Débats autour de la refondation de la gauche

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Entretien de Jean-Pierre Chevènement à La Dépêche du midi

Créé par le 05 sept 2009 | Dans : Blog du Che, Débats autour de la refondation de la gauche

Chevènement pour une « rupture », samedi 5 septembre 2009, propos recueillis par Jean-Pierre Bédéï.

Le MRC tient son université d’été à Toulouse ce week-end. Jean-Pierre Chevènement fait le point sur la rentrée politique à gauche.

La dépêche du midi : Etes-vous favorable aux primaires proposées par le PS ?
Jean-Pierre Chevènement :

S’il s’agit de désigner le candidat socialiste, le MRC n’en sera pas. S’il est question de choisir ensemble le candidat de la gauche, nous y participerons. Dans ce cas, il faudra que les partis de gauche puissent approuver une charte d’orientation politique, et que des millions de sympathisants puissent s’exprimer. Quoiqu’il arrive, le MRC pèsera en 2012.

N’avez-vous pas noté un coup de barre à gauche du PS?
Les socialistes me semblent enfermés dans l’horizon du social-libéralisme. Ils n’imaginent pas ce qu’on pourrait faire pour rompre avec la domination des marchés financiers qu’ils ont contribué à installer dans les années quatre-vingt. Il faut qu’il y ait, comme au congrès d’Epinay, une rupture avec la pratique antérieure.

Vous ne semblez pas apprécier le vent en poupe des Verts…
Il y a beaucoup de complaisance à leur égard et de Cohn-Bendit en particulier. Leur score aux européennes est surfait. Les commentateurs oublient toujours qu’il y a eu 60% d’abstentions, et que les écologistes, s’ils ont réalisé 16% des exprimés, n’ont totalisé que 6,3% des inscrits. Le PS, aussi bien que Sarkozy leur font la cour par opportunisme. Les problèmes de fond ne sont pas traités.

Votre projet républicain est-il adapté aux temps actuels ?
Clemenceau disait déjà que la République est une idée toujours neuve. C’est encore vrai aujourd’hui. Les propositions que nous faisons dans l’ordre national et international sont cohérentes : planification de la transition énergétique, réindustrialisation du pays à partir d’un grand ministère de l’Industrie et de la Recherche, nationalisation des banques au prorata des concours apportés par l’Etat, réglementation des marchés financiers. La priorité est à la politique. Nous en appelons aux citoyens. Il faut une refondation républicaine de la gauche.

Seize thèses pour penser l’avenir, par Jean-Pierre Chevènement

Créé par le 31 août 2009 | Dans : Blog du Che, Débats autour de la refondation de la gauche, Fédérations MRC d'Aquitaine, Le Che, Projet politique, Une autre mondialisation

Grands textes

Développements de Jean-Pierre Chevènement, après son intervention à l’université d’été du Parti socialiste à La Rochelle, samedi 29 août 2009. (Ce texte n’est pas celui de l’intervention de Jean-Pierre Chevènement. Il la nourrit et la développe)


Seize thèses pour penser l'avenir

Première thèse : Le cycle néo-libéral se ferme

Le problème de la gauche aujourd’hui est que, confrontée à la grande crise du capitalisme financier, qu’elle a non seulement laissé s’installer mais fortement contribué à mettre ou à maintenir en selle en Europe, en France après 1983, en Grande-Bretagne avec Tony Blair, en Allemagne avec Gerhard Schröder, et en Italie avec Romano Prodi, elle se bat les flancs sans voir quoi d’autre mettre à la place. C’est une crise de l’imagination qui n’est pas sans lien avec une pratique politique opportuniste qui a éloigné de la gauche les couches populaires.

Pour beaucoup de femmes et d’hommes se disant « de gauche », la dictature de l’actionnariat à travers les marchés financiers régentant l’allocation du capital, la production, les échanges et la reproduction sociale paraît être aujourd’hui inévitable et comme procédant de la nature des choses. Sans doute la gauche sociale-libérale peut-elle imaginer quelques correctifs à la marge (RMI, CMU) mais la domination des marchés financiers qui s’est installée depuis trente ans sur les décombres du fordisme, du keynésianisme, de l’Etat-providence et des régulations nationales, semble borner son horizon. Cette gauche doit donc penser l’impensable : qu’il puisse y avoir un « au-delà » du capitalisme financier, que les marchés financiers ne bornent pas l’horizon de l’Humanité, que ce sont les peuples et les nations qui font l’Histoire et qu’il est temps de remettre celle-ci consciemment en marche. A une gauche digne de ce nom, il faut donc penser et proposer un dépassement du capitalisme financier à travers des mesures concrètes réalistes et convaincantes. C’est ainsi seulement qu’elle pourra surmonter le discrédit qui est le sien dans les couches populaires, convaincues aujourd’hui que le social-libéralisme n’a été et ne peut être qu’une stratégie d’accompagnement de la mondialisation financière honnie. Bref, il lui faut être crédible et elle ne peut l’être, comme après Epinay, qu’à partir d’une autocritique, qui vaille rupture aux yeux du plus grand nombre, avec la pratique antérieure.


