Ségolène Royal
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Créé par sr07 le 09 oct 2008 | Dans : Economie, Parti socialiste, Ségolène Royal
Chères amies, chers amis,
Vous trouverez ci-dessous le texte de mon intervention à Athènes, le 2 octobre.
Mondialisation et crise financière, voilà les deux thèmes que j’ai abordés et sur lesquels j’ai pu rappeler ma position. En ces temps si difficiles de crise mondiale, l’urgence est à l’action de toutes les gauches européennes.
Amitiés,
Ségolène Royal
« Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Monsieur le Président du PASOK, cher George Papandreou,
Messieurs et Madame les Ministres,
Monsieur l’ancien Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les députes,
Mesdames et Messieurs, Chers amis, Chers camarades,
Je suis très heureuse d’être à Athènes et je remercie Monsieur Christos Lambrakis pour son invitation au Megaron, cette extraordinaire réalisation culturelle,
Merci à Monsieur Manos pour son accueil.
Personne n’aurait imaginé, au moment ou vous avez fixé le thème de cette conférence, sa brûlante actualité.
Je souhaite attirer votre attention pour commencer sur deux images tirées de l’actualité, deux images qui sont comme un symptôme du monde dans lequel nous vivons.
Mai 2008 : images d’émeutes dans les rues de Dakar, de Ouagadougou, de Bombay, de Djakarta. Des magasins sont pris d’assaut. Le sang coule parfois. Ce que l’Occident avait rejeté dans les tréfonds de sa mémoire collective refait surface : les grandes disettes sont de retour, des centaines de millions de gens meurent de faim. Et avec elles le déchaînement de violence, les bateaux de la misère qui tentent désespérément de rallier les côtes européennes.
Septembre 2008. Une image imprimée dans nos esprits, celle des salariés de Lehman Brother, la tête dans les mains. Des empires financiers s’effondrent comme des châteaux de cartes. La récession menace. Ceux qui se croyaient orgueilleusement à l’abri sentent le vent du boulet : la faillite généralisée guette, comme une réaction en chaîne désormais incontrôlable.
Deux images, deux réalités, un même monde, une même cause : un libéralisme qui nous met tous, à l’échelle du monde, en danger. L’heure pour la gauche n’est plus aux diagnostics tièdes, ni aux appréciations timorées, mais à la lucidité radicale et a la proposition d’un autre système.
En 1971, 18 milliards de dollars étaient échangés chaque jour. Aujourd’hui, ce sont près de 1 800 milliards de dollars qui circulent quotidiennement sur les marchés financiers. 1800 milliards de dollars : presque neuf fois la dette de tous les pays africains.
Ces mouvements de capitaux ne correspondent bien souvent qu’à des engagements de très court terme : il ne s’agit pas d’investissement dans des projets industriels, mais de placements purement spéculatifs. L’argent circule, l’argent va vite, entraînant le monde dans une spirale vertigineuse, une course au profit immédiat.
Oui, la sphère financière s’est affranchie de l’économie réelle. Et je ne crois pas qu’il s’agisse d’une perversion du système, comme si nous ne faisions face qu’à un simple dysfonctionnement accidentel, ponctuel.
Le capitalisme libéral porte en lui la menace de sa propre destruction, comme une tare originelle : livrés à eux-mêmes, les pulsions du capitalisme deviennent folles. Puisque j’ai le plaisir d’être invitée à Athènes, vous me permettrez donc d’oser une comparaison entre le capitalisme libéral et l’attelage ailé que décrit Platon dans un de ses dialogues, Phèdre : sans la raison pour le brider, le maîtriser et le guider, le capitalisme est entraîné dans la course folle de ce que les Grecs anciens appelaient l’hybris.
La boucle était vertueuse nous disait-on. La finance devait servir l’économie réelle : ouvrez les marchés, le capital ira là où sont les bonnes idées, là où sont les bons projets, là où sont les bons investissements. Et vous verrez nous disait-on encore : un capital plus libre, c’est une économie plus forte, donc des sociétés plus prospères, donc des citoyens plus heureux. La boucle était bouclée…
Mais c’est l’inverse qui s’est produit : aujourd’hui, la finance ne sert qu’elle-même ; et une partie de l’économie n’est pas tournée vers le développement mais vers le profit pour le profit.
Le bon ordre des choses c’est : la finance au service de l’économie et non d’elle-même et l’économie au service du développement humain (bien être) et durable.
Aujourd’hui le désordre détruit tout.
Et si je me suis engagé en politique, au Parti socialiste, conseillère de François Mitterrand, membre du Parlement pendant vingt ans, trois fois ministre, présidente de Région, puis désignée par mon parti comme candidate à l’élection présidentielle, ce n’est pas pour dire : « Il n’y a rien à faire ».
Non, je suis là pour vous dire qu’un autre monde est possible, un ordre financier, économique, écologique et social juste et efficace. Rien ne serait pire qu’un colmatage de la crise qui conduirait de fait à la consolidation d’un système perverti.
Car, j’en suis convaincue, il n’est pas trop tard : soit la mondialisation est porteuse de toujours plus de malheurs. C’est possible, l’actualité nous le prouve chaque jour un peu plus. Soit la mondialisation provoque un progrès de civilisation. C’est possible aussi. C’est la volonté politique qui arbitrera cette alternative. Cela dépendra de notre volonté politique, de celle des socialistes, de tous les démocrates, de toutes les femmes et les hommes de progrès et de justice à l’échelle du monde.
L’histoire de la gauche, c’est encore et toujours une lutte pour l’émancipation. Son combat, c’est donner à chacun la possibilité de redevenir maître de lui même et de son destin. Son combat, c’est la démocratie réelle et pour tous.
