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Créé par sr07 le 18 fév 2017 | Dans : Santé-social-logement
13 févr. 2017 — Le débat sur la Sécurité sociale est souvent dramatisé et biaisé. Quatre idées fréquemment avancées doivent être réfutées :
1. La France dépense plus que les autres pays développés en matière de santé. Faux !
D’après les statistiques officielles de l’OCDE, nous étions en 2015 en 6ème position avec une dépense de 11% du PIB, derrière les Etats Unis 16.9%, la Suisse 11.5%, le Japon 11.2%, la Suède et l’Allemagne chacune avec 11.1%. Et en dépense de santé par habitant, nous sommes à la 13ème place avec 4367 dollars loin derrière les USA avec 9024 dollars et l’Allemagne avec 5119 dollars.
2. La France est le pays qui consomme le plus de médicaments. ça a été vrai mais ça ne l’est plus.
Depuis 10 ans nous avons rejoint le taux moyen des pays de l’OCDE avec une dépense totale de médicaments (ville /hôpital, médicaments remboursables) de 34.3 milliards d’euros (dont 0.2 milliard pour l’homéopathie) auxquels il convient d’ajouter 4 milliards de médicaments non remboursables. Les médicaments représentent environ 20% des dépenses, mais nous continuons à être de très forts « consommateurs » d’antibiotiques et d’anxiolytiques.
3. L’augmentation du reste à charge (franchises, forfaits, dépassements d’honoraires non remboursés, soins dentaires, auditifs ou d’optique mal remboursés) « responsabilise » les patients en les amenant à renoncer à des consultations inutiles. FAUX ! Une enquête de l’IRDES (institut de recherche et documentation en économie de la santé) d’octobre 2010 avait montré que l’effet des franchises touchait essentiellement les personnes ayant de faibles revenus aggravant leur renoncement aux soins. L’augmentation du reste à charge (RAC) ne diminue pas significativement la « consommation » de soins inutiles, mais elle augmente très significativement les inégalités sociales de santé. Plus encore, plusieurs études portant sur des maladies chroniques évolutives comme le diabète où la prévention des complications est essentielle, ont montré que la gratuité des traitements est un facteur d’amélioration de l’observance. L’étude la plus démonstrative a été rapportée en 2011 dans le célèbre New England Journal of medicine. Elle portait sur près de 6000 patients ayant fait un infarctus du myocarde. Par tirage au sort la moitié des patients ont bénéficié d’un traitement gratuit et ont été comparé à un groupe contrôle ayant un reste à charge mensuel en moyenne de 50 dollars. La gratuité a entraîné une meilleure observance des traitements et en conséquence une réduction des récidives d’accidents cardiovasculaires de 14% et finalement un coût moyen moins élevé pour les patients du groupe « gratuité des médicaments » que pour les patients du groupe « reste à charge usuel », même si cette différence n’atteignait pas la significativité statistique. Cette conclusion peut être généralisée à toutes les pathologies chroniques évolutives et justifie la prise en charge à 100% par la Sécurité sociale des 10 millions de patients reconnus en affection de longue durée (ALD) .Le reste à charge des patients en ALD reste malgré tout important, plus du double de la moyenne des patients . Seule une vision comptable à courte vue explique que des responsables gestionnaires aient en 2011 retiré de la prise en charge à 100%, 1 million de personnes ayant une hypertension artérielle sévère. Cette décision se traduira dans les années à venir par plus d’accidents vasculaires cérébraux, plus d’insuffisance cardiaque, plus d’insuffisance rénale terminale : crime de papier parfait qui restera impuni !
4 On croît communément que la concurrence est le moyen le plus sûr d’obtenir la meilleure qualité au plus bas coût. Faux ! En matière de santé, c’est l’inverse que l’on observe. La libre concurrence ne fait pas baisser les prix, elle les augmente, qu’il s’agisse des dépassements d’honoraires ou des tarifs des assurances privées (mutualistes ou à but lucratif).L’augmentation des uns entretient l’augmentation des autres. « Vous avez une bonne mutuelle ? » est devenue une question rituelle posée par le médecin spécialiste à son patient. En effet la santé est un bien supérieur. Et chacun est prêt à payer plus pour la santé, si ce n’est pour la sienne du moins pour celle de ses enfants, de son conjoint ou de ses parents. Quant à la personne malade ou qui se croît malade, c’est une personne anxieuse facilement manipulable. C’est pourquoi les médecins prêtent serment de ne pas abuser de cette asymétrie relationnelle En la matière, le concept de patient « consommateur éclairé », informé grâce à internet, faisant le choix du juste soin au moindre coût sur « le marché de la santé », est un mythe répandu par certains économistes libéraux. Ce mythe est utilisé par les assureurs privés qui proposent aux patients de faire le bon choix à leur place, en organisant leurs propres réseaux de soins remettant en cause l’indépendance professionnelle des médecins. On sait ce qu’il en est aux USA où ce modèle est appliqué : les dépenses y sont les plus élevées et les résultats les plus médiocres.
