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Créé par sr07 le 05 juin 2008 | Dans : Articles de fond, environnement, Parti socialiste
• par Éric Aeschimann • http://philosophie.blogs.liberation.fr/noudelmann/2008/06/le-ps-et-lhomme.html
A la fin des années 60, Gotlib, dans la Rubrique-à-brac, chef d’œuvre de la pensée dialectique, avait inventé le personnage de «l’HAI». Comprendre : «l’homme à idées». Toutes sortes de personnes travaillant avec des «idées» (animateurs de jeux télévisés, artistes, scénaristes…) lui écrivaient pour lui expliquer leur problème. Doté d’un physique de cadre dynamique et d’un pouvoir de concentration exceptionnelle, l’HAI trouvait une «idée» et hop, passait à la demande suivante. Sauf qu’à la fin de la journée, il n’avait toujours pas compris la blague que son fils lui avait racontée le matin : «Dis, papa, tu sais pourquoi les paquebots ont trois cheminées ? Parce que les transat-lantiques !» Cherchant des idées «qui marchent», «qui aient du sens», des idées «utiles», il ne voyait plus que, parfois, certaines choses ne veulent rien dire.
Un think tank, qu’est-ce, sinon un regroupement d’ «HAI» ? La gauche réformiste vient d’en créer un nouveau : Terra Nova. Et le PS déclare qu’il est bien décidé, cette fois, à chercher de nouvelles idées. De cette bonne résolution, il en fait l’annonce comme d’une grande, d’une bonne nouvelle. En matière intellectuelle, la constitution d’une nouvelle équipe est toujours une bonne nouvelle. Mais la publicité que l’on se donne ainsi à bon compte n’est pas sans ambiguïté. Lancer à la cantonade «ça y est, on s’y met, on cherche des idées» peut vous valoir des «bravos», mais aussi un «ah bon ? jusqu’à présent, vous ne cherchiez donc pas d’idées ? et que faisiez-vous ?».
Or, tout d’abord, ce qui est annoncé comme une nouveauté n’en est pas une. Son surnom de Yoyo, Lionel Jospin l’a reçu en 1996, quand, devenu premier secrétaire du PS, il n’avait pu que constater le vide programmatique de son parti et avait lancé une série de conventions , d’où étaient des «idées» telles que les 35 heures, les emplois-jeunes, le non-cumul des mandats.
Devenu Premier ministre à l’issue de la dissolution de 1997, il mit en application ces «idées» au point que, à l’automne 2000, sa garde rapprochée, estimant que les promesses du PS ayant été tenues, expliquait benoîtement qu’elle était à la recherche de «nouvelles idées»… qu’ils trouvèrent lors de la campagne présidentielle de 2002 : «zéro SDF», «couverture logement universelle», «diminution de 50% de la taxe d’habitation »… Car c’est ça, ce qu’on appelle des «idées» dans le monde politique. Et pas seulement au PS.
Car il y a cette formule, «chercher des idées», dont on s’étonne qu’elle ne sonne pas plus bizarrement aux oreilles. Que l’on soit artiste ou responsable politique, « l’idée » ne se cherche pas à l’approche d’une campagne ou au moment de se mettre à peindre, puisqu’elle est cause qu’il y ait élection ou œuvre, puisqu’elle préexiste, puisqu’elle est condition d’existence de l’art ou de la politique. Une œuvre d’art est la projection, l’extériorisation, la mise en forme d’une idée. Un projet politique est, de la même façon, la mise en forme d’une idée politique. Par exemple : l’égalité, l’émancipation, le partage des richesses.
Certes, pour se faire réalité, l’idée s’exprime par des «mesures». D’où l’on pourrait objecter que ce n’est qu’affaire de mots : quand le PS part à la chasse aux «idées», il faudrait entendre qu’il cherche des «mesures». Mais une deuxième contradiction se présente alors : une mesure ne se trouve pas sous le pied d’un cheval, ni dans une pochette-surprise, déjà élaborée, ficelée, avec sa cohérence, ses effets, sa puissance propre. Une mesure, ça se construit ou, plus précisément, ça se déduit d’une idée politique. En réalité, le PS ne ment pas quand il dit qu’il manque d’idées. Très précisément, il manque d’idées politiques.