Ces valeurs doivent être mises au service d’un nouveau projet de vie, adapté au monde tel qu’il est. Voilà la gauche que le monde attend avec impatience : une gauche qui bâtisse de nouvelles sécurités collectives pour permettre à tous, individus et Etats, de vivre en paix et dignement. Le chemin sera long. Mais n’en doutons pas, n’hésitons pas : l’avenir est de notre côté.
***
Le contexte de cette conférence est celui de trois défaites : la défaite du système financier, la défaite de la mondialisation et la soi-disant défaite idéologique de la gauche. Pour organiser la réponse de la gauche à ces trois défaites, je vois trois principes pouvant servir à bâtir un monde à la fois plus juste et plus sûr : le besoin du politique, le besoin de la règle et enfin le besoin du contrôle démocratique. Ce sera l’objet de cette conférence.
L’échec de la mondialisation financière
Il y eut le Mexique en 1994. Puis la Russie en 1997. Le Sud-ouest asiatique en 1998. Et puis le cataclysme des subprimes. Et à chaque fois le monde qui retient son souffle, laissant en suspens des questions lancinantes : « Comment en est-on arrivé là ? », « Où allons-nous » ? A chaque fois aussi, la résolution de changer. Et en fin de compte à chaque fois, une nouvelle inertie coupable au fur et à mesure que le souvenir de la crise s’estompe et que l’excitation de l’argent fou prend le dessus.
Ces crises ont toujours eu des causes spécifiques. Crise de change liée à des déficits abyssaux dans le cas du Mexique et de l’Asie du Sud Est.
Défaut d’un grand fonds spéculatif en Russie. Crise bancaire dans le cas des subprimes. Mais par delà ces singularités, on voit toujours le même processus à l’œuvre : celui d’un capitalisme financier ultra-mondialisé affranchi de toute règle. C’est un capitalisme qui a trouvé dans les nouvelles technologies et l’internet le milieu qui lui manquait pour donner la pleine puissance de lui-même.
Revenons un instant sur la crise des subprimes. La radiographie du cataclysme montre un enchaînement implacable.
D’abord, la mise en échec de toutes les règles prudentielles, notamment celles mises en œuvre par le Comité de Bâle et la Banque des règlements internationaux.
Ainsi que le rappelait récemment l’économiste français Daniel Cohen, la règle du comité de Bâle impose aux banques de détenir un dollar de capital environ pour 12 dollars de crédit. La finance de marché a contourne cette règle et permis à ses acteurs d’accorder 32 dollars de crédit pour un dollar de capital !
Par le biais de la titrisation, les banques ont pu revendre leurs créances et prêter toujours plus, au mépris de toute prudence élémentaire, en refusant de voir que le taux d’endettement des ménages américains atteignait des niveaux insoutenables.
Quant aux grands fonds spéculatifs, ils n’ont jamais été assujettis à la moindre règle et ce, d’autant moins qu’ils ont souvent leur siège dans des paradis fiscaux.
Cette crise est également une preuve de l’échec de la régulation de la finance par elle même. Les agences de notation n’ont pas fait le travail qui aurait du être le leur. Elles ont systématiquement sous-estimé les risques, continuant à noter triple A des institutions contaminées par des créances douteuses.
Enfin, cette crise montre l’agressivité de l’économie financiarisée pour l’économie réelle, qui produit de la valeur ajoutée. On a vu des banques provoquer le surendettement de millions de foyers dans le monde ; on les voit maintenant fermer irrationellement le robinet du crédit aux petites et moyennes entreprises, plongeant nos économies dans la crise.
Alors oui, il est temps enfin d’ouvrir les yeux et d’agir. Des acteurs privés, non contrôlés, détournant les règles peuvent conduire le monde au bord du gouffre : cela n’est pas acceptable !
***
Au fond, certaines convictions économiques sont devenues des dogmes : le Consensus de Washington en est la preuve absolue. Au début des années 1990, un cénacle d’économistes libéraux de la Banque mondiale et du FMI a considéré que le voie du développement passait par la récitation d’un mantra : pour créer de la croissance, il fallait attirer les capitaux ; pour attirer les capitaux, il fallait créer les conditions de la stabilité financière ; pour stabiliser des économies en proie à l’inflation, il fallait résorber tous les déficits, mener des politiques de rigueur et réduire la part de l’Etat à la portion congrue.
Libéralisation, déréglementation, ajustement structurel : combien de pays africains et latino américains ont ainsi été soumis à une thérapie de choc qui les a laissés exsangue?
Beaucoup pensaient par exemple que la libéralisation du commerce et des marchés financiers suffirait à créer les conditions d’une augmentation générale et équitablement répartie du niveau de vie. Il n’en a rien été.
Je prendrai un seul exemple, celui de l’abaissement des taxes douanières. Aujourd’hui, dans la plupart des pays en voie de développement, on constate que la libéralisation du commerce n’a pas entraîné de hausse des échanges. La raison en est simple : s’il n’y a pas de ports, ou s’il n’y a pas de routes pour amener les produits aux ports, s’il n’y a pas d’équipements, il est tout simplement impossible d’exporter. Les barrières douanières ne sont rien en comparaison des barrières structurelles qui maintiennent les pays en voie de développement à l’écart des bénéfices de la mondialisation.
Alors bien sûr, la mondialisation a plusieurs dimensions, politiques, culturelles, environnementales, économiques. Pourtant, force est de reconnaître que seule a prévalu jusqu’ici la dimension économique de la mondialisation. Et pire que cela, c’est une mondialisation libérale, sans régulation économique, qui s’est imposée, au prix de la crise que nous traversons aujourd’hui.