Un système de santé égalitaire et solidaire n’est pas qu’une chance pour les pauvres. C’est aussi une chance pour les riches d’être soignés aussi bien que les pauvres, c’est-à-dire en fonction de leurs besoins !
Pr André Grimaldi au nom du Collectif pour une santé égalitaire et solidaire
Créé par sr07 le 04 déc 2016 | Dans : Santé-social-logement
Irène Frachon est médecin pneumologue et lanceuse d’alerte. Elle a joué un rôle de lanceur d’alerte dans l’affaire Mediator en constatant dès 2007 des cas d’atteintes cardiaques chez les patients prenant ce produit, ce qui l’a conduite à lancer une étude épidémiologique sur les effets du Mediator. Audition avec le parti de gauche octobre 2016
https://www.youtube.com/watch?v=uCtMHWLCvHo
https://www.bastamag.net/Irene-Frachon-Dans-l-affaire-du-Mediator-les-criminels-ne-sont-toujours-pas
par Sophie Chapelle 1er décembre 2016
Propos recueillis par Sophie Chapelle, avec Simon Gouin
Photo : CC Utherian.
Suite au décès de certains de ses patients, victimes d’hypertensions artérielles, Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, commence à mener une enquête médico-policière sur le Mediator dès 2007. Avec l’aide de collègues, elle parvient à prouver les effets toxiques de ce médicament et contraint le laboratoire Servier à le retirer de la vente en 2009. Sept ans plus tard, la bataille est loin d’être terminée : le procès pénal se fait toujours attendre, et les victimes peinent à se faire indemniser. A l’occasion de la sortie du film La fille de Brest (170 000 entrées en une semaine), qui raconte cette affaire, Basta ! s’est entretenu avec une lanceuse d’alerte déterminée, pour ses patients, à mener la bataille jusqu’au bout.
Basta ! : « Après la révélation du scandale, c’était bien pire que ce que j’avais imaginé », dites-vous. Jusqu’à aujourd’hui, combien de malades ont-ils été touchés par le Mediator ? Combien ont été indemnisés ?
Irène Frachon : Le Mediator était commercialisé depuis 1976, une grande partie des victimes sont donc disparues aujourd’hui. L’alerte a été donnée en 2009-2010 et les gens qui se manifestent aujourd’hui forment la pointe émergée de l’iceberg. Environ 2 800 patients ont à ce jour été reconnus officiellement comme victimes du Mediator, quelques centaines ont eu de lourdes opérations cardiaques à cœur ouvert et quelques dizaines en sont morts. Sachant que les morts qui sont reconnus aujourd’hui individuellement sont souvent décédés après 2009… Mais on estime que le Mediator a provoqué la mort de 2 000 patients. Ainsi que des dizaines de milliers de victimes de maladies cardiaques. C’est monstrueux.
Comment se fait-il qu’il n’y ait toujours pas eu de procès pénal contre le laboratoire Servier, qui produisait ce médicament ?
Parce que les mécanismes de défense des criminels en col blanc sont à l’œuvre. Ces derniers, quand ils sont incriminés ou mis en examen, paient des cabinets d’avocats très prestigieux, des pénalistes-virtuoses. Ils dépensent sans compter pour que ces cabinets d’avocats fassent jouer de manière dévoyée tous les droits de la défense. Sur les aspects procéduraux, ce sont des contestations multiples, des demandes d’annulation et de contre-expertise, des contestations devant la chambre de l’instruction, puis devant la cour de cassation, et ainsi de suite. Ils essaient de mettre en route un cercle infernal de contestation qui empêche la justice d’avancer. Ils font feu de tout bois sur le plan procédural puisque sur le fond, ils sont à poil, et ils le savent. Lire la suite »
Créé par sr07 le 22 nov 2016 | Dans : Santé-social-logement
A l’occasion de la sortie du film d’Emmanuelle Bercot « La fille de Brest », mercredi 23, inspiré de son parcours, la pneumologue revient sur ce qui l’a menée à lancer le scandale du Médiator.
