Ségolène Royal

Articles archivés

Ségolène Royal zappe le rassemblement de son courant

Créé par le 22 août 2009 | Dans : Non classé, Parti socialiste, Ségolène Royal

22 août 2009

« C’est dommage ; elle aurait du venir. Maintenant, elle fait ce qu’elle veut… ». Patrick Menucci, maire du premier secteur de Marseille, regrette l’absence de Ségolène Royal dans la cité phocéenne à l’occasion des premiers ateliers d’été de l’Espoir à gauche (EAG), les 21 et 22 août. L’ancienne candidate à l’élection présidentielle n’avait pas entretenu de suspense. Dés le début de l’été, elle avait savoir qu’il n’était pas question de participer à quelque activité organisée par un courant du PS. Y compris celui qui, après être arrivé en tête du vote des militants (29%) au congrès de Reims, a soutenu sa candidature face à Martine Aubry. A Marseille, si Ségolène est absente les ségolénistes du premier cercle sont présents. Jean-Pierre Mignard, Jean-Louis Bianco, Najat Belkacem, Monique Saliou ont fait le déplacement.

Certes, EAG ne s’est jamais conçu comme le bras armé de Ségolène Royal dans le parti. La préparation et les suites du congrès de Reims furent parfois tendues mais, sur le fond, les positions sont restées convergentes. Patrick Menucci, comme d’autres, remarque que l’ancienne candidate à l’élection présidentielle ne renierait pas le message principal martelé par EAG lors de ce rassemblement assez réussi (plus de 2 000  participants dés le premier jour, une ambiance plutôt festive et détendue) : l’heure est venue de proposer au MoDem de s’inscrire dans le système d’alliance du PS et d’adopter le principe de primaires ouvertes pour choisir le candidat socialiste pour 2012. A vrai dire, la distance que Ségolène Royal installe entre elle et les rituels socialistes (elle ne fera qu’un passage express à La Rochelle), n’engendre pas une frustration excessive parmi ceux qui l’ont soutenu. Lors de l’assemblée générale d’EAG qui a précédé, vendredi matin, l’ouverture des travaux, il ne s’est trouvé qu’un seul intervenant pour évoquer la personne de celle qui a porté les couleurs de la gauche en 2007.

Visiblement, l’heure n’est pas encore à la recherche d’une incarnation nationale de la gauche mais à la préparation des batailles régionales. Pour la présidente du Poitou-Charentes, c’est exactement la même chose. Sa décision de se poster en vol stationnaire au-dessus du parti s’explique par son peu d’attirance pour les combats internes (lorsque la dame descend dans l’arène, c’est généralement pour se livrer à un blitzkrieg plutôt qu’à un marathon) mais surtout par la priorité absolue qu’elle a décidé d’accorder à sa réélection, en mars prochain. Ségolène Royal ne veut surtout pas apparaître, ces temps-ci, comme un facteur de division au sein du PS dont l’image dans l’opinion reste mauvaise. D’où son rapprochement avec Martine Aubry. Présidente de région PS la plus en vue, elle sait qu’elle n’a pas le droit d’être battue voire même d’être mal réélue. Pour le reste, elle soigne son image de présidentiable à travers les universités populaires de Désirs d’Avenir dont elle compte accélérer le rythme.

Cette approche permet à Ségolène Royal de peaufiner une image plus consensuelle. Elle comporte aussi quelques inconvénients. Une fois réélue, la présidente de la région Poitou-Charentes devra remettre l’ouvrage sur le métier et repartir à la reconquête de ses anciens compagnons de route. Ceux-ci n’ont pas l’intention de se morfondre en attendant son retour. « Bien sûr que j’ai ma préférence. Mais je soutiendrais sans état d’âme le ou la socialiste qui me paraitra le mieux placé pour l’emporter en 2012 » assure Patrick Menucci. Et puis, en zappant les ateliers de Marseille, Ségolène Royal a contribué à imposer l’image de Vincent Peillon comme chef du principal courant du PS. Il n’est pas sûr qu’elle en soit ravie.