C’est la raison pour laquelle je parle sans détour d’un échec de la mondialisation libérale. Cet échec, il est à la fois :
- dans les têtes : en 2007, 74% des Français jugent la mondialisation « inquiétante » pour les salariés ce qui rend plus difficile la responsabilité que nous avons d’ouvrir nos pays vers les autres pour empêcher les règles nationalistes ;
- dans les faits. Les pays riches se sont enrichis ; les pays les plus pauvres se sont appauvris ; et à l’intérieur des pays riches eux-mêmes, les classes moyennes se sont fragilisées. Regardez l’Europe : dans tous les pays les classes moyennes estiment que leur situation se dégrade.
Le déficit démocratique de la mondialisation
Oui, la mondialisation libérale a échoué. Et la principale raison de cet échec réside d’abord dans le déficit démocratique de la mondialisation.
Par déficit démocratique, j’entends l’absence de prééminence donnée à des règles librement consenties par des citoyens libres d’exprimer ce qu’ils veulent et ce qu’ils ne veulent pas.
Je voudrais prendre un exemple, celui de la propriété intellectuelle et de l’accès aux médicaments génériques.
Il est bien entendu de la plus grande importance de reconnaître et de garantir la propriété intellectuelle des chercheurs, des écrivains et des créateurs. Mais cette reconnaissance doit être équilibrée, c’est-à-dire qu’elle doit prendre en compte les droits des bénéficiaires des innovations. Or, trop souvent, des situations de monopole sont créées par des droits de propriété intellectuelle trop forts.
Le cas des médicaments génériques est frappant. Une propriété intellectuelle très stricte a été établie dans ce domaine lors des accords de l’Uruguay round de 1994. En conséquence, les prix de ces médicaments ont beaucoup augmenté et beaucoup de pays en voie de développement n’ont pas pu acheter de médicaments contre le sida.
Le grand prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, rappelle que la valeur d’une année de médicaments contre le sida aux Etats-Unis est d’environ 10000 dollars, alors que cela coûte environ 300 dollars pour les produire.
À cause du régime de propriété intellectuelle, il est devenu interdit aux fabricants africains de les produire et de les vendre moins cher. 10000 dollars pour des pays dont beaucoup d’habitants vivent avec moins de 500 dollars par an : cette équation sans solution est un exemple tragique de l’échec de la mondialisation. Elle a placé les valeurs économiques, en l’occurrence les profits des entreprises pharmaceutiques, au-dessus d’autres valeurs fondamentales, au-dessus même de la valeur de la vie.
Se dévoile bien alors ce qui est, selon moi, la raison principale de l’échec de la mondialisation et la raison de son asymétrie : son déficit démocratique. Celui-ci s’observe ne serait-ce que dans l’attribution des droits de vote dans les institutions internationales. En principe, une personne = un droit de vote. Mais au FMI et à la Banque mondiale, les droits de vote sont proportionnels à la richesse du pays.
Soulignons aussi que les représentants des pays industrialisés ont tendance à défendre, non pas l’ensemble des citoyens de leurs pays, mais des groupes d’intérêts particuliers. Il faut rappeler que ceux qui, au FMI, prennent les décisions qui affectent le plus les politiques économiques des pays en voie de développement, sont les ministres des finances et les gouverneurs de Banques centrales. Ceux-ci ne se soucient pas d’emploi, ni de croissance, mais d’inflation – car quand l’inflation augmente, la valeur des bons du trésor diminue. Ils défendent ainsi plus les intérêts des détenteurs de ces bons que ceux de la société dans son ensemble.
***
Les décisions qui ont le plus affecté le cours de la mondialisation ces vingt dernières années n’ont ainsi presque jamais été le résultat d’un processus démocratique. Pourtant, chaque fois qu’un débat démocratique a été instauré sur des questions déterminantes pour l’économie mondialisée, les citoyens ont fait preuve d’une très haute conscience de l’intérêt général.
Sur toute une série de sujets fondamentaux pour nos sociétés et pour nos existences personnelles, la même carence démocratique de la mondialisation a donc produit les mêmes conséquences désastreuses.
Le philosophe français Jean-Pierre Dupuis, parlant de l’écologie, nous exhorte à pratiquer un catastrophisme éclairé. Il rejoint Hans Jonas, dont le principe responsabilité est arrimé à une « heuristique de la peur ».
Face aux conséquences dramatiques de la mondialisation libérale, nous devons nous aussi être des alarmistes éclairés et rationnels : non pas pour rester dans l’inaction, comme frappés par la gorgone ; mais bien plutôt pour agir, agir différemment, agir avec à l’esprit l’intérêt des citoyens et des peuples de cette planète.
Faut-il sauver le système ou le changer ?Dans ces conditions, c’est bien la question de la défaite idéologique du capitalisme financier qui est posée.
La droite libérale a insisté ces dernières années sur la prétendue défaite idéologique de la gauche. Et puis j’ai assisté stupéfaite à un revirement qui, en quelques semaines, à mis à mal, vingt-cinq ans de capitalisme libéral.
La crise financière entraîne avec elle des millions de petits épargnants. Elle jette à la rue non seulement des millions de petits propriétaires mais aussi les plus grands établissements bancaires. Alors, paniqués, les ennemis de l’Etat l’appellent à leur secours. Les ultralibéraux retournent leur veste. Et le gouvernement Bush se déclare prêt à injecter en quelques heures 700 milliards de dollars – soit trente fois l’aide publique au développement – qui étaient introuvables, il y a quelques semaines, pour mettre fin aux émeutes de la faim. Soulagement de ceux qui ont entraîné le système dans le mur : leur fortune est faite et ils ne paieront pas les pots cassés.
La question que je voudrais poser ce soir est la suivante : fallait-il intervenir et sauver les banques menacées de faillites ?
Cette question n’est pas posée à la légère. Nous faisons face en effet à un dilemme dont il faut mesurer toute la portée.