L’égalité ? Au fond, il n’y croit plus vraiment et il n’est pas le seul : l’échec du communisme est un spectre qui continue de hanter l’Europe. D’ailleurs, le fait même de croire en une «idée» paraît aujourd’hui un peu ridicule (ou criminel, c’est selon). On préfèrera les «valeurs», qui, sur les idées, ont l’avantage de ne pas engager à grand chose.
La «recherche d’idées» implique qu’une «idée» est un objet fini, une pensée qui préexisterait et qu’il suffirait de «trouver», comme on trouve des champignons à certains endroits de la forêt. Il n’en est rien. Une «idée» est un mouvement d’esprit qui engage entièrement celui qui la pense, avec son corps, ses souvenirs, ses désirs – qui mobilise la subjectivité autant que l’universel. En somme, l’idée est un acte et c’est bien ce qui fait peur.
Reprenons l’exemple de l’égalité : elle déploie des contradictions qui, pour l’heure, n’ont pas été résolues. Est-ce une raison pour y renoncer ? « Chercher des idées » ne consisterait-il pas, justement, à reprendre en son fondement l’idée d’égalité, d’en admettre les contradictions, de les faire travailler, en sachant qu’on ne les surmontera (probablement) jamais ? Mais une telle réflexion, littéralement infinie, dérogerait à l’idéologie du «une solution, tout de suite ! des idées, vite !»
Ainsi, aux idées sans fin, candidats et électeurs s’accordent-ils à préférer des idées finies : les fameuses «mesures». Si ce n’est qu’à force d’être glorifiée, la «mesure», la «bonne idée», vire toujours, à un moment ou à un autre, au «gadget».
Tout comme l’enfant se précipite sur le gadget dont il croit qu’il apaisera son désir, le monde politique va se saisir d’une «mesure» (les 35 heures, les emplois-jeunes, zéro-SDF, la taxe Tobin…) avec l’espoir fou qu’elle sera capable d’incarner, par sa seule puissance d’agir, une espérance politique que nous ne savons plus assumer. La déception est assurée et la rancœur ne tardera pas à se retourner contre l’expert qui l’a conçue.
Car la «mesure» se distingue également de l’ «idée» que, loin d’être l’affaire de tous et d’engager chacun, elle est l’apanage de ceux qui en maîtrisent les conditions techniques : les experts, les «hommes à idées». S’en remettre à eux (quelle que soit leur valeur et il y a à Terra Nova des gens de grande qualité), c’est croire que les problèmes de la gauche ne sont que «techniques». «Je déteste la gauche moraliste qui dit : on comprend ce qui se passe, mais on ne sait pas comment faire bouger les choses. » pointe Slavoj Zizek (Libération du 22 mai 2008). « Non, aujourd’hui, on ne comprend pas ce qui se passe. On a besoin de réfléchir. De tout repenser.»
Plus grave encore, attendre ainsi que des experts trouvent l’ «idée» qui soignera d’un coup les maux de nos sociétés, reflète un désir profond de s’épargner le souci de penser – un désir à l’œuvre dans les états-majors mais aussi chez les électeurs de gauche : «eux, ils proposent, moi, je dispose !» Mais ne pas penser par soi-même, c’est nier sa propre liberté, c’est se nier comme acteur politique.
Avec son allure de superhéros vaguement ridicule, typique des années 70, l’ «homme à idées» de Gotlib était le lointain descendant de la «conscience déchirée», cette «figure» par laquelle Hegel mettait en scène le salonard du XVIIIème siècle capable de défendre n’importe quelle idée du moment qu’elle lui est «utile».
Les salons n’existent plus, Superman est passé de mode; aujourd’hui, c’est un autre type d’«HAI» que l’on pourrait imaginer : une «Haute Autorité aux Idées», où des fonctionnaires habités par l’esprit de mission fourniraient en «idées» partis, associations, artistes et quiconque en ferait la demande. Financée par l’Etat, l’HAI serait, comme il se doit, présidée par Louis Schweitzer.
Créé par sr07 le 04 mar 2008 | Dans : environnement
Produire des tomates grâce aux rejets de pétrole ? Ce n’est plus l’éventuel fantasme d’un agriculteur écolo ou son pire cauchemar. Quatre producteurs de tomates, une commune balnéaire du nord des Landes, Parentis-en-Born, et une importante compagnie pétrolière canadienne, Vermilion, viennent de signer un accord afin de produire des millions de tomates sous serre en utilisant, comme ressource calorifique, les rejets du forage de Parentis, le plus grand gisement de pétrole de France en volume (2 100 barils par jour).