 Jean-Michel Normand  dans Puzzle socialiste http://partisocialiste.blog.lemonde.fr/2009/08/22/segolene-royal-zappe-le-rassemblement-de-son-courant/

Ségolène Royal, un pied dedans, un pied dehors

Créé par le 13 juin 2009 | Dans : Parti socialiste, Ségolène Royal, Ségolisme

Puzzle Socialiste de Jean-Michel Normand du 12 juin 2009 http://partisocialiste.blog.lemonde.fr/

Jusqu’à présent, Ségolène Royal s’est tenue à l’écart de la secousse du 7 juin. Non pas que les résultats électoraux de la région Poitou-Charentes – où le PS a dégringolé de 13 points par rapport à 2004 – l’aient épargné. Absente du conseil national du 9 juin, l’ancienne candidate socialiste à l’Elysée n’a pas émis le moindre commentaire sur le score des européennes, préférant rester à l’écart du désastre. Elle s’est contentée de recevoir dans ses locaux parisiens Martine Aubry, venue lui confier la représentation du PS auprès de l’Internationale socialiste. En faisant officiellement reconnaître sa légitimité de VIP présidentiable, Ségolène Royal tient une forme de revanche et peut préparer les élections régionales de 2010 qui imposent de ne pas trop se décaler par rapport au PS. Ce faisant,  elle court le risque de suggérer le slogan « Martine-Ségolène, même combat ». Et de s’exposer à l’offensive des « quadras » qui ont pris pour cible l’actuelle catégorie de dirigeants, jugés responsables de la débâcle.  D’où la fin de non-recevoir qu’elle oppose à l’invitation qui lui est faite de participer à un comité des sages auprès de Laurent Fabius ou François Hollande…
 

Le retour sur le devant de la scène de Ségolène Royal aura lieu lundi 15 juin à la mairie du IV ème arrondissement de Paris pour une « université populaire » organisée par Désirs d’avenir sur le thème du « modèle de développement pour l’après-crise ». Un débat avec des intervenants de qualité (Jacques Attali, Philippe Aghion, Jean-Paul Fitoussi, notamment) destiné à signifier que, chez les ségolénistes, on  privilégie « le fond » et à rappeler que la présidente de la région Poitou-Charentes n’a pas découvert le 8 juin au matin le caractère stratégique de la « croissance verte ». Mme Royal profitera de l’occasion pour livrer son analyse du scrutin et, à n’en pas douter, mettre en exergue ce qui la sépare d’un PS que d’aucuns décrivent comme moribond. Ségolène Royal ne change pas: un pied dedans, un pied dehors. Même si elle est très demandeuse de l’organisation de primaires ouvertes, la « dame en blanc » n’a pas l’intention de les réclamer à cor et à cris. Elle ne veut pas prêter le flanc aux critiques de ceux qui – on se demande bien pourquoi… – y verraient des arrières pensées présidentielles. Mieux vaut laisser ces chers « quadras » monter au créneau.
 

Pour Ségolène Royal, ce retour sur scène sera aussi l’occasion de reprendre l’initiative face aux responsables du courant l’Espoir à gauche avec lesquels les relations sont plutôt tendues. Cette situation l’a notamment incitée à se rapprocher de Martine Aubry afin de pouvoir disposer d’un contact direct avec la direction sans devoir passer par Vincent Peillon ou un autre intermédiaire. Enfin, « l’université populaire » du 15 juin livrera aussi un aperçu de la liste des fidèles qui, au sien du PS, restent aux côtés de Mme Royal. Parmi les principaux intervenants, sont prévus Aurélie Filippetti, Guillaume Garot et François Rebsamen qui composent, avec Delphine Batho et Jean-Louis Bianco, la garde rapprochée de l’ancienne candidate à la présidentielle.

