a5-Les entretiens du blog citoyen

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Jean-Pierre Chevènement, en visite à Bordeaux, livre au Blog citoyen, socialiste et républicain son analyse sur l’évolution de l’intervention en Libye après les évènements des jours derniers

Créé par le 03 mai 2011 | Dans : a5-Les entretiens du blog citoyen

memo0009.jpgCrédits photographiques du blog citoyen, socialiste et républicain. Entretien exclusif de Jean-Pierre Chevènement au blog citoyen et à Agora vox ce mardi 3 mai 2011 au salon des conférences de la librairie Mollat à Bordeaux.memo0006.jpg

Jean-Pierre Chevènement au blog citoyen : « J’exprime très clairement ma préférence pour un processus politique permettant aux Libyens quelque soit leur école de pensée et leur façon d’envisager les choses de se retrouver et de définir les conditions dans lesquelles la population libyenne, le peuple libyen pourra lui même choisir la voie de son développement, la voie de son auto-détermination. « 

Ci-dessous une vue de l’assemblée lors de la présentation du livre de Jean-Pierre Chevènement  qui a suivi la conférence de pressse.memo0008.jpg

Jean-Pierre Chevènement : « Alors, j’en viens à votre question. on a cru, à tort ou à raison, que le régime libyen était aux abois. A la suite de démarches sur lesquelles on peut s’interroger – je pense à l’intervention de BHL auprès du président de la République – on a décidé d’aller dans le sens non pas d’une ingérence – qui n’est pas autorisée par le conseil de sécurité des Nations Unies – mais dans le sens de la mise en oeuvre de la responsabilité de protéger. C’est la résolution 1973. L’ONU demande à un certain nombre de pays qui ont formé une coalition de protéger les civils contre toute tentative de génocide, crime de masse, crime contre l’humanité…

On peut s’interroger sur le fait de savoir si ce mandat n’est pas en train d’être outre-passé par des frappes dont l’objet n’est plus de protéger les civils. On est sur une question de principe! Est-ce que l’on veut préserver la notion de la responsabilité de protéger les civils ou – la différence est ténue – est-ce que l’on va s’aventurer sur le terrain de l’ingérence que l’ONU n’a jamais acceptée?

L’ingérence c’est la capacité donnée aux pays qui sont les plus forts de s’ingérer dans les affaires des pays qui sont les plus faibles. On n’a jamais vu l’inverse! Les faibles ne s’ingèrent pas dans les affaires des forts. Donc c’est un autre mot pour caractériser les comportements de type impérialistes!

On est vraiment sur une frontière. Il y aura un moment où il faudra que le conseil de sécurité reprenne cette affaire. J’exprime très clairement ma préférence pour un processus politique permettant aux Libyens quelque soit leur école de pensée et leur façon d’envisager les choses de se retrouver et de définir les conditions dans lesquelles la population libyenne, le peuple libyen pourra lui même choisir la voie de son développement, la voie de son auto-détermination. Ce n’est pas à l’extérieur d’apporter la démocratie en Libye pas plus que partout ailleurs! »

Propos recueillis par Xavier Dumoulin pour le blog citoyen, socialiste et républicain

Tout prochainement sur ce blog, l’entretien exclusif de Jean-Pierre Chevènement au blog citoyen, socialiste et républicain et à Agora Vox

memo0010.jpgmemo0007.jpgCrédits photographiques du blog citoyen, socialiste et républicain. Une vue de l’assemblée et, au premier rang, de responsables  régionaux du Mouvement républicain et citoyen

le Sud-Ouest – Bordeaux titre : « La mémoire de Chevènement » sans rendre compte de l’actualité brûlante des positions du président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen, ancien ministre et sénateur du territoire de Belfort.

Hier soir, l’ancien ministre d’État a commenté son livre devant une salle pleine.Malgré ses 71 ans et une activité politique nationale en retrait depuis l’élection présidentielle de 2002, Jean-Pierre Chevènement fait toujours recette. On en veut pour preuve sa conférence d’hier soir au salon Albert-Mollat à Bordeaux, salle archi-pleine et composée de personnes de toutes les générations. En titrant son dernier livre « La France est-elle finie ? », l’ancien ministre de François Mitterrand, connu pour ses positions tranchées sur l’Europe, la laïcité et la sécurité, a sans doute alerté un certain nombre de citoyens inquiets de la perte d’influence du pays sur la scène mondiale.

Pour autant, les auditeurs d’hier soir ont-ils trouvé la forte personnalité susceptible de les guider vers un avenir meilleur ? Encore faudrait-il qu’elle veuille concourir à nouveau à la présidentielle. Ni son livre, ni sa conférence d’hier ne le laissent supposer.

Reagan, Kohl, Thatcher

En fait, le « Che » est plutôt dans la posture du « je vous l’avais bien dit ». Adversaire résolu du traité de Maastricht, opposé en permanence à Jacques Delors et souvent à François Mitterrand durant ses douze années de présence au gouvernement, il juge que la crise économique européenne conforte ses prophéties d’antan. Son érudition et sa mémoire phénoménale l’incitent à partir dans d’interminables digressions historiques qui nuisent forcément à l’actualité du propos. Ceux qui s’attendaient à une analyse prospective de la pénurie de pétrole, ou de l’irruption du fait écologique dans la vie politique, en ont été pour leurs frais : Chevènement a parlé d’Helmut Kohl, Ronald Reagan, Margaret Thatcher et même d’Adrien Marquet et Marcel Déat. Pas de Nicolas Hulot ou Eva Joly, encore moins de Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry. Il est vrai qu’il n’en parle pas non plus dans son livre.

Pour autant, son discours est loin d’être dénué d’intérêt. Lorsqu’il prétend que les décisions de l’Europe doivent être intergouvernementales et non confisquées par des instances non élues, il rallie la majorité des suffrages. « Il faut reprendre l’ouvrage et ça se fera », insiste-t-il. Lorsqu’il dénonce la « fonte » de l’industrie française qui fragilise notre économie relativement à l’Allemagne, il énonce une vérité répétée partout. Antieuropéen, lui ? Pas du tout : « À long terme, le choix de Mitterrand a été judicieux mais il a fait trop confiance aux institutions. »

Mais le temps passe inexorablement et si les choses doivent évoluer, ce sera probablement sans lui. Chevènement appartient (presque) à l’Histoire.