Le projet est impressionnant : construire, d’ici à 2012, 17 hectares de serres chauffées par une usine de cogénération, sous lesquelles grossiront chaque année 30 millions à 85 millions de tomates cultivées hors sol. L’investissement, de 20 millions d’euros, sera financé par les quatre agriculteurs, tous ingénieurs agronomes adhérents d’Odélis – un regroupement de cinq coopératives fruitières et légumières du sud de la France -, par les collectivités (conseil régional d’Aquitaine, conseil général des Landes), l’Etat et l’Europe. La ville de Parentis, elle, a servi de détonateur au projet et vendu ses terrains qui jouxtent le forage.
« C’est la réponse à des années de tracas et un rêve qui se réalise pour nous et la population », s’enthousiasme Pascal Valette, adjoint au maire, chargé du dossier. A terme, 120 personnes travailleront sur cette exploitation, dont la première mise en culture est prévue pour novembre. Une manne pour cette commune de 5 000 habitants qui a tendance à voir ses jeunes quitter le pays pour Bordeaux ou Mont-de-Marsan.
DÉMARCHE ÉCOLOGIQUE
Sur le plan technique, c’est une première française. Jamais encore des serres de fruits et de légumes n’avaient été chauffées avec des rejets de puits pétroliers. Concrètement, le gaz soufré sorti du forage, jusque-là brûlé par une torchère, sera récupéré pour alimenter une usine de cogénération qui le transformera en électricité. Celle-ci sera utilisée pour chauffer les serres. Même les eaux chaudes rejetées du forage à 60 oC (3 000 m3 par jour) seront envoyées dans une sorte de pompe à chaleur qui pourra apporter un complément calorifique.
Les serres elles-mêmes s’inscriront dans une démarche écologique. Leur eau sera utilisée en circuit fermé. Les tomates pousseront sur des substrats de fibres de noix de coco, ensuite recyclés. Enfin, les maraîchers privilégieront la lutte intégrée contre les nuisibles, c’est-à-dire avec des insectes plutôt qu’à l’aide de pesticides.
Dans cette affaire, toutes les parties ont compris les synergies possibles : la commune créera de l’emploi et des ressources financières nouvelles. Vermilion, dont le siège social est à Parentis – elle a racheté ce gisement et d’autres forages à Total en 1997 – va s’offrir une belle image de marque. Mais pas seulement : « Cela va montrer la volonté de pérenniser notre présence ici et le fait qu’il peut y avoir des synergies de métiers pourtant très différents », explique-t-on chez Vermilion. Le groupe canadien possède 16 autres concessions pétrolières (11 au total en Aquitaine et 6 dans le Bassin parisien).
Les maraîchers, eux, y voient la seule façon de concurrencer les pays à plus faible coût de main-d’oeuvre (Espagne, Maroc, Turquie) : « Près de 40 % de nos coûts de revient en serres proviennent de l’électricité, en augmentation de plus de 30 % ces dernières années, assène Bruno Vila, l’un des quatre producteurs associés au projet, également président d’Odélis. Alors, je pense que ce type de projet est une nécessité si on veut encore exister dans dix ans. » Chaque partie est persuadée que cette expérience fera des émules.
Article paru dans l’édition du Monde du 05.03.08
Créé par sr07 le 26 oct 2007 | Dans : environnement, Gouvernement
Un casting de rêve pour une superproduction franco-européo-hollywoodienne. Deux Nobel de la paix, un président de Commission européenne, des ministres en pagaille et du lobbyiste de haut vol… Le réalisateur Sarkozy avait tout prévu hier pour clôturer «son» Grenelle. Y compris l’arrière-plan tout en verdure des jardins de l’Elysée.
GUILLAUME LAUNAY et LAURE NOUALHAT
QUOTIDIEN LIBERATION : vendredi 26 octobre 2007
Un casting de rêve pour une superproduction franco-européo-hollywoodienne. Deux Nobel de la paix, un président de Commission européenne, des ministres en pagaille et du lobbyiste de haut vol… Le réalisateur Sarkozy avait tout prévu hier pour clôturer «son» Grenelle. Y compris l’arrière-plan tout en verdure des jardins de l’Elysée.
Cravaté en vert pour la circonstance, José-Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, a ouvert les festivités, gage de compatibilité européenne du Grenelle. Puis Al Gore, co-prix Nobel de la paix 2007 avec les scientifiques du Giec (Groupe d’experts sur le climat), a assuré la partie américaine du green-show, appelant de ses vœux un Grenelle mondial. «Je veux que dans une génération, nos enfants regardent 2007 comme l’année de l’action.»
