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Créé par sr07 le 08 avr 2007 | Dans : Articles de fond, Non classé
Surtout, qu’on ne nous accuse point d’abaisser et d’énerver les courages. L’humanité est maudite, si pour faire preuve de courage elle est condamnée à tuer éternellement. Le courage, aujourd’hui, ce n’est pas de maintenir sur le monde la sombre nuée de la Guerre, nuée terrible, mais dormante, dont on peut toujours se flatter qu’elle éclatera sur d’autres. Le courage, ce n’est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison peut résoudre ; car le courage est l’exaltation de l’homme, et ceci en est l’abdication. Le courage pour vous tous, courage de toutes les heures, c’est de supporter sans fléchir les épreuves de tout ordre, physiques et morales, que prodigue la vie. Le courage, c’est de ne pas livrer sa volonté au hasard des impressions et des forces ; c’est de garder dans les lassitudes inévitables l’habitude du travail et de l’action. Le courage dans le désordre infini de la vie qui nous sollicite de toutes parts, c’est de choisir un métier et de le bien faire, quel qu’il soit ; c’est de ne pas se rebuter du détail minutieux ou monotone ; c’est de devenir, autant que l’on peut, un technicien accompli ; c’est d’accepter et de comprendre cette loi de la spécialisation du travail qui est la condition de l’action utile, et cependant de ménager à son regard, à son esprit, quelques échappées vers le vaste monde et des perspectives plus étendues. Le courage, c’est d’être tout ensemble, et quel que soit le métier, un praticien et un philosophe. Le courage, c’est de comprendre sa propre vie, de la préciser, de l’approfondir, de l’établir et de la coordonner cependant à la vie générale. Le courage, c’est de surveiller exactement sa machine à filer ou à tisser, pour qu’aucun fil ne se casse, et de préparer cependant un ordre social plus vaste et plus fraternel où la machine sera la servante commune des travailleurs libérés. Le courage, c’est d’accepter les conditions nouvelles que la vie fait à la science et à l’art, d’accueillir, d’explorer la complexité presque infinie des faits et des détails, et cependant d’éclairer cette réalité énorme et confuse par des idées générales, de l’organiser et de la soulever par la beauté sacrée des formes et des rythmes. Le courage, c’est de dominer ses propres fautes, d’en souffrir mais de n’en pas être accablé et de continuer son chemin. Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille ; c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques.Ah ! vraiment, comme notre conception de la vie est pauvre, comme notre science de vivre est courte, si nous croyons que, la guerre abolie, les occasions manqueront aux hommes d’exercer et d’éprouver leur courage, et qu’il faut prolonger les roulements de tambour qui dans les lycées du premier Empire faisaient sauter les cœurs ! Ils sonnaient alors un son héroïque ; dans notre vingtième siècle, ils sonneraient creux. Et vous, jeunes gens, vous voulez que votre vie soit vivante, sincère et pleine. C’est pourquoi je vous ai dit, comme à des hommes, quelques-unes des choses que je portais en moi.
Créé par sr07 le 28 mar 2007 | Dans : a1-Abc d'une critique de gauche. Le billet de XD, Articles de fond, Non classé
Selon Raoul Girardet, la version la plus communément admise fait naître l’emblême tricolore le 17 juillet 1789. Trois jours après « la prise de la Bastille », Louis XVI, reçu à Paris, à l’Hôtel de ville, par son maire, Bailly, aurait, à la demande de ce dernier, coiffé son chapeau habillé d’un ruban bleu et rouge – couleurs de Paris – aux cotés de la cocarde blanche.
L’emblême aux trois couleurs serait apparue quelques jours plus tôt. Le commandant de la nouvelle garde nationale, La Fayette, aurait uni le blanc de l’uniforme des gardes françaises, ralliées au mouvement insurectionnel, au bleu et au rouge de la milice parisienne.
Le blanc n’était pas la couleur royale mais celle de la marque distinctive du commandement militaire : la cornette blanche.
La nouvelle cocarde pouvait légitimement apparaître comme un symbole d’alliance et de concorde. « Tout se passe en somme comme si, dans ce moment décisif de l’histoire de l’idée de nation, celle-ci exigeait une représentation visuelle, un signe tangible d’identité et de reconnaissance ».
Un décret du 15 février 1794 précise que « le pavillon national sera formé de trois couleurs nationales disposées en trois bandes égales, posées verticalement de manière que le bleu soit attaché à la gauche du pavillon, le blanc au milieu et le rouge flottant dans les airs ».
Après l’arrestation du souverain, le drapeau blanc trouva sa place à la tête de l’insurrection vendéenne et des volontaires de l’armée des princes.