A lire tout prochainement sur ce blog, l’entretien exclusif de Jean-Pierre Chevènement au blog citoyen, socialiste et républicain et à Agora Vox pour connaître la position du sénateur et président d’honneur du MRC sur les grands sujets : Europe, politique économique et sociale, Pacte de compétitivité, monde arabe… mais aussi sa posture dans le cadre de l’élection majeure.

Chevènement président ? A suivre dans notre prochaine édition avec l’entretien exclusif au blog citoyen, socialiste et républicain - Agora Vox.

Le citoyen CHEVENEMENT  livre ses riches réflexion…

Prochainement, courant janvier 2010, la suite de nos entretiens avec Jacques Généreux dans le cadre de la parution du Socialisme néomoderne ou l’avenir de la liberté

Créé par le 02 mar 2009 | Dans : a5-Les entretiens du blog citoyen

socneocouv2web.jpgJacques Généreux

( professeur à Sciences Po., secrétaire national à l’économie du PG,

auteur notamment de La Dissociété, Les Vraies lois de l’économie,

Manuel critique du parfait européen,etc. ),

vient d’ouvrir un blog de présentation et discussion de son livre à paraître

le 18 mars

Le Socialisme néomoderne

 ou l’avenir de la liberté

http://neomoderne.fr

 

 « Le Socialisme néomoderne.. ». Extrait. n°1.

A paraître le 18 mars, au Seuil

Extrait n°1. chap.1.(…)

Une refondation scientifique du discours politique

En résumé, l’air du temps, relativiste quant aux valeurs et rationaliste quant aux instruments, prétend que les préférences idéologiques indémontrables ne sauraient fonder les mesures politiques concrètes, tandis que celles-ci pourraient être déterminées objectivement sans a priori idéologique.

Je soutiens exactement l’inverse: la plupart des choix politiques sont, au moins implicitement, fondés sur des a priori idéologiques ; ce sont donc ces derniers qu’il convient et qu’il est possible de soumettre à un examen scientifique. C’est là un trait majeur de ce que j’appelle le « socialisme néomoderne »: un socialisme qui ne se borne pas à réactiver l’idéal de justice des pionniers, qui ne se limite pas davantage à la seule science marxiste de l’histoire, et qui entend s’appuyer sur une anthropologie générale, i.e. l’état réel des connaissances sur l’être humain. (…)

Refonder le discours politique sur la raison et la connaissance tout en préservant la liberté d’en débattre et la liberté d’adhérer ou non à ce discours: rien n’est plus moderne, au sens historique et philosophique du terme. Mais, alors, pourquoi ai-je qualifié le socialisme scientifique et démocratique proposé dans ce livre de  «néomoderne» ? En premier lieu, même si au fond cela reste accessoire, il vaut mieux éviter la confusion avec les multiples et éphémères discours de campagne qui entendent par « moderne » un cocktail variable d’inconsistance idéologique, d’imitation de la droite et de lieux communs à la mode. Cette pensée moderne-là passe seulement une brosse à reluire sur des idées assez légères pour suivre l’air du temps. On comprendra donc mon souci d’éviter une proximité, même purement sémantique, avec le florilège des socialismes « modernes ». Toutefois, là n’est pas ma préoccupation essentielle. L’essentiel est qu’une anthropologie rigoureuse montre à l’évidence que la modernité, c’est dépassé! Ou, plus exactement, à dépasser.
 

Le « pseudo-modernisme »

Avant de m’expliquer plus avant sur le qualificatif «néomoderne », et pour retrouver le fil du propos central de ce livre, rappelons à grands traits le discours prétendument « moderne » dont je compte ici prendre le contre-pied :

« Un projet politique doit être moderne, et cela implique l’adaptation permanente de l’action publique à l’évolution du monde. Le libéralisme, parce qu’il privilégie la quête de la liberté et de l’initiative individuelle, propose la philosophie et le mode d’action politique les plus en phase, à la fois avec l’exigence d’adaptation permanente de la société et avec l’aspiration croissante des individus à l’autonomie.

 « En revanche, le socialisme classique, parce qu’il est plus soucieux de construire par la loi une société égalitaire et solidaire que de libérer les énergies individuelles, entrave et retarde les adaptations nécessaires, limite la création de richesses, et contrarie ainsi l’aspiration individualiste et consumériste des individus modernes. Ce décalage entre une idéologie héritée du xixe siècle et les réalités contemporaines explique en bonne part les déboires de la gauche.

 « Certains partis travaillistes et sociaux-démocrates, conscients de ce décalage, ont compris la nécessité d’une “troisième voie” entre le socialisme d’antan et le néolibéralisme d’aujourd’hui, et déjà entrepris, en conséquence, leur modernisation. Celle-ci passe par une série de conversions : l’adoption d’une philosophie de la responsabilité individuelle en lieu et place de l’antique logique d’aide sociale  ; la reconnaissance de la libre concurrence et du capitalisme comme socle commun et indépassable du système économique  ; la priorité à la production compétitive des richesses plutôt qu’à leur redistribution  ; le recul de la loi générale au profit des contrats librement négociés entre les acteurs.

 « D’autres partis de gauche, et singulièrement le parti socialiste français, ont trop tardé à assumer l’impossibilité d’une rupture avec le système aujourd’hui mondialement répandu, et ont désormais pour seule alternative le déclin ou le rattrapage du processus de modernisation entrepris par leurs homologues anglais, néo-zélandais, allemands, etc. Au terme de ce processus, le “clivage” gauche-droite se trouvera largement aboli et remplacé par l’alternance paisible de “sensibilités” plus ou moins sociales, plus ou moins interventionnistes, dans le cadre d’une philosophie générale et d’un système social communs, alternance comparable à celle qui prévaut aux États-Unis entre démocrates et républicains. »

Telle est la caricature (par définition sommaire, mais néanmoins significative) du discours pseudo-moderniste que j’entends ici évaluer, et que je prétends rejeter non par inclination personnelle, non par idéalisme, encore moins par nostalgie d’un «grand soir» auquel je n’ai jamais cru, mais parce que l’anthropologie, la sociologie, l’éthologie, la neurobiologie, l’économie, la psychologie, l’histoire, bref, toutes les connaissances mobilisables pour une évaluation rigoureuse d’un tel discours me conduisent immanquablement à l’évidence que celui-ci est faux.
 