LE MONDE | 20.11.2016 à 07h37 • Mis à jour le 20.11.2016 à 09h07 | Propos recueillis par Pascale Krémer
… si l’exemple d’Albert Schweitzer n’avait pas éveillé ma vocation médicale, si mon éducation protestante n’avait pas éveillé l’attention que je dois porter à mon prochain, et si mes deux grands-pères n’avaient pas éveillé mon sens du devoir. Pendant la guerre, ils ont tous les deux fait ce qu’ils avaient à faire, à leurs risques et périls. Voilà mes fondamentaux.
Ces deux grands-pères ont-ils fait votre admiration ?
Mon grand-père bien-aimé, l’amiral Meyer, a sauvé La Rochelle et Rochefort en établissant un dialogue avec le commandant en chef allemand de la région, un Prussien, lui aussi protestant. C’était très périlleux, il a été traité de « collabo », il a échappé à un attentat…
Mon grand-père paternel, le banquier Jacques Allier, qui travaillait dans ce qui deviendrait plus tard Paribas, avait tissé des liens étroits avec la Norvège, et s’est vu chargé de récupérer les stocks d’eau lourde de ce pays. Lui a échappé à un détournement d’avion, mais il a ramené le stock.
Ces deux grands-pères ont été inspirants, pas plombants, parce qu’ils étaient adorables et bienveillants. En 2010, quand j’ai publié mon livre (Mediator 250 mg, combien de morts ?), j’ai vraiment eu la trouille, j’allais m’attirer des ennuis, des ennemis. Mais j’ai pensé à ces deux grands-pères qui avaient sûrement eu peur, au même âge que moi. Et eux risquaient leur peau ! Ils m’ont donné le courage d’agir.
Votre enfance fut donc bourgeoise et protestante.
Oui, j’ai été élevée dans un milieu cultivé, avec deux parents ingénieurs qui s’entendaient bien. Je passais l’été avec mes cousins dans notre fief familial de Charente-Maritime, un endroit enchanteur, au milieu des poneys, des poules, des vaches. J’allais à l’école biblique et au culte, régulièrement – je suis restée pratiquante, même si je n’ai plus trop le temps. J’étais une élève brillante mais parfois un peu grande gueule, pas toujours très fine. L’affaire du Mediator m’a adoucie. J’ai trouvé un exutoire à mon agressivité !
D’où votre admiration pour le docteur Schweitzer vient-elle ?
A l’école biblique, on nous parlait d’hommes exemplaires comme Martin Luther King, ou Albert Schweitzer et son extraordinaire empathie, sa bonté. J’ai fait médecine pour ça, l’humanitaire. J’ai pris une année sabbatique pendant mon internat, je suis partie six mois à la frontière birmano-thaïlandaise. Ce furent six mois fondateurs dans ma vie. En pleine épidémie de choléra, parmi des gens que l’on tente d’aider, et surtout dont on reçoit beaucoup, le partage d’humanité est inoubliable. Je ne serais pas revenue si je n’étais pas déjà mariée. Mais, lors d’un stage d’alpinisme à l’UCPA, j’avais rencontré un charmant grimpeur, ingénieur hydrographe pour la marine, alors…
Pourquoi avoir choisi la pneumologie ?
Pendant mes études, j’étais fascinée par la chirurgie, mais, au fil du temps, je me suis dit que si je voulais des enfants et une vie de famille, ce n’était pas le mieux. J’ai fait un stage en pneumologie, à l’hôpital Foch de Suresnes, auprès d’une équipe de médecins remarquables qui m’ont suggéré de me spécialiser en greffe pulmonaire. J’ai donc fait un DEA de transplantation d’organes, j’ai exercé deux ans à l’hôpital Foch. Puis j’ai suivi mon mari à Brest.