 

Deuxième thèse : La social-démocratie correspond à un âge aujourd’hui révolu

L’équilibre entre le travail et le capital a été rompu par la globalisation financière. L’effondrement du communisme, dont la puissance d’intimidation avait d’ailleurs depuis longtemps décliné, a privé la social-démocratie d’un moyen de chantage et d’une rente de situation commodes. La part des salaires dans le revenu national a diminué de dix points depuis les années quatre-vingt. Sur trente ans, en France, le pouvoir d’achat des salaires n’a augmenté que de 0,8 % par an. Le lien entre productivité et rémunération du travail a été rompu à l’échelle mondiale. Parallèlement, les taux de syndicalisation enfin ont fortement chuté. La politique social-libérale, dite « de troisième voie », a échoué. La gauche dominait onze gouvernements de l’Union européenne sur quinze à la fin des années quatre-vingt-dix. Elle a partout perdu le pouvoir ou est en voie de le perdre, ainsi en Grande-Bretagne et en Espagne.

Comment cette gauche échouée pourrait-elle relever ce défi qui peut paraître sans précédent ? Au moins cinq « fins de cycles » se superposent : la fin de la domination occidentale sur le monde avec le déclin plus qu’engagé de l’hégémonie américaine, celles, au fond, jumelles, du communisme et de la social-démocratie, l’épuisement déjà ancien de la gauche libérale classique et enfin l’achèvement du cycle court social-libéral avec la crise du capitalisme financier dont il n’était au fond que l’ombre portée.

Troisième thèse : Le ressourcement de la gauche dans les valeurs de la République

A ce stade, la gauche ne peut se ressourcer qu’à ce qui fait son identité historique depuis plus de deux siècles :

- d’abord une volonté d’égalité qui n’est pas l’égalitarisme, mais la capacité donnée à chacun d’aller au bout de ses possibilités ;
- ensuite une volonté de raison qui doit nous inciter à « penser le monde » d’aujourd’hui mais aussi à revenir aux sources de la République en s’adressant au peuple tout entier.

La « classe des producteurs » ne s’identifie plus, en effet, à un « bloc de classe » homogène. Les services multipliés font partie de la production. Des statuts différenciés recouvrent la réalité de la création de la valeur. Celle-ci ne peut plus s’analyser que dans un contexte mondial. Et s’il y a des gagnants et des perdants dans la globalisation, le fait majeur est aujourd’hui la paupérisation des classes moyennes. La définition de la social-démocratie comme parti de la classe ouvrière ne correspond plus à la réalité observable. Le retour aux sources de la République esquissé jadis par Jaurès : l’appel à la raison du citoyen correspond mieux au stade actuel de développement de la société. La gauche gagnerait donc à se définir comme « parti républicain du peuple », en fonction d’un intérêt général répondant à l’intérêt social global.

Quatrième thèse : Le sens de la mutation républicaine

La gauche doit donc faire sa mutation républicaine. Cela ne la détournera pas, bien au contraire, des couches populaires qu’elle ne pourra reconquérir que sur cette base. Et pas davantage des couches moyennes dont l’instabilité peut d’autant mieux être combattue par un appel permanent au civisme et au dépassement qu’elles se trouvent précarisées par la logique du capitalisme financier.

Que signifie l’appel à l’intérêt général ? Celui du peuple français, bien sûr, dont la gauche sollicite les suffrages. Mais intérêt général aussi de l’Humanité tout entière car la planète est devenue petite, intérêt général à l’intérieur duquel il y a évidemment place pour un intérêt européen bien compris : l’Europe n’existera en effet que si elle ne se laisse pas écraser entre les Etats-Unis et la Chine. Dans un monde devenu multipolaire, c’est le rôle de la France de faire émerger un pôle européen autonome.

Cinquième thèse : Comprendre la crise, économique mais aussi géopolitique

Pour penser l’intérêt général il faut d’abord comprendre le monde. La montée de pays émergents et la nouvelle multipolarité du monde marquent la fin d’une période de plus d’un demi-siècle, celle de l’hégémonie américaine. Certes ce grand pays a tout son avenir devant lui et les Etats-Unis resteront encore longtemps une « nation incontournable ». Ce qui marquera les prochaines décennies ce sera la montée de l’Asie, et plus généralement des pays milliardaires en hommes, à commencer par la Chine et l’Inde.

La relation sino-américaine est d’ores et déjà structurante pour le XXIe siècle. Elle l’est dès aujourd’hui pour l’avenir du libre-échange et pour celui du dollar. La parité entre le yuan et le dollar exprime la réalité actuelle de ce qu’on a appelé improprement le G2. Le modèle de développement qui a prévalu depuis trente ans a été fondé sur la liberté donnée au capital occidental, aux firmes multinationales et aux fonds d’investissement de mettre en concurrence les territoires et les mains d’œuvre, sous l’égide d’une monnaie mondiale qui est aussi et d’abord celle des Etats-Unis. Ce modèle a généré des déséquilibres profonds entre pays excédentaires en marchandises et en épargne (Chine, Japon, Allemagne, pétromonarchies) et pays déficitaires (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Espagne). La stagnation du pouvoir d’achat a favorisé l’endettement.

Sixième thèse : Ces déséquilibres vont s’accroître

Les plans d’assainissement financiers et les plans de relance mis en œuvre depuis 2008 vont accroître les déséquilibres au lieu de les corriger.