C’est en 1830, à la chute de Charles X, que la nouveau roi, Louis Philippe, décrète à nouveau : « La nation reprend ses couleurs. Il ne sera plus porté d’autre cocarde que la cocarde tricolore ». Eugène Pottier, le futur auteur de l’Internationale, chante la résurrection du » drapeau de la Liberté ».
En 1848, le 25 février, le drapeau rouge flotte au dessus de l’Hôtel de ville parisien. mais Lamartine s’opposa de toutes ses forces , avec succès, à ce que l’on changeât le drapeau tricolore.
Sous la commune de Paris, le drapeau rouge fut à nouveau hissé sur le fronton de l’Hôtel de ville.
En 1873, le comte de Chambord échoua pour avoir conditionné son retour au rétablissement du drapeau blanc. Cette exigence était devenue insoutenable, même pour l’extrême droite de l’époque.
Sous la III° République, le drapeau tricolore redevenait celui de la réconciliation entre la fidélité à 1789, « face aux ultimes tentatives des tenants du droit divin », et aux principes de stabilité, d’équilibre et de continuité.
Les socialistes, sous l’influence de Jean Jaurès, ont adopté les symboles de la République, repris par le Front Populaire.
Les résistants et les forces politiques de la Libération devaient manifester le plus grand attachement à ces symboles, renouant avec le patriotisme républicain.
Depuis les années 1980, avec la montée du FN, d’aucuns rechignent à exalter les vertus du patriotisme républicain, laissant le terrain à Le Pen et à ses émules. Quel abandon!
Loin d’être une idée saugrenue, la défense des symboles républicains constitue une pièce importante d’un dispositif de reconquête de l’identité républicaine qui appartient au Peuple français.
Xavier DUMOULIN d’après Raoul Girardet dans » Les lieux de mémoire », Quarto Gallimard, 1997.
Créé par sr07 le 27 mar 2007 | Dans : Articles de fond, Battre campagne
Ariane Mnouchkine. Metteur en scène au Théâtre du Soleil
Par Marie-Dominique ARRIGHI
QUOTIDIEN : mardi 27 mars 2007 http://www.liberation.fr/actualite/politiques/elections2007/243619.FR.php
Au fronton de la Cartoucherie de Vincennes, un drapeau tricolore. Là, au Théâtre du Soleil, le symbole national voisine avec la devise «Liberté-égalité-fraternité». Explications de la metteure en scène, Ariane Mnouchkine.
Pourquoi y a-t-il un drapeau au fronton du théâtre ?
Je l’ai mis en 1995, lors du mouvement des sans-papiers. Victimes des lois Pasqua, ils sont restés chez nous deux fois un mois. Ils avaient une telle attente de la France, celle des idéaux de la Révolution… Nous avons aussi alors inscrit «Liberté-égalité-fraternité» sur notre façade. Après tout, la Cartoucherie est un bâtiment public, le Théâtre du Soleil est un service public. Un drapeau, c’est une archive que l’on ne peut renier, c’est l’histoire d’un peuple avec ses heures nobles et ses heures sombres. Et puis, il ne faut rien laisser à Le Pen, rien, sauf la haine…
Quelle est la fonction d’un tel symbole ?
Un drapeau est une métaphore. Une métaphore sert à remettre de la poésie, du sentiment dans la vie quotidienne. Voyez les petits drapeaux brandis le 14 juillet. On traduit une lutte violente par un bal. C’est évidemment aussi un signe d’union, de ralliement. D’ailleurs, «réunion» est une des significations du mot symbole. Il faudra vite ajouter le drapeau européen au drapeau français. L’Europe sera d’autant plus belle qu’elle sera chatoyante de tous nos drapeaux préservés et solidaires.
Exhiber le drapeau, n’est-ce pas chauvin ou nationaliste ?
Mais l’amour de la patrie, ça ne veut pas dire la haine de la patrie des autres !
A votre domicile, avez-vous un drapeau tricolore ?
Non. J’avoue ne pas avoir très bien compris la déclaration de Ségolène Royal sur ce détail. Même si cela ne me fait pas pousser des cris d’orfraie. Mais, à défaut de drapeau, ce que nous devrions avoir chez nous, et lus, c’est l’histoire de la Révolution française de Michelet, celle de Jaurès, les écrits politiques de Hugo. Ces livres-là, entre autres, sont des drapeaux français sublimes.
Créé par sr07 le 26 mar 2007 | Dans : Articles de fond, Non classé, Ségolène Royal
Jean-Jacques Becker, historien, décrypte les liens de la gauche à la nation.
Par Jean-Dominique MERCHET
QUOTIDIEN LIBERATION : lundi 26 mars 2007
http://www.liberation.fr/actualite/politiques/elections2007/243356.FR.php
L’historien Jean-Jacques Becker, qui a dirigé Histoire des gauches en France (éditions la Découverte), décrypte pour Libération les relations complexes entre la gauche et l’idée de nation.