- Soit nous renflouons les banques coupables d’un aveuglement sans mesure et c’est tout un système pervers que nous sauvons. Car alors, le système saura que les Etats et derrière eux les contribuables sont là comme un ultime rempart. Et c’est l’irresponsabilité que nous encouragerons alors, avec des citoyens doublement victimes : victimes des agissements de banques qui les plongent dans le surendettement ; victimes d’un accroissement insupportable de la pression fiscale ou de la diminution de certaines dépenses publiques ;
- Soit nous refusons cet aléa de moralité – ce moral hazard comme on dit en anglais – et c’est alors un risque pour toutes nos économies. La peur peut s’emparer des marchés avec une violence que nous n’avons encore jamais vue, les banques refuser de se prêter entre elles ; et s’effondrer, les entreprises s’assécher faute de financement.
Pour dépasser ce dilemme, je propose une condition radicale, immédiate et non négociable : l’intervention publique doit être conditionnée à une révolution en profondeur du système financier international.
Oui, nous devons faire face à l’urgence et pour cela n’avons pas d’autre choix que de mettre en place une action internationale coordonnée. L’Union européenne doit se doter d’une véritable politique financière commune. Il nous faut la création d’un fonds d’intervention commun aux membres de la zone euro : car les sauvetages de Fortis ou de Dexia nous montrent qu’il s’agit de banques intervenant sur plusieurs pays européen.
Mais cette intervention doit être conditionnée : il faut revoir de fond en comble les règles prudentielles, limiter la possibilité de sortir les créances des bilans des banques par le procédé de titrisation ; il faut assujettir les fonds spéculatifs aux règles de solvabilité bancaires ; il faut créer de nouveaux mécanismes d’évaluation, avec une agence publique européenne de notation ; il faut également interdire les bonus non assujettis à l’impôt sur le revenu ; et puis surtout lutter contre les paradis fiscaux en refusant l’accès au territoire européen aux fonds ayant leur siège social dans de tels paradis.
C’est aussi le rôle du FMI qu’il faut revoir profondément. Aujourd’hui, le Fonds ne dispose pratiquement d’aucun moyen d’action. Ses ressources financières sont limitées et il ne peut guère jouer le rôle de prêteur en dernier ressort au niveau international.
Je ne voudrais pas revenir sur le débat qui, au moment de la conférence de Bretton Woods en 1944, opposa John Meynard Keynes et le secrétaire américain au Trésor Harry White. Keynes souhaitait que le FMI soit une véritable banque centrale mondiale, disposant d’un pouvoir de création monétaire lui permettant, en cas de besoin, de refinancer les banques centrales nationales. Il n’obtint pas gain de cause.
Il est possible que les idées de Keynes reviennent à l’ordre du jour. En tout état de cause, le Fmi doit disposer d’une assise financière beaucoup plus large et devenir le gendarme international des bourses et des banques : c’est lui qui doit être responsable de l’élaboration des nouvelles normes ; c’est lui qui doit être également en charge de leur bonne application. Et donc on en revient a sa composition plus démocratique.
Vers une mondialisation politiqueLa crise financière actuelle montre que depuis le début, ce sont les tenants de l’affirmation du rôle de la politique publique, du besoin de régulation, de droits et de devoirs, du principe de justice sans lesquels la confiance est rompue, qui avaient raison. Alors il est temps pour nous de relever la tête, avec un impératif catégorique : démocratiser la mondialisation.
Trop longtemps, la mondialisation s’est réduite à sa dimension économique, reléguant les valeurs culturelle, intellectuelle, environnementale et sociales. C’est-à-dire l’affirmation de l’action politique pour en définir le contenu.
Il est donc temps de réaliser, à côté, et je dirais même au-dessus de la mondialisation économique, la mondialisation politique.
La mondialisation, c’est en effet l’intégration des pays entre eux, par l’abaissement du prix des transports, du coût des communications, des barrières douanières. Mais cette intégration signifie que nous sommes devenus interdépendants. Pour le dire très simplement : les décisions prises à Wall Street ont des conséquences sur la vie d’un paysan burkinabè.
Donc la mondialisation a besoin de politique, c’est-à-dire de démocratie participative : la retirer des griffes des seuls experts. C’est à cette condition que le principe gagnant/gagnant pourra l’emporter, alors qu’aujourd’hui c’est gagnant pour quelques uns et perdant pour les autres.
J’ajoute que ceux qui me taxeraient d’irréalisme auraient la mémoire courte. Il y a bientôt deux siècles, un processus similaire se réalisait : la formation des Etats-nations. Comme aujourd’hui, les coûts de transport et de communication baissaient, et comme si cela en avait été la conséquence nécessaire, en Allemagne ou en Italie par exemple, les Etats-nations se créaient.
Ils ont permis de réguler le fonctionnement de l’économie pour la mettre au service des citoyens. Souvenons-nous des débuts du capitalisme industriel : l’exploitation du prolétariat et les dégâts sur l’environnement.
Aujourd’hui comme hier, les gouvernements peuvent faire fonctionner les marchés plus efficacement et en harmonie avec l’intérêt général. Ils doivent pour cela intervenir dans l’économie, pour protéger les travailleurs, pour protéger l’environnement, pour repartir les richesses entre le capital et le travail, assurer la confiance de tous les acteurs, pour garantir les dépenses importantes comme la santé, la recherche, l’innovation et l’éducation.
Il faut remplacer la domination des marches sur les peuples par la primauté des gouvernements démocratiquement élus.
Pour conclure, nous avons l’obligation de faire le bilan de la mondialisation telle qu’elle a été menée ces dernières années. A la fois dans chacun des pays mais aussi dans les instances internationales.
L’Union européenne doit être à l’offensive pour proposer de nouvelles règles. Il y a là trop d’inertie et de lenteur. L’Internationale socialiste et le PSE peuvent trouver là, comme nous l’évoquions tout a l’heure avec George Papandreou lors d’une réunion de travail, un rôle d’aiguillon. Nous devons bousculer la lenteur de l’Europe.