De nouvelles crises sont à l’horizon : au plan monétaire, au plan économique et au plan commercial. Le capitalisme financier va voir sauter les unes après les autres les « régulations de marché » sur lesquelles il a fondé son développement : marchés financiers par une remise en cause de la liberté de mouvement des capitaux et par des mesures de sauvegarde monétaire, échanges internationaux par une remise en cause d’un libre échangisme qui fait fi des sociétés et des nations qu’on ne peut « délocaliser » comme les entreprises en vertu de la loi ricardienne des avantages comparatifs. Cela se fera à bas bruit pour commencer, et cela partira de la tête, c’est-à-dire des pays leaders : Etats-Unis, Chine d’abord.

Septième thèse

Le premier risque dans le monde qui vient est de voir s’opposer les pays du Nord et les pays du sud.

- Le premier épisode a été la « guerre des civilisations » décrétée d’une part par Al-Quaïda et, d’autre part stupidement, en réponse, par l’Administration Bush, en 2001-2003. On a vu avec l’invasion de l’Irak que les enjeux de cette guerre étaient dissimulés. La globalisation financière porte en elle des tensions qui se déchargent en crispations identitaires, violences paranoïaques, mises en scène guerrières et stratégies prédatrices.

- Le deuxième risque est celui d’un conflit ouvert entre les Etats-Unis et la Chine.

- Le troisième risque, pour nous décisif, voit déjà l’Europe prise en étau et en otage de la relation sino-américaine, écrasée entre la concurrence du dollar et celle des marchandises produites à très bas coût.

Ce risque est d’autant plus difficile à conjurer que l’Union européenne actuelle est une machine d’impuissance : structurellement libérale et tournée vers la préservation des actifs boursiers, elle nous désarme sur le plan commercial, à l’OMC, comme sur le plan monétaire, avec un euro toujours plus fort. Au cœur de cette impuissance, il n’y a pas seulement l’effondrement du mythe fédéraliste européen (il était inévitable et il a au moins l’avantage de nous débarrasser d’illusions coûteuses), il y a surtout une politique économique non coopérative de l’Allemagne : déflation salariale et recherche de l’hypercompétitivité, accumulation d’un excédent commercial massif au détriment d’abord des partenaires européens, refus d’un gouvernement économique de la zone euro et recherche d’un euro fort. L’Allemagne a la politique de sa démographie vieillissante. Il lui faut accumuler des excédents propres à nourrir une stratégie d’investissement et de placements extérieurs, sources de dividendes et de revenus ultérieurs, censés lui permettre de financer ses retraites et ses dépenses de santé. En fait cette stratégie se confond avec celle du capital financier. Elle n’a pas empêché la régression de la base industrielle du pays.

Nous sommes loin de « l’Allemagne européenne » prêchée jadis par le Chancelier Kohl. Il est sans doute heureux que l’Allemagne redevienne une nation « normale ». Il serait plus heureux encore qu’elle ne revienne pas à sa tradition particulariste (le « Sonderweg ») mais qu’elle fasse sienne une conception républicaine de la nation ouverte sur l’Universel. Car cette stratégie d’accumulation d’excédents est à courte vue. Elle est fondée sur une restriction de la demande qui pèse sur la croissance allemande aussi bien que sur la croissance européenne. Une nation allemande « républicaine » doit être capable de dialoguer avec les autres nations européennes sur la base d’un intérêt général partagé, sous réserve, bien évidemment, de réciprocité.

Comment sortir de cette crise systémique ?

Huitième thèse : Le capitalisme se veut « sensiblement éternel »

Depuis que le système capitaliste a pris forme, à partir de la révolution industrielle de la fin du XVIIIe siècle, ou même, selon Immanuel Wallerstein, depuis le début du XVIe siècle, il n’a cessé d’aller de crise en crise, par oscillations successives vers des développements toujours nouveaux.

Le capitalisme lui-même est fondé sur une prétention à retarder indéfiniment le moment de sa chute. Fondé sur un déséquilibre structurel, bien mis en valeur par Karl Marx, il revendique, grâce à des modèles de croissance constamment renouvelés, une capacité inépuisable à affronter le futur : le capitalisme, parce qu’il se veut « naturel », conforme à la nature des choses et d’abord à la « nature humaine », se présente comme « sensiblement éternel », comme les nations, selon Maurras.

Un doute, certes, l’a envahi, dont témoigne l’expression désormais banale, de « croissance soutenable ». Mais la pensée conforme, celle de ceux qui pensent à l’intérieur du système, ne peut imaginer par définition qu’il puisse y avoir un quelconque « au-delà ».

Par « croissance soutenable », le capitalisme désigne une « croissance verte » où il intègre les coûts de l’environnement et développe de nouveaux secteurs. Il ne se remet pas en cause : le vert est aussi la couleur du dollar.

Neuvième thèse : Une autre logique que celle de l’accumulation financière

Sans prétendre substituer du jour au lendemain un autre système au capitalisme financier actuel, nous pouvons imaginer l’introduction d’une autre logique, politique celle-là, dans le fonctionnement des marchés financiers, en vue de les orienter, de les encadrer voire de les réduire.

Notre première tache sera donc de parvenir à la définition d’un intérêt général mondial et européen dans l’inévitable compétition des monnaies et des économies. La vocation européenne de la France ne se substitue pas en effet à une vocation mondiale plus générale. La France est membre du Conseil de Sécurité des Nations Unies, et figure au nombre des puissances nucléaires reconnues. Elle est la tête de la francophonie, répandue sur cinq continents. Sa diplomatie est une des toutes premières du monde. Son histoire, enfin, la rend comptable de l’avenir des idées républicaines et de l’héritage de la Révolution de 1789, non seulement en Europe mais dans le reste du monde.