Jean-Michel Normand

Discours de Ségolène Royal à Dakar

Créé par le 07 avr 2009 | Dans : Ségolène Royal

L’équipe de ségolène Royal nous transmet son communiqué que nous relayons sur le blog citoyen.

X D

 

Chères amies, chers amis,

Ségolène Royal a prononcé un discours au siège du Parti socialiste, à Dakar, ce lundi 6 avril.

 » Merci, chers amis de votre hospitalité, dont je sais qu’en wolof, elle se dit teranga. Un mot magnifique qui exprime une valeur que, de longue date, les civilisations africaines exaltent.

Dans cette salle qui porte son nom, je pense bien sûr à l’œuvre de Léopold Sedar Senghor, à ce qu’il voulut et fit pour pour son pays.

Je pense aussi, et votre université porte aujourd’hui son nom, à Cheikh Anta Diop.

Je pourrais vous dire que je suis une amie ancienne et fidèle du peuple sénégalais: mais je vous dirai beaucoup plus : je suis une fille de l’Afrique et une sœur des hommes et des femmes d’ici.

C’est sur votre terre que je suis née, à Ouakam. J’y ai vécu jusqu’à l’âge de deux ans. Je n’en ai pas beaucoup de souvenirs conscients. Mais tout s’est imprimé. Car on garde enfouis en soi les couleurs, les musiques, la chaleur, la lumière, les parfums engrangés dans les premiers jours de sa vie. De cette naissance j’ai toujours ressenti un profond sentiment de fierté. C’est une force d’être une citoyenne du monde et d’avoir toujours le réflexe de regarder ce qui se passe loin de nos frontières et plus loin encore dans l’hémisphère sud. (…)

Nous vivons une époque historique, avec une crise sans précédent faite de drames mais aussi d’opportunités. L’opportunité de nous en sortir en décidant des changements profonds et des valeurs nouvelles qui nous permettront d’inventer le monde d’après, un monde plus humain et plus juste.

L’aménagement à la marge du système actuel ne permettra pas la sortie de crise. Les peuples doivent exiger de leurs gouvernants et de leurs élites qui n’ont su ni anticiper, ni guérir, qu’ils changent de logique.

Partout les peuples se révoltent. Il n’y aura pas de paix sans justice. Et il n’y aura pas de justice sans respect. La finance doit impérativement être mise au service de l’économie réelle et l’économie réelle au service des hommes et des femmes.

Une crise écologique sans précédent menace notre survie. Depuis 2000, le nombre de personnes touchées par des catastrophes naturelles a triplé. D’ici 2040 un milliard de personnes seront contraintes à se déplacer, victimes de la sécheresse, de l’appauvrissement des sols, de la hausse du niveau de la mer. La plupart seront originaires des pays en développement et du continent africain en particulier. Les forêts denses de ce continent sont menacées par la surexploitation des sols et par une agriculture intensive destinée non pas à nourrir les peuples mais aux seules exportations. En 2025, 750 millions de personnes vivront dans des zones désertiques. Aujourd’hui déjà, seule la moitié de la population africaine a accès à l’eau potable.

Une crise financière et bancaire d’une ampleur inouïe provoque par ailleurs une crise économique et sociale mondiale. Cette crise, l’Afrique et les pays émergents n’en sont pas responsables et pourtant ils en sont les premières victimes. Pour la première fois depuis 50 ans, le commerce mondial s’est contracté de près de 10%. L’accès au financement pour des projets de développement a lui aussi été réduit de plusieurs milliards de dollars. L’Afrique, trop souvent oubliée de la mondialisation, est aussi l’oubliée des plans de relance. Les bailleurs du Fonds monétaire international et en particulier les Pays du Nord, devront impérativement consacrer le triplement des réserves décidées lors du G20 aux pays en développement, notamment à l’Afrique.

