et pratiques » arrêtées par lui-même et par le Président de la République, « en plein accord et presque seuls » (p. 104). Il faut apparemment me réduire au rôle de simple exécutant pour que Lionel Jospin puisse seul marquer le terrain de l’Education, où son inspiration ne rejoint pas la mienne. Laissons là ces petitesses. Lionel Jospin, bien que manquant d’une grande vision politique, a été un bon Premier ministre. Je ne reviendrai pas sur ce débat rétrospectif. Au fond je n’ai rien à retirer de ce que j’ai écrit sur ce sujet dans « Défis Républicains » (Fayard, 2004) particulièrement dans les chapitres 12 (« le pari de la gauche plurielle ») et 16 (« l’échec de la gauche plurielle »)[46]. Je fais confiance à la sagacité des historiens et à la raison des militants.

La vérité est que Lionel Jospin et moi-même portions des conceptions politiques différentes. J’ai cherché à servir son gouvernement tout en servant la République. Je n’étais pas pour autant devenu son féal. Un peu moins d’orgueil de sa part permettrait au Parti socialiste et à la gauche de faire l’autocritique d’une dérive libérale et européiste avec laquelle il faut rompre impérativement. L’incapacité de Lionel Jospin à se remettre en cause pèse comme un couvercle sur le cerveau d’une gauche à laquelle échappe encore le fin mot de son histoire. Elle n’aide pas non plus la France à sortir du terrible piège dans lequel elle a été enfermée par la myopie de ses élites[47].  »

Références Xavier Dumoulin

Tous droits de reproduction et de diffusion strictement soumis à l’autorisation de Xavier Dumoulin


[1] « Le MDC partagé entre « nationaux » et « sociaux » », Le Monde.fr, [s.l.], , 25 juin 1999. URL : https://www.lemonde.fr/archives/article/1999/06/25/le-mdc-partage-entre-nationaux-et-sociaux_3582451_1819218.html.. Consulté le 16 février 2023.

[2] J.-P. Chevènement, Défis républicains, Paris, 2004., p 277.

[3] « Le MDC entend rester dans la majorité « plurielle » », Le Monde.fr, [s.l.], , 30 août 2000. URL : https://www.lemonde.fr/archives/article/2000/08/30/le-mdc-entend-rester-dans-la-majorite-plurielle_3708201_1819218.html.. Consulté le 16 février 2023.

[4] « Lionel Jospin veut dédramatiser le départ de Jean-Pierre Chevènement », Le Monde.fr, [s.l.], , 30 août 2000. URL : https://www.lemonde.fr/archives/article/2000/08/30/lionel-jospin-veut-dedramatiser-le-depart-de-jean-pierre-chevenement_3708200_1819218.html.. Consulté le 16 février 2023.

[5] [… il y avait Cérès dans la mythologie latine. Cérès c'est la déesse de la glèbe et, ajoutions-nous, de la plèbe, ce n'était pas tout à fait vrai ! Cérès qu'en grec on appelle Déméter. Nous voulions faire lever des moissons de jeunes militants, et nous y avons réussi parce que nous avons attiré des dizaines de milliers de jeunes gens qui, pleins d'enthousiasme, se lançaient à l'assaut d'un monde à construire …], JPC à l’émission « Les Clefs d’une vie » sur Sud Radio de Jacques Pessis, dimanche 27 septembre 2020.

[6] Symbolique 1 – Adjectif. Par opposition à réel, et à imaginaire, caractérise l’appel à l’émotion et à l’inconscient. 2 – Substantif. Système de signes surchargés de sens au double point de vue cognitif et émotionnel, en raison des fortes connotations, culturellement construites, qui s’attachent au(x) signifiant(s).cf. P. Braud, Sociologie politique, op. cit., pp 551-561.

[7] J.-P. Chevènement, Qui veut risquer sa vie la sauvera, op. cit., p 352.

[8] Ibid.

[9] Jacques Desallangre, Roland Carraz, Michel Suchod, Jean-Pierre Michel, Georges Sarre, Pierre Carassus, Jean-Pierre Chevènement.

[10] J.-P. Chevènement, Qui veut risquer sa vie la sauvera, op. cit. ,p 353.

[11] Ibid.

[12] Archives d’Emmanuel Lyasse, normalien, militant du CERES.

[13] Motchane Didier octobre 2022, Pour que la République redevienne une idée neuve, octobre 2002.

[14] Malgouyres-Coffin Catherine, Entretien de J.P Chevènement au site Le vent se lève, 22 novembre 2020.

[15] Ce qui ne semble pas être la première version de son livre autobiographique publié en mars 2020.

[16] « Le MDC partagé entre « nationaux » et « sociaux » », op. cit.