Pour ce qui est de l’Europe, la question-clé sera évidemment celle de l’avenir de la zone euro, hétérogène économiquement et sujette à des divergences profondes de politique économique. Cette zone euro n’a pas de pilote. Le traité de Maastricht qui, en matière de change, donne le pouvoir à l’Eurogroupe, n’est pas appliqué. Il faudra amener l’Allemagne à une vision plus coopérative de sa politique économique. La limitation constitutionnelle à 0,35% du PIB du déficit budgétaire, à horizon 2012, ne rendra pas facile cette coopération. Évidemment la question de l’euro est indissociable de celle du dollar.

Le principe de la concurrence ne doit plus s’opposer à celui d’une politique industrielle si possible à l’échelle européenne (par exemple dans le domaine de l’énergie) même si cette politique européenne reste une juxtaposition coordonnée de politiques nationales. Pas davantage le principe de la concurrence ne doit faire obstacle à la réaffirmation du rôle des services publics.

La tâche des Européens, dans l’ordre international, est de ne pas se laisser entraîner dans une quelconque croisade, soit contre l’Islam (mais tel ne paraît pas être l’orientation du Président Obama), soit contre la Russie ou encore contre la Chine, ou plus généralement contre les pays émergents. Les crises favorisent toujours les guerres. À cet égard, la question du « modèle de développement » est centrale pour « penser l’avenir ».

Dixième thèse : Modèle de développement soutenable et révolution énergétique

Les trois quarts de l’Humanité aspirent au développement. C’est pour quatre milliards d’hommes une question vitale et c’est une question de dignité. Le problème de notre modèle de développement actuel est qu’il n’est pas reproductible tel quel. Nous devons le faire évoluer en même temps que nous devons promouvoir un développement soutenable à l’échelle de la planète, c’est-à-dire économe des biens rares dont dispose l’Humanité (énergies fossiles, eau, air, sols, etc.). Et nous devons le faire en coopération avec les pays émergents. La révolution énergétique est, de ce point de vue, évidemment décisive : préservation de la forêt notamment dans les zones équatoriales, charbon propre et capture du CO2 notamment en Chine et en Inde, économies d’énergies, énergies nouvelles notamment solaire, énergie nucléaire dans la perspective notamment d’un réacteur de quatrième génération.

Pour mener à bien cette révolution énergétique, il faut se défaire de tout dogmatisme. Le problème des énergies renouvelables telles que l’énergie solaire est qu’elles sont encore très loin d’être compétitives. Le coût du Kwh d’origine solaire photovoltaïque est encore cinq fois supérieur à celui du Kwh produit à partir d’une turbine à gaz ou d’une centrale nucléaire. Celui du Kwh d’origine éolienne en représente le double. Il faut donc que le consommateur ou le contribuable paye la différence. Certes, on peut parier sur l’élévation inévitable du prix des carburants fossiles et sur l’abaissement probable des coûts de production résultant des progrès de la recherche en matière d’énergies nouvelles, mais cette prise de risque ne peut se faire inconsidérément, indépendamment d’une vue économique des choses au sens étymologique du terme.

Onzième thèse : Pour une négociation globale entre le Nord et le Sud

Penser cette transition énergétique implique que nous évitions d’opposer l’Homme à la Nature le premier devenant le grand « perturbateur » d’une vie naturelle rêvée. Éviter aussi d’organiser de « fausses peurs » comme on l’a vu sur d’autres sujets : pluies acides, poulet à la dioxine, etc. Il faut aussi cesser d’apporter de l’eau au moulin du capitalisme financier en crise, en cultivant le mythe de la « décroissance ». Le problème des inégalités ne pourra être résolu par le malthusianisme. Celui-ci s’est révélé être, depuis les prophéties de Malthus au début du XIXe siècle, une erreur historique : car si la limitation des ressources naturelles est une évidence, les ressources de l’Homme, en inventivité, créativité, progrès des connaissances et de la technologie sont, elles, illimitées. Confiance en l’Homme !

La gauche est inséparable de la volonté de raison et elle ne doit pas renier l’héritage des Lumières, c’est-à-dire le primat des valeurs de la connaissance. Il n’y a pas de raison de jeter un interdit sur une technologie comme l’énergie nucléaire ou le génie génétique sans débat approfondi sur les avantages, les risques, les conséquences éventuelles, etc. Prenons garde à ce qu’un certain catastrophisme écologique ne serve pas de munition contre les pays émergents, dans une « guerre des civilisations » d’un nouveau type. L’enfer est pavé de bonnes intentions.

Le droit au développement des pays du Sud est un droit inaliénable. Ainsi l’objectif que se fixe la Chine de parvenir à une économie de « moyenne aisance » généralisée à l’horizon 2025 pour l’ensemble de sa population n’est pas contestable. Encore faut-il que la Chine et les pays émergents soient sensibilisés à l’intérêt général de l’Humanité. Une négociation globale est nécessaire liant tous les enjeux (commercial, monétaire, climatique, maîtrise des armements, etc.). La communauté internationale doit élaborer les règles dont nous avons besoin pour lutter par exemple contre le réchauffement du climat, pour opérer la transition énergétique, pour combattre les pandémies d’un nouveau type, etc. On ne doit pas faire l’économie d’une certaine planification des investissements à l’échelle mondiale. La France a tout son rôle à jouer pour animer et aider à coordonner les négociations internationales nécessaires.

