A l’heure des mauvais comptes, budget et sécurité sociale font l’objet d’une attention toute particulière des pouvoirs publics. Lesquels cherchent coûte que coûte à réduire les dépenses quand les politiques de recettes défaillantes creusent ces fameux déficits. Déficits créés par une politique de l’offre qui voit dans les niches fiscales et autres baisses d’impôts ou de dites charges sociales les clés de la compétitivité des entreprises et du ruissellement des richesses des plus riches vers ceux du bas.

Mensonges avérés depuis des lustres mais repris en chœur par notre nouveau premier ministre et ses émules à la recherche de compères pour mener les basses besognes au gouvernement. Les boucs émissaires sont légion dans cette dénonciation des fauteurs de dérives de nos comptes publics. Pour ces droites dures, les immigrés qui bénéficieraient des largesses sociales (allocations familiales, AME, allocation logement) priveraient les « nationaux » du bénéfice de notre système social trop généreux. Lequel devrait aussi policer ses redistributions vis à vis du monde du travail en limitant les droits à l’assurance-chômage, au RSA, aux indemnités d’arrêt maladie (en croissance du fait du vieillissement de la population en activité depuis les successives contre-réformes néolibérales des retraites) et aux autres prestations, etc…

Dans cette escalade de velléités antisociales, nul ne sera épargné sinon les profits des grandes entreprises et les plus hautes tranches de revenus et de patrimoines. Les collectivités locales accusées de contribuer à creuser les déficits des comptes publics sont dans le même temps mises à contribution inconsidérément par des politiques d’annonces dénuées de tout financement (exemple de la suppression de l’usage du portable dans les collèges et lycées supposant des infrastructures de casiers de dépôt des téléphones dépassant la centaine de millions d’euros à financer par les mêmes collectivités territoriales).

Ces injonctions contradictoires font en permanence l’actualité nationale et locale. Je vois ce matin dans mon journal Sud-Ouest deux titres qui illustrent ces paradoxes. Le premier rend compte de l’action de l’intersyndicale du CH de Dax qui refuse avec les professionnels et les usagers la suppression de trente emplois médicaux et para-médicaux (équivalent temps plein) exigée par l’ARS au motif d’un déficit comptable trop élevé. Dans le même temps, la même ARS des Landes déclare vouloir aider un EHPAD fraichement inauguré à se doter des effectifs nécessaires quand les résidents et les familles dénoncent une situation intolérable du point de vue des conditions de prises en charge. Dans ce cas un sous effectif expliquerait fort justement les difficultés vécues par la communauté de résidents et de professionnels et de l’autre le prétendu sureffectif justifierait la suppression de postes au risque de créer mécaniquement une dégradation des prises en charge. Allez chercher la cohérence dans tout cela (les EHPAD sont dans une situation financière critique France entière) sinon une gestion au cas par cas avec le refus de décliner une politique sanitaire ambitieuse.

Il serait grand temps de remettre à plat notre système social de santé au delà des seules offres de soins. La grande réforme constituerait à substituer à la médecine à l’acte (soins de ville et médecine hospitalière, largement rétribuée par la rémunération à l’activité à côté des financement des missions d’enseignement, de recherche et d’activité d’intérêt général) le système de « la capitation » (rémunération par tête d’usager) visant à promouvoir la qualité de vie en bonne santé des populations sur un territoire. En ménageant les transitions pour les médecins déjà implantés mais en favorisant ce basculement de facto préparé par le développement de centres de santé, au côté de maisons de santé, au sein desquels le travail en équipes pluriprofessionnelles fait déjà  avancer la qualité et la continuité des soins. Le rôle pivot de l’hôpital public doit aussi s’accompagner d’un développement des actions de prévention menées de concert par un ensemble d’acteurs locaux en capacité de se tourner aussi vers des publics en rupture de soins somatiques et psychiatriques de toutes natures…

En arrière plan, n’est-ce point l’exigence d’une reconquête de la sécurité sociale, une SS dont les modes actuels de gestion étatisée et sa dite gouvernance comptable sont totalement à revoir? Avec un retour à la gestion des caisses par les organisations syndicales et les usagers quand ses ressources doivent continuer à être alimentées par la part de salaires socialisée à cet effet. Qu’il s’agisse des branches maladie, A.T, maternité, retraite, famille et demain l’autonomie avec un élargissement visant la sécurité alimentaire ou celle du logement! Tout comme l’assurance chômage qui doit rester l’affaire des travailleurs.

Une audace auto-gestionnaire que n’ont pas encore ceux qui voudraient être force de contestation de cette droite néolibérale et conservatrice aux programmes nauséabonds quand les forces du NFP proposent cependant un projet social-démocrate s’émancipant du néolibéralisme. Puissions-nous retrouver collectivement la volonté de rupture d’avec ces gestions libérales étriquées qui minent les conditions de vie et le moral de nos concitoyens! Dans une vraie perspectives de politique de salut public quand le besoin de répondre à l’urgence sociale se fait chaque jour plus criant.

Xavier Dumoulin

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