Dépasser la modernité pour en accomplir la promesse

S’agit-il alors pour moi de reconstruire un discours authentiquement moderne? Oui et non.

Oui, car il s’agit de renouer avec la volonté d’émancipation de l’humanité, y compris à l’égard des nouvelles formes d’aliénation engendrées par le mouvement même de la modernité. Oui, car il s’agit aussi de refonder l’idée de progrès en ce temps où le mot «réforme» en vient à désigner tout retour en arrière.

Non, car ce mouvement atteint désormais ses limites ; il est enlisé dans les impasses où l’emmènent les deux erreurs anthropologiques qui structurent la pensée moderne, à savoir : le fantasme de l’homme surnaturel et le mythe de l’individu autonome. (…)

… À suivre …

Première partie des entretiens exclusifs de Jacques Généreux au blog citoyen : la politique économique et sociale de N.Sarkozy

Créé par le 30 déc 2008 | Dans : a1-Abc d'une critique de gauche. Le billet de XD, a5-Les entretiens du blog citoyen

X D : Je suis d’abord conscient de la chance et de l’opportunité  d’avoir cet entretien avec vous. Je voudrais commencer par votre analyse de la politique de N. Sarkozy. Les critiques sur le bouclier fiscal, sur le fond de sa politique néo-conservatrice et libérale –si on peut la qualifier comme cela – sont connues du lectorat du blog citoyen, socialiste et républicain. C’est une politique à la fois dangereuse et contre-performante. Mais est-ce qu’on ne doit pas concéder aujourd’hui  quelques succès dans la capacité du chef de l’Etat à imposer une image volontariste sur le plan de l’Europe et sur le plan de la France ? En d’autres termes, vous qui êtes économiste, que diriez-vous de sa gestion de la crise économique en France et en Europe ?

Jacques Généreux : Je suis et je reste sévère dans mon jugement. N.Sarkozy a assuré le service minimum. Ce que vous dites sur le retour ou la réaffirmation d’un discours volontariste en terme politique, c’est vrai. Il y a un discours volontariste et pour une bonne part, je pense que sa victoire à l’élection présidentielle manifeste qu’il a réussi à incarner cela. Ce qui ne veut pas dire qu’il le fait. Il a en effet réussi à incarner un certain retour du politique et de la volonté politique à un moment où les Français ont pu avoir un véritable sentiment d’impuissance, voire de renoncement du politique . N.Sarkozy a bien compris cela et donc il a exploité ce besoin d’un discours politique fort auprès d’un électorat un peu désorienté et désemparé –

On peut lui reconnaître un grand talent de communiquant. Le problème c’est que son volontarisme politique – de même que lorsqu’il était au gouvernement dans la législature précédente -, il l’a mis au service d’une même ligne politique continue, d’une même doctrine économique et d’une même vision de la société qu’on peut caractériser par ce mélange, cette alliance bizarre de néolibéralisme sur le plan économique et de néo-conservatisme sur le plan politique. Par la poursuite d’une politique qui est convaincue que la prospérité de la société française viendra principalement de l’initiative et de la responsabilité individuelle, de la poursuite d’une politique qui transfert des revenus vers le capital plutôt que vers le travail, vers le recul à terme, de la protection sociale universelle financée par des cotisations sociales,  par l’impôt au profit de formes qui mobilisent plus, encore une fois, la responsabilité personnelle donc les assurances privées. Tout ça étant très bien incarné par sa formule travailler plus pour gagner plus ; c’est très précisément l’expression d’une conception du progrès qui est très réactionnaire et qui consiste à dire que si les gens veulent espérer un mieux être, un progrès dans leur vie personnelle, il n’y a qu’une seule voie ; c’est le fait qu’ils travaillent plus c’est à dire qu’ils concentrent plus d’efforts. Donc c’est uniquement sur l’effort personnel, l’effort des salariés et l’intensification du travail des salariés que reposerait le progrès. C’est la vision tout à fait réactionnaire et conservatrice du progrès. Il n’y a pas de progrès lié au politique et à la société. Il n’y a de progrès que dans ce que les individus veulent bien se consentir à eux-mêmes par leur effort. Donc c’est la négation même de toute idée de progrès social car il faut quand même être raisonnable si on veut parler de progrès. 

Ce qui a constitué le progrès de l’humanité, c’est le fait que les gains en efficacité obtenus par la raison, par la technique, par la science, ont permis aux êtres humains d’avoir plus de mieux être et moins de  mal être tout en ayant plus de libertés, plus de temps libre, plus de temps disponible pour autre chose que le travail, que l’affrontement à la nature. Donc du temps libre pour la famille pour les relations amicales, pour la vie associative, pour l’engagement citoyen. C’est ça le progrès donc la réduction du temps de travail c’est à dire le fait que les gains de productivité sont en partie affectés à du temps libre pour les individus et se traduisent aussi par une augmentation des salaires. Le mieux être matériel des travailleurs ne vient pas de ce qu’ils travaillent toujours plus durement. Puisque le travail est toujours de plus en plus efficace ça se traduit à la fois par plus de salaires et par plus de temps libre. 

Le discours très volontariste de N. Sarkozy va de pair avec une politique qui reste volontariste quand il s’agit de mettre en œuvre ce projet qui reste très idéologique qui est de remise en cause des droits sociaux et du progrès social au profit de cette conception réactionnaire uniquement de l’effort individuel. Pour le reste , on est dans la supercherie la plus totale. Vous parliez de la crise financière. Vous dites il y a une réaction très volontariste, on va faire ce qu’il faut, il y a le discours de Toulon. C’en est fini de la régulation par les marchés. 

