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Créé par sr07 le 24 nov 2017 | Dans : Articles de fond, Blog du Che
La guerre du Golfe et la lecture du Traité de Maastricht achevèrent de nous rapprocher. Max n’avait pas le lien affectif qu’avait créé, entre François Mitterrand et moi, le Congrès d’Epinay et la mise sur orbite de l’union de la gauche, quinze années durant.
Max fut après Jacques Berque, mais aussi avec Didier Motchane et Régis Debray, un de ceux qui m’aidèrent à franchir le pas difficile que me dictaient aussi bien une connaissance du monde arabe qui remontait à la guerre d’Algérie que la vision de la montée du fondamentalisme islamique depuis 1979.
Le jugement de Max sur les choix qu’opéra alors François Mitterrand ne s’encombrait pas de considérations affectives.
Créé par sr07 le 04 nov 2017 | Dans : Actualité de la pensée de Didier Motchane, Blog du Che
Extraits http://http://www.chevenement.fr/Voici-venu-le-moment-de-nous-separer_a1955.html
Didier Motchane laissera une trace profonde. Son beau visage exprimait toute la noblesse d’un homme qui avait su surmonter l’épreuve cruelle d’une enfance fracassée et l’avait sublimée dans la recherche de la beauté et dans l’exigence de la vérité et de la justice. Nous lui devons, je lui dois, beaucoup.
Didier était à mes côtés une conscience exigeante mais fidèle. Il n’était pas homme à faire des concessions. Mais il acceptait aussi, sans jamais renier rien de ce qu’il pensait, de ne pas avoir raison tout seul. Il fallait pour cela une grande confiance que nous nous faisions mutuellement. Nous n’étions pas spontanément d’accord sur tout mais nous finissions toujours par y arriver. Ou presque toujours. En 1995, il fallut un vote du Conseil National du MDC pour nous départager sur le soutien qu’il fallait – ou non – apporter à la candidature de Lionel Jospin. Mais si je souhaitais le faire, c’était bien sûr pour infléchir sa ligne. Didier l’a accepté dès lors qu’il savait que je resterais fidèle à notre engagement fondateur.
Après 2002, il a jugé, à juste titre, qu’on ne pouvait pas refaire le MDC. Il avait tout à fait raison. Il fallait maintenir la ligne du « Pôle républicain ». Mais on ne peut pas le faire tout seul. Et il n’était pas possible de laisser sur le côté de vieux camarades qui nous avaient suivis sans toujours comprendre qu’« au-dessus de la droite et de la gauche telles qu’elles sont devenues, il y a la République ».
Quinze ans après, il faut reconnaître deux mérites à Emmanuel Macron. Par son élection, il a renvoyé aux oubliettes de l’Histoire un bipartisme qui depuis longtemps n’avait plus de sens. Il a ensuite réhabilité la décision politique et le mouvement, rompant ainsi avec l’immobilisme des trois héritiers de M. Queuille qu’ont été très consciemment François Mitterrand, Jacques Chirac et François Hollande.
L’esprit dialectique de Didier n’aurait pas manqué d’interroger le troisième mouvement qui découle de l’« en même temps ». Didier était un dialecticien et un créateur. L’invention de l’avenir l’a toujours motivé. Comme il doit motiver les jeunes générations que nous avons entendu s’exprimer. Je veux saluer, outre le maire de Montreuil, M. Patrice Bessac, que je veux remercier vivement pour son accueil, Gaël Brustier, Philippe Corcuff, Dominique Garabiol, Didier Leschi, Laurent Roth. Je veux aussi remercier de leur présence Messieurs Arnaud Montebourg et Alexis Corbière.
Le long combat que nous avons entrepris, il y a plus de cinquante ans, n’aura pas été vain si dans un contexte radicalement nouveau, dans un monde qui, en quarante ans, a profondément changé, cette même valeur du patriotisme peut encore guider nos pas non vers la Terre promise que nous n’avons jamais foulée, mais vers une France libre et juste dans une Europe européenne. Dans une de nos dernières conversations – il y a moins de quinze jours – Didier m’a dit qu’il était heureux. Il pensait comme moi que ce que nous avions semé pendant cinquante ans, germerait dans les cinquante ans qui viennent. Pas plus que l’idéal de la liberté, l’idéal de la justice ne peut mourir.