La boulimie financière, l’avidité de profit, la gloutonnerie d’argent ont conduit le monde au bord du précipice en inversant les valeurs, en prenant l’accessoire pour l’essentiel, en oubliant que le bonheur des êtres humains – éducation, santé, culture, alimentation, cadre de vie – doit impérativement passer avant tout le reste, oui je dis bien tout le reste.  (…)

J’aime cette phrase de Martin Luther King : « Il n’y a que quand il fait suffisamment sombre que l’on peut voir les étoiles. »

Une de ces lueurs est apparue récemment, aux Etats-Unis d’Amérique avec l‘élection de Barack Obama. Au-delà du symbole de cet homme noir, jeune qui accède à la première puissance du monde et redonne une fierté à tous les hommes et femmes de couleur et plus largement, à ceux qui se sentent opprimés, au-delà de ce symbole créateur d’espoir, il y a la politique américaine qui change radicalement. (…)

Oui, je crois à la force citoyenne, la force du peuple qui se dresse, comme s’est dressé le peuple des outremers, autour d’un leader qui a porté la soif de justice et de respect : Elie Domota. Aucune atteinte à la dignité, aucune arrogance ne peut résister à la force de conviction et à la détermination d’un peuple qui a soif de respect et d’actions justes.

L’écoute, la démocratie participative, la médiation font leurs preuves partout où elles s’appliquent. Là où l’écoute est défaillante, là où l’exaspération et la violence surgissent.

Plusieurs révolutions soufflent sur le monde et notamment une révolution des couleurs. Nous sentons bien que nous sommes à un tournant. Mais nous ne savons pas quel en sera le sens.

Si bien que la question qui se pose à nous aujourd’hui, Sénégalais et Français, Africains et Européens, est celle-ci : Que faire naître ensemble ? Et comment le faire naître? (…)

Je crois que nous avons le devoir de poser les mots justes sur ce qui fut. Car les mots font plus que nommer : ils construisent la réalité et le regard qu’on porte sur elle. Nos plaies d’histoire ne sont pas toutes cicatrisées. Le devoir de mémoire n’a pas besoin de permission. Chacun s’en acquitte avec la subjectivité et l’héritage qui est le sien. Ce dont, en revanche, nous sommes collectivement comptables et responsables, c’est du droit à l’histoire et du devoir de vérité.

Ce droit à l’histoire et ce devoir de vérité, c’est ce qui permet de regarder les faits en face et de partager un récit qui ne soit pas ressassement du passé mais moyen de le dépasser sans amnésie et de se projeter ensemble dans l’avenir.

Dans la dernière lettre qu’il a écrite à sa femme avant d’être assassiné, Patrice Lumumba a dit sa foi inébranlée dans l’établissement de la vérité historique : « L’Histoire dira un jour son mot. L’Afrique écrira sa propre histoire ».

Honneur aux maîtres de la parole qui conservèrent et transmirent. Honneur aux historiens de l’Afrique qui ont rappelé au monde que non seulement l’Afrique était le berceau de l’humanité mais qu’elle était avec l’Asie mineure le berceau de la civilisation humaine.

Honneur aux historiens de l’Afrique qui ont rappelé au monde l’existence des grands royaumes et des grands empires de l’Afrique. Honneur aux historiens de l’Afrique qui ont retracé les mille et une relations nouées bien avant la conquête, en des temps où le Sahara, la Méditerranée et l’Océan Indien n’étaient pas des frontières mais des points de passage et de mise en contact.

Quelqu’un est venu ici vous dire que « l’Homme africain n’est pas entré dans l’Histoire ».

Pardon pour ces paroles humiliantes et qui n’auraient jamais dû être prononcées et qui n’engagent pas la France. Car vous aussi, vous avez fait l’histoire, vous l’avez faite bien avant la colonisation, vous l’avez faite pendant, et vous la faites depuis.