[17] Nous tenons de Jean-Yves Autexier, ce témoignage filmé par Dominique Cabrera, la cinéaste épouse de Motchane, dans lequel ce dernier avoue sans sourciller avoir voté Chirac au second tour de la présidentielle de 1995 dans son duel avec Jospin tant il a d’ordinaire de l’aversion pour « ce lambertiste pro-américain ». Ce substantif d’aversion caractérisée est totalement assumé par notre informateur de premier plan.

[18] Malgouyres-Coffin Catherine, « Entretien de J.P Chevènement au site Le vent se lève », op. cit.

[19] « La garde rapprochée de Chevènement. Le ministre de l’Intérieur a choisi un spécialiste de la banlieue comme directeur de cabinet. », Libération, [s.d.]. URL : https://www.liberation.fr/france-archive/1997/06/14/la-garde-rapprochee-de-chevenement-le-ministre-de-l-interieur-a-choisi-un-specialiste-de-la-banlieue_206995/.. Consulté le 11 mai 2023. « Deux responsables du Mouvement des citoyens (MDC) prennent deux postes éminemment importants: Jean-Yves Autexier, secrétaire national du MDC depuis cinq ans, ex-député socialiste de Paris en remplacement de Georges Sarre (1988-93), devient son conseiller politique et Patrick Quinqueton, maître des requêtes au Conseil d’Etat, secrétaire national du MDC (formation et vie interne), se voit confier le poste de conseiller pour l’immigration. Quatre autres fidèles sont nommés conseillers, notamment Philippe Barret, normalien philosophe et brillant universitaire, ainsi que Gérard Cureau, magistrat de la Cour des comptes, ex-préfet du territoire de Belfort (1981-85), qui a déjà été directeur adjoint du cabinet civil et militaire de Jean-Pierre Chevènement à la Défense en 1988, puis conseiller à la sécurité à Matignon en 1991. Et la Corse? Le ministre n’a pas encore officiellement déterminé qui allait se charger de la délicate question corse. Pour l’heure, l’urgence est à l’élaboration d’une nouvelle politique de l’immigration, à l’affichage de «l’impartialité» de la police judiciaire, à la réflexion sur une sécurité de proximité (avec la création de 35 000 emplois locaux) et sur la réforme des renseignements généraux, toutes deux promises par le Parti socialiste.» Patricia Tourancheau, Libération, 14 juin 1997, La garde rapprochée de Chevènement.

[20] « Ecole nationale des hautes études sur l’Islam », FranceArchives, [s.d.]. URL : https://francearchives.gouv.fr/fr/facomponent/6e27f6265095aafcbc4d844933c362aba8deda88.. Consulté le 11 mai 2023.

[21] F. Lorcerie, « Berque, l’école, l’immigration : rencontre inopinée », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, vol. 83, no 1 (1997).

[22] D. Motchane et J.-P. Pagès, Ni trahir, ni périr, op. cit.

[23] D. Motchane, « L’islam de France sera-t-il républicain ? », CONFLUENCES Méditerranée.

[24] Virot Pascal, « ELECTIONS EUROPEENNES. La dérive de Max Gallo fait tousser les chevènementistes. », Libération, [s.d.]. URL : https://www.liberation.fr/france/1999/06/10/elections-europeennes-la-derive-de-max-gallo-fait-tousser-les-chevenementistes_277058/.. Consulté le 10 mai 2023.

[25] « Max Gallo, Didier Motchane, Sami Naïr : le chevènementisme éclaté », Le Monde.fr, [s.l.], , 12 juin 1999. URL : https://www.lemonde.fr/archives/article/1999/06/12/max-gallo-didier-motchane-sami-nair-le-chevenementisme-eclate_3546938_1819218.html.. Consulté le 16 février 2023.

[26] B. Bruneteau, « L’identité européenne contre l’identité « républicaine » ? », Relations internationales, vol. 140, no 4 (2009). En 1999, l’universitaire D. Bourmaud est membre du MDC et sera  par ailleurs très actif en Aquitaine en 2002 dans l’animation du comité de campagne de J.P Chevènement.

[27] Repères les cahiers du CERES  55-56 L’enlèvement de l’Europe, les éditions Jacques Mandrin, septembre 1978.

[28] « Repères 33 Juin 76 Xe colloque du CERES Le compromis géographique », [s.d.]. URL : https://archives-socialistes.fr/themes/archives/static/pdfviewer/?docid=150710&language=fra#.. Consulté le 14 mai 2023.

[29] D. Motchane et J.-P. Pagès, Ni trahir, ni périr, op. cit. pp 276-278.

[30] Ibid.

[31] « L’alliance du MDC avec le PS trouble les militants « citoyens » », Le Monde.fr, [s.l.], , 24 mars 1999. URL : https://www.lemonde.fr/archives/article/1999/03/24/l-alliance-du-mdc-avec-le-ps-trouble-les-militants-citoyens_3565359_1819218.html.. Consulté le 16 février 2023.