Car jamais le monde n’a eu autant besoin d’Europe et de ses valeurs de paix. Car le principal danger aujourd’hui dans cette guerre économique qui se profile, c’est la montée des violences, du chacun pour soi, du désespoir, du rejet de la politique, du gouffre entre les puissants et les politiques d’un cote, et du peuple de l’autre.
Et nous savons à quoi cela mène. A la montée des régimes totalitaires, à la montée de l’intégrisme, à la montée du terrorisme ailleurs.
Oui, nous faisons face à un grand danger. Ce danger, c’est celui de la peur. On fait peur aux gens, on leur dit : il n’y pas de solution, il faut sauver le système financier tel qu’il est, sinon tout va s’écrouler.
Les réactionnaires ont toujours utilisé la peur des peuples. Les gens se replient sur eux-mêmes, les nationalismes se renforcent, la peur de l’autre s’exacerbe et c’est comme cela, ensuite, que naissent toutes les mauvaises réactions. Ce n’est pas comme cela qu’un système économique rétablit la confiance.
Et c’est pourquoi je pense qu’il faut avoir le courage de continuer à dire que la mondialisation peut aussi porter un progrès de civilisation. Car si on tient un discours différent, si nous disons « La mondialisation, de toute façon c’est le démon », eh bien nous aurons une montée des nationalismes.
On ne peut pas, lorsque l’on est à gauche ou lorsque l’on est socialiste, renoncer à l’internationalisme, renoncer à équilibrer les pays riches et les pays pauvres, renoncer à la liberté de circulation.
Personne ne pourra dire que l’on ne savait pas.
Bougeons-nous pour que nos enfants et les générations qui viennent ne puissent pas dire : « mais comment, ils n’ont rien vu venir ? »
Nous voyons les choses venir, nous savons comment faire, nous avons des principes, nous savons où sont nos valeurs, nous voulons l’émergence de ce monde meilleur, nous savons que l’économie doit être mise au service de l’humain et non pas le contraire.
Cet humain, c’est à la fois l’épanouissement des hommes et des femmes d’aujourd’hui, mais aussi celui des générations qui se lèvent et qui sont trop souvent frappées par le chômage dans des sociétés qui leurs sont fermées.
Ces nouvelles générations ont besoin de comprendre qu’elles ont le droit de choisir leur vie, d’assumer leur liberté, de fonder une famille à leur tour et de transmettre.
Parce que c’est ça, la politique. C’est posséder la capacité de transmettre les valeurs auxquelles ont croit et celle de faire comprendre aux plus jeunes que l’effort scolaire a un sens et qu’au bout de l’effort scolaire, il y aura un métier. Et s’il y a un métier, il y aura un travail. Et s’il y a un travail, ce travail sera bien rémunéré.
Puisque nous avons la chance d’avoir cette capacité de comprendre et cette capacité d’agir, nous avons impérativement le devoir de l’utiliser.
Je vous remercie de votre attention. »
Ségolène Royal
Créé par sr07 le 17 août 2008 | Dans : Ségolène Royal
La responsable socialiste a l’intention de déposer une demande de visa auprès de la Chine. Une déclaration qui fait suite à sa rencontre avec la dalaï lama.
LIBERATION.FR : samedi 16 août 2008
Ségolène Royal a l’intention de se rendre au Tibet. «Dès la semaine prochaine je vais demander un visa pour me rendre au Tibet, je crois que les choses pourront ainsi bouger», a-t-elle indiqué, à l’issue de sa rencontre avec le dalaï lama, samedi matin à Nantes. Une visite « pour voir moi-même ce qui s’y passe », assure-t-elle.
S’adressant brièvement à quelques journalistes présents à cette rencontre, le chef spirituel tibétain a affirmé qu’il «appréciait vivement» son soutien. «La cause du Tibet est une cause pour la vérité et la justice. Je considère que ceux qui soutiennent notre cause n’apportent pas un soutien pro-tibétain mais pour la justice», a ajouté le prix Nobel de la Paix.
La présidente du Conseil Régional du Poitou-Charentes a souligné de son coté que le dalaï lama était «un exemple pour la paix», selon le même enregistrement. «Si très modestement ma présence peut servir à faire progresser la cause du Tibet, à faire reculer les souffrances, reculer la terreur, reculer la violence, je suis très très honorée qu’une éminente personnalité comme vous qui symbolise la paix et la non violence puisse m’accorder quelques instants.» Elle a estimé que « la Chine retrouverait une respectabilité internationale si elle tenait sa parole (…) de renouer le contact et le dialogue avec le dalaï lama ».
Le dalaï lama a entamé lundi une visite de douze jours en France durant laquelle il s’est déjà rendu dans plusieurs centres bouddhiques en région parisienne et dans l’ouest. Il entame samedi à Nantes un cycle d’enseignements de cinq jours, après y avoir prononcé vendredi devant plus de 9.000 personnes une conférence sur le thème de la paix universelle.
Les rencontres politiques du dalaï lama lors de cette visite, qui a suscité des tensions entre la France et la Chine alors que se déroulent actuellement les JO à Pékin, ont pour l’instant été limitées. Le prix Nobel de la Paix a été reçu mercredi à huis clos au Sénat par un groupe de parlementaires, et doit rencontrer lundi le député maire PS de Nantes Jean-Marc Ayrault. Son entourage a par ailleurs annoncé qu’il recevrait mercredi à Nantes le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, une rencontre qui n’a pas été confirmée par le quai d’Orsay.
Alors que l’absence de rendez-vous avec Nicolas Sarkozy a fait polémique dans la classe politique française, le secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement Roger Karoutchi a indiqué mercredi que le dalaï lama devait être reçu le 10 décembre à Paris par le président français avec l’ensemble des prix Nobel de la paix.