Didier était un créateur et il aimait les créateurs, n’est-ce pas Dominique ? Didier avait un talent que les éditeurs d’aujourd’hui ne reconnaissent plus : il était poète. Et il l’était naturellement. Il écrivait des poèmes à l’âge de quatorze ans. Celui-ci, de 1945, prémonitoire :
« Qu’allais-je faire un jour de cette rime éparse
Que je viens de jeter en travers du papier
Promesse du futur s’élevant jusqu’au pied
Du cortège d’un rêve où finissent mes farces
Reprenant tour à tour un visage qui spasm-
Odiquement retombe au fond de ce panier
A salade ou à son si vous le désirez
Pour régenter les fous j’imiterai Erasme »
Et celui, révolutionnaire, du 15 février 2010 :
« J’aime la musique ferroviaire
Dont les trains qui partent
N’arrivent jamais
Que ce soit mon unique et profane prière
Rebattre les cartes
Quand Dieu n’y peut mais »
Didier était un homme magnifique. Il a donné une haute idée de la grandeur humaine. Sa noblesse d’âme se voyait sur son visage. Sa perte est pour moi celle d’un ami incomparable et irremplaçable.
Ai-je besoin de dire à Dominique, sa femme, à Jean-Frédéric et à Emmanuel ses fils, à Jean-Loup son frère, à sa famille, à Anne, à tous ses proches, qu’ils ne sont pas seuls à le pleurer … Extrait
Créé par sr07 le 30 oct 2017 | Dans : Actualité de la pensée de Didier Motchane, Blog du Che
Son intelligence supérieure, sa vaste culture – il était poète à ses heures, son caractère ont porté l’exigence de notre mouvement et l’élan qu’il a donné à la gauche au-dessus de la grisaille de la « petite politique ».
Depuis plus de cinquante ans, Didier Motchane a été à mes côtés une conscience exigeante et fidèle. Ses vues profondes ont éclairé notre chemin. Toute sa vie, il a été un bloc de courage, un homme magnifique. Cette grande âme a affronté la mort comme il avait mené sa vie, sans ciller.
Sa mort me bouleverse profondément.
Billet de Jean-Luc Laurent, Président du MRC, le 29 octobre 2017
Créé par sr07 le 21 oct 2017 | Dans : Articles de fond, Blog du Che
Entretien de Jean-Pierre Chevènement à la revue Charles, propos recueillis par Louis Bochot, octobre 2017.
Après vos études à Sciences Po, vous sortez en 1961 d’une école militaire, en Algérie, comme jeune officier de réserve. Vous êtes à l’aube de votre service militaire…
Je suis sorti de Cherchell, l’école où l’on formait les sous-lieutenants du contingent qui encadraient la masse des appelés. Je suis sorti de l’école dans un assez bon rang parmi les 400 élèves officiers de ma promotion pour pouvoir choisir ce qui me plaisait : je me suis orienté vers les sections administratives spécialisées (SAS). Aussi appelées « Affaires algériennes », elles sont les lointaines descendantes des « bureaux arabes » de l’Armée d’Afrique. Il s’agit d’un travail de proximité au contact des « populations musulmanes », comme on disait à l’époque. J’ai été affecté à Saint-Denis-du-Sig, et après la dissolution des SAS, à la fin du mois de mars 1962, j’ai été volontaire pour servir de chef de cabinet adjoint chargé des affaires militaires à la préfecture d’Oran. Sous-lieutenant, j’étais affecté au 21ème régiment d’infanterie, et par ordre du général Ginestet, mis à la disposition du préfet régional.
Vous avez répondu à l’appel, alors que vous aviez auparavant milité à l’UNEF en faveur de l’indépendance ?