Douzième thèse : La question du modèle de développement est indissociable du dépassement du capitalisme financier

A) La tâche la plus urgente est de remédier aux déséquilibres économiques fondamentaux qui ont engendré la crise.

Déficits abyssaux aux Etats-Unis. Excédents commerciaux et excès d’épargne chez les autres. On n’en a pas pris le chemin. Une relance équilibrée et réellement concertée n’a pas été possible jusqu’ici. C’est un échec du G20. La réforme du système monétaire international a été différée, mais chacun pressent qu’elle ne pourra plus l’être indéfiniment. L’assainissement financier du système bancaire est sans doute loin d’être terminé. L’ubris des financiers guette plus que jamais.

B) Les propositions que j’avance sont des pistes à explorer pragmatiquement en fonction des alliances internationales qui pourront être nouées :

1. Relance concertée des économies dans le cadre d’un New Deal mondial. Un effort supplémentaire sera demandé à chacun (davantage d’épargne aux Etats-Unis, relance du marché intérieur en Chine, sécurité sociale, relance allemande et japonaise, financement du développement de l’Afrique et des PMA).
2. Création d’une nouvelle monnaie internationale de réserve reflétant la place des différents pays dans l’économie mondiale et ayant vocation à se substituer au dollar. L’émission de 250 Milliards de DTS par le FMI est un premier pas. Il faut aller beaucoup plus loin pour aider au développement des pays pauvres.
3. Nouveaux « accords du Louvre », fixant des fourchettes aux parités monétaire (dollar, euro, yen, yuan) afin de parvenir à une concurrence équitable.
4. Redéfinition du mandat de l’OMC (en fonction des principes comme la « concurrence équitable » et la « souveraineté alimentaire »).
5. Plan mondial d’aide à l’Afrique et aux PMA.
6. Contrôle du crédit par la voie de nationalisations bancaires.
7. Réglementation des marchés financiers visant à éliminer les fonds purement spéculatifs.
8. Chasse aux paradis fiscaux et traçabilité obligatoire des mouvements de capitaux, les banques devant être tenues de communiquer à la police et à la justice leurs archives informatiques.
9. Réintroduction d’éléments de planification au niveau régional et mondial par exemple en matière :
- de politique énergétique ;
- d’autosuffisance alimentaire (suspension des négociations agricoles de l’OMC et redéfinition du mandat de l’OMC sur cette base) ;
- de planification industrielle ;
- d’eau potable et de grandes infrastructure (assainissement, routes, chemins de fer, hôpitaux, écoles).

Treizième thèse : Le rôle des nations

Une impulsion mondiale est nécessaire. La France doit porter cette vision, en Europe et dans le monde. Mais cette impulsion ne dispense pas, bien au contraire, d’efforts nationaux. Ce sont les peuples qui sont à l’initiative de l’Histoire et pas les réunions épisodiques de dirigeants confiant à des technocrates le soin de mettre en œuvre des orientations imprécises. Le ressort de la démocratie est nécessaire. Celle-ci vit d’abord dans les nations. Celles-ci sont les briques de base de toute construction internationale.

Quatorzième thèse : Le retour de la France et de la République

Le mythe fédéraliste européen épuisé, il faut revenir à l’idée de nation républicaine, seul socle solide d’une Confédération européenne efficace. Celle-ci est une tâche d’autant plus urgente que l’Europe ne peut s’en remettre indéfiniment aux choix de l’Administration américaine et devra de plus en plus apprendre à compter sur elle-même.

La France a un rôle majeur à jouer en Europe et dans le monde : rôle de catalyseur, rôle d’intercesseur. La gauche doit assumer sans complexe la nation française, son histoire, ses valeurs républicaines, et bien sûr ses intérêts légitimes.

Quinzième thèse : En France même, défrichons quelques pistes pour refaire l’Etat

1. Les fonctions régaliennes – police, justice, immigration – doivent être assumées fermement et humainement, sans complaisance pour les idéologies victimaires-compassionnelles incompatibles avec l’exercice d’une politique républicaine qui seule peut donner confiance aux couches populaires. Refus du communautarisme et de la dictature des minorités autoproclamées – appel au civisme républicain et pratique active de la démocratie.

2. Constitution d’un MITI à la française liant tous les moyens de l’Etat y compris en matière d’aménagement du territoire :
- pour favoriser les secteurs d’avenir (énergies, transports, industrie agroalimentaire, pharmacie, services) ;
- préserver le noyau dur de nos industries (automobile), réindustrialiser le pays à partir de stratégies de recherche et d’innovation conçues à géométrie variable à l’échelle européenne si possible et en coopération avec les régions et les collectivités.

3. Donner la priorité au développement des ressources humaines – formation, recherche – en mettant l’accent sur l’effort, le travail, le mérite, tout en valorisant l’ensemble des ressources humaines dont dispose le pays à commencer par sa jeunesse, vivier privilégié.

4. Affirmer la nécessité d’un effort partagé :
- à travers la politique des revenus et la limitation des rémunérations les plus élevées ;
- à travers la fiscalité (fin du « bouclier fiscal »). Progrès et justice doivent aller de pair.