Créé par sr07 le 26 juin 2008 | Dans : Parti socialiste, Ségolène Royal
Elle aussi entre dans la danse du livre. Ségolène Royal publie le 8 juillet Si la gauche veut des idées un ouvrage d’entretien aux allures de livre-programme avec le sociologue Alain Touraine, dont Le Monde publie les bonnes feuilles. L’ancienne candidate à la présidentielle expose son analyse du PS et de la société et explique les réformes qu’elle souhaiterait mettre en oeuvre.
Après L’audace de Bertrand Delanoë, Ségolène Royal propose Si la gauche veut des idées. Un titre un brin provocateur pour ce livre d’entretien avec Alain Touraine à paraître le 8 juillet. Avec la patte de ce sociologue reconnu, l’ouvrage est censé « poser » la socialiste avec un peu plus d’épaisseur dans le débat d’idées, elle qui est toujours en butte à des procès en incompétence de la part de ses « camarades ». Sur la forme, le livre expose en sept thèmes la vision de la société française de la socialiste, qui commente et nuance les propos du sociologue. Son analyse est dans la droite-ligne de celle esquissée lors de la dernière campagne présidentielle, avec un peu plus de bouteille.
Pour la présidente de la région Poitou-Charentes, le modèle de l’Etat-providence est à réformer. « Il faut changer de stratégie« , dit-elle. Il faut mettre « en oeuvre une stratégie de compétitivité par le haut, et non de concurrence par le bas. Pour cela, il faut mettre l’accent sur la formation des salariés, sur les investissements en recherche et en innovation des entreprises, notamment dans les PME« , préconise-t-elle. Elle souhaite également « l’annulation de l’aberrant paquet fiscal« .
Royal réitère l’appel au centre
Souvent raillée pour sa méconnaissance des sujets économiques, Royal s’attarde sur le problème de la dette « sujet macroéconomique par excellence« . « La nouvelle règle du jeu est simple: 1 euro dépensé est 1 euro utile. Cela signifie: ne pas engager de dépenses nouvelles sans économies sur les dépenses anciennes« . Des mots qui sonneront agréablement aux oreilles centristes, qu’elle avait déjà tenté de séduire en mai 2007. D’ailleurs, en termes d’alliance, elle réitère l’appel au centre, après que la gauche se soit fédérée. « C’est ce qui fut fait au second tour de la présidentielle: rassembler toute la gauche puis tendre la main sur la base d’un projet aux électeurs démocrates du centre.«
La réforme des retraites est l’autre thème-phare sur lequel elle s’engage. La Poitevine s’est inspirée de la Suède pour proposer « une retraite par point« . « Chaque cotisant dispose d’un compte individuel sur lequel il accumule des points tout au long de sa vie active de façon à déterminer le montant de sa pension au moment où il choisit de partir en retraite. » Et comme lors de la campagne présidentielle, elle prend la main sur le thème de la citoyenneté, distribuant les bons points, pour elle, et les mauvais, pour le PS. « Que de débats ai-je levés avec La Marseillaise, le drapeau, la nation, l’identité, la France, tout cela dont les socialistes n’osaient plus parler !!! (…) Une fois de plus, ce sont les grincements dans mon propre camp qui ont malheureusement affaibli mon message« . Elle propose donc « une cérémonie républicaine » « pour le passage à la majorité à 18 ans » dans le chapitre consacré à La France métissée.
« Mieux vaut une bonne querelle qu’une mauvaise synthèse«
Dans son livre-programme, la candidate officielle à la succession de François Hollande définit aussi sa conception de la gauche, alors que ses détracteurs la placent plutôt à droite de l’échiquier socialiste. « Ma gauche est celle qui affronte les réalités, qui ne se résigne pas, même lorsque ces réalités sont désagréables, et surtout lorsqu’elles sont difficiles« , explique-t-elle. « Je ne veux pas d’une gauche qui, sous couvert de réalisme, renoncerait de fait à corriger un certain nombre d’inégalités et d’injustices, notamment celle produites par le libéralisme économique. Ce dont le socialiste a impérativement besoin, c’est d’une lucidité radicale« .
Au Parti socialiste, elle réserve quelques coups de griffes. « Nous sommes peu présents dans les mouvements sociaux et n’avons pas d’échange avec eux« , regrette-t-elle, souhaitant que le parti devienne « un lieu de convergence durable ouvert à la société« . Et d’analyser la situation actuelle d’un PS en décrépitude: « Nous sommes à la fin d’un cycle politique« , avance-telle, la fin de « l’union de la gauche de François Mitterrand » et de « la gauche plurielle de Lionel Jospin« . Reste à définir un nouvelle ère, donc, dans laquelle elle souhaite jouer un rôle, si possible de premier plan.
Isolée au sein du Parti, alors que des alliances Aubry-Delanoë voire « Reconstructeurs » sont envisageables lors du prochain congrès, la Poitevine annonce son intention d’aller, s’il le faut, au clash, pour éviter la fameuse « synthèse molle » de l’ère Hollande lors du prochain congrès de Reims. « Mieux vaut une bonne querelle qu’une mauvaise synthèse qui, toujours, à plus ou moins long terme, nourrira des affrontements autrement plus diviseurs qu’un vrai débat, aussi tendu soit-il« . A bon entendeur…
Créé par sr07 le 09 fév 2008 | Dans : Ségolène Royal
Chère Ségolène Royal,J’avoue ne pas bien comprendre votre circonspection sur l’attitude qu’il faut tenir face au nouveau traité européen.
Vous aviez dans le cadre de votre campagne présidentielle placé le citoyen au centre de votre projet politique et estimez haut et fort qu’en maints domaines de sa vie, il demeurait un expert sûr des solutions à apportez au pays.