Mais le clou du spectacle, c’était Sarkozy lui-même, lancé dans un discours à faire pâlir d’envie les écolos les plus convaincus. Le président n’a éludé aucun des sujets qui fâchent, donnant des réponses précises sur les pesticides, le nucléaire, et, bien sûr, la fiscalité. Il ne s’est pas épargné des détails d’écolo profond, telle que la suppression des simples vitrages et des ampoules à incandescence. Il a même renvoyé Jacques Attali à ses études en défendant ardemment le principe de précaution : «proposer sa suppression au motif qu’il bride l’action repose sur une profonde incompréhension. C’est un principe de responsabilité.» Jusqu’à reconnaître que «notre modèle de croissance est condamné». Et le président de faire son marché parmi les mesures issues du Grenelle (voir ci-contre). Surtout, Sarkozy s’inscrit déjà dans la prochaine étape : en juillet 2008, la France prendra la tête de l’Union européenne et elle entend être exemplaire sur les questions environnementales. «La France n’est pas en retard, mais elle veut désormais être en avance.»
Ce succès d’image ne doit pour autant masquer la précipitation qui a dominé la seconde journée de négociations. Après avoir fini avec deux heures de retard mercredi, les négociateurs se sont retrouvés dès potron-minet hier au ministère, boulevard Saint-Germain. Au menu : pesticides, OGM, agrocarburants, biodiversité, gouvernance, publicité… Démarrage à 7h30 avec l’obligation de rendre la copie à Sarkozy en début d’après-midi. Les sujets filent. A 10 heures, victoire sur les pesticides, les collèges tombent d’accord sur une division par deux sur 10 ans et enchaînent les discussions sur la fameuse trame verte, devant relier les espaces naturels français. Mais voilà qu’à midi, les SMS de panique sortent de la salle de négociations : la FNSEA demande à revenir sur la décision et obtient qu’il n’y ait plus de date butoir pour cette mesure. Sorti s’expliquer devant les journalistes, Jean-Michel Lemétayer, patron de la FNSEA est très clair : «l’agriculture française est dans l’Europe, et même dans le monde, nous ne voulons pas de mesures qui nuiraient à notre compétitivité.»
Les ONG encaissent et s’inquiètent des petits aménagements et autres «nuances dangereuses» qui perturbent les discussions. Il était midi passé quand les OGM sont arrivés sur la table. Borloo a tout de suite accepté l’usage de la clause de sauvegarde pour geler les cultures de maïs Mon 810 (de Monsanto) jusqu’à l’élaboration de la loi. Mesure qui arrange tout le monde -les agriculteurs ne semant pas durant l’hiver- et qui permet de renvoyer le débat à l’Assemblée en janvier.
Il est temps pour Borloo d’improviser une conférence de presse chaotique pour clore le dossier agriculture avant d’entamer la partie consacrée à la gouvernance écologique. Interrompue en plein vol, la séance et les dernières questions qui fâchent sont remises à ce matin. Il est temps de rejoindre le palais de l’Elysée. Les négociateurs montent sagement dans des bus pour assister au bouquet final prévu par Sarkozy.
Mais au fil de cette journée marathon, un absent s’est particulièrement fait sentir : l’argent. Comment sera financé le Grenelle ? Même si certaines des mesures ne coûtent rien, d’autres (bâtiment, agriculture, transports…), en revanche ont besoin d’un fort soutien financier. Mais le générique de fin du Grenelle va encore attendre : les comités de pilotage doivent chiffrer la fameuse révolution écologique. Et le passage par les principes de réalité de Bercy risque de faire des dégâts. Rendez-vous mi-décembre pour la présentation du programme et de la facture.
Créé par sr07 le 30 avr 2007 | Dans : Battre campagne, Contre le candidat du capitalisme mondialisé, environnement, Gauche anti-libérale, Projet politique, Ségolène Royal, Une autre mondialisation
PARIS (AP) – Reçu par Ségolène Royal à son QG de campagne, José Bové a appelé lundi ses électeurs à voter « très clairement » pour la candidate socialiste au second tour de la présidentielle, parce qu’aujourd’hui, a-t-il dit, « on est devant un choix, une alternative ».