Oui, j’étais tout à fait conscient que l’Algérie allait devenir indépendante, mais je ne voulais pas déserter. Comme le disait le général de Gaulle, si l’Algérie devait devenir indépendante, il valait mieux que ce soit avec la France que contre elle. Je n’étais pas du tout antigaulliste, au contraire. Je considérais que De Gaulle avait raison, que lui seul pouvait trancher le nœud gordien qu’était l’indépendance de l’Algérie dans l’intérêt de la France. Je me suis donc déterminé en patriote, mais en patriote éclairé, pas en patriote borné. Parce qu’il y avait aussi des patriotes, certainement, parmi les gens de l’OAS. Je ne le nie pas. Mais c’étaient vraiment, en dehors des pieds-noirs que je pouvais comprendre, des sacrés connards. Je leur en voulais de leur myopie et de leur violence à l’égard des populations algériennes. Le bombardement de la ville musulmane qu’on appelait aimablement « le village nègre » d’Oran, ou bien encore l’assassinat des dockers sur le port, tous ces meurtres gratuits avaient pour but de créer la guerre civile. La folie de l’OAS n’a malheureusement que trop bien réussi …
Comment avez-vous traversé cette période ?
Je suis arrivé à Alger dans un contexte très dur, au lendemain du putsch des généraux (le 21 avril 1961, NDLR). La présence des appelés en Algérie a d’ailleurs été décisive dans l’échec du putsch. En fait, mon véritable engagement a été le choix que j’ai fait d’aller à Oran dans une période difficile. Dans la préfecture d’Oran, nous étions attaqués presque tous les jours par les gens de l’OAS. Mais comme la préfecture était un immeuble très haut – nous étions au 17ème étage -, les tirs étaient obliques, et à condition de ne pas se mettre trop près de la fenêtre, nous avions de bonnes chances d’en réchapper,
Vous avez vous-même été attaqué ?
Ah oui, j’ai le souvenir d’attaques à la 12.7 (une mitrailleuse lourde, NDLR) et même au bazooka. Les gens de l’OAS étaient souvent liés aux policiers pieds-noirs, qui occupaient les étages inférieurs du bâtiment de la préfecture. Ils savaient que l’état-major de la préfecture était composé de fonctionnaires ou de militaires qui entendaient maintenir une structure administrative aux ordres du gouvernement. Ils voulaient donc nous rendre la vie un peu difficile. Ils ont ainsi fait sauter mon bureau. En mon absence, je le précise.
Dans Le Courage de décider, publié en 2002, vous écrivez avoir « bien failli disparaître dans la tourmente » du massacre d’Oran, le 5 juillet 1962, trois mois et demi après le cessez-le-feu. Que s’est-il passé ?
En effet. J’ai failli me faire descendre alors que je sortais du port d’Oran. J’avais fait embarquer une tapisserie pour le compte du préfet – une mission assez prosaïque. Et, descendant du bateau, me retrouvant sur le quai, j’ai été pris dans les remous de la foule. Il y avait eu un coup de feu à l’origine inconnue, qui avait marqué le début d’incidents. Un certain nombre d’Européens ont été raflés. Moi-même je me suis retrouvé avec un pistolet mitrailleur sur l’abdomen, culasse en arrière, tenu par un ATO (auxiliaire temporaire occasionnel, NDLR) inexpérimenté, recruté à la va-vite, membre d’une police qui dépendait de l’Exécutif provisoire d’Abderrahmane Farès mis en place pour assurer la transition entre l’administration française et la future administration algérienne. J’ai vu tout de suite le péril mortel que je courais, car il suffisait d’une petite secousse pour faire partir la culasse en avant. Heureusement, il y a eu un incident, un cri, de l’autre côté de la rue. Ce jeune ATO a tourné sa mitraillette dans l’autre direction. J’en ai profité pour prendre le large. Ma voiture était garée à cent mètres. Croyez-moi, j’ai fait un sprint rapide. C’était le chaos. Il n’y avait plus d’autorité, ni française puisque l’Algérie était devenue indépendante le matin même, ni algérienne car il y avait une querelle de légitimité entre le gouvernement provisoire de Benkhedda à Alger et le « groupe d’Oudjda », c’est-à-dire Ben Bella et Boumédiène.
