Louis Mermaz ou l’assomption d’un pur socialisme
Créé par sr07 le 16 août 2024 à 8:18 | Dans : a-le quartier libre de XD, Parti socialiste
Fidèle d’entre les fidèles et sans doute le plus âgé, jusqu’à ce jour, de l’ancienne garde rapprochée de François Mitterrand, Louis Mermaz s’est éteint dans ses quatre-vingt treizième années selon une annonce du 15 août venant de cadres et élus socialistes.
Agrégé d’histoire, il enseigne en lycée puis à la faculté des lettres de Clermont-Ferrand. Il s’engage auprès de F.Mitterrand à l’Union démocratique et socialiste de la Résistance. Mais il échoue à trois reprises dans l’Orne aux élections législatives de 1956, 1958 et 1962. Il fait campagne pour François Mitterrand à la présidentielle de 1965 et lance l’idée d’une Fédération de la gauche « capable d’engager le dialogue avec les communistes, sans le soutien desquels on ne peut faire une politique authentiquement socialiste »
En 1966, il devient secrétaire général de la Convention des Institutions républicaines, mouvement crée par F.Mitterrand. L’anné suivante, à 35 ans, il est élu député de l’Isère dans la circonscription de Vienne. Il participe au congrès d’Epinay sur Seine en 1971 aux côtés de Mitterrand qui porte les mandats de la CIR avec la motion Mermaz-Pontillon (1). « L’évolution du PS et l’union de la gauche sont, pour lui, une seule et même chose ». Rejoignant ainsi le CERES de Jean-Pierre Chevènement et Didier Motchane, la synthèse (2) – sous les plumes de Motchane, Joxe et Mitterrand – peut se faire avec le concours des grandes fédérations du Nord et des Bouches du Rhône (Mauroy-Deferre) sur la base de l’unité de la gauche autour d’un programme de gouvernement calé lui-même sur un programme socialiste dont l’écriture est confiée à Jean-Pierre Chevènement. Mermaz a en charge les fédérations et reprend l’appareil issu de la vieille SFIO. Il est aussi secrétaire de « la fédé » de l’Isère Cette même année, il est élu à la mairie de Vienne.
Battu aux législatives en 1968 il se fait réélire en 1973 et en 1981. Quand la vague rose arrive au Palais Bourbon, François Mitterrand propose à Louis Mermaz et à Pierre Joxe de se répartir les postes entre le « perchoir » et la présidence du groupe socialiste. Louis Mermaz est élu au « perchoir » le 2 juillet 1981, après un passage d’un mois dans le premier gouvernement Mauroy. Il conserve son mandat de député sans discontinuité jusqu’en 1990 avec sa nomination au gouvernement. En mai 1988, il se retrouve ministre des transports dans le gouvernement Rocard, avant de présider, de juin 1988 à octobre 1990, le groupe socialiste qui n’a qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale et doit œuvrer entre les centristes et les communistes. Il redevient ministre en octobre 1990 d’abord à l’agriculture, pendant dix-huit mois, puis aux relations avec le Parlement jusqu’à la défaite de 1993.
Redevenu député en 1997, il choisit de rejoindre le Sénat en 2001 où il restera jusqu’en 2011. Il sera président, de 1976 à 1985, du conseil général de l’Isère et maire de Vienne jusqu’en 2001.
Selon Michel Noblecourt à qui nous empruntons le cadre général de cette biographie (3), « Dans toutes ses fonctions, Louis Mermaz se fait l’avocat un peu raide d’un pur socialisme. Au congrès de Valence, en 1981, il proclame : « Tous les éléments d’une contre-révolution se mettent aujourd’hui en place. Il faut frapper vite et fort contre le sabotage de notre économie. » Pour cet éléphant du mitterrandisme, « le socialisme à la française ne peut se contenter d’un replâtrage du capitalisme. Il faut changer le système des valeurs, mettre l’accent sur la justice sociale et la solidarité ». « Il faut montrer que le socialisme, ça marche ! », martèle-t-il car, si on se borne à gérer, « on va dériver vers une vague social-démocratie et on débouchera sur un retour au libéralisme ».
En 2007, il soutient Ségolène Royal mais, après l’élection de François Hollande, il lui reproche de ménager « l’ordre capitaliste » et de préférer sa régulation : « C’est comme mettre du sel sur la queue d’un oiseau pour l’attraper. C’est cela qui fait le désespoir (…) des nôtres. »
Xavier Dumoulin
(1) Suite à un accord du 26 janvier 1971, la « Délégation nationale pour l’Unité des socialistes » – composée de représentants du Nouveau Parti socialiste, de la CIR, et des clubs créés en dehors de la SFIO – lance un appel à la participation au « congrès de l’unité », qui se tiendra les 11, 12 et 13 juin suivants, pour un « changement profond et une organisation puissante du Parti socialiste ». La Délégation, présidée par Nicole Questiaux, encourage les militants à participer aux congrès préparatoires prévus dans tous les départements afin de désigner leurs délégués.
Dix-sept textes vont être présentés au « congrès de l’unité ». Mais le débat va se concentrer sur cinq d’entre elles, présentées par les principaux dirigeants du Nouveau PS, de la CIR et des clubs : la motion L, du tandem Louis Mermaz-Robert Pontillon, la motion M de Jean Poperen, leader de l’Union des groupes et clubs socialistes (UGCS), la motion O présentée par Alain Savary et signée par Guy Mollet, la motion P du CERES de Jean-Pierre Chevènement, et la motion R qui réunit avec Gaston Defferre et Pierre Mauroy les fédérations socialistes des Bouches-du-Rhône et du Nord.
Après tractations (notamment avec la fédération socialiste du Nord), François Mitterrand parvient à rassembler autour de lui ses amis de la CIR, mais aussi Gaston Defferre et Pierre Mauroy, et le CERES de Jean-Pierre Chevènement. Jean Poperen, quant à lui, choisit de soutenir Alain Savary. Le vote final du congrès permet à la motion de synthèse Mauroy-Defferre-Mitterrand-Chevènement de sortir majoritaire (51,26 %), face à celle de Savary-Poperen-Mollet (48,73 %).
On retiendra de ce congrès la formule de François Mitterrand à la tribune, le dimanche 13 juin au matin : « Violente ou pacifique, la révolution c’est d’abord une rupture. Celui qui n’accepte pas la rupture – la méthode, cela passe ensuite –, celui qui ne consent pas à la rupture avec l’ordre établi, politique, cela va de soi, c’est secondaire…, avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, il ne peut pas être adhérent du Parti socialiste. »
Sources de la note (1) https://www.jean-jaures.org/publication/congres-de-lunite-a-epinay-sur-seine-juin-1971-pour-la-renaissance-du-parti-socialiste/
Sources (2)
20 août 1931 Naissance à Paris
1956 Adhère à l’Union démocratique et socialiste de la Résistance auprès de François Mitterrand
1967-1968 Elu député de l’Isère (réélu de 1973 à 1990 puis de 1997 à 2001)
1971-2001 Maire de Vienne (Isère)
1971 Rejoint le Parti socialiste
1981-1986 Préside l’Assemblée nationale
1990-1993 Plusieurs fois nommé ministre
2001-2011 Sénateur de l’Isère
Août 2024 Mort dans l’Essonne
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