« On sait que cet homme (Nicolas Sarkozy, NDLR) est dangereux pour nos libertés, que c’est le libéralisme, le candidat du Medef, et qu’en même temps, au niveau international, c’est l’alignement sur une politique qui est plus celle de Bush que celle des pays du Sud », a-t-il lancé devant la presse après cette rencontre.
« Face à cela, il y a un choix clair: le choix de Ségolène Royal », a poursuivi l’ex-candidat altermondialiste, qui a recueilli 1,32% des suffrages au premier tour de scrutin. « En étant ici aujourd’hui, j’affirme qu’il y a pour notre pays nécessité de choisir: ou on est dans une société du vivre ensemble ou on est dans une société du conflit permanent, de l’opposition systématique qu’incarne Nicolas Sarkozy ».
Quant à l’ouverture au centre souhaitée par Mme Royal, l’ancien porte-parole de la Confédération paysanne, chargé la semaine dernière par la candidate socialiste d’une mission sur « la mondialisation et la souveraineté alimentaire », ne s’y est pas montré hostile.
« Il y a aujourd’hui une nécessité de réunir une majorité de Français », a-t-il souligné. « Ce que j’entends aujourd’hui autour de moi me montre qu’une majorité de Français sont sensibles à cette nécessité du vivre ensemble et que les électeurs (…) de François Bayrou sont aussi sensibles que d’autres à ces thèmes ».
De l’avis de José Bové, « on n’est pas obligé d’avoir des approches identiques sur tout mais, aujourd’hui, il y a des thèmes centraux ». Il se félicite ainsi que Ségolène Royal s’intéresse à la question de la mondialisation et des rapports Nord-Sud « parce que ça introduit la dimension très importante du rapport de la France au monde ». AP
Créé par sr07 le 11 avr 2007 | Dans : Battre campagne, environnement, Ségolène Royal
L’intervention de Gérard PIERRE; Premier secrétaire fédéral; Délégué national aux énergies
lors de la réunion publique à Apt avec C. Trautman
Du point vue énergétique l’humanité est confrontée à 2 problèmes importants :
Ø Le premier concerne la raréfaction des ressources pétrolières qui, dans un système libéral mondialisé, entraîne automatiquement l’augmentation du prix du baril de brut quand, et c’est la tendance actuelle, la demande devient supérieure à l’offre. Ø Le second problème est l’augmentation des gaz à effet de serre en particulier l’augmentation du CO2 qui est principalement issu de la combustion des ressources fossiles : charbon, gaz et pétrole. Il a été scientifiquement prouvé que l’augmentation des gaz à effet de serre est directement responsable de l’augmentation de la température moyenne du globe et donc du changement climatique.
Ce qui, dans les années qui viennent, risque de changer durablement la vie des Français au-delà des choix politiques qu’ils seront amenés à faire cette année, est le pic de Hubbert pour le pétrole, prévu par les experts pour dans un avenir proche et qui aura pour conséquence la fin des énergies pas chères tel que nous les connaissons actuellement. En effet, ce pic (moment où la production mondiale de pétrole sera amenée à diminuer) est prévu pour la première décennie du XXI siècle. En tout cas, une chose est certaine, depuis plus d’un an, la demande augmente et l’offre stagne. C’est la cause essentielle de l’augmentation du prix du baril. Ce n’est pas une cause conjoncturelle comme précédemment, mais la pénurie à venir est appelée à se prolonger, même ici ou là il peut y avoir des fluctuations passagères conjoncturelles. Certains pensent que les découvertes de nouveaux gisements vont résoudre ce problème, mais depuis une dizaine d’années les quantités découvertes sont inférieures la consommation. On comprend très aisément que les réserves ne peuvent que diminuer très rapidement. La consommation d’énergie mondiale est en augmentation de plus de 2 à 3 % par an et en conséquence doit doubler en une trentaine d’années. Actuellement cette consommation se répartit de la façon suivante : 80 % de consommation d’énergie fossile et les 20 % restants se répartissent entre biomasse, nucléaire, hydraulique et dans une moindre mesure renouvelable de type solaire ou éolienne. Les scientifiques spécialisés dans l’étude du climat et de ses changements climatiques nous proposent un scénario de réduction des émanations de CO2 de moitié en 30 ans afin de tenter de stabiliser l’augmentation de la température dans des limites plus raisonnables. Soit si nous consommons 100 aujourd’hui nous consommerons le double en 2035 soit 200, mais il faudrait au niveau mondial diminuer par 2 notre consommation d’énergie fossile, nous en consommons aujourd’hui 80, il faudra en consommer seulement 40. Pour aller de 40 à 200 il faut faire passer les consommations de biomasse, d’hydraulique, de renouvelables et de nucléaire de 20 à 160 = 200 – 40. Autant dire qu’au niveau mondial, le défi sera très difficile. L’hydraulique n’est pas extensible à l’infini et son développement est limité aux possibilités hydrauliques du lieu, il en est de même mais dans une moindre mesure de la biomasse. Il faut faire des biocarburants, mais remplacer le pétrole fossile par du pétrole vert n’est pas généralisable partout et par exemple demanderait à la France plus de surface qu’elle n’en possède. Quant au nucléaire, le risque de prolifération des armes qui peuvent être réalisées à partir du combustible des réacteurs est tel qu’il est difficile actuellement d’envisager de généraliser cette production au niveau mondial.