C’était ce que vous appeliez la démocratie participative, avec pour corollaire les jurys populaires pour contrôler les politiques publiques, et les réajuster si nécessaire au plus prêt de ceux qui sont censés les connaître. Vous aviez même proposez d’inviter des citoyens à assister au Conseil des ministres afin qu’ils réalisent la lourde tâche qu’est la direction d’une Nation.
Or, sur la question européenne, sujet ô combien important, qui façonne la vie de tout un chacun, vous semblez faire machine arrière et estimez que dans ce domaine le citoyen n’aurait plus son mot à dire dans la mesure où, paradoxalement, vous vous prononcez pour le « laisser faire » de la ratification parlementaire du nouveau traité européen dit de Lisbonne.
Le référendum, grand moment de démocratie participative
Un homme ou une femme politique responsable doit la vérité à ses compatriotes et comme vous le savez le nouveau traité européen n’est que la reprise déguisée de la défunte « constitution » européenne.
Je vous renvoie à l’analyse qu’en a fait le conseil Constitutionnel, saisi par le Président de la République. Dans son avis, il est clairement établi que le Traité de Lisbonne ne change rien quant au fond du traité constitutionnel européen de 2005, et qu’il a juste été procédé à une renumérotation des articles de l’ancien texte européen.
Or, il ne vous pas échappé que le traité constitutionnel européen a été rejeté souverainement par les peuples français et hollandais, dans le cadre d’un référendum en 2005. Procéder à nouveau à sa ratification par voie parlementaire ne peut être assimilé qu’à un déni de démocratie, ou à un coup d’état. Il n’y a pas d’autre analyse possible de ce qui pourrait être commis si on n’y prenait garde.
S’il existe un grand moment de démocratie participative dans un pays, c’est le référendum (faire participer les citoyens aux décisions qui les concernent). Jusqu’à présent il n’a rien été inventé de mieux pour interroger directement un citoyen sur une question politique. J’attendais donc de vous, partisane de la démocratie participative à l’échelon local comme à l’échelon national, que vous mainteniez votre parole sur la tenue d’un référendum pour tout nouveau traité européen.
Par ailleurs, il y a fort à parier que dans les 17 millions de voix qui se sont portées sur votre nom au second tour de l’élection présidentielle, on pourrait retrouver une bonne part des 15 millions de voix qui ont rejeté le traité constitutionnel européen.
Gare au rétablissement d’une démocratie censitaire !
Est-il judicieux, alors que vous avez le projet de demeurer un leader politique, de leur tourner le dos sans rien expliquer ?
Pourquoi sacrifier vos chances sérieuses de diriger une gauche profondément renouvelée et en phase avec les couches populaires, sur l’autel de la simple perspective de conserver l’enveloppe d’un parti socialiste si décrié par ses militants et sympathisants, qui ne sait plus ce qu’il a à dire au pays et se contente de suivre les politiques trop libérales en cours sans pouvoir même les infléchir ? Le ralliement de nombreuses personnalités « socialistes » au panache de Nicolas Sarkozy n’a que ce sens. Ceux-ci ne vont que là où les vents dominants de la démagogie et du cynisme les portent.
Or notre peuple à souhaité une autre orientation pour l’Europe. Pourquoi se forcer à la lui refuser ?
Qu’ y aurait il de si compliqué, de si inavouable pour que les peuples européens n’aient leur mot à dire en Europe, sur son fonctionnement et les missions qui pourraient être les siennes au regard du monde entier ? Pourquoi privatiser cette question, la confier à des doctes, des experts technocratiques ou des élus, et par là-même rétablir un type de démocratie censitaire, aux antipodes de la démocratie participative qui vous est chère.
La renonciation automatique à la démocratie directe sur les enjeux européens est bien la preuve que le fonctionnement des institutions européennes est antidémocratique et c’est bien cela qu’il faut changer aussi en Europe. Il faut donc ouvrir l’Europe au grand vent du suffrage universel !
Le respect de la démocratie dans notre pays ne vaut-il pas la peine de se battre?
J’aurai sans doute en vain tenté de vous convaincre, mais je sais en conscience ce qu’une femme debout aurait fait : se battre, c’est-à-dire le contraire de ce que vous apprêtez à faire.
Koffi Ghyamphy
Lettre publiée dans Marianne le Samedi 9 Février 2008
Créé par sr07 le 13 jan 2008 | Dans : Parti socialiste, Ségolène Royal
Dimanche 13 Janvier 2008
Paru dans le Journal du Dimanche,C’est reparti. Ségolène Royal affronte de nouveau Nicolas Sarkozy. Mais cette fois-ci, le décor a changé. Les municipales du printemps prochain sont le nouvel enjeu. La présidente de la région Poitou-Charentes était à Saint-Brieuc samedi pour soutenir la députée socialiste Danielle Bousquet, engagée dans la reconquête de cette ville de gauche qui a basculé au centre en 2001.
Réinstaller à tout prix le duel Sarko-Royal: pour sa première sortie de campagne municipale, hier matin à Saint-Brieuc, Ségolène Royal a, non seulement lancé l’offensive politique (gauche et droite veulent une campagne nationale), mais a voulu surtout remettre en place le duo de l’an dernier. Un combat, certes, perdu mais qu’elle persiste à présenter comme le début d’un « chemin » vers « d’autres victoires« , comme elle l’avait lancé à ses supporters dans une scène d’anthologie, au soir du 6 mai. A la faveur de cette campagne municipale, elle entend donc bien se poser en leader de la gauche – leader d’une gauche à qui elle veut « donner de nouvelles raisons d’espérer, d’agir et d’avancer » – et s’élever ainsi au-dessus des polémiques et tirs de barrage contre sa stratégie de conquête du PS qu’elle a bel et bien entamée.
