Il y a peu, Renaud Biondi-Maugey s’interrogeait sur France Bleue Gascogne sur la présence du loup dans les Landes. Alertée par une association nationale, l’Observatoire du loup, cette situation a été plutôt remise en cause pour manque d’éléments probants, par l’Office français de la biodiversité (OFB) et la fédération des chasseurs des Landes. Vincent Dubroca rend compte de cette polémique dans une émission télévisuelle (Cf vidéo ci-dessous).

En Nouvelle-Aquitaine, l’OFB récence la présence du loup dans les Pyrénées Atlantiques de manière permanente. La présence de cette espèce protégée est également certifiée dans les départements de la Dordogne, de la Charente, en Corrèze, dans la Vienne ou encore dans la Creuse et en Gironde. 

Le braconnage du loup fait par ailleurs l’objet de nombreuses dénonciations dans les départements où sa présence est attestée. Angella Bolis et Blandine Flipo (Le Monde du 1° août 2024) affirment qu’avec  « le retour progressif du loup sur un territoire grandissant, la pratique du braconnage contre cette espèce protégée semble s’intensifier ». Dans les départements de la Drôme, de l’Isère, des Hautes-Alpes et plus largement dans le Sud-Est, des constats de pièges, d’empoisonnement ou de d’abattage sont rapportés par nos observateurs. On ne saurait néanmoins situer exactement le nombre de loups concernés. L’OFB agit contre ce phénomène local de braconnage. En Europe, « le braconnage auquel est confronté le loup est l’une des causes les plus importantes de mortalité de l’espèce », indique le site du programme Life Wolf Alps. La Scandinavie et le Portugal semblent les plus touchés.

L’observatoire du Loup, cette association évoquée plus haut, situent la présence de ce canidé en périphérie du Parc naturel de Gascogne, autour de Labouheyre et Solférino, ainsi qu’à l’Est de Biscarrosse. L’évocation de cette présence dans les Landes fait écho à une réalité historique dans nos landes de Gascogne, pays jadis de transhumance avant la généralisation de la sylviculture.

Lou Loup e l'Agnet. Gustave Doré. XIXe s.

Lou Loup e l’Agnet. Gravure de Gustave Doré. XIXe siècle.

A partir de mes recherches sur les petits chevaux des lettes, j’ai fait le récit des loups et de leurs chasses. A l’époque d’une civilisation agro-pastorale, pas d’états d’âme contre ce « prédateur » comme en atteste nos écrits inédits relatant des témoignages de Félix Arnaudin sur « lous loups », l’ethnologue avant la lettre s’appuyant lui-même sur les dires d’un témoin du milieu du XIXe siècle. 

Jean-Yves Boutet, dans un recueil de textes de Félix Arnaudin sous le titre « S’abattre à grands bruits d’ailes », présente une notice évoquant « la transhumance des maigres loups des Pyrénées poursuivant celle des brebis et du bétail sur le plateau landais jusqu’au Médoc », Notre ethnologue de Labouheyre (1844-1921) fait alors revivre une chasse aux loups en haute lande à travers le témoignage d’un des acteurs de cette battue de 1855.

« D’Ychoux à l’embouchure de la Leyre, et de Salles au littoral… tout ce qui portait fusil fut prié à la fête, et un beau matin d’hiver la lande pacifique vit s’ébranler une armée (de huit ou dix mille rouillardes ? le point d’interrogation sur ce mot est posé par J.Y Boutet) égrenée sur un immense cercle s’avançant vers un point commun avec toutes les allures de gens résolus à une effroyable tuerie. » précise Arnaudin. Le témoin parti d’Ychoux à trois ou quatre heures du matin, signale « une seule ligne d’hommes pour embrasser le plus d’espace possible, et divisée quant au commandement, par escouades de vingt ou vingt-cinq hommes ; quelques-uns étaient à cheval, le plus grand nombre à pied, suivis des chiens, mais le point prescrit c’était de faire le plus de tapage possible. » Cet immense cercle rabattait les gibiers et « De là, de temps en temps des cavaliers se détachaient, accouraient vers un point de la ligne mouvante, l’arrêtaient au lieu voulu, et disparaissaient dans la vastité… »

Nous savons par ce témoignage que nos montures landaises étaient bien de la partie : Un loup « visible par corps à trois bons quarts de lieues (quatre kilomètres) » dans ce territoire plat et désertique, pouvait bien s’échapper « en se coulant dans un vieux chemin curé par les eaux » quand un autre, « séduit par l’exemple… s’approcha des rangs, entraînant à ses trousses un de ces indomptables petits chevaux de lettes portant sur une primitive selle de peau un vieux chasseur aussi enragé que lui : une sage mesure avait interdit l’emploi de projectiles autres que le gros plomb, mais bien des balles furtives s’étaient glissées dans les fusils, déjà les lingots faisaient siffler l’air et laborieusement la terre autour du groupe cinq. Il fallait cela pour que le chasseur aperçût le danger : d’un bond il arrêta sa monture et s’en fit charitablement un écran de conservation. Ce fut par hasard que le loup attrapa seul les prunes… ».

Un autre passage de cette notice évoque « Les histoires effrayantes de voyageurs, bouviers et cavaliers escortés par les loups dans la traversée des landes (qui) sont innombrables : l’homme attardé dans les lieux déserts voyait souvent avec surprise une sorte de gros chien assis sur son derrière qui semblait l’attendre au pied du chemin : à son approche, quelquefois à cinquante pas, il se levait, décrivait un arc de cercle, passait derrière, revenait devant, et lui tenait ainsi compagnie jusqu’à ce qu’il arrivait près des lieux habités ».

La notice sur « lous loups » emprunte un autre témoignage à un certain V.Dourthe. « Quand un loup ne peut venir à bout d’un cheval, il s’en va hurler à quelque distance, et d’autres loups arrivent bientôt à son aide… Les vaches, en troupeau, parent l’attaque du loup en se mettant en rond : ce cercle de cornes menaçantes les arrête; mais une vache seule est bientôt égorgée. Les bœufs se défendent du loup facilement, ils n’en ont aucune crainte. Les chevaux, s’ils sont libres, deviennent souvent ses victimes ; ils n’ont d’autre parti que la fuite, qui ne les sauve pas. Mais s’ils ont des entraves (la chose est singulière) cette circonstance, qui semblerait devoir leur être inévitablement fatale, devient pour eux un moyen de salut : se cabrant pour parer l’attaque il arrive souvent que la chaîne de fer qui relie leur pied de devant retombe sur le cou du loup qui se trouve captif et sans possibilité d’utiliser sa force : le cheval a l’instinct de ne plus bouger, et souvent les propriétaires des chevaux laissés ainsi dans la lande les ont retrouvés dans cette position…délicate. » Le récit de la chasse aux loups contient aussi l’évocation par Arnaudin de la lande et de « la vie sauvage et heureuse qu’y menait les pâtres, les vieux pâtres de la dernière génération ».

A la même époque, hommes et cavaliers munis de filets et lassos, capturaient le petit cheval des lettes, leur monture, en cernant le troupeau par encerclement dans ces « montagnes » et vallées de sable du littoral. Mais ceci est une autre histoire…

Xavier Dumoulin

A lire sur le blog du Master d’Histoire de l’Université Paris Nanterre

https://cmhn.hypotheses.org/5446

Xavier Dumoulin. Une anthologie illustrée du petit cheval des Landes à travers les siècles

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