[32] Entretien du 11 mai 2023.

[33] Ce dernier, insiste auprès de nous l’ancien dirigeant du MDC, ne rompt avec le PS que lorsqu’il est certain de ne plus pouvoir peser sur le cours des évènements (cf. la démission du Ministre de la défense après le discours de l’Amiral Langlade qui travestit la voix d’un militaire en porte-parole du président Mitterrand, la sortie du PS quand Rocard en devient premier secrétaire). A la différence d’un Motchane qui anticipe la rupture dès lors qu’une confusion idéologique menace la cohérence politique. « Si le temps de la rupture avec le capitalisme n’est pas venu, celui de la rupture avec Mitterrand est arrivé » devait-il lancer avant de fonder le MDC, comme nous le rappelle Autexier. Lequel acquiesce lorsqu’on le définit lui-même comme à l’intersection des deux personnages avec cette longue histoire de responsabilité militante d’un homme de combat et d’action et cette raison politique du parlementaire , tour à tour député et sénateur, sensible aux nécessités du compromis pour faire avancer un projet.

[34] « Une femme de droite et une femme droite […] Ce genre de caractère qui tient vraiment la démocratie à l’honneur et qui est sans doute le contraire du populisme me plaira toujours, à quelque bord qu’il se tienne. », D. Motchane, Voyage imaginaire à travers les mots du siècle, op. cit., p 139.

[35] «L’Amérique entend se servir du conflit du Kosovo pour séparer durablement par un fleuve de ressentiments, et de sang s’il le faut, les Russes des autres Européens ; pour se dédouaner, aux yeux des pays musulmans – de la Turquie aux monarchies pétrolières du Golfe -, de ses liens indéfectibles avec l’Etat d’Israël ; pour imposer, enfin, aux Européens la pérennité de cet instrument d’hégémonie politique et militaire qu’est l’OTAN et aux Français en particulier la réintégration de fait de leur pays dans son dispositif militaire.»  Motchane Didier, Motchane La barbarie n’a pas de domicile fixe, Le 6 avril 1999. URL : [https://www.lemonde.fr/archives/article/1999/04/06/la-barbarie-n-a-pas-de-domicile-fixe_3564314_1819218.html.]

[36] « Max Gallo, Didier Motchane, Sami Naïr », op. cit.

[37] « Repères les cahiers du CERES  55-56 L’enlèvement de l’Europe », op. cit.

[38] D. Motchane, Les années Mitterrand, op. cit.

[39] M. Didier, Un atlantisme à la charentaise : de Jarnac à Maastricht, dix ans de politique étrangère, op. cit.

[40] Europe : Etats-Unis d’Europe, Europe des Etats-Unis ou indépendance, Paris, B. Leprince, 2010.

[41] Histoire documentaire du Parti socialiste, V. Chambarlhac (éd.), Dijon, Editions universitaires de Dijon, 2005.

[42] J.-Y. Autexier, « « Pour une Europe originale, matrice de la pluralité du monde » », Revue internationale et stratégique, vol. 45, no 1 (2002). « En revanche, les coopérations renforcées habitueront nos pays à travailler ensemble, autour de projets communs surveillés par nos Parlements, par nos gouvernements et nos peuples. C’est à ce prix que ces derniers s’attacheront au projet européen, et y prendront progressivement pied. […] De notre côté, il semblerait que nous commencions par le haut, les élites de nos différents pays réfléchissant à un projet de constitution. Je pense que nous suivons le mauvais chemin, qu’il faudrait, au contraire, associer nos peuples par des projets. C’est autour de projets que l’on se rapprochera et que l’on travaillera davantage ensemble, en poursuivant un dialogue de fond sur ce que nous sommes et ce que nous voulons ; sur le sens à donner à ces projets et à la définition d’un espace européen par rapport au monde russe, au monde américain et au Sud ;sur ce monde de culture et le référentiel de valeurs que nous partageons ; et, enfin, sur ce que nous voulons apporter au monde de demain. Il faut commencer par répondre à ces questions pour prétendre un jour construire l’espace européen, par la coopération plus que par l’intégration qui ressemble davantage à un bricolage institutionnel qu’à un projet porté par les peuples. »

[43] « L’alliance du MDC avec le PS trouble les militants « citoyens » », op. cit.

[44] J.-P. Chevènement, Passion de la France, Paris, 2019.

[45] J.-P. Chevènement, Défis républicains, op. cit.

[46] Ibid.

[47] Jean-Pierre Chevenement le Vendredi 22 Janvier 2010 sur son blog [https://www.chevenement.fr/Sur-le-livre-de-Lionel-Jospin_a914.html].