Venue soutenir à la fois les ventes de son dernier livre (Ma plus belle histoire, c’est vous) et la députée socialiste Danielle Bousquet, engagée dans la reconquête de cette ville de gauche tombée, en 2001, dans les mains du leader centriste Bruno Joncour, Ségolène Royal n’a eu de cesse d’engager le fer contre Nicolas Sarkozy, accusé de tous les maux, à la fois sur le plan personnel et dans l’exercice de sa fonction : « Le roi s’amuse. Il vit comme un milliardaire, s’offre des bijoux de milliardaire. Et nous, pendant ce temps-là, nous attendons des solutions. » Elle qui refusait, au nom de la dignité du débat politique, les attaques ad hominem, s’en est donné à coeur joie. Comme si, encouragée par l’ »accueil chaleureux des militants » et les critiques outrées qu’elle entend chez ses concitoyens de Poitou-Charentes, elle engageait, dans l’immédiat, la première manche d’une revanche qui sera, elle, de longue haleine.
« Nicolas Sarkozy, c’est la désinvolture«
« Nicolas Sarkozy, c’est la désinvolture, et pas un seul domaine n’échappe à son improvisation [...]. » Sur ce dernier mot, elle relance la litanie de reproches, qu’elle accompagne de contrepoints en sa propre faveur : « Nicolas Sarkozy, c’est l’improvisation permanente. Face à cela, nous voulons une politique cohérente et sereine. Nicolas Sarkozy, c’est la fébrilité. Nous sommes la sérénité. » Face à « son exhibitionnisme« , à « ses provocations« , à « ses annonces perpétuelles« , la candidate veut offrir la « réponse simple de réformes vraies, justes, stables et durables« . On ne l’arrête plus : « Face à cet état de grâce qui se termine et cet état de disgrâce qui commence, nous devons incarner la levée de nouvelles valeurs.«
On a assisté hier à l’ouverture d’une mini présidentielle nourrie d’un de ses thèmes de prédilection, la vie chère, talon d’Achille de l’adversaire : « 2008 doit être l’année de la lutte contre la vie chère. » Parmi les réformes « urgentes et nécessaires« , entre autres les tarifications bancaires « insupportables« , nombreux sont les retours à sa propre campagne : preuve, dit-elle en aparté, de sa « cohérence » et de son « sérieux« . La confusion des temps est parfois étonnante : « En voilà assez des discours. Passons aux actes !« , lance-t-elle, avant de dénoncer l’ »illusion de réformes » qu’entretient Sarkozy et la « fuite en avant dans la commissionnite aiguë du gouvernement« . « La France mérite mieux. Le temps presse« , frémit-elle en invitant la gauche « au courage, à rester debout, à ne pas avoir peur« .
Il faut dire qu’avant son meeting à la salle De Robien, la séance de dédicaces à La Nouvelle Librairie avait été plutôt flatteuse et propice à l’entretien de son rêve d’une seconde chance en 2012. « Ma femme vous adore encore plus que moi, et ce n’est pas peu dire« , lui souffle le mari de Joëlle, au milieu de dizaines et de dizaines d’autres admirateurs peu avares de compliments. Charly, un Breton africain, lui offre une photo encadrée d’elle aux côtés d’Aimé Césaire, le poète martiniquais, assortie d’une citation de Nelson Mandela encourageant Bill Clinton au plus fort de l’affaire Monica Lewinski : « Ce qui fait la force d’un homme n’est pas tant sa capacité à éviter les chutes qu’à se relever après chaque chute. » « ça vous va bien, n’est-ce pas ?« , avance Charly. Mais là l’ex-candidate reste mi-figue mi-raisin.
En attendant de trouver la nouvelle musique, celle qui lui a fait défaut l’an dernier, Ségolène Royal fait tourner son manège plus vite. Hier soir, elle était au Vingt-Heures de France 2. Mardi, elle sera à Strasbourg pour les municipales et auprès des salariés de Sony en difficulté. Le 20, elle sera l’invitée du Grand Jury de RTL ; le 26, celle du parti démocrate italien en congrès à Florence ; le lendemain, à l’émission grand public de Michel Drucker, Vivement dimanche, en compagnie de Charles Aznavour. Du 4 au 6 février, elle sera à Harvard pour y donner quelques conférences, puis en Inde après les municipales. Mais surtout, elle met sur pieds ses équipes et sa propre organisation.
Des trentenaires brillants et entreprenants
La présence de Tony Blair, hier à l’UMP, doit, a-t-elle dit sur France 2, « nous pousser en avant, nous socialistes, pour être une force d’attractivité« . Il a fait du Labour le New Labour ; elle fera le Nouveau Parti socialiste. Son but premier est la promotion d’une génération de dirigeants socialistes : des trentenaires brillants et entreprenants déjà rassemblés dans le groupe Emergence. Le groupe Raspail, composé d’experts et de « personnes-ressources« , travaille étroitement avec les élus Vincent Peillon, Manuel Valls, Gaëtan Gorce, Dominique Bertinotti, sous la houlette de François Rebsamen, Jean-Louis Bianco et Michel Sapin. Le député de la Mayenne Guillaume Garaud l’a rejointe, ainsi que son nouveau directeur de cabinet, Cyril Piquemal. En Poitou-Charentes, elle vient d’engager Philippe Guibert, un politologue spécialiste des médias. Lui est directement rattaché à son think tank où travaillent déjà Thomas Piketty, Philippe Aghion (enseignant à Harvard), Matthieu Pigasse et la sociologue Dominique Méda.
A côté du « poids politique » acquis dans la présidentielle et qu’elle veut mettre au service de la gauche, l’ »offre politique » nouvelle de Ségolène Royal apparaîtra « en temps voulu« . Elle veut mener sa démarche « jusqu’au bout » mais au rythme où elle l’a décidé. Soyons clairs : ce n’est pas le PS qui lui imposera quoi que ce soit.