Seizième thèse : L’alternative au capitalisme financier mondialisé : une république des peuples

L’alternative n’est pas entre capitalisme et social-démocratie, pas même entre deux formes de capitalismes, néo-conservateur d’un côté, social-libéral de l’autre. Elle est entre un libéralisme mondialisé destructeur de richesses et de valeurs et une République des peuples, prenant appui dans la démocratie, le sens de l’intérêt collectif, liant dans chaque nation un sein patriotisme républicain et un civisme ouvert à l’universel.

Ce n’est pas le socialisme ? Non, c’est la République, mais la République au sens fort du terme, une exigence de tous les instants, une éthique à la fois de la conviction et de la responsabilité.

Pourquoi opposer l’une à l’autre, en effet ? C’est le propre de la République de faire aller de pair l’exigence dans la recherche de la vérité et la mesure dans l’action, c’est-à-dire l’audace raisonnée qui consiste à savoir où on va et à chaque moment ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, ou pas encore. 
 

Jean-Pierre Chevènement le Lundi 31 Août 2009

A La Rochelle, l’ex-gauche plurielle sceptique sur les primaires

Créé par le 29 août 2009 | Dans : Débats autour de la refondation de la gauche, Parti socialiste

Le principe de primaires ouvertes pour la présidentielle de 2012, acté vendredi par la numéro un du PS, Martine Aubry, a reçu, samedi 29 août, un accueil mitigé des partenaires de l’ex-gauche plurielle, invités pour la première fois à l’université d’été de La Rochelle. Même chez les socialistes, passé le moment l’euphorie de la veille, l’heure était davantage aux interrogations, chacun y allant de son explication sur la définition du mot « primaires ». 

Après l’affiche de Marseille, le week-end dernier, rassemblant autour de Vincent Peillon un éventail large, de Daniel Cohn-Bendit à Marielle de Sarnez (MoDem), Martine Aubry a préféré réunir à La Rochelle les leaders de l’ex-gauche plurielle, rebaptisée « gauche solidaire » par la première secrétaire socialiste. Mais là, pas d’images, Mme Aubry ayant prévenu qu’elle préférait « le collectif » aux « belles photos ».

« LE CHEMIN DE LA DÉFAITE À GAUCHE »

Cependant, l’annonce du principe de primaires ouvertes, ainsi que l’éventualité d’un rapprochement entre le PS et le MoDem, a quelque peu rafraîchi l’humeur de ses invités – PCF, Verts, PRG et MRC. Particulièrement critique, Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, n’a pas caché sa lassitude devant « la gauche qui n’arrive pas à se relever », une « gauche qui donne le spectacle d’un débat politicien ». Pour lui, une seule question compte : « Oui ou non, sommes-nous pour la constitution d’un projet à gauche ? » Et de stigmatiser une alliance PS-MoDem dont la gauche « ne se relèverait pas ». Depuis le Vieux-Boucau, dans les Landes, où se tient l’université d’été du PCF, la numéro un Marie-George Buffet a tranché plus clairement encore : les primaires, « c’est le chemin de la défaite à gauche ».

La secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot, a appelé à répondre « à la crise du modèle de civilisation », estimant que « s’inquiéter de questions de tactique et de stratégie » n’était « pas à la hauteur de l’enjeu ». « On ne s’en sortira pas par un nouveau meccano électoral », a-t-elle souligné. Mme Duflot était la seule des responsables de gauche – sans compter Mme Buffet, retenue au Vieux-Boucau – à ne pas être présente au déjeuner offert par Martine Aubry à ses amis de « la gauche solidaire ». « Non, je ne boude pas », a rassuré la responsable Verts.

Seul à afficher sa satisfaction à l’ des primaires ouvertes, le président du PRG Jean-Michel Baylet, faisait valoir que son parti avait été le premier, en 2006, à déposer une proposition de loi en ce sens. Mais à une condition: que des candidats non socialistes puissent également concourir. « S’il s’agit de désigner le candidat socialiste, alors c’est pas la peine de nous inviter », a-t-il prévenu.

« PARVENIR À UNE GAUCHE UNIE »

Ancien socialiste, Jean-Pierre Chevènement, président du MRC, qui n’était pas intervenu depuis vingt ans devant les militants PS, n’a pas dit un mot des primaires. Il a réclamé un « débat entre les partis de gauche exigeant, rigoureux, sans concession et sans polémiques excessives ».

Le maire PS de Paris, Bertrand Delanoë, a insisté sur le rassemblement des partis de gauche visant à « une alternance à gauche ». « On ne pourra pas toujours repousser à demain l’unité de la gauche. Nous sommes beaucoup plus semblables qu’on ne veut le croire », a renchéri le porte-parole du PS, Benoît Hamon.

A ses partenaires, Mme Aubry a fait valoir qu’il « fallait parler d’abord des idées pour parvenir à une gauche unie ». Dans les rangs socialistes, avant le vote des militants le 1er octobre, les primaires divisent toujours. François Hollande et Laurent Fabius veulent les réserver aux seuls candidats socialistes alors que d’autres, comme Arnaud Montebourg, plaident pour les ouvrir à des candidats de la gauche non socialiste.