Et ce que Léopold Sedar Senghor et Aimé Césaire ont magistralement accompli avec le concept « négritude » , vous l’avez poursuivi avec le mot « Afrique », cet étendard d’une dignité reconquise. »

Lire l’intégralité du discours de Ségolène Royal à Dakar

Royal: « On se croirait sous l’Ancien Régime »

Créé par le 05 avr 2009 | Dans : Ségolène Royal

Propos recueillis par Claude ASKOLOVITCH
Le Journal du Dimanche
 du Samedi 04 Avril 2009

La plus rouge des socialistes dénonce les « violences faites aux salariés, invités à disparaître en silence« . Et ne s’étonne pas de voir les patrons subir leur colère. Pinault et des cadres de Caterpillar retenus par leurs employés, le voyage présidentiel à Châtellerault tournant à l’affrontement entre manifestants et policiers? Ségolène Royal explique qu’on a raison de se révolter. Extraits.

La plus rouge des socialistes dénonce les « violences faites aux salariés, invités à disparaître en silence« . Et ne s’étonne pas de voir les patrons subir leur colère. François-Henri Pinault chahuté dans son taxi, des cadres de Caterpillar retenus par leurs employés, le voyage présidentiel à Châtellerault tournant à l’affrontement entre manifestants et policiers? Ségolène Royal explique qu’on a raison de se révolter. De toutes les figures de la gauche de gouvernement, elle est la seule à frôler à ce point la ligne révolutionnaire. Elle que ses ennemis taxaient de crypto-centrisme est, en réalité, la plus rouge des socialistes: une femme en colère qui s’adresse à un pays en colère. Cette semaine, elle sera au Sénégal, pour affirmer son engagement pour les échanges Nord-Sud. Ségolène, admiratrice avouée des régulations scandinaves, qui cherche des solutions pour les salariés d’Heuliez et leur voiture électrique, sait aussi tenir le discours de la brûlure tiers-mondiste.

Quand vous avez vu des cadres de Caterpillar être retenus, vous avez eu de la sympathie pour eux?
Ce n’est pas agréable d’être retenu, et c’est illégal de priver quelqu’un de sa liberté de mouvement. Mais on ne les a ni brutalisés ni humiliés. Ceux qui sont fragilisés, piétinés et méprisés, ce sont les salariés à qui l’on ment, avant de les mettre à la porte. A Caterpillar, ils ont appris leur arrêt de mort sociale en lisant la presse ; et on s’étonnerait de leur réaction? Etonnons-nous plutôt de l’état du dialogue social dans notre pays!

Mais un meilleur dialogue social n’empêcherait pas la crise?
Le dialogue social est un facteur de réussite, y compris dans une crise. Dans les entreprises en difficulté, les employés sont les premiers concernés et souvent les plus lucides sur la situation et les solutions. A chaque crise, on apprend que les syndicats ont tiré la sonnette d’alarme à l’avance en vain. Si on les écoutait, si on anticipait les difficultés, on diminuerait le malheur… La question centrale est celle du mépris. Mépris pour des gens que l’on n’écoute pas, et que l’on bafoue, qu’on laisse suspendus dans l’incertitude, victimes de décisions prises hors d’eux, et qu’on aurait pu éviter.

Ce « mépris social », c’est un mal français?
Oui, mais il n’y a pas de fatalité. Aujourd’hui, je constate ce que fait le gouvernement, ou ce qu’il ne fait pas. Les pouvoirs publics sont trop souvent sourds et aveugles, hermétiques à ce que disent les salariés. Ni à Gandrange ni chez Heuliez, l’Etat n’a accepté de prendre en compte les solutions des syndicats… Les gens en pleurent…

Et ces pleurs nourrissent la violence?
Je ne suis ni une Cassandre ni Olivier Besancenot, je ne prédis ni ne souhaite une insurrection sociale. Mais je vois des révoltes, dans des entreprises, dans ces magasins où les gens se servent sans payer. Le point commun, c’est l’exigence de respect, exigence exacerbée après les révélations sur les abus de certains dirigeants… Il y a une délinquance de certains hyperprivilégiés; une manière de piller les ressources de sociétés qui licencient. Nous subissons un désordre inique; il y a une anarchie profonde du système…