La nation est-elle une idée de gauche ?
A l’origine, sans aucun doute. L’idée nationale est liée à la Révolution française. Certes, la nation française est née plus tôt, comme le montrent les travaux historiques. C’est avec Jeanne d’Arc, au XVe siècle, que le sentiment national prend forme.
Justement, Ségolène Royal parle beaucoup de Jeanne d’Arc…
Sur le fond, elle n’a pas tort. Même si c’est un peu un argument de campagne électorale !
Inattendu à gauche, non ?
Il est vrai que Jeanne d’Arc est devenue un emblème de la droite, même si cela n’a pas toujours été le cas.
La nation, le drapeau tricolore, la Marseillaise sont nés à gauche. Comment expliquez-vous ces transferts de la gauche vers la droite ?
C’est la conséquence du développement du socialisme au XIXe siècle. Encore qu’une partie de la gauche n’a jamais renoncé à ces thèmes. Comme le Parti radical, principale formation politique de la gauche au début du XXe siècle, qui a toujours été un parti national. Mais le socialisme, qui se fonde sur l’idée de l’internationalisme, a permis à la droite de reprendre ce concept de nation. L’internationalisme reste quelque chose de fondamental dans la construction de l’idéologie de la gauche. On y craint de brandir ce qui semble être devenu l’apanage du nationalisme. A gauche, il en reste aujourd’hui une certaine gêne, une certaine difficulté à aborder cette question. Nous sommes dans le vieux problème du conscient et de l’inconscient.
A certaines époques, la gauche n’a pourtant pas craint de brandir l’étendard national…
Bien sûr. Souvenons du film de Jean Renoir, la Marseillaise, en 1937, réalisé grâce à une souscription de la CGT ! La Marseillaise était à l’origine un chant révolutionnaire. Puis à la Libération, le Parti communiste a beaucoup joué sur le sentiment national. Il avait même un journal qui s’appelait France d’abord !
Quel regard l’historien que vous êtes porte sur l’usage qu’une candidate de gauche fait de ces thèmes ?
Je ne sais pas comment cela va être reçu à gauche… Je crains qu’elle ne s’y retrouve pas. Tout cela tient à la nature de Ségolène Royal, qui ressemble en cela à François Mitterrand. C’est une femme de gauche avec une culture de droite. Je suppose que, pour elle, tout cela est très naturel. Elle y croit. Et en plus, cela colle à l’actualité puisqu’elle reprend l’argumentaire de Nicolas Sarkozy sur l’identité nationale.
Créé par sr07 le 10 mar 2007 | Dans : Articles de fond
C’est vraiment une nouveauté. Depuis qu’elle existe, la France n’avait jamais ressenti le besoin d’une institution spéciale pour l’assurer de son identité. On mesure la portée de la révolution opérée par Monsieur Sarkozy avec la proposition d’un « Ministère de l’immigration et de l’identité nationale ».
Si l’on comprend bien, immigration et identité nationale seraient certes liées, et pourtant différentes. Le contrôle de conformité des individus à l’identité ne s’adresserait pas seulement aux immigrés ou aux candidats à l’immigration qui auraient à affronter un parcours de plus en plus périlleux, au point de devoir acquérir des connaissances que notre éducation nationale, malgré ses efforts courageux, ne parvient pas toujours – hélas – à obtenir des jeunes Français.
Mais il faut bien voir que le simple fait de distinguer « immigration » et « identité nationale » donne à entendre que les deux champs ne coïncident pas et que le premier n’est peut-être qu’une partie du second. Autrement dit, l’épreuve de l’identité nationale, c’est aussi à chacun d’entre nous que le projet sarkozyste pourrait bien vouloir l’imposer. Après tout, nous dira-t-on, est-on certain que tous nos concitoyens sont aussi attachés à notre pays qu’ils devraient l’être ? C’est ainsi qu’il faudra peut-être en venir à introduire l’idée de degrés d’appartenance à « l’identité nationale ». Bonne chance aux Français d’outre-mer, aux citoyens récemment naturalisés, aux étrangers résidents !
Entre la vision activiste de la nation comme « plébiscite de tous les jours » et la vision conservatrice de la nation comme héritage à préserver, il n’y a pas à choisir. L’identité nationale ne cesse de se construire et de se reconstruire en s’enrichissant de tous les apports. Comme le mouvement se prouve en marchant, elle se prouve au fil du temps, par la volonté de reconnaître les antagonismes, d’intégrer les différences, de promouvoir et d’élargir les droits. Vouloir l’administrer, c’est vouloir la limiter et l’instrumentaliser, la mettre au service d’un intérêt qui n’est pas, qui ne peut pas être l’intérêt de la nation.
BG.