X D : « La moralisation du capitalisme » 

Jacques Généreux :  Voilà. Pour le moment qu’en est-il en réalité de l’action qu’il a menée ? Il a participé, il a joué un rôle important dans la mise en place d’un plan de sécurisation du système financier et bancaire. N’importe qui de simplement sensé qui aurait voulu éviter l’effondrement du système financier aurait fait au moins ce service minimum qui était d’éviter des faillites bancaires en cascade. Mais ça, tout le monde l’a fait ! 

Il n’y a rien dans l’action de N.Sarkozy qui se distingue singulièrement de ce qui a été fait dans le reste du monde et ce que l’on peut observer néanmoins, c’est que c’est arrivé au dernier moment, à la dernière limite. C’est à dire qu’il n’a pas fait mieux, pas pire que ses homologues américains. C’est à dire qu’on a attendu véritablement d’être à la veille – je dis à la veille, c’est au sens strict du terme – à la veille du blocage total du système bancaire et du système financier pour se décider à prendre des mesures nécessaires. Je vous rappelle que avec ce même gouvernement, depuis un an qu’on la voit arriver cette crise financière –certain comme moi la voit arriver depuis vingt ans – depuis un an qu’elle est démarrée véritablement aux Etats Unis où il y a les premières défaillances d’institutions financières, donc on sait que c’est en route. On avait quand même le temps d’anticiper et de prévenir. Pendant un an, le discours qui nous a été tenu c’est qu’il n’y avait pas matière à s’affoler, que les fondamentaux de l’économie française étaient bons . Alors qu’on aurait pu mener des actions préventives justement en matière de sécurisation du système financier bien en amont, pour un coup bien plus faible, justement, si on avait pris les devant. Et, au lieu de ça, on a attendu véritablement que les banques soient au bord de la faillite générale parce que la déviance était telle que l’on ne se prêtait plus d’argent et que donc le marché du crédit était totalement bloqué. 

Où est le volontarisme ? Il y a simplement le fait que devant leur incompétence et leur rigidité doctrinale – c’est à dire qu’on a à faire à des gouvernants, c’est le cas de Sarkozy, ça a été le cas de l’Administration Bush aux Etats Unis – qui par rigidité idéologique et doctrinale, n’ont pas voulu jusqu’à ce que la catastrophe soit là, n’ont pas voulu entendre les analyses et les discours de ceux qui ont très tôt dénoncé les vices de ce système financier et les dangers qui allaient avec. Ils n’ont pas voulu entendre ces avertissements jusqu’au moment où la catastrophe était là. C’est un volontarisme qui arrive bien tard. C’est plus des décisions en catastrophe ! 

Sur la nature même des décisions, qu’est-ce qui a été fait pour éviter les conséquences réelles de la crise financière ? Rien, c’est à dire que tout ce qui a été fait a uniquement consisté à éviter les faillites bancaires. 

X D : Elles étaient un point de passage obligé pour d’autres aussi ! 

Jacques Généreux : Il fallait bien le faire, je ne dis pas qu’il fallait laisser le système bancaire partir en vrille totalement. Le problème c’est qu’on sait très bien que cette crise financière, donc du crédit entraîne une récession et une crise réelle de l’économie réelle, de la production, de l’emploi. Or face à ça, rien n’a été fait. Le plan de relance ? N. Sarkozy nous avait annoncé un plan massif de soutien à l’activité économique en France. A l’arrivée, on annonce quoi ? Zéro. Il y a 26 milliards d’euros soi-disant de plan de relance, sur ces 26 milliards, il y en a 11 qui sont simplement des remboursements anticipés de dettes de l’Etat aux entreprises, ça fait un peu de trésorerie supplémentaire pour quelques mois, ça ne change rien à la situation des entreprises. Pour le reste, il y a des projets d’investissements publics – on demande aux entreprises publiques d’anticiper sur des investissements qui étaient déjà prévus, on demande aux collectivités territoriales de faire la même chose. 

L’Etat va anticiper sur des mesures qui étaient déjà votées, sur des projets d’infrastructures qui étaient déjà prévus. On dit qu’on va les anticiper, bon très bien. Mais pour à peu près 10, 11 milliards d’euros d’investissements, qu’elle est la fraction de ces investissements qui va être effectivement mise en œuvre ? Pour l’année 2009 on ne sait pas. Est-ce que se sera 20 pour 100 ? 30 pour 100 ? Au mieux la moitié donc ça réduit considérablement l’effet ! Puis après il reste quelques broutilles : quelques centaines de millions de plus pour les titulaires du RSA et quelques centaines de millions pour les chômeurs. 

Donc à l’arrivée, en réalité quand on fait l’analyse de ce plan de relance,  on s’aperçoit que en terme de relance, on n’aura pour 2009 qu’entre 4  et 6 ou 7  milliards d’euros véritablement de soutien à l’activité par les dépenses publiques, c’est à dire au maximum , 0,3 % du PIB ou 0,4 % du PIB.  C’est à dire rien du tout ! C’est 10 à 15 fois moins que ce qu’engagent les Chinois par exemple ou les Américains pour soutenir leur activité. 

X D : Toute proportion gardée. 

Jacques Généreux : C’est en pourcentage du PIB ! 

X D : Combien de fois moins ? 

Jacques Généreux : 10 à 15 fois ! Le plan de relance chinois ou américain représente au moins  5 % du PIB. Quand vous êtes à 0,3 % du PIB vous voyez. Et quand je dis 0,3, on ne sait pas si ça va être 0,3 ou 0,2 ! Donc autrement dit, il n’y a pas de plan de relance ! Ce qui a été annoncé, c’est juste du vent, de l’ esbroufe pour afficher un chiffre qui déjà en lui même était ridicule. 