Mais ça ne date pas d’aujourd’hui?
Oui, mais les injustices sont devenues encore plus insupportables. Parmi ceux qui ont été à l’origine de la crise, beaucoup sont aujourd’hui à l’abri. Pour beaucoup d’autres au contraire, la vie bascule, les salariés perdent leur emploi et n’en retrouvent pas, le chômage des jeunes et des seniors explose, des milliers de familles ne parviennent plus à payer leur loyer ou rembourser leur emprunt. Et comme le pouvoir ne met pas d’ordre dans ce désordre, tout est exacerbé…

Le gouvernement a pris un décret contre les stock-options, et il veut imposer des règles sur le partage du profit…
Les trois tiers? Où sont les textes de loi? Pourquoi attendre encore pour légiférer? Pour attiser les passions? Pour gagner du temps? Je crois que le Président commence à admettre qu’il va devoir porter le fer contre les privilèges de son clan, celui du Fouquet’s… Ceux à qui il évite la pression fiscale; ceux pour lesquels il n’a pas changé réellement les règles des bonus, des stock-options. Ça ne tiendra pas éternellement.

Mais il s’en prend aux patrons, il dénonce certains comportements?
De manière malsaine! On a besoin de règles, pas d’une chasse à l’homme. Il faut réglementer pour empêcher les abus. Le Président ne le fait que marginalement. En revanche, il crée de nouvelles polémiques, il alimente une détestation générale des entrepreneurs. Or, on a besoin des entrepreneurs, de tous les entrepreneurs: le préjugé des petits contre les gros est stupide. Mais les entreprises doivent être cadrées, puisque les gens ne sont pas spontanément raisonnables. Vous connaissez la théorie du Medef selon laquelle la seule transparence suffira à créer des comportements vertueux? C’est le contraire: la transparence des rémunérations a provoqué une hausse des salaires patronaux, chacun voulant se payer autant que le voisin.

C’est l’avidité? La perte du sens moral?
Pourquoi qualifier un comportement que tout le monde peut juger? Est-ce normal? Non. Cela nuit-il à l’économie? Oui. Peut-on faire avancer une société avec de tels comportements? Non. Donc il faut agir. Mais il y a une mollesse du pouvoir, dès qu’il s’agit d’action…

La gauche, en son temps, n’a guère réformé le capitalisme!
Sans doute. Mais les tensions sociales n’étaient pas les mêmes. Et la gauche n’avait pas affaibli les services publics, tout ce qui cimente notre société et lui donne sa force de cohésion… Evidemment, si nous avions été tout le temps à la hauteur, il y aurait moins besoin de réformes aujourd’hui. Moi-même, lorsque j’étais ministre, j’ai échoué à imposer au gouvernement auquel j’appartenais une loi interdisant le crédit revolving, ce piège absolu du surendettement. Mais regretter le passé ne sert à rien. C’est maintenant que la crise fracture la société.

Mais le passé nourrit la méfiance populaire envers les gouvernants…
La confiance, elle, pâtit des abus, et des mensonges d’une campagne présidentielle sur le pouvoir d’achat, qui a donné une présidence au service des plus riches. Le pouvoir crée des tensions et des régressions, il est sourd et aveugle, et de plus en plus isolé. Je l’avais dit lors de la campagne, nous le constatons tous aujourd’hui. Le Président ne se déplace plus en province que protégé par des centaines de policiers et de gendarmes ! Si on veut rétablir la confiance, il faut prendre en compte les aspirations du peuple: que tout le monde contribue dans la difficulté ; que la politique ne soit pas faite pour une poignée de privilégiés…

C’est – encore une fois – une situation révolutionnaire? Ou le retour de la lutte des classes?
Quand on entend des élus de droite expliquer benoîtement que le bouclier fiscal protège les pauvres, on se croirait sous l’Ancien Régime! Alors, est-ce le retour de la lutte des classes? Peut-être. Ce que je sais, c’est que les luttes sociales existent plus que jamais. Longtemps, on a souffert en France de la faiblesse syndicale. La crise, la baisse du niveau de vie, l’injustice provoquent une prise de conscience et une réaction…

Vous avez peur de nouvelles violences?
J’ai peur que mon pays décline. Sans justice, nous n’aurons pas de paix sociale, ni de progrès… Vous savez, personne n’a envie d’aller au conflit violent; les Guadeloupéens du LKP auraient préféré avoir gain de cause tout de suite.