J’avais déjà deux enfants, je travaillais comme une bête, je ne voulais pas me laisser engloutir. Je suis partie avec en tête un schéma de vie idéale. J’aurais mes mercredis pour les enfants (j’en ai eu deux de plus là-bas), pour les goûters d’anniversaire, j’irais voir des spectacles… Puis cette histoire du Mediator m’est tombée dessus.
Comment ?
Pendant mon internat, en 1990, j’avais travaillé à l’hôpital Antoine-Béclère. Les médecins étaient hors d’eux parce qu’ils s’apercevaient que l’Isoméride, un coupe-faim des laboratoires Servier, était à l’origine d’hypertensions artérielles pulmonaires mortelles. Cela m’avait horrifiée, ce produit commercialisé dont mes chefs me disaient qu’il était extrêmement dangereux, et Servier qui ne voulait rien savoir.
En 2007, l’hôpital de Saint-Brieuc m’a adressé à l’hôpital de Brest un patient avec la même pathologie, sous Mediator. Moi qui suis lectrice de la revue Prescrire, je suspectais que c’était une molécule dérivée de l’Isoméride. J’ai mené une enquête médico-policière pendant trois ans, à partir de 2007, et j’ai découvert qu’Isoméride et Mediator, c’était bonnet blanc et blanc bonnet.
J’ai prouvé que les effets toxiques étaient logiquement semblables et que le laboratoire Servier, qui commercialisait le Mediator depuis 1976, ne pouvait ignorer en 2007 que c’était de la mort-aux-rats. Il avait occulté des informations. J’avais l’impression d’être dans un thriller. J’exhumais les dossiers des morts comme on sort les cadavres du placard. J’ai déterré un charnier. J’avais une rage ! Je ne suis pas un médecin empêtré dans une empathie excessive, mais quand on réalise que des gens sont délibérément empoisonnés, c’est insupportable !
Cette période, jusqu’au retrait de Mediator de la vente (en 2009) et la publication de votre livre (fin 2010), dont la presse se fait l’écho, comment l’avez-vous vécue ?
J’ai tiré un fil, j’ai reçu l’armoire, puis l’immeuble en pleine face. Cette histoire m’a percutée. Je suis devenue totalement obsessionnelle, rien d’autre ne comptait, cela a envahi mon champ de pensée, vidé ma vie de toute sa substance. J’ai toujours oublié mes enfants un peu partout, mais, là, c’était pire que tout… Cela a été dur pour eux. Je ne m’en occupais plus beaucoup, je ne les écoutais plus. Ma dernière, qui avait 7 ans à l’époque, m’en fait encore le reproche à 17 ans.
Et il y avait cette ombre qui pesait… Quand le sous-titre du livre a été censuré, l’un de mes fils a fondu en larmes en classe. « Ma maman va aller en prison. » Cette histoire les a marqués. Ils veulent tous être médecin, pharmacien ou chercheur en biologie, mais ils posent un regard très critique sur la recherche du profit.
En fait, je suis née deux fois : le 26 mars 1963, puis avec l’affaire du Mediator, qui a été une rupture gigantesque. Avec ce combat, c’est comme si je remboursais une dette sociale, mon enfance douce, ma vie extrêmement privilégiée auprès d’un charmant mari, polytechnicien comme mon père.
La médiatisation de l’affaire, en novembre 2010, a dû être une tornade également.
C’était surtout un soulagement. C’était libératoire, jouissif de dénoncer les agissements de ce labo devant toutes les télés de France. Moi qui ne suis pas très courageuse, pas une militante, j’avais eu la trouille. Trouille de me planter scientifiquement, d’être attaquée par Servier pour le livre. Et, quand il a obtenu la censure du sous-titre, j’ai été anéantie de voir que la justice ne me protégeait pas.
A l’époque, on ne parlait pas encore de « lanceurs d’alerte ». La première fois que j’ai rencontré ce mot, c’était en anglais, « whistle blower », dans un mail injurieux à mon encontre d’un expert de l’Agence nationale de sécurité du médicament. J’étais celle « qui se prenait pour un whistle blower ». Je suis allée voir la définition sur Wikipedia, et j’ai compris que, oui, je me prenais exactement pour ça.
Avez-vous parfois regretté d’être cette lanceuse d’alerte ?