Parce que même si c’était vrai, s’il y avait vraiment 26 milliards d’euros injectés dans l’économie française en 2009, ça ne ferait que 1,3 % du PIB ce qui serait encore 4 fois ou 5 fois inférieur à ce qui est nécessaire. Dans la réalité il n’y a pas de plan de relance ; on est bien dans la rigidité idéologique, le gouvernement ne veut pas dépenser plus ! La réalité elle est là ! Alors que l’on est devant une crise et une récession, ce gouvernement ne fait rien pour l’éviter. 

Quand on regarde dans la structure, le plan reflète une fixation idéologique sur des doctrines archaïques, sur la doctrine économique libérale du début du siècle puisque tout passe par l’investissement et qu’il n’y a rien pour soutenir immédiatement la consommation, le pouvoir d’achat des ménages et l’emploi. On nous a ressorti le vieux théorème de Schmidt : on a fait le choix de faire un plan de relance par l’investissement et non pas par le pouvoir d’achat des salariés et la consommation parce que ce serait la bonne méthode, « c’est par l’investissement qu’on soutiendra la croissance de demain et les emplois d’après-demain ». C’est le théorème de Schmidt de l’époque de VGE dans les années 70. C’est un non sens économique ! On a besoin d’emplois tout de suite, de mesures qui ont un impact immédiat sur les carnets de commandes des entreprises. Le seul moyen c’est d’agir sur le pouvoir d’achat des salariés et donc la consommation ou sur des dépenses publiques mais qui se traduisent immédiatement par des commandes supplémentaires aux entreprises ! 

Il y aurait 100 milliards d’investissements publics en 2009 qui se traduiraient en commandes directement aux entreprises… mais ce n’est pas le cas. On a quelques milliards c’est à dire zéro, on a rien pour les salaires, on a rien pour la consommation des ménages. 

Si le gouvernement avait voulu véritablement soutenir la consommation et la croissance, il avait un moyen très simple : abolir le paquet fiscal de 2007, c’est 15 milliards d’euros qui ne servent à rien, qui pénalisent même au contraire la croissance et l’activité – les 4 ou 5 milliards qui vont aux heures supplémentaires – à un moment ou l’ambiance n’est pas à accorder ces heures – ont un effet pervers puisqu’on a un système qui fait qu’il est plus rentable d’utiliser les heures supplémentaires plutôt que des embauches en climat de récession c’est extrêmement pervers parce que ça incite les entreprises à réduire leurs effectifs beaucoup plus que ce qu’elles jugeraient nécessaire puisqu’elles savent qu’en cas de besoin temporaire de main d’œuvre supplémentaire, elles pourront recourir à des heures qui leur coûteront moins chères. C’est un système à fabriquer du chômage et du licenciement. 

Ces 15 milliards qui vont aussi aux exonération sur le patrimoine, à la baisse de l’impôt sur le revenu on pouvait les réinjecter dès l’automne en les redistribuant aux ménages les plus modestes aux revenus moyens. Et là, vous aviez immédiatement 15 milliards d’euros de consommation supplémentaire avant même la fin de l’année 2008. Ce qui aurait été aussi de nature à rassurer les entreprises. 

Qu’est-ce qu’on fait pour le crédit aux PME par exemple ? Rien. On a été capable en catastrophe pour éviter le blocage du marché monétaire et du marché bancaire d’instaurer une garantie des prêts interbancaires. Concrètement on ne voit pas aujourd’hui pour  les artisans et les petites entreprises beaucoup plus de facilités à trouver du crédit aujourd’hui. Les banques toujours dans un climat d’incertitude et de crainte – parce qu’elles voient la récession arriver sans plan de nature à l’éviter – ont peur  de prêter à des PME dont elles se disent qu’elles vont devoir déposer le bilan  dans le courant de l’année ou l’année prochaine. 

Pourquoi le gouvernement ne met-il pas en place, dans ce climat de défiance, un plan de garantie des crédits aux PME ? Un système de garantie publique des crédits aux PME permettrait de relancer le crédit. Ce service étant payant, les paiements viendraient abonder le fonds de garanties qui fonctionnera en cas de défaillances. Ca serait un vrai soutien aux PME. Donc vous pouvez à la fois soutenir immédiatement le pouvoir d’achat des ménages et la consommation, soutenir immédiatement la trésorerie des PME. Il y a des moyens simples directs et immédiats mais aucun de ces moyens ne sont utilisés. 

X D : Voilà une critique très précise de la politique de N.Sarkozy dont le verbe présente pourtant une certaine plasticité. Mais effectivement on reste dans l’illusion d’un discours. Ce pragmatisme qu’on lui accordait, ne résiste pas à vos démonstrations car il ne se traduit pas dans la  réalité en mesures audacieuses. 

Dans nos prochaines publications, nos entretiens avec Jacques Généreux sur la critique du paradigme  néolibéral, le contenu d’une politique alternative au modèle libéral, la Dissociété, le Socialisme méthodologique, le Parti de Gauche. Rendez-vous courant juillet 2009 pour la suite des entretiens du blog citoyen avec Jacques Généreux.

Dans les prochains jours de janvier 2010, la poursuite de la publication de l’entretien du blog citoyen avec Jacques Généreux

Créé par le 18 déc 2008 | Dans : a5-Les entretiens du blog citoyen, Articles de fond

 A lire sur ce blog citoyen : Première partie des entretiens exclusifs de Jacques Généreux au blog citoyen : la politique économique et sociale de N.Sarkozy

L’économiste Jacques Généreux poursuit ses recherches sur le paradigme néolibéral. Après ses travaux sur la critique de la Dissociété, il prolonge, sa réflexion anthropologique dans un ouvrage paru en 2009 intitulé Le Socialisme néo-moderne.

Au cours d’un long entretien exclusif pour le blog citoyen, socialiste et républicain, l’intellectuel engagé dans la constitution du Parti de Gauche, aux côtés notamment de Jean Luc Mélenchon et de Marc Dolez, nous avait livré avec force détails ses analyses et sa perspective d’ensemble.