LEMONDE.FR avec AFP | 29.08.09

Objectifs stratégiques, équations partisanes et primaires à Gauche

Créé par le 29 août 2009 | Dans : a1-Abc d'une critique de gauche. Le billet de XD, Débats autour de la refondation de la gauche

Le principe des primaires à gauche, exigence revendiquée à cor et à cri par la vedette de l’université d’été, Arnaud Montebourg, trouve enfin un écho dans la déclaration d’ouverture de Martine Aubry à La Rochelle. La patronnesse du P.S entrouvre la porte en évitant toute crispation sur le sujet jusqu’alors tabou. Principe acté mais compliqué cependant par l’avancée à découvert de l’ancien complice du secrétaire à la rénovation, ex-membre du NPS lui aussi, le philosophe et animateur du courant « Espoir à gauche », dans son offre simultanée de grande alliance ouverte au Modem.

Par delà les difficultés sur les modalités pratiques qui seront, en leur temps, vite résolues, la double question du périmètre et de l’identité de la gauche rassemble toute la problématique, la formule introuvable des primaires à Gauche restant par ailleurs inconciliable, en l’état, avec les équations partisanes.

Un rapide tour d’horizon illustre cette difficulté. La stratégie du Front de gauche, peu efficiente lors du scrutin des élections parlementaires européennes, voudrait agréger toutes les sensibilités de la gauche du P.S jusqu’au NPA. Elle souffre d’une divergence sérieuse de perspectives entre ce dernier qui reste campé sur des positions de refus de principe de toute alliance avec le P.S et les visions embuées du P.C et du Parti de gauche en grande incertitude sur leur capacité d’infléchir un rapport de forces à gauche. Ces deux là doivent, par delà leur rivalités internes, trouver une formule d’alternative à leur désaccord stratégique initial avec le NPA pour arriver néanmoins à embarquer ce dernier dans une compétition permettant un score significatif de la gauche de gauche aux prochains scrutins pour mieux préparer le premier tour de la présidentielle. Scrutin dans lequel ils espèrent bien se compter !

Plus réalistes, les amis de Jean-Pierre Chevènement mesurent l’intérêt d’une grande alliance préalable à l’élection majeure pour réorienter la politique nationale et européenne. Mais ils récusent par avance toute combinaison qui trahirait cet objectif stratégique en posant d’emblée la question identitaire de son contenu.

Au P.S d’aucuns croient encore en la possibilité d’une primaire réservée aux seuls encartés et sympathisants socialistes. Cette vision sectaire, dénoncée jadis par l’ex-candidate socialiste aux présidentielles, n’est qu’un pet mouillé évacuant inélégamment la substance même du débat. Elle ne peut aller bien loin. La difficile crédibilité des socialistes gagnés à l’idée d’une représentation des autres sensibilités tient toute entière dans l’impossible équation, en l’état, entre cette offre et leur posture vis à vis des centristes. D’où l’incapacité de leur première secrétaire à disserter plus au fond de la question qui viendra à son heure. Pétard mouillé que cette annonce imprécise ? Voire !

Les voeux pieux de Marie-Noëlle Lienemann - ancien ministre et figure de proue, avec Paul Quiles, de Gauche-Avenir – en faveur d’une primaire intégrant les socialistes, les amis de Jean-Pierre Chevènement, les Verts, les radicaux de gauche et le Front de gauche, sans exclusive, sont un signe manifeste de bonne volonté. Mais au delà des formules incantatoires, il reste à s’entendre sur le fond de cette perspective stratégique. En l’absence de projet partagé cet espoir à gauche relève bel et bien d’une impossible alchimie.

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Dans 20 minutes : Les primaires ouvertes, une option à double tranchant, par Catherine Fournier

Créé par le 28 août 2009 | Dans : Débats autour de la refondation de la gauche, Parti socialiste

Créé le 27.08.09 à 19h35 | Mis à jour le 27.08.09 à 19h35  |dans 20 minutes

A lire aussi http://www.20minutes.fr/article/343445/Politique-Les-primaires-ouvertes-une-option-a-double-tranchant.php

  • Actu : Martine Aubry pour des «primaires ouvertes» au PS
  • Pratique : Primaires ouvertes à gauche, mode d’emploi
  • Primaires ouvertes : Qui pense quoi au PS?
  • Réactions : La décision d’Aubry fait (presque) l’unanimité
  • L’année du PS 4/4 : Les européennes chez les socialistes, piège en eaux troubles

POLITIQUE – Les effets de ce dispositif aux modalités encore floues peuvent être inattendus pour le PS comme pour les éventuels candidats…

Le principe de primaires «ouvertes» pour désigner le candidat du Parti socialiste ou de la gauche à la présidentielle en 2010 semble acquis. Martine Aubry vient de s’y rallier publiquement, dans une tribune parue dans Le Monde daté de vendredi. Contrairement à 1995 ou 2006, le scrutin ne serait pas réservé aux seuls adhérents du parti mais à tous les «sympathisants» des partis concernés par le vote. Une option à double tranchant, et ce à plusieurs niveaux. 20minutes.fr fait le point.
 
La faisabilité: avec ou sans les autres partis?
 
C’est la grande inconnue de ce nouveau mode de désignation: qui pourra voter et qui pourra se présenter? (
>> le mode d’emploi des primaires ouvertes, c’est ici >>). Si le fait que le scrutin soit ouvert à tous les «sympathisants» de gauche paraît crédible, celle d’un ralliement des candidats d’autres partis semble beaucoup moins envisageable. «C’est évident que François Bayrou ne va pas jouer le jeu des primaires ouvertes. Ce serait suicidaire car s’il perdait, ça l’empêcherait de se présenter en 2012», analyse le politologue Rémy Lefebvre, contacté par 20minutes.fr. «Si le MoDem participait à ces primaires, il s’inscrirait en rupture totale avec son patrimoine idéologique, ni droite ni gauche», estime pour sa part Frédéric Dabi, de l’institut de sondage Ifop, qui parle de «politique-fiction».
 