Selon vous, on est forcé de se révolter?
Les salariés doivent forcer le barrage de l’injustice absolue: ce discours dominant qui demande aux salariés de subir, et de disparaître en se taisant, d’être licenciés sans faire d’histoire ni de bruit… Je pense le contraire: depuis qu’ils sont médiatisés, les salariés d’Heuliez progressent, on ne peut plus les dénigrer. Ce qu’on appelle la révolte, c’est une réaction contre la violence qui s’exerce contre les salariés et contre le pays.

Sauver l’université, vite par Ségolène Royal présidente du conseil régional de Poitou-Charentes.

Créé par le 04 avr 2009 | Dans : Education, Ségolène Royal

 Laprincessedecleves1678.jpegDu vent de révolte qui balaye le monde universitaire, on retiendra peut-être d’abord un symbole : la réhabilitation ironique, jubilatoire et nécessaire de la Princesse de Clèves, livre de ralliement des humanités en danger, devenu le fer de lance d’une certaine idée de la culture, gratuite et abstraite du court terme. Mais au-delà, le front inédit qui s’est constitué, de la droite à la gauche, sonne le glas d’un mode de gouvernement injuste et inefficace. L’alliance du mépris et de l’incompréhension aura été à l’origine d’un conflit dont tout montre qu’il aurait pu, comme bien d’autres, être évité. Car s’il y a un côté pile de l’enseignement supérieur et de la recherche en France (des étudiants de plus en plus mobiles, une attractivité réelle, liée au succès de filières de formation internationalement reconnues, des prix prestigieux remis à des équipes à la pointe de leur discipline), tout le monde admet aussi l’existence d’un côté face : une France classée loin derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou les pays scandinaves dans les classements internationaux, des moyens inadaptés à l’ambition affichée, une profonde dissémination des options et des cursus, un échec massif en premier cycle.

Oui, le besoin de réformes est d’autant plus grand que des études récentes, notamment celle réalisée par Philippe Aghion pour l’institut Bruegel, confirment le lien entre enseignement supérieur et recherche d’un côté, croissance et innovation de l’autre. Tout montre que trois conditions sont nécessaires pour assurer de bonnes performances universitaires : des moyens financiers adéquats ; une gouvernance conçue autour d’universités autonomes et disposant de la liberté de choisir leurs enseignants ; un système de bourses pour encourager les meilleurs projets. Ce diagnostic est aujourd’hui largement partagé. Enseignants-chercheurs, professeurs et maîtres de conférences, étudiants et parents, personnel administratif des universités : tous sont lucides sur les forces et les carences de notre système supérieur, tous aspirent à des réformes justes et nécessaires. Mais ils attendent pour cela de l’impartialité dans les diagnostics, du respect dans le dialogue, de la justice dans les décisions. Par-dessus tout, ils souhaitent que le savoir et la recherche soient reconnus comme des biens publics, dégagés des contraintes du monde de l’entreprise.

C’est hélas une ligne diamétralement opposée qui a été tracée. Avec la loi dite LRU, on a accordé l’autonomie de gestion à des universités en voie de profonde paupérisation, organisant ainsi, à rebours d’une saine émulation, une véritable «normalisation par le bas». Surtout, l’autonomie elle-même a été mal conçue : elle a consisté à concentrer les pouvoirs entre les mains de présidents élus par les seuls professeurs, sans prévoir les contrôles externes indispensables. Un rapport récent dénonce précisément la confusion entre autonomie et self-governance, cette dernière présentant un risque élevé de collusion entre le président et des professeurs choisis par lui.