Nous restituerons très prochainement, sur ce blog, ces réflexions d’une très grande densité. L’importance de ces échanges justifiera une publication échelonnée dans le temps et par thématique, Jacques Généreux ayant  répondu à nos nombreuses questions

sur le fond de la politique économique et sociale de N.Sarkozy,

sur ce que pourrait être le projet alternatif au néolibéralisme d’une gauche vraiment socialiste et républicaine,

sur la critique du néolibéralisme et la promotion d’un socialisme méthodologique aux antipodes de l’individualisme méthodologique cher aux libéraux.

Cet entretien s’est conclu sur un échange informel portant sur les perspectives de refondation d’une gauche républicaine.

Je remercie profondément Jacques de nous avoir ouvert ses portes et de s’être livré avec talent et sincérité à cet éclairage sur ses réflexions et ses combats. Un cours particulier, d’une certaine façon, dans un échange amical et en toute camaraderie qui traduit chez ce professeur, un vrai souci pédagogique à notre endroit et envers les amis internautes du blog citoyen, socialiste et républicain.

Rendez-vous donc très prochainement sur ce site.

X D

L’entretien exclusif de Danielle Mitterrand au blog citoyen

Créé par le 06 déc 2008 | Dans : a5-Les entretiens du blog citoyen

L'entretien exclusif de Danielle Mitterrand au blog citoyen dans a5-Les entretiens du blog citoyen avatar-danielle-2.1192875522.miniature Plus qu’un témoignage, « Le livre de ma mémoire » interpelle et ouvre des horizons, loin des conformismes et du prêt à penser… Danielle Mitterrand propose une alternative complète au néolibéralisme et appelle les citoyens à s’engager dans les combats majeurs. Elle puise dans la force de ses convictions sa capacité d’agir pour affirmer ses valeurs humanistes et œuvrer aux côtés des plus humbles pour l’avenir de l’Humanité.

X D - Je voudrais vous poser quelques questions après la lecture de votre livre très captivant et très instructif aussi. On pourrait commencer tout  simplement par la chronologie. Vous évoquez votre histoire familiale, une illustration d’une réalité historique : ces milieux républicains, socialistes, ces vignerons, ce père principal de collège… Quel enseignement principal retirez-vous de cet héritage de votre milieu familial et de ces valeurs dans lesquelles vous avez été éduquée ?

« Une continuité dans le choix de société de ma famille de mettre l’Homme en priorité… celui d’une société harmonieuse ! »

Danielle Mitterrand – Je crois qu’ il y avait une continuité dans le choix de société de ma famille de mettre l’Homme en priorité dans l’organisation de la société – l’autre terme, c’est de mettre la richesse et l’argent comme priorités dans le choix de société chez ceux qui pensent que l’argent donne le pouvoir et la domination. Le premier choix, l’Homme comme priorité avec l’intelligence, les dons qui ont été faits à l’Humanité de pouvoir parler et évoluer et surtout la solidarité : c’est celui d’une société harmonieuse !

X D - Et tout cela constitue la trame de votre livre dans lequel on retrouve toutes ces valeurs. Alors passons à vos années de jeunesse. Vous traversez l’Histoire, une histoire difficile car votre père souffre beaucoup à cause de ses idées. Ca va jusqu’à la période du maréchal quand il est sanctionné. Vous évoquez tout cela  On sent que vous gardez de votre jeunesse un sentiment agréable, malgré ces épisodes du pensionnat et ces difficultés. Ce qui ressort en tout cas c’est que vous avez été heureuse. Tous ces épisodes, vous ont-ils  perturbée en fait ou pas du tout ? est-ce que vous avez souffert ? car ça ne paraît pas trop.

Danielle Mitterrand – Ca m’a construite surtout ! C’est-à-dire que ce refus de l’injustice qui a présidé à toute ma vie est dû à ces premières souffrances, à l’injustice et à la mauvaise foi dont j’ai souffert étant toute petite fille parce que j’étais devenue l’otage de deux opinions opposées. Et surtout à la souffrance de mon père que l’on accusait à tort parce qu’il avait des opinions politiques et philosophiques qui ne correspondaient ni au lieu dans lequel nous vivions – qu’était la Bretagne – ni au dogme de l’époque qui nous amenait insidieusement au nazisme.

« J’ai vécu mes premières années jusqu’à l’adolescence dans un nid douillet »

X D - Oui et d’ailleurs, vous racontez la vengeance de cette institutrice qui réagissait méchamment à cette arrivée du nouveau principal… Mais vous gardez de votre  famille cette chaleur humaine.

Danielle Mitterrand – Parce que dans ma famille il y avait un climat chaleureux. Nous étions très liés les uns aux autres, très proches les uns des autres. J’ai vécu mes premières années jusqu’à l’adolescence dans un nid douillet avec des parents attentifs et tout cela fait que j’étais heureuse et privilégiée.

X D - Revenons donc à cette période difficile mais avant une question sur ce bac. C’est un épisode à la fois amusant mais difficile quand même à encaisser ?

Danielle Mitterrand – En définitive, je ne l’ai pas passé parce que j’étais déjà dans cette mouvance de la Résistance depuis quelque temps. Du fait que je suivais François partout, mon nom était repéré et évidemment, aller me chercher à la sortie du bac, c’était tellement facile… Quelqu’un est venu me chercher avant mais c’était un ami de François… Si bien que je n’ai pas passé mon bac ! J’ai passé les deux premières épreuves…

« Mon premier fait de résistance, il est quand j’avais six ans »

X D - Et alors tout se déroule finalement dans cette période très difficile – je passe sur les détails, ils sont dans votre livre pour comprendre justement cette période. Et finalement tout s’enchaîne rapidement. C’est presque naturellement que vous rentrez dans la Résistance. Quel est votre premier fait de résistance en réalité ?  En avez-vous eu conscience ?

Danielle Mitterrand – Non, mon premier fait de résistance, il est quand j’avais six ans et quand j’ai répondu à cette directrice par un acte de rébellion devant son injustice : elle m’avait privée des bonbons que je méritais donc je me suis servie moi-même et ça m’a valu évidemment des sanctions dont je n’oublierai jamais la cruauté.

X D - Et votre petit malin dont vous parlez toujours qu’est-ce qu’il disait à ce moment là ?