Selon lui, il est tout aussi improbable de voir un candidat du PCF ou du NPA participer, car il ne parviendrait pas à s’imposer face à ceux du PS, qui pèsent plus lourd à gauche. Du côté des Verts, poursuit-il, le seul challenger crédible, Daniel Cohn-Bendit, a déjà indiqué qu’il ne serait pas candidat en France. Le politologue Gérard Grunberg est moins catégorique: «Les socialistes auront intérêt à le proposer à l’ensemble [des partis, ndlr], même si les autres leur disent non dans un premier temps», affirme-t-il à l’AFP.
 
Les candidats: les outsiders ou les caciques du PS?
 
A qui peuvent profiter ces primaires ouvertes au sein du Parti socialiste? Là encore, les avis divergent. Pour certains, ceux qui mené campagne en faveur de ce mode de désignation avaient justement intérêt à ce que le jeu soit plus ouvert que d’habitude. «Il s’agit des outsiders, les Moscovici, Valls, Montebourg, Peillon, observe Rémy Lefebvre. Ça leur permet de tenter leur chance alors que, dans le système précédent, un candidat devait être parrainé par un certain nombre de membres du Conseil national et disposer de nombreux soutiens à l’intérieur de l’appareil.» Reste à savoir quelles conditions seront retenues cette fois-ci pour désigner les candidats.
 
D’autres considèrent que l’ouverture du scrutin jouera au contraire en faveur des
caciques du parti, plus connus à l’extérieur. «Selon le sondage Ifop pour Paris Match en juillet, 46% de personnes interrogées ne connaissaient pas suffisamment Manuel Valls, 38% Arnaud Montebourg et 44% Benoît Hamon», rappelle Frédéric Dabi. Ségolène Royal, Bertrand Delanoe, Martine Aubry, François Hollande bénéficieraient donc davantage d’un tel système.
 
«Il s’agit d’un piège formidable contre Dominique Strauss-Kahn, remarque le sondeur. Si les primaires sont organisées au premier semestre 2011, il faudrait qu’il quitte son mandat au FMI pour s’engager dans une bataille qui lui a déjà fait perdre des plumes en 2006.»
 
Le timing: avant ou après les régionales?
 
Patrick Mennucci, proche de Ségolène Royal et membre du courant L’espoir à gauche de Vincent Peillon, s’est prononcé pour une «convention nationale sur la rénovation du parti et les primaires dans les deux mois», soit avant les régionales. De l’avis des experts, ce timing pourrait être «dévastateur». «Si les principales prises de parole avant les régionales se font sur les primaires, le PS apparaîtra complètement en décalage avec les préoccupations des Français, plus préoccupés par les problèmes d’emploi et le pouvoir d’achat», pronostique Frédéric Dabi. Un décalage que l’UMP s’est empressé de souligner ce jeudi, par la voix du secrétaire d’Etat à l’Emploi. «Faire, dans cette période, une rentrée politique sur les primaires avait un côté indécent», a lancé Laurent Wauquiez.
 
Le rapport de forces à l’issue des régionales sera déterminant pour voir émerger les candidats potentiels au sein du PS, comme cela avait été le cas pour Ségolène Royal en 2004. «Si la gauche perd l’Ile-de-France par exemple, la donne ne sera pas la même», estime Frédéric Dabi, qui préconise ainsi d’attendre cette échéance pour organiser les primaires.
 
L’image du PS: innovante ou diluée?
 
La décision de procéder à des primaires ouvertes est perçue par certains comme une innovation dont le PS n’avait pas fait preuve depuis longtemps. «Il se passe quelque chose de sérieux et d’important au Parti socialiste. On ne peut plus dire que le PS ne bouge pas», indique Philippe Grunberg à l’AFP. Benoît Hamon, le porte-parole du parti, va plus loin, parlant d’une une «mini-révolution».
 
L’ex-ministre socialiste de la Défense, Paul Quilès, ne le voit pas de cet oeil: «Il y a une confusion totale sur ce qu’on propose de désigner. Le candidat du PS, du centre gauche, ou de la gauche et des écologistes?», s’interroge-t-il. Selon lui, «François Bayrou n’a évidemment pas la moindre intention de participer à ces primaires. Il attend juste que ce processus crée la confusion et fasse éclater le PS.»
 
Un avis partagé par Rémy Lefebvre. «Il s’agit d’une solution à risquée, qui peut mener à la liquidation du parti. Les primaires ouvertes sont soudain considérées comme une solution providentielle alors que ce n’est autre que le résultat de la vacuité intellectuelle du PS et de sa décomposition», poursuit le spécialiste, y voyant le signe que «le parti a fait le deuil de sa rénovation interne». Les militants risquent eux aussi d’être perdus. «Ils seront sans doute heureux d’apprendre que payer leur cotisation ne sert plus à rien puisque leurs dirigeants, Martine Aubry en tête, considèrent désormais que les seuls adhérents du PS sont incapables de désigner leur candidat pour l’élection majeure de la vie politique française», ironisait jeudi Yves Jégo, député UMP de Seine-et-Marne. 

Catherine Fournier

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