En France, le problème est différent. Nous possédons la technologie et nous avons la capacité de développer notre potentiel nucléaire civil. La situation des réserves énergétiques ne permet pas d’autres solutions que celle de développer le nucléaire en parallèle avec l’ensemble des autres sources ainsi qu’une utilisation plus rationnelle de cette production. Toutefois les quantités d’uranium que l’on peut récupérer sur terre à moindre coût est comme les énergies fossiles limitées à environ 70 ans avec la consommation actuelle. Il faut donc imaginer la suite de cette filière. Le scénario prévu pour la France par EDF et le CEA est de construire dans un proche avenir des nouvelles centrales appelées EPR (Réacteur à Eau Pressurisée). Ces réacteurs sont appelés à remplacer ceux construits dans les années 70 en attendant le développement des réacteurs de 4ième génération. Ceux-ci fonctionneront avec du plutonium qui n’est pas présent à l’état naturel, mais est produit en petite quantité dans les centrales fonctionnant actuellement. Le plutonium qui peut être considéré comme un déchet produit par les actuels réacteurs deviendra de ce fait un combustible. La production et l’utilisation du plutonium dans ces futurs réacteurs permettront de multiplier les réserves de combustible nucléaire par un facteur de l’ordre de 70 à 100. Avec la consommation actuelle, c’est donc plus de 5000 ans de réserves énergétiques que l’humanité a devant elle. Même si l’augmentation de la consommation doit réduire cette période, elle est suffisamment grande pour permettre le développement de la fusion contrôlée. La fusion contrôlée est le second projet mondial d’énergie nucléaire : c’est ITER. Les recherches seront développées à Cadarache avec une coopération internationale. Ces recherches seront longues et coûteuses, mais les sommes investies sont et seront très inférieures à celles qui sont investies encore actuellement pour les énergies fossiles. Le développement de cette dernière filière est toutefois extrêmement prometteur. Contrairement à la fusion, elle ne produit pas de déchets de façon directe. Les réserves liées à cette filière sont quasiment sans limites. En conclusion, pour l’avenir, on peut dénombrer au moins trois choix énergétiques qui ont des conséquences différentes. · Le premier est de continuer à consommer les énergies fossiles, c’est un choix de développement, mais un choix non-durable à cause des réserves d’une partet de l’incidence sur le climat d’autre part. Les réserves sont d’environ 40 ans pour le pétrole, 70 ans pour le gaz, mais encore de 200 ans pour le charbon. Les pénuries de gaz et de pétrole sont pour bientôt et l’effet de serre et ses incidences sur le changement climatique nous imposent de diminuer notre consommation de charbon.
· La seconde consiste à n’utiliser que les énergies renouvelables, c’est le choix du non-développement qui lui risque d’être durable. · La troisième, la plus raisonnable, consiste à ne rien négliger ni le durable, ni la maîtrise des énergies, ni le nucléaire. Ce dernier choix, pourrait être appelé à tort un choix de développement de croissance durable, mais il ne le sera peut-être pas autant qu’espéré. Même ainsi, la crise est devant nous et elle sera décuplée avec un choix différent. En plus du développement des énergies durables et nucléaires, il nous faut maîtriser notre consommation pour que l’absence de croissance suffisante soit supportable. C’est la seule voie possible. Le remplacement du pétrole ne pourra pas se faire avec une seule voie énergétique. Si la gauche veut garder une vocation sociale, elle ne pourra pas se passer du nucléaire.