Jamais, jamais, jamais, même pas une seconde. Je n’ai pas fait un sacrifice, juste ce que j’avais à faire, je n’avais pas le choix, c’est une question d’éducation. Je devais tendre la main à ceux qui se noyaient. Mais, aujourd’hui, je voudrais que cela s’arrête. J’aspire à retrouver ma vie d’avant. Cette affaire est un cauchemar sans fin.
Quand les médias s’en sont emparés, je me suis dit que j’avais fait le job, les politiques s’en saisissaient, une instruction était ouverte, une loi d’indemnisation votée. Je me suis dit qu’on avait des institutions pour s’occuper de ce crime désormais connu. J’étais convaincue que j’allais recommencer à faire de la voile avec mes enfants.
Ce retour à la vie d’avant n’a-t-il pas eu lieu ?
Non, je passe mes week-ends sur les dossiers. Depuis 2012, tout dysfonctionne. Deux ans après l’euphorie, lorsque l’affaire a éclaté, cela a été la gueule de bois. Si je ne m’en occupe pas en permanence, le couvercle se referme, des cabinets d’avocats entiers ralentissent la justice, l’indemnisation correcte des victimes… Je dois me battre dossier par dossier, et il y en a des milliers ! Et le procès pénal s’éloigne sans cesse. Je sais que j’y consacrerai les dix ans qui me restent de carrière.
Vous continuez d’exercer à l’hôpital de Brest…
Oui, je jongle entre les deux. Mon agenda est sans cesse perturbé, mais, avec mes patients, rien n’a changé. Enfin si, ils m’en parlent tout le temps. Ils sont très reconnaissants. Dans la rue aussi, on m’arrête, on me remercie, on me touche. C’est émouvant. Les gens me disent de continuer, de ne rien lâcher, qu’ils sont derrière moi. Ils me voient comme une citoyenne en lutte contre le système qui les écrabouille. Ils savent que je suis de leur bord. Alors que je suis un peu « bourge », quand même…
Ressort-on différente d’une telle épreuve ?
Mon regard sur le milieu médical a changé. J’ai été soutenue dans mon hôpital, lors de mes investigations. En 2011, quand je passais mon temps au ministère de la santé, mon patron, chef de la pneumologie, a pris toutes mes consultations. Mais j’ai découvert le poids du complexe médico-industriel. La trahison des élites médicales, qui sont dans un déni de réalité par rapport au Mediator. Selon elles, il aurait fait 10 morts et non 2 000 comme validé par l’instruction pénale – moi je pense qu’ils sont encore plus nombreux.
N’avez-vous été aucunement soutenue par vos pairs ?
Si la collaboration avec les laboratoires se faisait réellement sous réserve d’une exigence éthique minimale, le lendemain de l’affaire, mes confrères auraient dû renoncer à tout partenariat avec Servier jusqu’à ce que les victimes reçoivent une indemnisation satisfaisante. Or, jamais le corps médical, l’Académie de médecine, les sociétés savantes, n’ont demandé la moindre restriction de ces liens. Seuls quelques « grands » médecins (Didier Sicard, Rony Brauman, Axel Kahn…) ont signé avec moi l’été dernier un manifeste pour protester contre la persistance indécente de cette collusion avec Servier.
Les politiques m’ont été plus favorables qu’une certaine nomenklatura médicale qui a fait de moi un « personnage médiatique » pour me déconsidérer, comme si les médias étaient une fin, et non un moyen. La souffrance des victimes, ils s’en fichent au-delà de l’imaginable. J’ai découvert que le corps médical s’était laissé dévoyer par sa quête d’argent, de pouvoir et d’honneur. C’est pour cela que j’ai refusé la Légion d’honneur. Pour ne pas faire comme eux.
N’avez-vous pas craint que la sortie du film d’Emmanuelle Bercot, « La Fille de Brest », que vous avez inspiré, n’alimente ces critiques quant à votre médiatisation ?
Je me fiche de mon image publique. A Dieu seul la gloire (Soli deo gloria), voilà ce que je lisais sur les partitions de Bach lorsque j’avais le temps de jouer de l’orgue à l’office. Si l’indemnisation des victimes et le procès doivent passer par une exposition médiatique, s’il faut un film, du théâtre, un opéra, on y va, je l’assume ! Moi, je dois m’occuper des victimes, aller jusqu’au bout avec elles. Que je sois glorifiée ou dénigrée n’a pas d’importance.