Danielle Mitterrand – Mon petit malin c’est un peu le «Durito» de Marcos – du sous-commandant Marcos – et cette petite conscience qui est toujours là et qui nous rappelle qu’elle existe et qu’elle est là pour vous guider.

« Il fallait détruire la réputation de François et sa réputation de Résistant… »

X D - Alors cette conscience justement… On est dans la Résistance. Vous rencontrez François Mitterrand. Tout vous amène à le rencontrer : il y a ses amis qui sont cachés à Cluny, enfin, il y a force témoignages et, justement c’est très nourri sur ce plan factuel de la Résistance et notamment celle de François Mitterrand. Et pourquoi finalement cette histoire a-t-elle été entourée de tant de suspiscions ? Pourquoi, finalement ne pas avoir pu la raconter comme vous la racontez ? On comprend tout cet enchaînement, cette histoire est simple à comprendre comme vous la racontez.

Danielle Mitterrand – Parce que c’est la vérité. Moi je raconte la vérité. Il fallait détruire la réputation de François et sa réputation de Résistant… La Résistance intérieure a été très minimisée parce que tout s’est organisé à l’extérieur. Bien sûr dans la paix c’est plus facile que quand on a les fusils ou la gestapo derrière soi !

Pourquoi j’insiste tellement sur la Libération de Paris ? C’est parce que justement, personne n’en parle ! Personne n’en parle ! Tout le monde pense que le général Leclerc – qui évidemment a été très utile – et De Gaulle ont libéré Paris. Ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas vrai ! C’est la résistance intérieure qui a libéré Paris et je voulais rendre hommage à tous ceux qui à cette époque là se sont faits tuer pour libérer Paris !

X D - Votre contribution grandit encore plus la France finalement. Et alors justement le gaullisme ? Nous arrivons dans cette période de l’après-guerre. Bon je passe rapidement. Je voulais quand même vous interpeller sur votre sévérité à l’égard du Général De Gaulle. Non pas sévérité par rapport aux évènements de Charonne quand vous vous révoltez à juste raison contre ce qui s’est passé. Par contre, je trouve une sévérité excessive – moi qui suis pourtant tout à fait enclin à suivre le déroulement de votre pensée -! Parce que par exemple, sur le plan de la diplomatie, on peut penser que l’œuvre du général n’est quand même pas négative.

Danielle Mitterrand – Non, elle est loin d’être négative. Mais je le dis. Mais vous savez moi je n’ai témoigné en mon nom que ce que j’ai vécu moi-même. Si vous remarquez, chaque fois que c’est un évènement que je n’ai pas vécu moi-même, je fais parler l’intéressé.

C’est De Gaulle qui, lui, parle de son pouvoir. C’est De Gaulle, ce sont des textes de De Gaulle qui décrivent un pouvoir personnel qu’il a évidemment pratiqué. C’est lui-même qui raconte sa propre histoire, j’ai toujours fait témoigner des gens qui étaient sur place, qui étaient présents, qui pouvaient témoigner.

Donc ma sévérité ce sont les faits, ce n’est pas ma sévérité, c’est la sévérité des faits. Et ces faits, ils sont têtus. Ils sont là. On peut les interpréter. On ne peut pas les reconstituer. Ce sont eux que je mets sur le papier. Ce ne sont pas les interprétations.

X D - On est en tout cas très instruit des mille tracasseries et complots qui se trament, évidemment pour des raisons de refus d’accepter l’opposition politique.

Danielle Mitterrand – Il n’y a jamais eu autant d’assassinats politiques qu’à cette période là. Il n’y a jamais eu autant d’injustice politique – quelque soit le milieu – que pendant cette période.

X D - C’est une période d’ailleurs qui a été dure pour vous personnellement. Vous racontez tout ceci dans votre livre et on comprend qu’elle soit chargée d’émotion cette période parce qu’on a touché aussi quelque part à des choses fortes quand on a voulu s’attaquer à…

Danielle Mitterrand – A l’honneur…

X D - A l’honneur d’un homme . Tout à fait !

Alors tout cela nous ramène à Mai 68. Dans ces évènements de 68, finalement, j’ai vu un François Mitterrand plus distant qu’on ne le pensait par rapport à ce qui se passait.

Qu’est-ce qu’il y a de positif dans cette situation de 68 dont on va fêter le quarantième anniversaire cette année?

Danielle Mitterrand – Ca a été un tournant. Ca a été une prise de conscience. François a tout de suite vu que ceux qui étaient les meneurs rentreraient dans le rang et deviendraient très vite des soumis. Alors que lui, il voyait peut être plus rapidement en tout cas l’évolution vers cette résistance au système. Et il a pensé – il s’est peut être trompé, je n’en sais rien – que les évènements de 68 freinaient un mouvement qui était déjà en marche, peut être encore  inconsciemment, mais déjà en marche. Il a été nécessaire. Et puis on ne refait pas l’Histoire. C’est comme ça. 68 est arrivé, ça devait être ainsi. Ensuite, il fallait réfléchir à ce que l’on ferait de cette Histoire.

Ne croyez pas qu’il était absent. Il était très très présent pendant toute cette période. Il l’a analysée mais il a…

X D - Il n’était pas à Charlety !

Danielle Mitterrand – Il n’était pas à Charlety mais pour cause. Il ne croyait pas à Charlety. Il a sans doute eu raison parce que Charlety n’a rien donné !

« Mais la gauche, elle existe ! Elle travaille ! Elle est là ! Ce n’est pas parce qu’elle a des représentants qui ne la représentent pas qu’elle n’existe plus ! »

X D - Hélas oui, oui, tout à fait.

Vous êtes aussi sévère – je partage profondément votre sévérité envers tous ceux qui se sont récemment retournés – , vous avez des mots durs et très clairs envers eux et ce n’est pas la peine d’insister, tout est dit dans le livre.

Cela m’amène à parler de la gauche. Le livre respire la nostalgie de cette gauche des années soixante dix, cette gauche dynamique, capable de poser des débats d’idées, féconde, cette gauche conquérante avec François Mitterrand à sa tête, l’Unité … Cette réalité à laquelle on aspirerait mais qu’on n’arrive plus à trouver !