Vous ne parlez pas de massacre, vous parlez du « chaos du 5 juillet 1962 » ? Vous aviez pourtant annoncé 807 morts…
Non, j’ai dit que le consulat avait enregistré plus de 800 disparus déclarés. Mais il est apparu que certaines de ces personnes avaient réussi à embarquer. D’autres sont passées en Espagne. Je ne connais pas le nombre exact de disparus. Personne ne le connaît d’ailleurs. C’est un évènement qui ne peut se comprendre que par le désordre résultant de la complète vacance de toute légalité. Il faut le dire par souci de la vérité historique. Il n’est pas imputable à une consigne qui aurait été donnée par une autorité politique quelle qu’elle soit. Il y a eu certainement un massacre. Je ne l’ai pas vu, je n’ai pas vu de gens à terre mais j’ai vu le désordre. J’ai été pris au cœur de ce désordre. J’ai ensuite accompagné le nouveau Consul général pour rencontrer Ben Bella et Boumédiène qui commandait l’armée des frontières, à Tlemcen – cela devait être le 10 juillet 1962 – afin d’obtenir la libération des personnes enlevées – une petite vingtaine. J’étais le premier Français à rencontrer Ben Bella après l’indépendance, avec le consul général M. Herly bien entendu. J’ai vécu des choses que l’on n’a pas l’habitude de vivre à 23 ans. Et parce qu’un de mes amis m’appelait « colonel », les Algériens croyaient que j’avais réellement ce grade : ils m’appelaient « Mon colonel ».
A défaut d’être devenu colonel, vous êtes resté attaché aux questions de défense pendant toute votre vie politique. Pourquoi ?
Parce que je sais qe la défense est la condition de toute politique étrangère. Il n’y a pas de politique étrangère indépendante sans une défense elle-même indépendante. C’est ce que le général de Gaulle nous avait appris.
Que vous ont appris vos expériences militaires dans l’exercice du pouvoir ?
Cela m’a appris à la fois la nécessité et le bon usage de la force. On ne peut pas simplement rester dans la réflexion. Je croyais, étant jeune, qu’il y avait des « sciences politiques ». J’ai vérifié qu’elles n’existaient pas. La politique n’a rien de scientifique, parce qu’il y a trop de facteurs aléatoires et par conséquent trop d’incertitude. Il faut beaucoup d’intuition et un peu de génie finalement, pour traduire une idée dans l’action, et pour la traduire heureusement. Quand ils sont dignes de ce nom, les hommes politiques n’ont pas seulement une pensée, ils ont un savoir-faire. Il y a un art politique. A cet égard et malgré des désaccords, j’ai beaucoup appris de François Mitterrand. En matière militaire, il faut savoir doser la force. Elle est nécessaire mais doit être maîtrisée.
Pourquoi ne pas avoir embrassé une carrière militaire ?
Parce que, avant même mon service militaire, en 1960, j’avais déjà été reçu à l’ENA (promotion Stendhal, de 1963 à 1965, NDLR). Après la guerre d’Algérie, nous étions dans une phase de réduction des effectifs. Il n’y avait plus de guerre à l’horizon. La grande ambition, c’était la constitution d’une force de dissuasion.
Pourtant, après avoir adhéré en 1964 à la SFIO, puis avoir été le principal rédacteur du programme « Changer la vie » du tout jeune PS, vous devenez l’un des négociateurs du programme commun avec le PCF de juin 1972, qui demande la « renonciation à la force de frappe nucléaire stratégique sous quelque forme que ce soit ». N’est-ce pas renier votre conviction profonde que la France a besoin d’une force de dissuasion pour mener une politique étrangère indépendante ?
Il y avait quatre groupes de travail. J’ai négocié la partie économique du programme commun. Les socialistes chargés du chapitre « Défense » étaient Robert Pontillon et Gérard Jaquet, qui étaient des atlantistes, des anciens de la SFIO. Mitterrand savait qu’il devait faire de concessions au PCF. Il raisonnait en dynamique. Il voyait dans le programme commun l’outil de mobilisation des masses électorales. Il savait très bien que l’armement atomique de la France n’était pas au cœur des préoccupations des milieux populaires, qui s’intéressaient essentiellement aux dispositions pratiques concernant le pouvoir d’achat, la cinquième semaine de congés payés, la retraite à 60 ans, etc. Par conséquent, Mitterrand a accepté cette rédaction. A cette époque, il n’avait pas encore les idées claires sur la question. Mais il était évident, à mes yeux, qu’en tant que candidat à la Présidence de la République, il finirait par se rallier à la dissuasion. Aussi bien, le programme commun a été dénoncé en 1977 et dès 1978 le parti socialiste s’est rallié à la dissuasion.
Créé par sr07 le 14 oct 2017 | Dans : Articles de fond, Blog du Che