La suite de l’histoire était écrite. Dans le sillage de la loi LRU, on a voulu instaurer une modulation de services confiant aux présidents la responsabilité de gérer la pénurie de moyens et d’effectifs… Transformer l’enseignement en punition pour chercheurs jugés peu productifs et compenser ainsi la diminution des effectifs, il fallait y penser ! Le mépris pour la transmission du savoir, les contrevérités sur l’absence d’évaluation, tout indique la volonté de mettre au pas un monde où se forgent encore des esprits libres. Le coup de grâce donné aux IUFM, dont nul ne contestait la nécessaire évolution, en est le signe : derrière l’économie budgétaire, c’est un apprentissage fondamental que l’on supprime, comme si un master suffisait à former un professeur.

Oui, l’occasion de remettre l’université au cœur de notre enseignement supérieur a donc été manquée, mais rien aujourd’hui ne serait pire que de l’abandonner à son sort. Marginalisée depuis trop longtemps, elle attend qu’on la sorte enfin de son purgatoire. Du travail mené durant plusieurs mois avec des universitaires et des étudiants, des déplacements effectués en France et à l’étranger, je retiens trois grands chantiers pour l’avenir.

Mettre fin à l’extrême fragmentation du supérieur, source d’inégalités entre étudiants et d’inefficacité budgétaire. Face à la concurrence de classes préparatoires et de grandes écoles dotées de moyens incomparables (on dépense chaque année 6 000 euros pour un étudiant contre 20 000 euros pour un préparationnaire), l’université ne devient pour beaucoup qu’un second choix. Mais ce cloisonnement ne profite même plus aux élèves en écoles, ces dernières étant trop petites pour bénéficier d’une aura mondiale. Le rattachement progressif des classes préparatoires et des écoles à l’université pourrait être le moyen de créer des centres universitaires dotés d’une taille critique suffisante.

Assurer une pluridisciplinarité salutaire, notamment dans le premier cycle. La fragmentation n’est pas seulement institutionnelle, elle est aussi académique : à moins de 20 ans, les étudiants sont contraints de choisir une fois pour toutes quelle sera leur voie. Nous devons au contraire leur assurer un enseignement large, ouvert, qui transcende les divisions sectorielles. Ceci, afin que le premier cycle universitaire devienne le moment de l’ouverture d’esprit, de la découverte des savoirs et de la multiplication des compétences qu’il devrait être. C’est ce que souhaitent les étudiants, mais aussi leurs futurs employeurs.

Combiner une augmentation des moyens, une autonomie véritable et un système d’évaluation collective. Pour nous hisser au niveau des pays scandinaves, une hausse d’environ 0,7 % des dépenses en faveur du supérieur est indispensable. Elle seule permettra d’améliorer le taux d’encadrement et donc la réussite des étudiants, deux sur trois échouant aujourd’hui en premier cycle. Il faut ensuite octroyer une véritable autonomie aux universités, sans oublier les contre-pouvoirs nécessaires pour évaluer et nommer les présidents. Enfin, un système d’évaluation collective des performances universitaires pourrait être créé, comme c’est le cas en Suède. Au terme d’un processus d’évaluation par les pairs, seraient alors récompensées les bonnes performances de recherche des départements, la qualité des enseignements et l’employabilité des étudiants formés.

Nous devons à nos étudiants des universités qui soient les véritables centres de gravité du savoir et de la culture. Mais ce changement ne pourra se faire sans un climat de confiance et de respect envers tous les acteurs du monde universitaire. Espérons que le gouvernement le comprenne enfin, méditant la parole de sagesse que Marguerite Yourcenar prête à l’empereur Hadrien : «Si je méprisais les hommes, je n’aurais aucun droit ni aucune raison d’essayer de les gouverner.»

Libé Rebonds du 3/04/09

12345...144

Nouveau regard, nouvelle Ec... |
democratia |
Mers El-Kébir Franc-Tireur |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Les emprunts russes
| mouvement de soutien "waaxu...
| HYPERDEMOCRACY