Mais que peut-on espérer de raisonnable aujourd’hui à gauche, justement en regard de tout ce qui s’est passé, et en regard de cette atonie actuelle ? Est-ce que vous avez envie de dire deux petits mots là-dessus ?

Danielle Mitterrand – Mais la gauche, elle existe ! Elle travaille ! Elle est là ! Ce n’est pas parce qu’elle a des représentants qui ne la représentent pas qu’elle n’existe plus !

Je vous assure qu’elle travaille et elle travaille bien ! Pas seulement en France, mais dans le monde entier.

Et c’est justement parce qu’elle travaille dans le reste du monde qu’elle avance. Et quand je vois les progrès qu’il y a sur le statut de l’eau par exemple – l’eau qui ne peut pas être une marchandise alors que les grandes entreprises internationales de l’eau sont françaises et que dans le reste du monde, elles sont combattues parce que des pays entiers reprennent leur gestion de l’eau publique -, c’est le travail de la gauche et de la gauche française aussi avec les autres.

Croyez moi, le mouvement, il est parti ! Il est irréversible !

La seule inquiétude, c’est de savoir où en sont les dégats. Et s’il n’y a pas une situation irréversible dans les dégats et dans le processus de la destruction de l’humanité. Actuellement, le régime, le système actuel, il est à bout de souffle. Cet argent qui a étouffé tout le monde, il s’étouffe lui-même aujourd’hui. Et il ne faut pas le laisser mourir tout seul. Il faut l’aider à mourir et le combattre mais la relève est là et croyez moi, l’alternative elle est prête, elle est là !

X D - Elle est prête. Vous posez les choses avec beaucoup de sens : sur la monnaie par exemple, c’est très fort ce que vous dites ! Vous ne vous érigez pas en expert économique mais vous ramenez les choses à leur juste dimension. Mais la gauche quand même se laisse impressionner par un discours qui devrait être un discours désuet, tant la réalité est à l’opposé de l’idéologie dans ses effets tout à fait néfastes. Cette capacité d’indignation, la gauche semble l’avoir perdue – enfin la gauche, peut être pas la base… On dirait qu’il y a une banalisation, une intériorisation de l’idéologie de la droite, des néo-conservateurs ! et c’est d’autant plus révoltant qu’on a besoin de ce discours que vous tenez !

Danielle Mitterrand – Mais oui, c’est sans doute parce que nos représentants ne représentent pas la gauche. Ils représentent une ambition du pouvoir dont la gauche n’est pas du tout- comment dirais-je? – inspiratrice.

Quand on parle de démocratie participative, bien sûr on ne veut pas implanter une démocratie directe parce que ça serait l’anarchie mais on veut avoir des représentants, mais des représentants qui entendent les aspirations ! Or aujourd’hui, nos représentants ils ne pensent qu’à leur ambition carriériste ! Donc c’est pour ça, que l’on ne se reconnaît pas du tout en eux !

« Mais, en tout cas, l’Europe telle qu’on nous la propose actuellement, elle est inacceptable ! C’est vraiment l’Europe de l’argent »

X D - Une question – et je conçois bien qu’elle est peut être délicate-. Vous avez beaucoup parlé de l’Europe dans votre livre, vous avez parlé de votre position lors du référendum de mai 2005. Aujourd’hui, analysez-vous comme un déni de démocratie le fait qu’il n’y ait pas de référendum pour l’adoption de ce prétendu nouveau traité ?

Danielle Mitterrand – Je crois que les premiers intéressés sont quand même les populations ! Et si on ne leur demande pas leur avis, ça n’a plus rien de démocratique. C’est un point de vue à débattre. On peut dire aussi que les assemblées sont des représentations du peuple. Bon, ça c’est un autre débat. Mais, en tout cas, l’Europe telle qu’on nous la propose actuellement, elle est inacceptable ! C’est vraiment l’Europe de l’argent essentiellement, l’Europe économique. Moi l’Europe dont j’ai rêvé pendant la guerre et dont rêvaient ceux qui l’ont inspirée – les Schuman, les Monnet, François, c’était une Europe des peuples, ce n’était pas une Europe de l’argent, ce n’était pas une Europe des banques, ce n’était pas une Europe des entreprises, ce n’était pas une europe économique.

L’économie vient au service de la politique. Elle ne peut pas diriger la politique. Aujourd’hui c’est ce qui se passe. On est dans une telle aberration que ça ne peut pas durer, ça ne peut pas durer ! On peut se leurrer encore pendant quelque temps…

Le même discours est tenu depuis des années et des années et on s’aperçoit que ça donne les mêmes effets négatifs.

L’Homme est intelligent – il est réputé comme tel-. Il va bien se dire à un moment ce n’est pas cette politique, ce n’est pas ce système qui peut nous amener à une organisation de la société possible. Je crois en l’instinct de conservation de la vie.  C’est ça qui va permettre de relever le défi. Quand on va voir que tout ce qu’on organise c’est pour la mort, il arrivera bien un moment où on se dira mais on veut vivre !

X D - En vous lisant, on s’en convainc et ça nous donne de la force pour contiuer. Alors, c’est ma dernière question : qu’est-ce qu’on peut faire aux côtés de votre fondation très concrètement pour ceux qui voudraient agir. ?

Danielle Mitterrand – Il faut tenir un discours qui entraîne les gens à résister au système actuel et puis pas seulement en mots mais en actions. Et aujourd’hui tous les jours il y a une possibilité de réagir contre ce système. Moi je ne spécule pas. Je n’ai pas une action. Eh bien, que beaucoup de gens fassent comme moi et ils verront que ça finira par changer !

Cet entretien exclusif a été accordé au « blog citoyen, socialiste et républicain » à Mont de Marsan à l’occasion des rencontres dédicaces du samedi 5 janvier 2008.

« Le livre de ma mémoire »; éditions Jean-Claude Gawsewitch; novembre 2007

Danielle Mitterrand cède ses droits d’auteur à la Fondation France Libertés

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