Ce film est réaliste, palpitant. Et très porteur. C’est une autre façon de témoigner qui est majeure pour contrer le déni de réalité de trop de médecins, et du laboratoire. Le film montre la souffrance des victimes, l’horreur du crime, il y a même une scène d’autopsie très importante. Il montre aussi combien les autorités de santé ont failli à leur mission. Je suis très sollicitée par les étudiants en médecine pour des projections-débats. Je fais parfois 1 000 kilomètres en voiture, mais j’y vais. Et on débat deux heures avec passion.
Que ferez-vous des droits d’adaptation du livre que vous avez touchés, pour ce film ?
J’ai reçu 250 000 euros. Un tiers a été versé à une fondation qui forme des visiteurs pour les hôpitaux. Le reste, c’est mon trésor de guerre, car la guerre n’est pas terminée… J’ai ouvert un « compte Mediator » qui finance mes déplacements, qui paye un appel, le transport d’un corps pour autopsie, d’une victime pour un examen spécialisé, ou simplement pour qu’elle aille rendre visite à ses enfants qui habitent au loin alors qu’elle attend depuis six ans son indemnisation… Les victimes du Mediator ont de petits moyens. Elles sont piétinées, sans pitié, par Servier.
Propos recueillis par Pascale Krémer
« La fille de Brest » d’Emmanuelle Bercot, avec Sidse Babett Knudsen et Benoît Magimel, sur les écrans mercredi 23 novembre.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/sante/article/2016/11/20/irene-frachon-avec-le-mediator-j-ai-deterre-un-charnier_5034550_1651302.html#STWtebVuh0WVKvtZ.99
Créé par sr07 le 15 nov 2016 | Dans : Santé-social-logement
Le film revient sur les 70 ans de la Sécurité sociale, née en 1945 puis développée sous l’impulsion du ministre communiste Ambroise Croizat. Avant de subir un « effritement de ses principes fondateurs », selon Colette Bec, professeure émérite de sociologie à l’université Paris-V-Descartes, spécialiste de la question, qui apporte son éclairage dans le documentaire.
En savoir plus sur
La sociologue Colette Bec revient sur l’histoire de la « Sécu », à l’occasion de la sortie du documentaire « La Sociale » dans lequel elle apporte son éclairage.
LE MONDE | 14.11.2016 à 12h38 • Mis à jour le 14.11.2016 à 18h45 | Propos recueillis par Adrien Pécout
Quelle est la principale différence entre la Sécurité sociale telle qu’elle existe en 2016 et celle de 1945 ?
Colette Bec : Les différences sont nombreuses, mais il y en a une qui me paraît essentielle : on constate un effritement des principes fondateurs depuis la fin des années 1960. Le déficit, dont on parle beaucoup ces temps-ci, et quasiment devenu un marronnier depuis des années. Il était déjà à l’origine de la réforme de 1967. Cette réforme est, selon moi, la première pierre d’une approche essentiellement comptable, qui va peu à peu reléguer au second rang les finalités politiques et sociales de la Sécurité sociale.
A partir de ce moment-là, on débattra de moins en moins de la place de la Sécurité sociale dans la société, plutôt de sa place dans l’économie. C’est le thème omniprésent du « trou » de la Sécurité sociale et la substitution significative du terme « charges » à celui de « cotisations ». Cette logique n’a fait que s’amplifier depuis. Elle a contribué à déstabiliser et à délégitimer les deux piliers de l’Etat social que sont le droit du travail et le système de Sécurité sociale.
Avant l’existence de la Sécurité sociale, quelles institutions remplissaient cette fonction ?
La question de la protection est évidemment bien antérieure à 1945. Elle est présente tout au long du XIXe siècle, au cœur de la « question sociale ». Cette situation de paupérisme montre que la liberté proclamée en 1789 ne tient pas ses promesses pour une très large part de la population qui est aux marges de la survie, dans une situation d’infériorité sociale, voire d’assujettissement. Cette persistance de la question sociale et des problèmes qui lui sont liés rend patent l’échec de la doctrine libérale comme conception du vivre ensemble, impuissante à faire société.
C’est la IIIe République qui donne une première réponse politique à ce problème. Elle pose qu’il n’y a pas de liberté sans sécurité et pas d’égalité sans solidarité. Elle met en œuvre ce dernier principe au travers de ce qu’on peut qualifier d’ébauche d’une politique sociale de protection. Parmi les grandes lois de cette époque, outre les lois scolaires, sont votées trois grandes lois d’assistance qui tentent d’articuler l’individu et la collectivité.
Quelles sont ces trois grandes lois ?
La loi d’assistance médicale gratuite (du 15 juillet 1893) est considérée comme un prêt envers les malades qui recouvreront leur capacité de travail ; celle sur le service des enfants assistés (du 27 juin 1904) comme un placement envers les enfants qui coopéreront bientôt à l’œuvre commune ; enfin, la loi d’assistance aux vieillards, infirmes et incurables (du 14 juillet 1905) comme le paiement d’une dette envers des personnes qui ont déjà travaillé.
Ces lois traduisent le lien qu’elles contribuent à tisser entre le citoyen et la nation. Elles seront suivies par des lois d’assurance de 1910, celle des retraites ouvrières et paysannes, et surtout la loi de 1928-1930 créant des assurances sociales obligatoires mais pour les seuls salariés de l’industrie et du commerce.
Lors de sa création, en quoi la Sécurité sociale présentait-elle une innovation par rapport à ces lois antérieures ?
L’objectif des lois précitées se limitait à protéger les catégories les plus vulnérables du monde du travail, alors que l’ambition du projet de Sécurité sociale est tout autre : il s’agit de « solidariser » l’ensemble de la société. Pierre Laroque, le premier directeur de la Sécurité sociale [l’un de ses fondateurs avec le ministre communiste Ambroise Croizat], parlait d’une politique de redistribution « tendant à modifier la répartition qui résulte du jeu aveugle des mécanismes économiques ».
Ainsi pensée, la « Sécu » devait prendre place dans un projet politique général : organiser rationnellement une société juste et solidaire. Elle devait être une pièce centrale de ce nouveau cours démocratique en contribuant à l’émancipation des individus, à l’augmentation de l’espérance de vie, au recul massif de la mortalité infantile. C’est en ce sens qu’on peut la qualifier d’institution de la démocratie, une institution qui a transformé profondément notre société.
Quel avenir imaginer pour la Sécurité sociale dans un contexte où le secteur public fait l’objet de privatisations ?
Difficile à dire. Il y a certes un satisfecit largement affiché d’un « sauvetage » de la « Sécu » par une réduction prévue des déficits. Mais on se garde bien d’en préciser les modalités – la situation de l’hôpital et les mobilisations du personnel infirmier et médical de ces derniers jours devraient pourtant nous y inviter…
Mais surtout, il y a le risque d’une véritable réorientation des principes fondateurs du système. D’abord, un processus de dualisation du système qui est à l’œuvre depuis un certain temps. Cela se traduit par le développement d’une sphère à part, une véritable sphère de gestion de la pauvreté (minima sociaux, travailleurs pauvres…) à côté de la protection toujours efficace des travailleurs statutaires.
Ensuite, il y a l’implantation de plus en plus forte d’une deuxième composante du système depuis les années 1970 : les assurances complémentaires. Didier Tabuteau [responsable de la chaire « santé » à Sciences Po] a montré comment le remboursement des soins courants se situe entre 50 et 55% à l’heure actuelle, alors même qu’en 1980 il était de 80%. Ce qui explique que la « complémentaire » soit devenue une nécessité pour avoir accès aux soins.
Cela revient à une réduction de fait de la protection des plus faibles : une part significative de la population française est sans complémentaire, ce qui lui ferme quasiment l’accès aux soins. Et ce qui crée aussi, de fait, un véritable marché de la protection dans lequel le bien fondamental qu’est la santé est ramenée au rang de marchandise, le patient devenant un client. Un marché où entrent en concurrence sociétés mutualistes, compagnies d’assurances et institutions de prévoyance complémentaire.
Créé par sr07 le 19 sept 2016 | Dans : Santé-social-logement
«40% des cancers pourraient être évités si nous changeons nos comportements quotidiens. Le savoir, c’est pouvoir agir». La campagne de sensibilisation lancée conjointement ce lundi par le ministère de la Santé et l’Institut national du cancer (INCa) rappelle un paradoxe bien connu des professionnels de santé: deux cancers sur cinq pourraient être évités grâce à une hygiène de vie supprimant des facteurs de risques bien identifiés et faisant la part belle à des comportements vertueux.
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